10.07.2015 Views

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

UN DRAME ALGERIENDe toute la région, à la première alerte, on était accouru pour semettre à l'abri <strong>de</strong>s murs soli<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s fenêtres barreaudées duchâteau Dussaix.Tous, hélas ! n'avaient pu rejoindre. Comme ailleurs, l'attaqueavait été brusquée, selon la formule <strong>de</strong> l'historien, qui disait qu'enAfrique du Nord « l'émeute se présente toujours comme uneexplosion ».La journée <strong>de</strong> 8 <strong>ma</strong>i avait facilité, du reste, le rassemblement<strong>de</strong>s Français. Le <strong>ma</strong>tin, M. Rousseau, administrateur en chef <strong>de</strong> lacommune mixte <strong>de</strong> Takitount, était venu, nous l'avons dit, prési<strong>de</strong>rune cérémonie, célébrant la victoire <strong>de</strong>s Alliés en Europe.L'Alle<strong>ma</strong>gne était définitivement vaincue. L'allégresse étaitgénérale. <strong>Un</strong> cauche<strong>ma</strong>r prenait fin, pour la France et les Nations<strong>Un</strong>ies dans la défense <strong>de</strong> la civilisation.Mais un <strong>ma</strong>laise général avait fait place bientôt à la joiecollective. Le <strong>ma</strong>rdi était précisément le jour du <strong>ma</strong>rché <strong>de</strong>Kerrata. Et les <strong>ma</strong>rchés sont les points <strong>de</strong> résonance <strong>de</strong> tous lesbruits du <strong>de</strong>hors. Ils les reçoivent et les retransmettent avec <strong>de</strong>stransfor<strong>ma</strong>tions s'adaptant à l'atmosphère du milieu.Dans la <strong>ma</strong>tinée, rien ne transpira dans le villages chez lesFrançais, <strong>de</strong>s événements tragiques qui venaient <strong>de</strong> se déroulerdans les rues <strong>de</strong> Sétif. Mais tous les indigènes étaient au courant,et les déductions apportaient aux affir<strong>ma</strong>tions recueillies lesexagérations les plus édifiantes. On parlait <strong>de</strong> nombreux morts, oncitait un nom : celui du <strong>ma</strong>ire <strong>de</strong> Sétif.Ce n'est qu'à 11 h. 30, par un coup <strong>de</strong> téléphone reçu à la Posteque l'on apprit la menace dont toute la région était l'objet. M.Rousseau, Administrateur, se hâta <strong>de</strong> rejoindre son poste, àPérigotville. Il ne <strong>de</strong>vait pas y arriver.Vers 15 heures, le car Deschanel, venant <strong>de</strong> Sétif et allant versBougie, apporte, enfin, <strong>de</strong>s nouvelles. Ce car avait été attaqué en72UN DRAME ALGERIENroute. La plupart <strong>de</strong> ses vitres étaient brisées. Les voyageurs,échappés <strong>de</strong> justesse à l'agression, étaient encore vibrants <strong>de</strong>l'émotion ressentie. Ils apportaient, du reste, <strong>de</strong>s précisions sur le<strong>drame</strong> qui avait jeté le <strong>de</strong>uil dans la petite cité. Sans apporter lerécit complet du soulèvement du <strong>ma</strong>tin, ils donnaient cependant<strong>de</strong>s détails qui ne permettaient pas <strong>de</strong> douter <strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong>sévénements.Dans la soirée, on apprenait l'attaque <strong>de</strong> la Poste <strong>de</strong>sAmouchas. Les nouvelles arrivaient par bribes, confir<strong>ma</strong>nt ledanger, augmentant les appréhensions.Il n'apparaît cependant pas qu'à ce moment on ait eu à Kerratale sentiment exact <strong>de</strong> la situation. On a constaté, après coup, quel'alerte n'avait pas été généralisée dans la population française. Etcela semble avoir permis au <strong>drame</strong> <strong>de</strong> prendre une extension quiaurait pu être limitée, tout au moins.Dans le courant <strong>de</strong> l'après­midi, après le passage du car, onobservait, dans les rues, <strong>de</strong>s mouvements insolites parmi lapopulation indigène. On sut, plus tard, que la boutique d'unforgeron, Chabane Messaoud, était un lieu <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z­vous oùs'élaborait l'organisation <strong>de</strong>s événements qui <strong>de</strong>vaient avoir lieu lelen<strong>de</strong><strong>ma</strong>in. On y parlait <strong>de</strong> guerre sainte, d'extermination <strong>de</strong>sroumis. On préparait l'ambiance nécessaire à la continuation du<strong>drame</strong> dont Sétif venait d'écrire la préface.Cependant, la <strong>ma</strong>ison Dussaix ouvrit largement ses portes àtoutes les familles qui désiraient s'y réfugier. On campe, au mieux,dans les immenses couloirs et les vastes appartements. La familleDussaix remplit au <strong>ma</strong>ximum son <strong>de</strong>voir d'hospitalité.La nuit passe, sans inci<strong>de</strong>nt apparemment fâcheux. Mais lemercredi, à l'aube, on entend <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu. Ils viennent <strong>de</strong> ladirection du village, où sont restés quelques habitants, notammentles locataires <strong>de</strong> l'immeuble <strong>de</strong> la Poste, la famille du Juge, les73

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!