UN DRAME ALGERIENgendarmes, etc. L'agression se précise.La gendarmerie, en particulier; constituait un fortin défensif. AKerrata, comme ailleurs, les gendarmes sont les soldats du <strong>de</strong>voir.Par <strong>de</strong>ux fois, entendant <strong>de</strong>s détonations, ils essaient <strong>de</strong> faire unesortie. Ils se heurtent à un flot d'assaillants qui les obligent à sereplier. Des familles françaises se sont tant bien que <strong>ma</strong>lbarricadées dans leurs habitations. La Poste a été attaquée. Ici et làles <strong>ma</strong>isons commencent à flamber. Telles sont les constatationsqu'ont pu faire les représentants <strong>de</strong> l'ordre.L'attaque est bientôt générale. Seules, la <strong>ma</strong>ison Dussaix et lagendarmerie sont en état <strong>de</strong> résister. Leurs défenseurs y mettentune énergie farouche. Mais que <strong>de</strong>viennent les <strong>ma</strong>lheureuxFrançais surpris isolément ? On ne le saura qu'à une heure <strong>de</strong>l'aprèsmidi, lorsque plusieurs détachements envoyéssuccessivement <strong>de</strong> Sétif, par la route <strong>de</strong> Bougie, et com<strong>ma</strong>ndés parle lieutenant, Poutch, le capitaine Faysse et le lieutenant Bergeretdébouchèrent à Kerrata après avoir forcé <strong>de</strong> nombreux barragesétablis sur la route avec <strong>de</strong>s pierres, <strong>de</strong>s arbres et <strong>de</strong>s poteauxtélégraphiques sectionnés.Les sauveteurs mettent en fuite les émeutiers. Ils trouvent unvillage en partie détruit, sept cadavres, horriblement mutilés, dansles <strong>ma</strong>isons en feu. « 20 personnes se trouvaient sur le toit d'une<strong>ma</strong>ison en flammes. On réussit à les sauver après avoir chassé, à lamitrailleuse, les rebelles », dit un premier récit officiel (1).Délivrés, les Français <strong>de</strong> Kerrata ayant échappé au <strong>ma</strong>ssacre, serépan<strong>de</strong>nt dans les rues du village, parmi les <strong>ma</strong>isons qui fumentencore sous les effondrements <strong>de</strong>s brasiers allumés.(1) Cette <strong>de</strong>rnière affir<strong>ma</strong>tion a été démentie ou plutôt transformée. Il s'agit sans aucundoute, <strong>de</strong> la présence, sur un balcon, <strong>de</strong>s treize habitants <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>ison <strong>de</strong> la Poste incendiée, commebeaucoup d'autres. On lira plus loin le récit du <strong>drame</strong> atroce vécu par ces Français.74UN DRAME ALGERIENIls entourent les soldats qui sont venus à eux, en bravant lesdangers accumulés sous leurs pas. Leur émotion se traduit par uncri général, répercuté par les hautes falaises qui forment l'entrée<strong>de</strong>s gorges : Vive la France !On peut alors situer les détails <strong>de</strong> la résistance farouche quis'est organisée dans les différentes parties du village.On s'incline d'abord <strong>de</strong>vant les <strong>ma</strong>rtyrs du grand <strong>drame</strong> quivient <strong>de</strong> prendre fin.Le juge <strong>de</strong> paix, M. Trabaud, et sa femme, horriblement mutilésdans <strong>de</strong>s conditions que la pitié même se refuse à préciser.Le boulanger Grammond, qui a voulu assurer à la population lafournée quotidienne, et est mort non loin <strong>de</strong> son fournil.M. Villedieu <strong>de</strong> Torcy, employé à la société CampenonBernard(construction du barrage).M. Lopez, <strong>ma</strong>çon, employé à la même société.Le métayer Onis et la jeune Zemmour Paulette, Israélite, âgée<strong>de</strong> 17 ans, mutilée elle aussi.Ce qui porte a 7 le nombre <strong>de</strong>s victimes atrocement suppliciéesà Kerrata, dans la journée tragique du 9 <strong>ma</strong>i 1945.Le pillage a été total pour la <strong>ma</strong>jorité <strong>de</strong>s immeubles, dont unegran<strong>de</strong> partie a été rendue inhabitable par les incendies.Pour bien saisir l'horreur du <strong>drame</strong> qui s'est déroulé à Kerrata, ilfaudrait raconter ce qui s'est passé, <strong>ma</strong>ison par <strong>ma</strong>ison, car tous leshabitants n'ont pu, <strong>ma</strong>lheureusement, se réfugier au châteauDussaix. Il n'y a pas eu un <strong>drame</strong>, il y a eu plusieurs <strong>drame</strong>s, aussihorrifiants les uns que les autres.***Et d'abord, parlons <strong>de</strong> l'immeuble <strong>de</strong> la Poste. Là comme<strong>de</strong>voir, <strong>ma</strong>gnifiquement, pouvonsnous dire, d'agent <strong>de</strong> liaison,partout ailleurs, le Receveur <strong>de</strong>s P.T.T., M. Lardillier, a fait son<strong>de</strong>voir, <strong>ma</strong>gnifiquement pouvonsnous dire, d'agent <strong>de</strong> liaison,75
