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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENAu sujet du blé, une constatation édifiante s'est produite aucours <strong>de</strong> l'hiver 1946­1947. En janvier 1947, les Sociétés indigènes<strong>de</strong> prévoyance (S.I.P.) avaient fermé leurs portes, faute <strong>de</strong> ven<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> céréales. Mais la saison pluvieuse avait été particulièrementabondante en précipitations. Beaucoup <strong>de</strong> blé atteint par l'eaumenaçait <strong>de</strong> s'avarier : grosse émotion dans les campagnes. Onvida les silos inondés. Sur le <strong>ma</strong>rché clan<strong>de</strong>stin l'offre dépassa la<strong>de</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong>. Les pris baissèrent bien au­<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> ceux fixés par lataxation officielle. L'Administration généreuse vint au secours <strong>de</strong>ceux qui, volontairement, s'étaient mis en <strong>ma</strong>rge <strong>de</strong> la loi. Elleouvrit à nouveau les portes <strong>de</strong> ses <strong>ma</strong>gasins et acheta le blé auxprix <strong>de</strong> la taxe. Et elle fut mise à même <strong>de</strong> constater que les stocksreprésentant le trop plein du <strong>ma</strong>rché noir contenaient <strong>de</strong>s blésdatant <strong>de</strong> plus d'un an...Le <strong>ma</strong>rché parallèle du blé reprit rapi<strong>de</strong>ment son activité. Etpendant que s'exercent les mesures <strong>de</strong> restriction frappant lapopulation européenne, les boulangeries officielles distribuent laration <strong>de</strong> 200 grammes <strong>de</strong> pain bis obtenu par <strong>de</strong>s mélanges <strong>de</strong>farines basses, tandis que dans les rues étroites <strong>de</strong> chaque« médina » du Maroc, ou <strong>de</strong>s villes d'Algérie et <strong>de</strong> Tunisie, se vendcouramment le bon pain blanc <strong>de</strong> semoule offert aux acheteursfortunés.Sera­t­on taxé d'exagération en disant :— que toutes les statistiques qui ont été données par l'autoritésur les récoltes dites <strong>de</strong> guerre ne peuvent être exactes et que l'onse trouve, en Algérie, dans l'impossibilité <strong>de</strong> dire dans quellesproportions le ravitaillement est assuré par les stocks existants ;— que le <strong>ma</strong>rché noir a été encouragé gran<strong>de</strong>ment, sinon créépar l'action administrative obéissant, par<strong>de</strong>ssus tout, à unsentiment : la peur <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts pouvant provoquer <strong>de</strong>s286UN DRAME ALGERIENtroubles, en présence <strong>de</strong>squels on serait obligé <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>smesures énergiques ;— que notre Métropole a souffert et souffre encore du <strong>ma</strong>nque<strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> rations qui, mensuellement, viennent alimenter le<strong>ma</strong>rché noir <strong>de</strong> l'Afrique du Nord?Ce que nous avons dit du blé, du café, du sucre, du chocolatpeut se dire aussi du lait, du savon, <strong>de</strong>s étoffes, <strong>de</strong>s allumettes, etc.<strong>Un</strong>e décision dictée par un bon sentiment a fait bénéficier lesmères indigènes et les nourrissons <strong>de</strong> rations <strong>de</strong> lait frais oucon<strong>de</strong>nsé. Ce lait a bien été livré, <strong>ma</strong>is l'on constate que 98 % dumontant <strong>de</strong>s bons passent au <strong>ma</strong>rché noir et constituent unvéritable traitement mensuel pour <strong>de</strong> nombreuses familles, audétriment <strong>de</strong>s enfants, privés, par leurs parents, <strong>de</strong> leurs rations <strong>de</strong>croissance.<strong>Un</strong>e autre considération a été l'un <strong>de</strong>s facteurs qui nous ontdécidé à publier ces pages, apportant <strong>de</strong>s détails inédits à un <strong>drame</strong>qui appartient à l'Histoire <strong>de</strong> notre Afrique du Nord.Pourrait­on nier <strong>de</strong> bonne foi que ce <strong>drame</strong> est la conséquencedirecte d'une politique <strong>de</strong> faiblesse, appliquée <strong>de</strong>puis troplongtemps dans nos rapports avec quelques agitateurs <strong>de</strong>vant leursituation à la France, dont, cependant, ils se déclarent, dans lapresse, les assemblées et les réunions publiques, les ennemisirréconciliables ?Cette politique, que rien ne saurait expliquer et que rienn'excuse, continue à se pratiquer, <strong>ma</strong>lgré les leçons sévères reçuespar nous dans le passé. Elle nous mène droit à <strong>de</strong> nouveauxtroubles que la situation mondiale actuelle peut rendrecatastrophiques.Le conflit européen ouvert en 1914 n'est pas terminé. Ladémonstration se fait, chaque jour, <strong>de</strong> préparatifs annonçantd'ultimes combats entre <strong>de</strong>ux civilisations très opposées dans leurs287

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