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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENaux indigènes les déments.La <strong>ma</strong>lheureuse femme, emportant l'enfant <strong>de</strong> son amie,continue sa course, en criant <strong>de</strong>s phrases sans suite, traduisantévi<strong>de</strong>mment son horreur, son épouvante <strong>de</strong>vant le <strong>drame</strong> auquelelle vient d'assister.Elle se souvient qu'une femme kabyle l'a abordée et l'aentraînée avec elle. Elle suivait, telle une auto<strong>ma</strong>te, inconsciente à<strong>de</strong>mi, ne réalisant pas, traduisant sa douleur par <strong>de</strong>s crises, oùsombraient sa souffrance et son égarement.Des <strong>ma</strong>nifestants la rattrapent, s'emparent d'elle. Elle crie ! Ellecrie ! Elle sent le froid d'une lame <strong>de</strong> couteau sur sa gorge. Ellecrie toujours. Ils n'osent pas achever leur geste homici<strong>de</strong>.Elle est ramenée vers l'auto. Vision fugitive, rapi<strong>de</strong> : elle sesouvient avoir vu, à l'arrière <strong>de</strong>s barrages, un vieillard à gran<strong>de</strong>barbe blanche, recouvert d'une gandoura im<strong>ma</strong>culée, qui, muet,impassible, les bras croisés sur sa poitrine, regar<strong>de</strong> se dérouler lesévénements.On la pousse vers l'auto. Des hommes lui disent :— Regar<strong>de</strong>­les bien ! Ils sont morts ! Quant à toi et ta fille,partez vers la campagne. Vous êtes <strong>ma</strong>intenant <strong>de</strong>s mouquères !...Sa compagne berbère la conduit dans un gourbi. Elle y trouveun indigène qui s'empresse, la rassure,— Tu ne crains plus rien, <strong>ma</strong>intenant. Je reste avec toi.A la tombée <strong>de</strong> la nuit, après avoir insisté pour qu'elle prenneun peu <strong>de</strong> nourriture, il la fait sortir du gourbi et la dirige vers unecrête qui paraît se trouver au nord­ouest <strong>de</strong> Chevreul et domine levillage. L'homme porte l'enfant, il est toujours prévenant. Quel butpoursuit­il en l'éloignant ainsi ?Elle passe la nuit dans un gourbi. Le <strong>ma</strong>tin, il lui explique quela troupe est arrivée, qu'il faut fuir les bombar<strong>de</strong>ments. Ils vont68UN DRAME ALGERIENpartir pour Texenna. Elle <strong>ma</strong>rche, toute la journée du jeudi. Elle n'aplus <strong>de</strong> souliers. Elle les a usés à toutes les aspérités <strong>de</strong>s sentiers.Elle supplie qu'on la ramène à Chevreul. Elle ne sait plus, elle aparcouru 40, 50, 60 kilomètres dans les_ montagnes, lorsqu'elleatteint le village, le vendredi 11 <strong>ma</strong>i, au début <strong>de</strong> l'après­midi. <strong>Un</strong>eauto militaire est arrivée. Elle amène un officier, un parent !La gendarmerie, à Chevreul, veut arrêter l'indigène quiaccompagne la <strong>ma</strong>lheureuse veuve. Elle proteste : « C'est monsauveur ! »Et l'indigène disparaît. On ne l'a plus retrouvé. Mais il estconnu. C'est un ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> billets <strong>de</strong> loteries, opérant a Saint­Arnaud et dans la région. Les enquêtes ouvertes auraient fait pesersur lui <strong>de</strong> graves accusations. A­t­il voulu se réhabiliter en sauvantune femme française ? Poursuivait­il d'autres fins ?Mme Coste a pu enfin rejoindre Sétif par une auto militaire.Que sont <strong>de</strong>venus les <strong>ma</strong>rtyrs abattus près <strong>de</strong>s barrages, à 1.500mètres <strong>de</strong> Chevreul ?On a pu relever les cadavres, quarante­huit heures après. Deuxjours <strong>de</strong> soleil les avaient mis en triste état. Mme Coste les avaitvus encore revêtus <strong>de</strong> leurs habillements. On les a retrouvés nus.Les bandits les avaient complètement dépouillés ! Ils avaient faitdavantage encore ! Les constats médicaux, signés par leDr Mazzuca attestent les mutilations dont ils ont été l'objet. Par unsentiment <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur respectueuse nous ne pouvons tout dire.Signalons cependant :— Que le cadavre <strong>de</strong> M. Bovo, âgé <strong>de</strong> 38 ans, « présentaitplusieurs plaies à la tête, produites par objets contondants etd'autres occasionnés par <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu. Le haut du visage étaitcomplètement défiguré ».69

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