UN DRAME ALGERIENrisquant la mort pour accomplir sa tâche professionnelle.Nous avons pu obtenir <strong>de</strong> la journée tragique, par MmeLardillier écrivant à une amie, un récit circonstancié qui donne uneidée du calvaire gravi par 13 personnes pendant vingtquatreheures. Ce récit montre que les femmes françaises ont rivaliséd'énergie avec les hommes dans la lutte à mort qui était engagée.Nous laissons la parole à la narratrice.« Le 8 <strong>ma</strong>i, toute la population <strong>de</strong> Kerrata était réunie autour <strong>de</strong>M. Rousseau, administrateur, principal, venu <strong>de</strong> Périgotville encompagnie <strong>de</strong> M. Bancel, son adjoint, pour le lever <strong>de</strong>s couleurs.<strong>Un</strong>e foule d'indigènes se pressaient autour <strong>de</strong> nous. Tousapplaudissaient au discours prononcé par M. Rousseau et c'est aucri unanime <strong>de</strong> Vive la France ! que le cortège s'est dirigé versl'hôtel du Chabet, où un apéritif avait été préparé.« On porta, au milieu <strong>de</strong> l'enthousiasme général, plusieurstoasts à la Victoire.« A 11 h. 30, je suis appelée à me rendre dans le bureau <strong>de</strong>poste pour chercher un objet oublié. <strong>Un</strong> volet du téléphone étaitdéclenché, celui du circuit <strong>de</strong>s Amouchas. Le receveur distributeurm'annonce qu'une émeute venait d'avoir lieu à Sétif, que lescommunications étaient coupées et que le mouvement venait versnous. « Des ban<strong>de</strong>s armées, me ditil, circulent sur les routes etsemblent se diriger sur Périgotville. Il faudrait prévenir lesadministrateurs. »« Mon <strong>ma</strong>ri, Receveur a Kerrata, que je mets immédiatementau courant, s'empresse <strong>de</strong> faire le nécessaire pour alerter lesautorités. Aussitôt, MM Rousseau et Bancel, en compagnie duJuge <strong>de</strong> Paix indigène et du chauffeur indigène, repartent surPérigotville.« Des Amouchas, les nouvelles <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plusalar<strong>ma</strong>ntes. Les indigènes attaquent <strong>de</strong> tous côtés.Les Administrateurs, qui étaient passés aux Amouchas et qui76UN DRAME ALGERIEN<strong>de</strong>vaient y revenir, ne donnaient plus signe <strong>de</strong> vie. Le bruit couraitdéjà qu'ils avaient été tués. Aussi, <strong>de</strong> Kerrata, par le circuit <strong>de</strong>Bougie, le seul qui nous restait, nous prévenons la subdivision <strong>de</strong>Sétif, la souspréfecture, la préfecture <strong>de</strong> Constantine, la souspréfecture<strong>de</strong> Bougie, la gendarmerie. Nous essayons mêmed'atteindre <strong>Alger</strong>.« Pendant ce temps, <strong>de</strong> cinq minutes en cinq minutes leReceveur <strong>de</strong> Périgotville nous tenait au courant <strong>de</strong>s événements.Le village était menacé <strong>de</strong> toutes parts. La Poste, en particulier,était l'objet d'une attaque en règle. Par le téléphone nousentendions les coups <strong>de</strong> feu, les cris <strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong> la femme dureceveur. Lui, toujours d'une voix d'un calme surprenant, nousdisait : « Nous sommes perdus si la troupe n'arrive pas, et je n'airien pour nous défendre (1).« A la même heure, le com<strong>ma</strong>ndant d'un détachement <strong>de</strong>blindés nous téléphone d'ElOuricia, par Bougie, pour nousdirequ'il lui était impossible d'aller plus loin, <strong>de</strong>s barrages ayant étéfaits sur la route par les insurgés Nous lui répondons ; « Forcezles barrages et arrivez coûte que coûte aux Amouchas ! Il va yavoir un <strong>ma</strong>ssacre. » En effet, la troupe a pu dégager le village vers17 heures et sauver ainsi la population.« Nous pensions que le <strong>drame</strong> allait, par là, se terminer.Pourtant, vers 15 heures, le courrier SétifBougie était arrivé àKerrata, après avoir été attaqué (2). Il y avait plusieurs blessés. Lechauffeur avait failli être tué. La nouvelle <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>sAdministrateurs Rousseau et Bancel se confir<strong>ma</strong>it. On apprenaitaussi la mort <strong>de</strong> M, Baroni, un chauffeur <strong>de</strong> Bougie. La population<strong>de</strong> Kerrata était dans une anxiété mortelle. Les indigènes du pays(1) On a vu dans quelles conditions ce <strong>ma</strong>lheureux fonctionnaire et son fils ont trouvé la mort.(2) Nous nous excusons <strong>de</strong> revenir, parfois, sur <strong>de</strong>s faits déjà cités. Nous publions <strong>de</strong>sdocuments qu'il nous est difficile d'amputer <strong>de</strong> tel ou tel détail, d'autant plus qu'à certains détailss'ajoutent, parfois, <strong>de</strong>s précisions nouvelles.77
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