UN DRAME ALGERIENPendant une se<strong>ma</strong>ine, les Français <strong>de</strong>s fermes, <strong>de</strong>s exploitationsminières et <strong>de</strong>s habitations isolées en plein bled, appelés en hâteau bordjrefuge, eurent leur part d'émotions et <strong>de</strong> tristesses. Ilsvécurent <strong>de</strong>s heures d'angoisses et <strong>de</strong> douloureuses surprises.Fort heureusement pour la population menacée, la communeétait administrée par un chef qui sut s'entourer <strong>de</strong> collaborateursanimés <strong>de</strong> l'esprit du <strong>de</strong>voir.C'est dans les moments <strong>de</strong> dangers collectifs que se révèlent lestempéraments et les caractères.Mme Brives, née Nicolas épouse <strong>de</strong> l'Administrateur en chef,fit preuve <strong>de</strong> courage et <strong>de</strong> dévouement en recevant les familles<strong>de</strong>s réfugiés, et nombreux sont ceux qui font l'éloge du réconfortqu'elle apporta à tous par son accueil et son exemple.Les journaux sont restés muets sur le <strong>drame</strong> qui, cinq joursdurant, s'est déroulé à l'est <strong>de</strong> Bougie, et au cours duquel près <strong>de</strong>450 personnes n'ont échappé à un <strong>ma</strong>ssacre que grâce à uneorganisation qui a su donner son résultat <strong>ma</strong>ximum. Il y a eu <strong>de</strong>smorts à déplorer comme partout où a sévi la vague <strong>de</strong> barbariedans ce que l'on est convenu, d'appeler le « Constantinois ».Plusieurs doivent à leur impru<strong>de</strong>nce le sort dont ils ont été les<strong>ma</strong>lheureuses victimes. Ceux qui ont répondu à temps à l'appel quileur était adressé par les chefs <strong>de</strong> la commune ont eu la vie sauve.A Cap Aokas, comme ailleurs, en beaucoup d'endroits, ladémonstration a été faite que le courage français a su éviter le pire,chaque fois qu'il a été possible aux victimes <strong>de</strong> se retourner pourfaire face à l'ennemi.Parmi les hommes qui ont apporté à M. Brives unecollaboration utile, souvent précieuse, nous <strong>de</strong>vons citer : sonadjoint, M. Hosteins, dont l'activité courageuse et l'initiative ne sedémentirent pas un instant ; un colon, M. Aubertier qui estlieutenant <strong>de</strong> réserve et fut chargé, à ce titre, <strong>de</strong> l'organisation <strong>de</strong> la102UN DRAME ALGERIENdéfense locale ; et <strong>de</strong> nombreuses personnes, civiles ou militairesqui ont dû faire l'objet, nous n'en doutons pas, <strong>de</strong> citationsélogieuses.L'éveil avait été donné, le 8 <strong>ma</strong>i, vers 17 heures, par le passage,à Cap Aokas, <strong>de</strong> M. Deschanel, entrepreneur <strong>de</strong> transports, dont lavoiture était suivie par un car <strong>de</strong> secours, <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndé à Bougie pourremplacer le car <strong>de</strong> service attaqué en cours <strong>de</strong> route.A 20 heures, M. Deschanel revenait, remorquant le carendom<strong>ma</strong>gé. Il donna <strong>de</strong>s détails sur l'attaque qui s'était produiteaux Amouchas, et les rumeurs qui couraient sur les événements <strong>de</strong>Sétif. <strong>Un</strong> voyageur, <strong>de</strong>scendu à Cap Aokas, confir<strong>ma</strong> le récit.Le 9 <strong>ma</strong>i, <strong>de</strong> bon <strong>ma</strong>tin, on prenait <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> défense.On prévenait les Français <strong>de</strong>s fermes environnantes, en leurconseillant <strong>de</strong> se replier à la moindre alerte. Le bordj était mis enétat <strong>de</strong> défense et d'approvisionnements. Ce bordj est composé <strong>de</strong>plusieurs immeubles. C'est un groupement <strong>de</strong> constructionsdésigné sous le nom général <strong>de</strong> Cité Administrative d'Aokas.<strong>Un</strong> détachement militaire passe. Il se dirige sur Souk El Tenine,embranchement <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Kerrata. <strong>Un</strong>e reconnaissance <strong>de</strong>gendarmerie va prospecter les gorges <strong>de</strong> l'oued Agrioun. Elleconstate que le pont qui enjambe le gouffre, à 4 kilomètres <strong>de</strong>Kerrata, est fortement occupé par les rebelles. M. Brives est <strong>de</strong>l'expédition.A 11 heures, <strong>de</strong>ux cars, transportant <strong>de</strong>ux sections <strong>de</strong> tirailleurs,s'avancent dans les gorges. Ils rencontrent un barrage. Il y a unarrêt forcé. On échange <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu. Par les crêtes escarpées,les rebelles encerclent le détachement qui, vers 14 heures, sedégage difficilement et revient à Souk El Tenine, occupé par <strong>de</strong>sgendarmes.A 16 heures, la population française <strong>de</strong> la commune mixte estréunie au bordj administratif d'Aokas. Des armes et <strong>de</strong>s munitions103
