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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENrisquant la mort pour accomplir sa tâche professionnelle.Nous avons pu obtenir <strong>de</strong> la journée tragique, par MmeLardillier écrivant à une amie, un récit circonstancié qui donne uneidée du calvaire gravi par 13 personnes pendant vingt­quatreheures. Ce récit montre que les femmes françaises ont rivaliséd'énergie avec les hommes dans la lutte à mort qui était engagée.Nous laissons la parole à la narratrice.« Le 8 <strong>ma</strong>i, toute la population <strong>de</strong> Kerrata était réunie autour <strong>de</strong>M. Rousseau, administrateur, principal, venu <strong>de</strong> Périgotville encompagnie <strong>de</strong> M. Bancel, son adjoint, pour le lever <strong>de</strong>s couleurs.<strong>Un</strong>e foule d'indigènes se pressaient autour <strong>de</strong> nous. Tousapplaudissaient au discours prononcé par M. Rousseau et c'est aucri unanime <strong>de</strong> Vive la France ! que le cortège s'est dirigé versl'hôtel du Chabet, où un apéritif avait été préparé.« On porta, au milieu <strong>de</strong> l'enthousiasme général, plusieurstoasts à la Victoire.« A 11 h. 30, je suis appelée à me rendre dans le bureau <strong>de</strong>poste pour chercher un objet oublié. <strong>Un</strong> volet du téléphone étaitdéclenché, celui du circuit <strong>de</strong>s Amouchas. Le receveur distributeurm'annonce qu'une émeute venait d'avoir lieu à Sétif, que lescommunications étaient coupées et que le mouvement venait versnous. « Des ban<strong>de</strong>s armées, me dit­il, circulent sur les routes etsemblent se diriger sur Périgotville. Il faudrait prévenir lesadministrateurs. »« Mon <strong>ma</strong>ri, Receveur a Kerrata, que je mets immédiatementau courant, s'empresse <strong>de</strong> faire le nécessaire pour alerter lesautorités. Aussitôt, MM Rousseau et Bancel, en compagnie duJuge <strong>de</strong> Paix indigène et du chauffeur indigène, repartent surPérigotville.« Des Amouchas, les nouvelles <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plusalar<strong>ma</strong>ntes. Les indigènes attaquent <strong>de</strong> tous côtés.Les Administrateurs, qui étaient passés aux Amouchas et qui76UN DRAME ALGERIEN<strong>de</strong>vaient y revenir, ne donnaient plus signe <strong>de</strong> vie. Le bruit couraitdéjà qu'ils avaient été tués. Aussi, <strong>de</strong> Kerrata, par le circuit <strong>de</strong>Bougie, le seul qui nous restait, nous prévenons la subdivision <strong>de</strong>Sétif, la sous­préfecture, la préfecture <strong>de</strong> Constantine, la souspréfecture<strong>de</strong> Bougie, la gendarmerie. Nous essayons mêmed'atteindre <strong>Alger</strong>.« Pendant ce temps, <strong>de</strong> cinq minutes en cinq minutes leReceveur <strong>de</strong> Périgotville nous tenait au courant <strong>de</strong>s événements.Le village était menacé <strong>de</strong> toutes parts. La Poste, en particulier,était l'objet d'une attaque en règle. Par le téléphone nousentendions les coups <strong>de</strong> feu, les cris <strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong> la femme dureceveur. Lui, toujours d'une voix d'un calme surprenant, nousdisait : « Nous sommes perdus si la troupe n'arrive pas, et je n'airien pour nous défendre (1).« A la même heure, le com<strong>ma</strong>ndant d'un détachement <strong>de</strong>blindés nous téléphone d'El­Ouricia, par Bougie, pour nous­direqu'il lui était impossible d'aller plus loin, <strong>de</strong>s barrages ayant étéfaits sur la route par les insurgés­ Nous lui répondons ; « Forcezles barrages et arrivez coûte que coûte aux Amouchas ! Il va yavoir un <strong>ma</strong>ssacre. » En effet, la troupe a pu dégager le village vers17 heures et sauver ainsi la population.« Nous pensions que le <strong>drame</strong> allait, par là, se terminer.Pourtant, vers 15 heures, le courrier Sétif­Bougie était arrivé àKerrata, après avoir été attaqué (2). Il y avait plusieurs blessés. Lechauffeur avait failli être tué. La nouvelle <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>sAdministrateurs Rousseau et Bancel se confir<strong>ma</strong>it. On apprenaitaussi la mort <strong>de</strong> M, Baroni, un chauffeur <strong>de</strong> Bougie. La population<strong>de</strong> Kerrata était dans une anxiété mortelle. Les indigènes du pays(1) On a vu dans quelles conditions ce <strong>ma</strong>lheureux fonctionnaire et son fils ont trouvé la mort.(2) Nous nous excusons <strong>de</strong> revenir, parfois, sur <strong>de</strong>s faits déjà cités. Nous publions <strong>de</strong>sdocuments qu'il nous est difficile d'amputer <strong>de</strong> tel ou tel détail, d'autant plus qu'à certains détailss'ajoutent, parfois, <strong>de</strong>s précisions nouvelles.77

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