UN DRAME ALGERIENComprenant le danger, l'Administrateur et son adjoint sautèrentrapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la voiture et, chacun <strong>de</strong> leur côté, franchirent lesfossés. Ils tombèrent presque aussitôt sous les coups <strong>de</strong> feu <strong>de</strong>sagresseurs.Laissant là les cadavres, les <strong>de</strong>ux automobiles rejoignaientPérigotville. Nous avons dit que le Juge <strong>de</strong> paix, d'origineindigène, avait rendu visite au Dr Mazzuca, sans lui faire part du<strong>drame</strong> auquel il avait assisté.Quant au nommé Bouguendoura, brigadier <strong>de</strong>s cavaliers etconducteur <strong>de</strong> l'auto municipale, il réintégra les bureaux <strong>de</strong> lacommune mixte.La voiture qui suivait fit, à son tour, son entrée dans le villageet son conducteur, Adouani, donna, diton, le signal <strong>de</strong>l'insurrection.Les immeubles <strong>de</strong> la poste, <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>irie, sont aussitôt attaqués.Le bordj administratif est mis au pillage. Dans un <strong>de</strong>s bureaux on<strong>de</strong>vait trouver le cadavre <strong>de</strong> M. Fabrer.A 16 h. 30, le com<strong>ma</strong>ndant Mazzuca, à la tête d'un petitdétachement, arrive à Périgotville, après avoir essuyé en route <strong>de</strong>nombreux coups <strong>de</strong> feu, et traversé <strong>de</strong>s barrages. Puis il fonce surElOuricia, afin <strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong>r du renfort et se procurer <strong>de</strong>smunitions (1).A son retour, on a reconstruit les barrages et il faut lutter pourassurer le passage, Le com<strong>ma</strong>ndant forme un convoi avec lesenfants, femmes et vieillards, qu'il accompagne jusqu'à Sétif, oùl'on arrive à 2 heures du <strong>ma</strong>tin.* * *Le bureau <strong>de</strong> poste <strong>de</strong> Périgotville a été, avonsnous dit, lethéâtre d'une atroce tragédie.(1) Soulignons ici, le rôle joué dans la défense <strong>de</strong> la région par MM. Mazzuca frères, lecom<strong>ma</strong>ndant et le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> colonisation, qui se dépensèrent sans compter pour le rétablissement<strong>de</strong> l'ordre et <strong>de</strong> la sécurité.46UN DRAME ALGERIENLes débats qui ont eu lieu le 1er décembre 1945 <strong>de</strong>vant leTribunal militaire <strong>de</strong> Constantine, ont apporté <strong>de</strong>s témoignagesofficiels sur ce qui s'est passé dans l'immeuble postal.M. Sanbin, Receveur, entouré <strong>de</strong> sa famille, composée <strong>de</strong> safemme et <strong>de</strong> trois enfants, s'est tenu à son bureau, le 8 <strong>ma</strong>i. Par letéléphone, il était au courant du danger qui menaçait la région. Illançait <strong>de</strong> son côté <strong>de</strong>s appels pour obtenir <strong>de</strong>s secours surPérigotville. Vers 15 heures, le téléphone était coupé et la porte dubureau violemment attaquée. M. Sanbin n'avait pas d'armes. Lafamille se replia en hâte dans la cave. La porte enfoncée, la <strong>ma</strong>isonfut rapi<strong>de</strong>ment envahie et saccagée. Les agresseurs, très excités,gagnèrent le soussol. Ils n'eurent pas <strong>de</strong> peine à trouver les<strong>ma</strong>lheureux Français, sans défense possible.« <strong>Un</strong> <strong>de</strong>s forcenés, dit l'acte d'accusation, un tailleur <strong>de</strong>Périgotville, Benmihoub Haouès, mettant en joue le Receveur,avec un fusil volé à la commune, l'abattit froi<strong>de</strong>ment, <strong>ma</strong>lgré lessupplications <strong>de</strong> Mme Sanbin qui, un bébé dans les bras, tentait<strong>ma</strong>is en vain, d'apitoyer le bandit.« La cave était pleine d'émeutiers. La <strong>ma</strong>lheureuse mère ne putvoir ce qui se passait un peu plus loin, <strong>ma</strong>is soudain, elle entenditcinq nouveaux coups <strong>de</strong> feu. C'était son fils, Pierre, âgé <strong>de</strong> 11 ans,qui tombait, sous les balles d'un autre assassin, Guerfi Mohamed.Bien qu'atteint par cinq projectiles à la poitrine, l'enfant eut, la,force <strong>de</strong> se traîner chez un voisin et <strong>de</strong> dénoncer celui qui avait tirésur lui. Il le connaissait bien. C'était l'écrivain public du villagequ'il voyait chaque jour <strong>de</strong>vant la poste. »Les débats, <strong>de</strong>vant le Tribunal militaire, furent émotionnants.La presse n'en a rapporté qu'un écho diminué, par l'exercice <strong>de</strong> lacensure d'une part, et la raréfaction du papier accordé auxjournaux, d'autre part, aton dit...47
