UN DRAME ALGERIENheures, sans <strong>ma</strong>nger ni boire, exposé, le jour, aux rayons ar<strong>de</strong>ntsdu soleil.« Plusieurs assaillants passèrent à peu <strong>de</strong> distance <strong>de</strong> lui sans levoir, fort heureusement.« qu'il était dissimulé en cet endroit, à la tombée <strong>de</strong> la nuit, M.Marchal re<strong>ma</strong>rqua que les indigènes <strong>de</strong>s douars environnantséchangeaient entre eux <strong>de</strong>s signaux à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> fusées, indicationsformelles que le coup était bien préparé. »Ajoutons un fait à l'appui <strong>de</strong> l'affir<strong>ma</strong>tion qui précè<strong>de</strong> : aumoment même où s'exécutaient les <strong>ma</strong>ssacres <strong>de</strong> Chevreul, ondistribuait à SaintArnaud et à Sétif, <strong>de</strong>s papiers rassurants sur lesort <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> ce <strong>ma</strong>lheureux centre : Chevreul était calme.Rien <strong>de</strong> grave à signaler.L'organisation avait tout prévu...Avonsnous besoin <strong>de</strong> souligner que l'épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> lagendarmerie <strong>de</strong> Chevreul fait le plus grand honneur aux quelquesFrançais, militaires ou civils qui ont assumé le périlleux honneurd'opposer un barrage à la vague <strong>de</strong> barbarie déferlant brusquementsur nos campagnes en Afrique du Nord ?A Chevreul, vingtcinq <strong>ma</strong>isons ont été pillées et incendiées.On peut dire, sans être taxé d'exagération, que le village estaujourd'hui détruit. L'administration supérieure a adressé auxvictimes cette promesse officielle : Chevreul sera reconstruit.Des mois ont passé sur la petite cité en <strong>de</strong>uil. De tout leur coeur<strong>de</strong> patriotes, les réfugiés <strong>de</strong> la gendarmerie <strong>de</strong> Chevreul ontaccueilli, le 10 <strong>ma</strong>i à 10 h. 30, du <strong>ma</strong>tin, aux cris répétés <strong>de</strong> Vive laFrance ! le com<strong>ma</strong>ndant et les troupes qui venaient les délivrer (1).(1) C'est le com<strong>ma</strong>ndant Rouire, un Constantinois, qui est arrivé le premier au secours <strong>de</strong>shabitants <strong>de</strong> Chevreul. Chef d'état<strong>ma</strong>jor <strong>de</strong> la subdivision du Sétif, il avait assuré d'abord ledéblocage du cheflieu et <strong>de</strong> son <strong>ma</strong>rché, sur l'ordre du colonel Bourdila. Puis le len<strong>de</strong><strong>ma</strong>in, 9 <strong>ma</strong>i, ils'était dirigé sur Sillègue, où il dût, pour se dégager, organiser la répression. Le 10, il atteignait58UN DRAME ALGERIENAyant donné à leurs morts les soins respectueux qu'ils méritaient,ayant reçu pour huit jours, dans une sépulture provisoire — le petitbois <strong>de</strong> frênes qu'ils n'abor<strong>de</strong>nt plus qu'avec un sentiment <strong>de</strong>tristesse — les corps <strong>de</strong> Mme et M. Bovo, <strong>de</strong> l'ingénieur Coste,tués à 1500 mètres du village, les colons <strong>de</strong> Chevreul ont fait leurexamen <strong>de</strong> conscience.« Le <strong>drame</strong> horrible terminé, subi, nous écrit notre ami,l'adjoint spécial, Marcel Pra<strong>de</strong>illes, nous voudrions conclure. Né àChevreul, y ayant vécu pendant quarante ans, je connais bien la vieet l'histoire <strong>de</strong> ce village. Aussi loin que vont mes souvenirs, je netrouve que <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> bon voisinage entre les indigènes etnous, fonctionnaires ou colons français. Je ne vois ni conflit, niaffaire <strong>de</strong> justice, ni inci<strong>de</strong>nt, ni <strong>ma</strong>lentendu susceptiblesd'entraîner <strong>de</strong>s représailles.« Les indigènes étaient nos amis... jusqu'au jour, relativementrécent, où le délégué financier Abbas Ferhat et son adjoint, l'avocatMostefaï sont venus à Chevreul pour réunir les notables et créer legroupe local <strong>de</strong>s « Amis du Manifeste ».« Depuis, nous avions tous constaté un changement très netdans l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Arabes visàvis <strong>de</strong>s Français : ils évitaientnotre contact, les formules ou <strong>ma</strong>nifestations <strong>de</strong> politesses étaientréticentes et raréfiées. Les effusions amicales d'autrefois avaitdisparu. On était froid et distant avec nous.« Nous en avions fait l'observation. Mais <strong>de</strong> là à admettrel'existence d'un complot criminel contre toute une population,contre nos femmes et nos enfants, un tel rapprochement ne pouvaitse former dans notre esprit.« Aujourd'hui, notre pauvre petit village se dépeuple.Chevreul, complètement encerclé. Le samedi <strong>de</strong> Pentecôte, il dut partir, avec une colonne motorisée,sur le chemin <strong>de</strong>s crêtes, entre AïnRoua et OuedAmizour, et remettre <strong>de</strong> l'ordre dans la région.59
