UN DRAME ALGERIENAdieu à tous ! Nos assassins sont : Chaabane Messaoud et tousles indigènes du village.« Nos treize noms ont suivi cette déclaration qui constituait untémoignage.« Après cela, M. <strong>de</strong> Fontguyon nous a <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndé <strong>de</strong> faire encommun une suprême prière. Nous nous sommes agenouillés etavons récité un Pater et un Ave Maria, avec la ferveur <strong>de</strong>scondamnés.« Puis nous sommes revenus à nos postes d'observation. Nousavons continué à voir <strong>de</strong>s horreurs. Les <strong>ma</strong>isons, autour <strong>de</strong> nous,étaient en flammes. Les Arabes couraient en tous sens, chargés <strong>de</strong>ballots <strong>de</strong> linge et d'objets volés dans les appartements pillés.Pourtant nous ne cessions <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r nos montres.« A 13 h. 15, tout à coup, nous percevons un crépitement <strong>de</strong>mitrailleuse légère. Cela vient d'assez loin. Nous restons sanssouffle. Étaitce le salut, ou la mort certaine qui venait vers nous ?« <strong>Un</strong>e mitrailleuse lour<strong>de</strong> fait alors entendre son crépitement,un peu plus près. Nous voyons les indigènes se sauver en criant :Djebel! Djebel!... la montagne !« Quelques secon<strong>de</strong>s après, <strong>de</strong>ux autos mitrailleuses font leurapparition dans la rue. Nous ouvrons toutes gran<strong>de</strong>s les fenêtrespour appeler. Nous envahissons le balcon. Les voitures passent. Enquelques minutes elles nettoient le village.« Nous sommes sauvés... il est 13 h. 15 » N'ajoutons pas un motà cet émouvant récit...***A Kerrata, il y eut, le même jour, un grand <strong>drame</strong> dans uneautre <strong>ma</strong>ison, celle affectée à la Justice <strong>de</strong> Paix.Là habitait la famille du <strong>ma</strong>gistrat, Mme et M. Trabaut, la mère<strong>de</strong> Mme Trabaut, Mme Barlatier et les trois enfants : Monique 13ans, la <strong>de</strong>uxième, 10 ans, et un petit garçon, 7 ans.82UN DRAME ALGERIENLa nuit s'était passée sans inquiétu<strong>de</strong> pour la <strong>ma</strong>isonnée. Dureste, M. Trabaut, s'il était au courant <strong>de</strong>s bruits qui couraient,n'avait pas reçu <strong>de</strong> conseil formel <strong>de</strong> repli. Le Juge <strong>de</strong> Paixconnaissait bien les indigènes. Il était <strong>de</strong> ceux qui disaient qu'il nefallait rien exagérer. Il avait confiance.A 7 heures du <strong>ma</strong>tin, entendant frapper à la porte du rez<strong>de</strong>chaussée,il <strong>de</strong>scendit tranquillement son escalier et alla ouvrir. Ilse trouva ainsi directement en présence d'un groupe d'émeutiersqui ne lui laissèrent pas le temps <strong>de</strong> parlementer. Il était aussitôtfrappé <strong>de</strong> plusieurs coups <strong>de</strong> couteau et achevé à coups <strong>de</strong> feu.Les assaillants sont alors montés, au premier étage, où setrouvait la famille du <strong>ma</strong>gistrat. Les portes étaient ouvertes. <strong>Un</strong>eruée se produisit au milieu <strong>de</strong>s cris d'effroi <strong>de</strong>s enfants. Devant lagrandmère affolée, <strong>de</strong>vant les pauvres petits, les scènes les plusatroces se déroulèrent. La <strong>ma</strong>lheureuse mère subit les piresoutrages. Puis une balle en pleine poitrine l'acheva. <strong>Un</strong> coup <strong>de</strong>couteau lui avait ouvert le ventre, <strong>de</strong> bas en haut...Pendant ce temps, Mme Barlatier avait l'épaule fracassée par uncoup <strong>de</strong> feu, la fille ca<strong>de</strong>tte avait une <strong>ma</strong>in et un bras traversés par<strong>de</strong>s projectiles.Ensuite un <strong>de</strong>s émeutiers poussa les enfants et la grand<strong>ma</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong>vant lui et les conduisit dans un gourbi, où il leur donna <strong>de</strong> lagalette et <strong>de</strong>s dattes. Dans ce gourbi, les enfants ont re<strong>ma</strong>rqué laprésence <strong>de</strong> <strong>ma</strong>rmites pleines <strong>de</strong> cartouches. Les émeutiersvenaient s'y approvisionner.Mme Barlatier était dans un état <strong>de</strong> prostration compréhensible.Elle sait seulement qu'on entendit <strong>de</strong>s crépitements <strong>de</strong>mitrailleuses, qu'on fit sortir les enfants et ellemême en disant :« Vous pouvez partir. Vous aurez du secours. »Après un mois <strong>de</strong> soins à l'hôpital <strong>de</strong> Sétif, la <strong>ma</strong>lheureusefemme a pu rejoindre la France avec ce qui restait <strong>de</strong> sa famille...83
