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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENLa bourga<strong>de</strong> littorale, conquise le 13 <strong>ma</strong>i 1839, par nos soldats,en un assaut mémorable où s'illustra Saint­Arnaud, détruite le 21août 1856 par un tremblement <strong>de</strong> terre, atteinte plus récemmentpar le cyclone du 17 août 1938, avait déjà été gravement menacéeen 1871, lors <strong>de</strong> l'insurrection déclenchée par Mokrani.Depuis, les dégâts causés par la nature et par les hommesavaient été réparés. Sous l'impulsion <strong>de</strong> réalisateurs admirablesdans l'ordre économique, la cité agrandie possè<strong>de</strong> une banlieue quiprovoque les éloges <strong>de</strong>s touristes et <strong>de</strong>s étrangers. On a créé là —au prix d'un effort soutenu, considérable, <strong>de</strong> la richesse publique,et privée, qui assure aux autochtones <strong>de</strong>s travaux agricoles etforestiers importants et per<strong>ma</strong>nents, c'est­à­dire une existence àl'abri <strong>de</strong>s soucis <strong>de</strong> l'avenir. Des routes sillonnent la campagne,œuvre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux représentants qui ont droit à la reconnaissance dupays : MM. Barbe<strong>de</strong>tte et Morinaud.Le 8 <strong>ma</strong>i 1945, au <strong>ma</strong>tin, la population française <strong>de</strong> Djidjellivit, avec étonnement, les abords <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>irie brusquement envahispar <strong>de</strong>s milliers d'indigènes (3 à 4.000), for<strong>ma</strong>nt <strong>de</strong>s groupesporteurs <strong>de</strong> bannières offensantes pour l'autorité. On lisait sur lesban<strong>de</strong>roles : « Libérez Messali ! »« Vive l'indépendance ! », etc.La <strong>ma</strong>nifestation, évi<strong>de</strong>mment préorganisée, avait prisnaissance à l'oasis, point situé à environ 1.500 mètres <strong>de</strong> Djidjelli,et elle se présentait, menaçante, entourant les notables <strong>de</strong> la ville etpoussant <strong>de</strong>s cris divers.Le programme officiel <strong>de</strong>s réjouissances comportait la visite aumonument aux morts. De la <strong>ma</strong>irie, on pouvait accé<strong>de</strong>r aumonument soit par l'avenue Vivonne, soit par l'avenue Gadaigne.Ce <strong>de</strong>rnier trajet est long <strong>de</strong> 500 mètres. Le premier <strong>de</strong> 300 mètres.La foule indigène, obéissant à un mot d'ordre, se précipita tout àUN DRAME ALGERIENcoup sur la rue Gadaigne, pendant que les autorités empruntaientla rue Vivonne. Justement inquiète, la municipalité, la police d'Étatet la police départementale, responsables <strong>de</strong> l'ordre, firent suivreles <strong>ma</strong>nifestants par un détachement <strong>de</strong> Sénégalais, tandis qu'unautre détachement accompagnait le cortège officiel et prenaitposition au monument aux morts.Les autorités furent étonnées <strong>de</strong> trouver près du monument, unefoule <strong>de</strong> femmes indigènes, venues là sans aucun doute, par ordre.On sait le rôle joué par les femmes berbères dans les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong>troubles — les you­yous excitant les <strong>ma</strong>nifestants et les poussantaux gestes exagérés. Il y avait donc préparation à <strong>de</strong>s événementsgraves. Les soldats n'étaient pas pourvus <strong>de</strong> cartouches. Ils nepouvaient, le cas échéant, que faire usage <strong>de</strong> leurs baïonnettes.Mais les indigènes ignoraient ce détail.La foule, dans un désordre tumultueux, arriva bientôt,bannières déployées. Le <strong>ma</strong>intien <strong>de</strong> l'ordre exigeait uneintervention. Elle eut lieu, <strong>de</strong> façon calme, <strong>ma</strong>is impérative, surl'initiative <strong>de</strong> M. le commissaire Bouquet, chef <strong>de</strong> la police d'État,qui inti<strong>ma</strong> l'ordre aux <strong>ma</strong>nifestants <strong>de</strong> lui livrer les ban<strong>de</strong>rolesprovocatrices. Des cris s'élevèrent : on refusait d'obéir. M. Bouquetréitéra son ordre, en s'adressant personnellement à M. Ben­khalef,conseiller général indigène. Ce <strong>de</strong>rnier répondit : « Ils refusent ! »— Je vais employer la force ! prévint le commissaire. <strong>Un</strong> défitrès net partit <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>sse : « Employez la force ! »<strong>Un</strong>e hésitation pouvait aggraver brusquement les choses. M.Rouquet donna <strong>de</strong>s ordres. Les Sénégalais mirent baïonnette aucanon et s'ébranlèrent, les <strong>de</strong>ux détachements prenant la foule <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux côtés. Ce fut alors une fuite éperdue <strong>de</strong>s perturbateurs.134135

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