UN DRAME ALGERIENDevant les promesses officielles tous les colons avaient décidé<strong>de</strong> rester. On n'abandonne pas <strong>de</strong> gaîté <strong>de</strong> coeur un pays que l'on acréé, dont la prospérité est votre œuvre. Tant <strong>de</strong> détails vousretiennent ! Et puis, par<strong>de</strong>ssus tout il y a les tombes... On étaitunanime dans la volonté <strong>de</strong> rester.« Ne voyant rien venir, la moitié <strong>de</strong>s colons, atteints dans leursituation, déçus dans leurs espérances, sont partis. D'autres parlent<strong>de</strong> les suivre...« Je vous écris cela, le coeur serré » (1).M. Pra<strong>de</strong>illes a raison, et nous comprenons son émotion. <strong>Un</strong>village qui disparaît, ou s'amenuise dans nos campagnes, c'est unpeu <strong>de</strong> la France qui s'en va, qui se retire <strong>de</strong> notre Afrique duNord, où les terriens français, fils et frères <strong>de</strong> nos paysans <strong>de</strong> lamétropole, avaient cependant créé une si belle œuvre... une œuvredont ils avaient le droit d'être fiers...***Depuis la rédaction <strong>de</strong>s pages que l'on vient <strong>de</strong> lire, nous avonsreçu d'autres détails venant préciser <strong>de</strong>s questions que nous avonscru <strong>de</strong>voir poser à nos amis <strong>de</strong> Chevreul.On re<strong>ma</strong>rquera, dans le cours <strong>de</strong> ce récit, que nous ne<strong>ma</strong>nquons ja<strong>ma</strong>is <strong>de</strong> souligner les actes <strong>de</strong> dévouement accomplispar <strong>de</strong>s indigènes pour ai<strong>de</strong>r ou sauver leurs amis français. C'est làun acte <strong>de</strong> simple justice, qui voudrait être aussi une <strong>ma</strong>nifestationd'espérance... pour <strong>de</strong><strong>ma</strong>in.Nous avons donc <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndé, pour Chevreul, quels exemples <strong>de</strong>solidarité avaient été relevés dans la population indigène, formée<strong>de</strong>s associés <strong>de</strong>s colons, <strong>de</strong>s domestiques <strong>de</strong>s Français, <strong>de</strong>fonctionnaires indigènes, tels ces douaïrs qui ont fait partie <strong>de</strong> laUN DRAME ALGERIENpremière patrouille dirigée par les <strong>de</strong>ux gendarmes présents auvillage le jour du <strong>drame</strong>,Les réponses que nous avons reçues peuvent se résumer ainsi :Au moment du repliement <strong>de</strong> la population sur la gendarmerie,les trois douaïrs ont été envoyés sous la conduite <strong>de</strong> M. Cazaux,beaupère du chef M. Poilane, à la poste, pour assurer l'évacuationdu receveur et <strong>de</strong> sa famille. Au retour <strong>de</strong> cette mission, un <strong>de</strong>sauxiliaires indigènes s'est dérobé. Il a disparu. Il était passé aucamp <strong>de</strong>s émeutiers avec armes et munitions. On a retrouvé, plustard, son fusil entre les <strong>ma</strong>ins d'un bandit notoire, qui a été arrêté.Ce bandit, originaire du douar Fedj El Ghoul, a déclaré qu'il avaitpayé cette arme, au militaire, 3.000 francs. Il était encore sous lesverrous en octobre 1945. Les <strong>de</strong>ux douaïrs, entrés à la gendarmerieavec la famille <strong>de</strong> M. Be<strong>ma</strong>sconi, y sont restés pendant l'émeute.« Dans notre personnel, en général, nous dit un colon <strong>de</strong>Chevreul, nous n'avons relevé aucun acte <strong>de</strong> dévouement ni pour laprotection <strong>de</strong>s ani<strong>ma</strong>ux, ni pour la résistance au pillage et àl'incendie. Les youyou <strong>de</strong>s femmes portent à croire qu'en général,ils ont tous participé à l'émeute. Le fanatisme efface touteconsidération pouvant s'autoriser d'une longue cohabitation, <strong>de</strong>sservices reçus, d'une collaboration affectueuse. <strong>Un</strong> mot d'ordreinvoquant la religion et, en un instant, l'ami <strong>de</strong>vient un assassin. Cefait ne peut être nié que par ceux qui ont intérêt à le démentir. »<strong>Un</strong> exemple nous a été cité : le 9 <strong>ma</strong>i, M. Marcel Pra<strong>de</strong>illesétant sorti <strong>de</strong> chez lui, Mme Pra<strong>de</strong>illes entend <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> feu.Elle s'inquiète. Du pas <strong>de</strong> sa porte, elle aperçoit le premier ouvrier<strong>de</strong> l'exploitation. C'est l'homme <strong>de</strong> confiance. Il a vingt ans <strong>de</strong>service. On ne peut douter <strong>de</strong> lui. Mme Pra<strong>de</strong>illes s'adresse à lui,le prie <strong>de</strong> chercher son <strong>ma</strong>ri, <strong>de</strong> le ramener d'urgence.(1) Lettre datée du 28 septembre 1945.6061
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