Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

10.07.2015 Views

UN DRAME ALGERIEN***Le Tribunal militaire de Constantine a vu comparaître lesauteurs des événements tragiques du village de Sillègue.Les nommés Nemir Abdelkader ben Messaoud, ChachourAmar ben Zerroug et Bouachera Daoudi ben Lahcen, inculpésd'incendies, de viol, de vol, et de meurtre (époux Murschler etBeiguet) ont été condamnés à mort. Un quatrième coupable a étéfrappé de la peine des travaux forcés à perpétuité.A SAINT­ARNAUDLe 7 mai, à 18 heures, la population française de Saint­Arnaudmanifestait sa joie de la victoire alliée par l'organisation d'un défilédans les rues de la petite ville. Il fut remarqué qu'à ce défilé aucunmusulman ne participait.Le lendemain, vers 9 h. 12 du matin, environ 2.000 indigènespassaient sous les fenêtres de l'habitation du maire, se dirigeantvers le centre de l'agglomération, venant du stade municipal.Le cortège était organisé : en tête, précédés de femmes et defillettes, étaient les scouts musulmans. Aucune autorisation n'avaitété demandée pour cette manifestation qui paraissait, être uneréponse à celle de la veille. Les manifestants paraissaient énervéset résolus. Il n'y avait pas de troupes à Saint­Arnaud. Lamunicipalité jugea prudent de ne pas intervenir.Au cours du défilé on perçut des cris hostiles aux Français. Despancartes étaient déployées. L'affaire se termina dans un calmerelatif.Mais on remarqua bientôt que tous les magasins indigènes de laville étaient fermés. Ils le restèrent toute la journée. Tous lesindigènes circulant en ville, petits et grands (ils étaient nombreux)34UN DRAME ALGERIENétaient porteurs de matraques et avaient un air arrogant.Vers 10 heures du matin le bruit courait, à Saint­Arnaud, quedes événements graves se déroulaient à Sétif.A 19 h. 30, on apprenait que le centre de Sillègue, à 20kilomètres au nord de Saint­Arnaud, était assiégé par des bandesd'émeutiers qui tiraient sans discontinuer, coupaient lescommunications télégraphiques, incendiaient les maisons etmassacraient les habitants.Le maire, M. Filippi, demanda du secours militaire à la souspréfecturede Sétif. Un détachement arriva dans la nuit. Les rues sevidèrent alors de manifestants.Mais le lendemain 9 mai, la troupe étant repartie, les magasinsrestèrent fermés et de nouveau la ville fut envahie.A 14 h. 30, un conseiller municipal indigène, très excité, seprésenta dans la rue à M. Filippi, et lui dit :— Les Européens veulent tirer sur les indigènes, nous sommesprêts à mourir.M. Filippi répondit avec calme :— Moi aussi, avec eux.Puis il invita le conseiller à le suivre, prit un taxi et parcourut,avec son collaborateur, les rues où se trouvaient des groupeshostiles, mettant en garde les manifestants contre des gestesirréfléchis qui seraient gros de conséquences. Le conseillermunicipal était prié par le maire de traduire.Dans la nuit, un détachement de Sénégalais se dirigeant surFedj­M'Zala, dut s'arrêter à Saint­Arnaud, pour faire face auxgroupements tenus en respect par l'énergie calme du maire, de lagendarmerie et de quelques auxiliaires européens et indigènes dela municipalité.La provocation avait été flagrante.L'affaire se termina par soixante arrestations de meneurs, dont35