UN DRAME ALGERIENOn verra plus loin dans quel état ont été trouvés les cadavres.***La résistance <strong>de</strong> la gendarmerie <strong>de</strong> Kerrata, nous l'avons dit,mérite d'être soulignée ici. L'immeuble abritait les familles <strong>de</strong>sgendarmes et plusieurs personnes du pays qui s'y étaient réfugiéesen hâte.M. Mala<strong>ma</strong>s, brigadier, était absent. Il était à Sétif, où il avaitfailli être victime <strong>de</strong> l'émeute. Attaqué en pleine rue, il s'en est tiréavec la perte d'un œil. Quatre gendarmes étaient présents àKerrata, avec leurs familles. Nous avons dit les efforts qu'ilsavaient déployés pour essayer <strong>de</strong> dégager le village. Refoulés par<strong>de</strong>s effectifs imposants <strong>de</strong> révoltés, ils ne pouvaient que se replier.Ils se sont du moins appliqués à rendre inexpugnable leur réduitdéfensif et à protéger, dans la mesure du possible, les immeublesvoisins. Le gendarme Rencheval et ses trois collègues méritent, surce point, les plus grands éloges.Ajoutons quelques détails aux lignes qui précè<strong>de</strong>nt :L'hôtel Dieudonné a été envahi dès le <strong>ma</strong>tin par les émeutiersqui ont pénétré dans les chambres.M. <strong>de</strong> Torcy, jeune Ingénieur, a été tué dans son lit ; ainsi queson collaborateur aux travaux du barrage. M. Lopez.Onis, ouvrier agricole, s'était réfugié dans un café <strong>ma</strong>ure, avecla petite Zemmour, <strong>de</strong> confession israélite, Ils ont été <strong>ma</strong>ssacréslâchement et ont eu une mort atroce.84UN DRAME ALGERIENCe sont eux qui se trouvaient près <strong>de</strong> la poste. Mlle Zemmour,âgée <strong>de</strong> 17 ans, a subi les pires outrages.<strong>Un</strong> jeune indigène était arrivé récemment <strong>de</strong> France. Il senom<strong>ma</strong>it Oukaci. Il était peu connu, <strong>ma</strong>is sympathique. Il s'étaitconverti dans la métropole à la religion catholique. On a été sanspitié pour lui et pour son âge. Il a été <strong>ma</strong>ssacré.Les exploitations agricoles voisines n'ont pas été plus ménagéesque les <strong>ma</strong>isons françaises du village. A Draa El Cadi, la fermed'un membre <strong>de</strong> la famille Dussaix a été pillée <strong>de</strong> façon totale :mulets, vaches, moutons, tout a été enlevé ; les <strong>ma</strong>gasins vidés <strong>de</strong>leur contenu, les logements saccagés : meubles brisés, ainsi queportes et fenêtres. Le gérant français et sa famille avaient,heureusement, eu le temps <strong>de</strong> se replier au village.***Nous avons parlé <strong>de</strong> la résistance organisée à la <strong>ma</strong>ison mère <strong>de</strong>la famille Dussaix. On dit, communément, le « Château », dans levillage et la région <strong>de</strong> Kerrata.Cette construction <strong>ma</strong>ssive, édifiée en 1913, par M. EugèneDussaix, Conseiller Général, répondait en tous points auxexigences <strong>de</strong> la situation. Avec sa base imposante en pierres <strong>de</strong>taille, ses fenêtres du rez<strong>de</strong>chaussée soigneusement barreaudées,son emplacement dominant la route qui pénètre dans les gorges duChabet, la <strong>ma</strong>ison a toutes les allures d'une <strong>de</strong>meure seigneurialepouvant être transformée rapi<strong>de</strong>ment en fortin <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong>résistance.Le château, surplombant une chute d'eau importante,génératrice <strong>de</strong> force industrielle, se détachant en clair sur unpaysage chaotique, impressionnant au possible, a déjà servi <strong>de</strong>thème à un écrivain <strong>algérien</strong>, en quête d'inventions ro<strong>ma</strong>ntiques,85
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