UN DRAME ALGERIENsont distribuées aux hommes. Des groupes sont formés pourassurer un service <strong>de</strong> patrouilles.On déplore l'absence <strong>de</strong> plusieurs personnes. La nuit, consacréeà l'organisation <strong>de</strong> la défense, est assez calme.Le 10 <strong>ma</strong>i, on apprend que <strong>de</strong>s concentrations d'émeutiers ontlieu à peu <strong>de</strong> distance. On évalue leur effectif à un millier <strong>de</strong>personnes environ.On conserve la communication sur Souk El Tenine. A 9 heures,<strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu y ont été tirés sur la troupe.De Mansouria, M. Clanet, adjoint spécial, a annoncé, la veille,qu'ayant obtenu <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> guerre, il assurait la sécurité ducentre par <strong>de</strong>s patrouilles.C'est le 10 <strong>ma</strong>i que <strong>de</strong>ux compagnies, avec les capitainesArbola et Guarzulino, se portent au secours <strong>de</strong> Kerrata, en partant<strong>de</strong> Souk El Tenine. Il va falloir percer le passage <strong>de</strong>s gorges, et ilfaut s'attendre à <strong>de</strong>s résistances. On est décidé. On échange <strong>de</strong>scoups <strong>de</strong> feu. Tout à coup, on voit arriver un détachement <strong>de</strong> laLégion Étrangère. On a donc fait la jonction. Kerrata est délivrée,après un <strong>drame</strong> horrible, nous l'avons raconté.On liqui<strong>de</strong> les <strong>de</strong>rnières résistances <strong>de</strong>s rebelles dans lesgorges. <strong>Un</strong> légionnaire est blessé mortellement... Vers 15 h. 30, onentend <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu tirés à <strong>de</strong>ux kilomètres <strong>de</strong> Souk El Tenine.Dans la soirée, Cap Aokas semble encerclé.Des patrouilles partent en reconnaissance. Elles reçoivent <strong>de</strong>scoups <strong>de</strong> feu et se replient. L'une dirigée, par M. Hosteins,constate que les routes sont coupées, que <strong>de</strong>s fils téléphoniques,sectionnés, traînent à terre. Le bruit court que 2.000 émeutierss'apprêtent à attaquer Cap Aokas. Le village est évacué par tous lesfrançais. Des groupes militaires arrivent pour participer à ladéfense. La cité administrative abrite 412 civils dont 71 enfants,UN DRAME ALGERIENsous la direction <strong>de</strong> Mme Brives, qui trouve à chacun sa place etdont le <strong>ma</strong>ri secon<strong>de</strong> la défense <strong>de</strong> Souk El Tenine ; on répartit lessalles <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>ison commune et <strong>de</strong>s appartements aux réfugiés. Oncampe au mieux. Les enfants sont particulièrement entourés. Leravitaillement a été assuré par les fermes <strong>de</strong>s environs, au moment<strong>de</strong> leur évacuation, à titre bénévole, et aussi par <strong>de</strong>s réquisitionsopérées partout où la chose a été possible.En l'absence <strong>de</strong> son chef, M. Hosteins, Administrateur ensecond, a organisé <strong>de</strong>s patrouilles auxquelles il participe avec uneactivité re<strong>ma</strong>rquable. M. Chambon, chef du secrétariat, a étédélégué au téléphone qui ne tar<strong>de</strong> pas à être coupé.Le 10 au <strong>ma</strong>tin, le souspréfet <strong>de</strong> Bougie, M. Byr, a réussi àarriver à Souk El Tenine. Il revient à Bougie après s'être renducompte <strong>de</strong> la situation. Il passe à 11 heures à Cap Aokas. Arrivent,en même temps que lui, M. Brives et les Français évacués <strong>de</strong> SoukEl Tenine.Après son départ <strong>de</strong> Cap Aokas, où il ne fait que s'arrêter,survient, vers midi, un détachement <strong>de</strong> 13 fusiliers <strong>ma</strong>rins. Lecamion qui les transporte ai<strong>de</strong> les gendarmes restant à Souk ElTenine à rejoindre le centre <strong>de</strong> la commune mixte.Journée chargée, grosse d'inquiétu<strong>de</strong>. La situation est vraimentgrave. Le téléphone ne fonctionne plus. On a dû couper la ligne.Du bordj, on a envoyé <strong>de</strong>s indigènes dévoués porter versBougie <strong>de</strong>s rapports indiquant l'accroissement du danger. Mais lesémissaires pourrontils passer ? Ne jugerontils pas pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nepas accomplir leur mission et <strong>de</strong> s'arrêter en route ?<strong>Un</strong> mo<strong>de</strong>ste infirmier, âgé <strong>de</strong> 35 ans, nommé Salhi Saïd, seprésente aux chefs <strong>de</strong> la défense. Il expose que si les chemins sontcoupés, il en reste un, accessible, celui <strong>de</strong> la mer. Il offre <strong>de</strong>franchir, à la rame, sur une barque légère, les vingtcinq kilomètres104105
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