Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENDANS LES RIRHASTel est le nom d'une commune mixte de l'arrondissement deSétif, dont le siège est à Colbert, au sud de cette ville, à33 kilomètres.Le mercredi 9 mai, la ferme Rogin est attaquée par des rebelles.Le lendemain 10 mai, vers midi, le centre de Pascal est menacé.Une patrouille, qui arrive à temps, disperse les agresseurs.Aucune victime n'est à déplorer dans la population française.La propagation de l'émeute s'est surtout manifestée dans la régionnord de Sétif, à l'intérieur du triangle géographique ayant poursommets les trois villes de Sétif, Bougie, et Djidjelli, avec tentatived'extension vers Constantine, par Djemila et Fedj­M'Zala.A LA FAYETTELe village de La Fayette est situé au nord­ouest de Sétif, à45 kilomètres. C'est le chef­lieu de la commune mixte duGuergour. 95 kilomètres le séparent du port de Bougie. Paysmontagneux, offrant des cultures de céréales, c'est un centreimportant.La journée du 8 mai allait s'écouler et l'on pensait être à l'abrides remous provoqués dans la région par les événements de Sétif,lorsque, vers 22 heures, on signalait des attroupements armésentourant La Fayette. L'autorité, aussitôt alertée par M. Olive,administrateur de la commune mixte, on reçoit la promesse del'arrivée prochaine de troupes pour la défense de l'agglomération.Ce n'est que le lendemain à 13 heures que l'on voit arriver undétachement de la Légion étrangère. Cela provoque de nouveauxgroupements autochtones. Un avocat musulman explique que sescoreligionnaires sont mécontents de ce déploiement de forces et38UN DRAME ALGERIENque le calme reviendra avec le départ des militaires. Ledétachement se dirige vers Kerrata.Peu après 17 heures, on entend des coups de feu.L'Administrateur est en tournée de surveillance dans le village,ainsi que son adjoint M. Plault. M. Olive a juste le temps de seréfugier à la gendarmerie, pendant que, de justesse, grâce à uncavalier de la commune mixte, M. Plault arrive à, regagner le bordjadministratif. Gendarmerie et bordj sont mis en état de défense.Mais des maisons particulières sont envahies par les émeutiers etdes scènes de pillage ont lieu. Certains habitants n'ont pas purejoindre les centres de résistance, où les Français se défendent,avec énergie, aidés par des collaborateurs restés fidèles.Vers 23 heures, des blindés militaires arrivent. Les assiégéssont délivrés. Les émeutiers s'éloignent, mais le 10 mai, à 7 heuresdu matin, les voitures quittant le centre, on constate de nouveauxattroupements. Ce n'est qu'à midi et demie que l'arrivée deSénégalais assure enfin le calme dans la région.L'alerte a été chaude. On enregistre des morts, trois Israélites,surpris chez eux ou réfugiés chez des voisins;— Mme Atlan Ginette, 55 ans ;— M. Daniboule Saffar, 60 ans ;— et le jeune Levy Roland, 15 ans, dont la fin lamentable a étéexposée, le 20 août, à l'audience du Tribunal militaire deConstantine.Laissons la parole à la Dépêche de Constantine : « Le 9 maidans la soirée, un jeune écolier, Lévy Roland, âgé de 15 ans, qui setrouvait seul chez lui, ses parents s'étant absentés, entendaitbrusquement des cris, des hurlements, des coups de feu provenantde l'extérieur. L'émeute venait d'éclater et des groupes d'indigènes,armés de fusils et de couteaux, parcouraient les rues du village.39

UN DRAME ALGERIENL'enfant terrorisé s'enfuyait et courait se réfugier chez ladomestique de sa mère, une Mauresque, qui l'enveloppait dans unpardessus et le cachait sous une table. Peine perdue. Les émeutiers,qui procédaient avec méthode, visitant toutes les demeuressusceptibles d'abriter des Européens, s'arrêtaient bientôt devant lelogement de la mauresque. Celle­ci, courageusement et masquantde son corps l'entrée de son domicile, déclarait qu'il n'y avaitpersonne chez elle. Mais deux indigènes, Lekhal Saïd ben Tahar,35 ans, et Laïdoudi Mokhtar Ben Ali, 63 ans, la frappantbrutalement et l'écartant de force, pénétraient dans la chambre,découvraient l'enfant et malgré ses supplications, l'abattaientfroidement de deux coups de fusil.Le Tribunal militaire de Constantine ayant reconnu laculpabilité des deux accusés, les a condamnés à la peine capitale.Cette sentence n'a pas, que nous sachons, été exécutée.***On verra plus loin, dans le chapitre consacré au martyrologe denos gardes forestiers, le récit du guet­apens au cours duquel legarde Feuvrier a trouvé la mort. La maison forestière de Bialelappartient à la brigade de La Fayette.UN DRAME ALGERIENA PERIGOTVILLEA El­Ouricia, situé sur la grande artère sud­nord, qui joint Sétifà Bougie par les gorges impressionnantes de Kerrata, se trouve unembranchement Est assurant la jonction vers Djidjelli, parPérigotville, Chevreul et le col de Tamentout.Périgotville est le chef­lieu de la commune mixte de Takitount.Cette importante agglomération, pourvue d'un bordj administratif,est à 27 kilomètres de Sétif.Le 8 mai, M. Rousseau, Administrateur en chef, accompagnéde son adjoint, M. Bancel et de M. El Kemal Mohamed, juge depaix du canton, s'était rendu sur la route d'El­Ouricia, où avait étésignalée l'attaque du service postal Sétif­Bougie. L'automobileétait conduite par le nommé Bouguendoura Amar, brigadier descavaliers de la commune mixte. Participaient donc au voyage, deuxFrançais d'origine, MM. Rousseau et Bancel et deux Françaisindigènes, le Juge et le brigadier.Ces deux derniers revinrent seuls, dans la voitureadministrative, qui s'arrêta devant la demeure du médecin decolonisation de Périgotville. Le juge de paix descendit et l'autocontinua vers le bordj.Le magistrat se présenta au Dr Mazzuca et lui montra uneblessure légère « située au niveau du pavillon de l'oreille gauche ».Le médecin fit un pansement sommaire, et l'on causa amicalement.Aucune allusion ne fut faite à l'Administrateur et à son adjoint.Ayant accompagné son visiteur jusqu'à la sortie de la maison etfermé la porte d'entrée, le docteur entendit au dehors le bruit d'uneconversation : « Attention ! disait le Juge. Je suis un musulman. Nevous trompez pas ! »4041

