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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENIl nous a été dit, <strong>ma</strong>is non confirmé, qu'il se serait ensuiteréfugié au bordj administratif, avec d'autres habitants ; qu'il auraitainsi reçu l'hospitalité <strong>de</strong> Mme Rousseau, ignorant le sort réservé àson <strong>ma</strong>ri, et que, à l'arrivée <strong>de</strong>s troupes, prenant part à unediscussion sur la défense <strong>de</strong> la région, il aurait émis cette opinion :« Il ne faudrait pas faire <strong>de</strong> représailles parce que l'Administrateuret son adjoint sont, peut­être, en ce moment, détenus commeotages. »Le juge Ke<strong>ma</strong>l apparaît — disons le mot — comme uncomplice <strong>de</strong> l'affreuse tuerie. On l'arrête, en effet... un mois après.Il se défend ; c'est son droit. Il est poursuivi pour « refus <strong>de</strong> porterai<strong>de</strong> à quelqu'un menacé <strong>de</strong> mort ». On n'a pu trouver que celadans l'arsenal <strong>de</strong> nos lois. Cela, cependant, est puni <strong>de</strong> un à cinqans <strong>de</strong> prison.Le juge <strong>de</strong> paix Ke<strong>ma</strong>l passe <strong>de</strong>vant le Tribunal militaire <strong>de</strong>Constantine. On voit, avec étonnement, le ministère publicabandonner l'accusation, sous prétexte que l'inculpé ne pouvaitempêcher l'accomplissement du <strong>drame</strong>. Et l'accusé est acquitté surcette déclaration.Nous avons le droit <strong>de</strong> dire que l'opinion publique s'est émue enapprenant cette solution. Et l'émotion a continué, en s'intensifïant,lorsque l'on a appris, par les journaux, que le juge El Ke<strong>ma</strong>lreprenait ses fonctions et était nommé à Aflou, dans ledépartement d'Oran — poste qu'il a quitté, <strong>de</strong>puis, en novembre1946 — pour se rendre en France, à la justice <strong>de</strong> paix <strong>de</strong> Saint­Georges­en­Couzan, par Montbrizon, dans la Loire.La loi française et la dignité administrative nous réservent,parfois, <strong>de</strong> ces surprises...Or, ici, la personnalité d'un indigène admis dans la gran<strong>de</strong>famille française, honorée d'une fonction publique respectable etrespectée, n'est pas seule en cause.50UN DRAME ALGERIENLes hautes sphères administratives n'ignoraient rien <strong>de</strong>s faitsreprochés au juge <strong>de</strong> paix <strong>de</strong> Périgotville. Elles savaient que le seultitre <strong>de</strong> musul<strong>ma</strong>n était une garantie <strong>de</strong> sécurité au milieu même<strong>de</strong>s émeutiers ; que le juge musul<strong>ma</strong>n pouvait donc, sans aucunecrainte pour lui, essayer tout au moins d'intervenir dans le <strong>drame</strong>qui a provoqué la mort <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chefs <strong>de</strong> municipalité. Ellesn'ignoraient pas que la tuerie du chef­lieu du canton pouvait êtreévitée, si le juge avait donné l'alerte. Laisser acquitter, recaserensuite, dans l'administration, un homme sur qui pesaient tant <strong>de</strong>charges, c'était ou bien être sûr <strong>de</strong> son innocence, ou bien accepterun rôle <strong>de</strong> complice dans le <strong>drame</strong> qui a en<strong>de</strong>uillé toute unerégion. Nous acceptons la première hypothèse.Pour éviter la secon<strong>de</strong> accusation, pour apaiser les esprits, pourrassurer l'opinion publique, une note à la presse, largementdiffusée, s'imposait.L'administration n'a pas bougé, <strong>ma</strong>lgré <strong>de</strong>s réactions intérieuresauxquelles, nous affirme­t­on, elle a passé outre...Elle a jugé, comme chose négligeable et sans importance, le fait<strong>de</strong> ne pas expliquer, publiquement, son geste à une population, quicompte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uils nombreux et douloureux, et qui est,légitimement, émotionnée par une mesure pour le moins etapparemment inattendue.Il est <strong>de</strong>s contingences que les Pouvoirs publics n'ont pas ledroit <strong>de</strong> mépriser sans encourir les plus graves accusations.51

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