UN DRAME ALGERIEN« Guerfi Mohamed répondait <strong>de</strong> son crime <strong>de</strong>vant les jugesmilitaires. Quant à Benmihoub Haouès, en fuite, il était jugé parcontu<strong>ma</strong>ce. Deux complices, dont une femme, étaient égalementassis au banc <strong>de</strong>s accusés : Chekroun Douadi ben Saïd, Cantonnieret Chekroun Dahbia bent Saïd, ménagère.« Après l'interrogatoire, on entendit divers témoins, dont MmeSanbin. Déposition profondément émouvante. La voix entrecoupée<strong>de</strong> sanglots, Mme Sanbin raconta le <strong>drame</strong> qu'elle vécut, lemeurtre sous ses yeux, <strong>de</strong> son <strong>ma</strong>ri, la mort <strong>de</strong> son enfant. Ellemêmese <strong>de</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong> encore comment elle fut épargnée.« Déposition accablante aussi, <strong>de</strong> même que celle du jeuneVétillard chez qui se réfugia le petit Pierre, après ses blessures.« <strong>Un</strong> autre témoin vint encore dire comment il avait vu Haouès,l'auteur du meurtre <strong>de</strong> M. Sanbin, abattre à bout portant, d'un coup<strong>de</strong> revolver, un autre enfant, le jeune Blanc.« Le tribunal condamna à la peine <strong>de</strong> mort Guerfi Mohamed etBenmihoub Haouès. Ce <strong>de</strong>rnier par contu<strong>ma</strong>ce.« Chekroun Daoudi Ben Saïd se vit condamné à vingt ans <strong>de</strong>détention et dix ans d'interdiction <strong>de</strong> séjour. Chekroun Dahbia bentSaïd à dix ans <strong>de</strong> détention. Car, ici encore, les femmes ontparticipé au <strong>drame</strong>. »Avant l'audience du 1er décembre, dont nous venons <strong>de</strong> donnerun résumé succinct, exactement le 10 novembre, le Tribunalmilitaire <strong>de</strong> Constantine a condamné cinq émeutiers <strong>de</strong>Périgotville à <strong>de</strong>s peines variant <strong>de</strong> vingt ans a cinq ans <strong>de</strong> travauxforcés, retenant l'accusation <strong>de</strong> port d'armes dans un mouvementinsurrectionnel et <strong>de</strong> recel d'objets volés.Notons enfin que le 10 décembre 1945 le meurtre <strong>de</strong> M.Richaud Pierre, <strong>de</strong> Périgotville, a été évoqué <strong>de</strong>vant le même48UN DRAME ALGERIENTribunal militaire. Cinq condamnations à mort ont été prononcéesdont trois par contu<strong>ma</strong>ce : Benmihoub Haouès, Benlabed Metaïch,Boutouga Bachir, Chekroun Khier. Aucune exécution n'a eu lieu,du reste.10 décembre 1945... C'est à la même audience que le tribunal aprononcé l'acquittement du juge El Ke<strong>ma</strong>l, qui n'avait puempêcher, a dit le ministère public, le meurtre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxadministrateurs...Le 19 janvier 46, les assassins <strong>de</strong> M. Vétillard Clau<strong>de</strong> étaientacquittés, faute <strong>de</strong> preuves.Le 22 février 1946, le <strong>drame</strong> horrible <strong>ma</strong>rqué par la mort <strong>de</strong>MM Rousseau et Bancel recevait son épilogue : Deuxcondamnations à mort : Bouaoud Cherif et Melghem Salah, troisdétentions perpétuelles et <strong>de</strong>ux condamnations aux travaux forcésà perpétuité.Nous ne pouvons passer sous silence, à propos <strong>de</strong>s événements<strong>de</strong> Périgotville, l'émotion causée chez tous les Français <strong>de</strong> larégion <strong>de</strong> Sétif, par l'attitu<strong>de</strong> prêtée au juge <strong>de</strong> paix, musul<strong>ma</strong>nd'origine, M. El Ke<strong>ma</strong>l Mohammed. Il est établi, ainsi qu'on l'a vu,que ce <strong>ma</strong>gistrat a assisté au <strong>drame</strong> au cours duquel <strong>de</strong>uxfonctionnaires français ont été assassinés. Il n'intervient pas.Arrivé à l'agglomération <strong>de</strong> Périgotville, cheflieu <strong>de</strong> son canton, ilse gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> dire un mot <strong>de</strong> ce qui s'est passé. Il laisse auxémeutiers le temps d'investir le village, alors qu'un mot <strong>de</strong> luipouvait permettre <strong>de</strong> préparer la défense, <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s vieshu<strong>ma</strong>ines, d'éviter <strong>de</strong> jeter dix familles françaises dans un <strong>de</strong>uilatroce. Il entre en contact avec les révoltés en sortant <strong>de</strong> chez sonami, le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> colonisation, qu'il n'a pas alerté. Il a unephrase, à l'adresse <strong>de</strong>s insurgés, singulièrement compromettante :« Je suis musul<strong>ma</strong>n ; ne vous trompez pas. »49
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