UN DRAME ALGERIENL'enfant terrorisé s'enfuyait et courait se réfugier chez ladomestique <strong>de</strong> sa mère, une Mauresque, qui l'enveloppait dans unpar<strong>de</strong>ssus et le cachait sous une table. Peine perdue. Les émeutiers,qui procédaient avec métho<strong>de</strong>, visitant toutes les <strong>de</strong>meuressusceptibles d'abriter <strong>de</strong>s Européens, s'arrêtaient bientôt <strong>de</strong>vant lelogement <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>uresque. Celle­ci, courageusement et <strong>ma</strong>squant<strong>de</strong> son corps l'entrée <strong>de</strong> son domicile, déclarait qu'il n'y avaitpersonne chez elle. Mais <strong>de</strong>ux indigènes, Lekhal Saïd ben Tahar,35 ans, et Laïdoudi Mokhtar Ben Ali, 63 ans, la frappantbrutalement et l'écartant <strong>de</strong> force, pénétraient dans la chambre,découvraient l'enfant et <strong>ma</strong>lgré ses supplications, l'abattaientfroi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux coups <strong>de</strong> fusil.Le Tribunal militaire <strong>de</strong> Constantine ayant reconnu laculpabilité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux accusés, les a condamnés à la peine capitale.Cette sentence n'a pas, que nous sachons, été exécutée.***On verra plus loin, dans le chapitre consacré au <strong>ma</strong>rtyrologe <strong>de</strong>nos gar<strong>de</strong>s forestiers, le récit du guet­apens au cours duquel legar<strong>de</strong> Feuvrier a trouvé la mort. La <strong>ma</strong>ison forestière <strong>de</strong> Bialelappartient à la briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> La Fayette.UN DRAME ALGERIENA PERIGOTVILLEA El­Ouricia, situé sur la gran<strong>de</strong> artère sud­nord, qui joint Sétifà Bougie par les gorges impressionnantes <strong>de</strong> Kerrata, se trouve unembranchement Est assurant la jonction vers Djidjelli, parPérigotville, Chevreul et le col <strong>de</strong> Tamentout.Périgotville est le chef­lieu <strong>de</strong> la commune mixte <strong>de</strong> Takitount.Cette importante agglomération, pourvue d'un bordj administratif,est à 27 kilomètres <strong>de</strong> Sétif.Le 8 <strong>ma</strong>i, M. Rousseau, Administrateur en chef, accompagné<strong>de</strong> son adjoint, M. Bancel et <strong>de</strong> M. El Ke<strong>ma</strong>l Mohamed, juge <strong>de</strong>paix du canton, s'était rendu sur la route d'El­Ouricia, où avait étésignalée l'attaque du service postal Sétif­Bougie. L'automobileétait conduite par le nommé Bouguendoura A<strong>ma</strong>r, brigadier <strong>de</strong>scavaliers <strong>de</strong> la commune mixte. Participaient donc au voyage, <strong>de</strong>uxFrançais d'origine, MM. Rousseau et Bancel et <strong>de</strong>ux Françaisindigènes, le Juge et le brigadier.Ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers revinrent seuls, dans la voitureadministrative, qui s'arrêta <strong>de</strong>vant la <strong>de</strong>meure du mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>colonisation <strong>de</strong> Périgotville. Le juge <strong>de</strong> paix <strong>de</strong>scendit et l'autocontinua vers le bordj.Le <strong>ma</strong>gistrat se présenta au Dr Mazzuca et lui montra uneblessure légère « située au niveau du pavillon <strong>de</strong> l'oreille gauche ».Le mé<strong>de</strong>cin fit un pansement som<strong>ma</strong>ire, et l'on causa amicalement.Aucune allusion ne fut faite à l'Administrateur et à son adjoint.Ayant accompagné son visiteur jusqu'à la sortie <strong>de</strong> la <strong>ma</strong>ison etfermé la porte d'entrée, le docteur entendit au <strong>de</strong>hors le bruit d'uneconversation : « Attention ! disait le Juge. Je suis un musul<strong>ma</strong>n. Nevous trompez pas ! »4041

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