UN DRAME ALGERIENdeux conseillers indigènes et trois employés de la mairie,emmenés à Sétif par l'autorité militaire.Saint­Arnaud n'échappa, on peut le dire, que de justesse, audrame qui, par ailleurs, se déchaîna sur la région de Sétif. Grâce àl'attitude prise par sa municipalité et son chef et grâce à l'arrivéeopportune des troupes noires, le sang ne coula pas, des morts n'ontpas été à déplorer.AUX AMOUCHASLe petit centre des Amouchas fait partie de la commune mixtede Takitount, dans l'arrondissement de Bougie. Il est situéexactement à vingt­quatre kilomètres de Kerrata, et à vingt­neufkilomètres de Sétif, sur la route de Sétif à Bougie.Par sa situation entre Kerrata et El­Ouricia, il devait participerau drame qui a ensanglanté toute la région. Il a vu passer lesvagues d'émeutiers déferlant sur le pays. Son bureau de poste a étéattaqué et une maison du village pillée. L'agglomération n'a pas euà enregistrer de victime par mort violente, en raison de l'arrivéerapide d'un détachement militaire. Cependant le bourg a étéencadré par deux drames : le massacre de l'AdministrateurRousseau et de son adjoint, dont nous parlons par ailleurs etl'assassinat de M. Carrier, gérant de la ferme Gentil.C'est à quelques kilomètres des Amouchas que le car venant deSétif a été agressé, ce qui avait motivé la randonnée del'Administrateur en chef, revenant de Kerrata dans des conditionsque nous précisons plus loin.Il convient de noter, ici, l'attaque d'une ferme française, dontl'exploitant M. Torrent ne dut son salut qu'à sa présence d'esprit.Objet d'une véritable chasse à l'homme, il se réfugia dans une36UN DRAME ALGERIENsoupente d'où il assista impuissant à la destruction de son bien,pendant de longues heures. Cinq des pillards ont été condamnés àmort le 8 octobre 1945, par le Tribunal militaire de Constantine :Laïd Saïd, Magrem Embarek, Kharbèche Layadi, MoghrebBouzid, Mehabile Slimane.A EL­OURICIAEl­Ouricia est un chef­lieu de canton situé au nord de Sétif et àpeu de distance.C'est près d'El­Ouricia qu'a été assassiné, sur la route, le curéNavaro, remplissant les fonctions d'aumônier militaire, dont nousavons déjà parlé, et jouissant de l'estime de tous les Français dansla région.Ce prêtre revenait de Périgotville en motocyclette le 8 mai, à14 h. 30. Il fut agressé à coups de pistolet et mis aussitôt hors d'étatde résister. Les émeutiers s'acharnèrent sur son corps, ydéterminant des blessures horribles et des mutilations honteuses.Puis ils se ruèrent vers le village. L'arrivée d'un détachementmilitaire les empêcha d'ajouter encore à la liste de leurs forfaits.A AIN­ABESSAC'est également le 8 mai, vers 21 h. 45, que plus de milleindigènes, dont un grand nombre était armé de mitraillettes, ontattaqué le village d'Aïn­Abessa. La population n'eut que le tempsde se réfugier à la gendarmerie et d'organiser la résistance. L'alertedura peu, en raison de l'arrivée, relativement rapide, de la troupe.Mais un drame est à déplorer, M. Fabre, surpris dès le début, avaitété assassiné.37

UN DRAME ALGERIEN***Le Tribunal militaire <strong>de</strong> Constantine a vu comparaître lesauteurs <strong>de</strong>s événements tragiques du village <strong>de</strong> Sillègue.Les nommés Nemir Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r ben Messaoud, ChachourA<strong>ma</strong>r ben Zerroug et Bouachera Daoudi ben Lahcen, inculpésd'incendies, <strong>de</strong> viol, <strong>de</strong> vol, et <strong>de</strong> meurtre (époux Murschler etBeiguet) ont été condamnés à mort. <strong>Un</strong> quatrième coupable a étéfrappé <strong>de</strong> la peine <strong>de</strong>s travaux forcés à perpétuité.A SAINT­ARNAUDLe 7 <strong>ma</strong>i, à 18 heures, la population française <strong>de</strong> Saint­Arnaud<strong>ma</strong>nifestait sa joie <strong>de</strong> la victoire alliée par l'organisation d'un défilédans les rues <strong>de</strong> la petite ville. Il fut re<strong>ma</strong>rqué qu'à ce défilé aucunmusul<strong>ma</strong>n ne participait.Le len<strong>de</strong><strong>ma</strong>in, vers 9 h. 12 du <strong>ma</strong>tin, environ 2.000 indigènespassaient sous les fenêtres <strong>de</strong> l'habitation du <strong>ma</strong>ire, se dirigeantvers le centre <strong>de</strong> l'agglomération, venant du sta<strong>de</strong> municipal.Le cortège était organisé : en tête, précédés <strong>de</strong> femmes et <strong>de</strong>fillettes, étaient les scouts musul<strong>ma</strong>ns. Aucune autorisation n'avaitété <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndée pour cette <strong>ma</strong>nifestation qui paraissait, être uneréponse à celle <strong>de</strong> la veille. Les <strong>ma</strong>nifestants paraissaient énervéset résolus. Il n'y avait pas <strong>de</strong> troupes à Saint­Arnaud. Lamunicipalité jugea pru<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> ne pas intervenir.Au cours du défilé on perçut <strong>de</strong>s cris hostiles aux Français. Despancartes étaient déployées. L'affaire se termina dans un calmerelatif.Mais on re<strong>ma</strong>rqua bientôt que tous les <strong>ma</strong>gasins indigènes <strong>de</strong> laville étaient fermés. Ils le restèrent toute la journée. Tous lesindigènes circulant en ville, petits et grands (ils étaient nombreux)34UN DRAME ALGERIENétaient porteurs <strong>de</strong> <strong>ma</strong>traques et avaient un air arrogant.Vers 10 heures du <strong>ma</strong>tin le bruit courait, à Saint­Arnaud, que<strong>de</strong>s événements graves se déroulaient à Sétif.A 19 h. 30, on apprenait que le centre <strong>de</strong> Sillègue, à 20kilomètres au nord <strong>de</strong> Saint­Arnaud, était assiégé par <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>sd'émeutiers qui tiraient sans discontinuer, coupaient lescommunications télégraphiques, incendiaient les <strong>ma</strong>isons et<strong>ma</strong>ssacraient les habitants.Le <strong>ma</strong>ire, M. Filippi, <strong>de</strong><strong>ma</strong>nda du secours militaire à la souspréfecture<strong>de</strong> Sétif. <strong>Un</strong> détachement arriva dans la nuit. Les rues sevidèrent alors <strong>de</strong> <strong>ma</strong>nifestants.Mais le len<strong>de</strong><strong>ma</strong>in 9 <strong>ma</strong>i, la troupe étant repartie, les <strong>ma</strong>gasinsrestèrent fermés et <strong>de</strong> nouveau la ville fut envahie.A 14 h. 30, un conseiller municipal indigène, très excité, seprésenta dans la rue à M. Filippi, et lui dit :— Les Européens veulent tirer sur les indigènes, nous sommesprêts à mourir.M. Filippi répondit avec calme :— Moi aussi, avec eux.Puis il invita le conseiller à le suivre, prit un taxi et parcourut,avec son collaborateur, les rues où se trouvaient <strong>de</strong>s groupeshostiles, mettant en gar<strong>de</strong> les <strong>ma</strong>nifestants contre <strong>de</strong>s gestesirréfléchis qui seraient gros <strong>de</strong> conséquences. Le conseillermunicipal était prié par le <strong>ma</strong>ire <strong>de</strong> traduire.Dans la nuit, un détachement <strong>de</strong> Sénégalais se dirigeant surFedj­M'Zala, dut s'arrêter à Saint­Arnaud, pour faire face auxgroupements tenus en respect par l'énergie calme du <strong>ma</strong>ire, <strong>de</strong> lagendarmerie et <strong>de</strong> quelques auxiliaires européens et indigènes <strong>de</strong>la municipalité.La provocation avait été flagrante.L'affaire se termina par soixante arrestations <strong>de</strong> meneurs, dont35

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