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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENCONSEIL GENERAL DE CONSTANTINEConstantine, le 24 avril 1945Monsieur le Préfet,Les conseillers généraux soussignés, réunis à Constantine, àl'occasion <strong>de</strong> la session ordinaire d'avril,Tiennent à vous faire part <strong>de</strong> l'émotion qui ne cesse <strong>de</strong> grandir,dans les campagnes <strong>algérien</strong>nes, <strong>de</strong>puis un an, chez les colonsd'origine française.Depuis longtemps, ceux qui, par eux­mêmes ou par leursascendants, ont assuré une œuvre économique faisant, dans leNord <strong>de</strong> l'Afrique, le plus grand honneur au génie français, voients'affirmer autour d'eux <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestations d'inimitié qui paraissentconcertées et obéir à <strong>de</strong>s mots d'ordre venant <strong>de</strong> très loin.Brusquement, et coïncidant avec les mesures généreuses prisespar les Pouvoirs publics en faveur <strong>de</strong>s populations autochtones,l'inimitié a fait place à une hostilité qui prend figure <strong>de</strong> hainecollective. Les passions sont déchaînées dans <strong>de</strong>s milieux quiétaient calmes jusqu'à ce jour. Elles se traduisent d'un bout à l'autredu territoire par <strong>de</strong>s incorrections <strong>de</strong> langage, <strong>de</strong>s provocations et<strong>de</strong>s injures, parfois <strong>de</strong>s menaces qui n'épargnent ni les femmes niles enfants français <strong>de</strong> naissance.Partout, <strong>de</strong>s hommes, hier inoffensifs, heureux <strong>de</strong> collaboreravec les colons, les fonctionnaires, les commerçants, sont <strong>de</strong>venusarrogants et annoncent leur volonté <strong>de</strong> rester seuls sur la terre <strong>de</strong>leurs ancêtres et <strong>de</strong> proclamer l'indépendance totale qui a fait, enfévrier 1943, l'objet <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestes <strong>de</strong>s élus musul<strong>ma</strong>ns à <strong>Alger</strong>, aumépris <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> la France. Les indigènes qui nous étaientacquis sans réserve ont eux­mêmes changé d'attitu<strong>de</strong>. Ils n'osentplus affirmer leurs sympathies, dans la crainte d'être rejetés ousacrifiés par leurs coreligionnaires.Partout, l'insécurité grandit. On signale <strong>de</strong>s atteintes à lapropriété, <strong>de</strong>s bris <strong>de</strong> conduites d'eau alimentant les villages, <strong>de</strong>smenaces non déguisées contre la vie <strong>de</strong>s Français isolés. Les ruesUN DRAME ALGERIEN<strong>de</strong>s villes, <strong>ma</strong>lgré les interdictions officielles <strong>de</strong> former <strong>de</strong>scortèges, sont parcourues par <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestants criant ouvertementque l'Algérie appartient aux Arabes. On assiste à <strong>de</strong>s organisationslocales qui sont <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> combat et <strong>de</strong> remplacement<strong>de</strong> l'Administration française, telle que celle qui fonctionne à ElMilia ou à Châteaudun.Tous ces faits réunis sont <strong>de</strong>s signes inquiétants au possibled'événements graves, pouvant survenir <strong>de</strong><strong>ma</strong>in et mettre en péril lavie <strong>de</strong>s Français isolés dans les campagnes <strong>algérien</strong>nes, dans cesmêmes campagnes où un commerce clan<strong>de</strong>stin d'armes <strong>de</strong> guerrese fait pour ainsi dire ouvertement <strong>de</strong>puis trois ans. Si l'on songeque l'Algérie est à la veille d'une disette agricole sans précé<strong>de</strong>nt<strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses années, et que cette situation peut provoquerun <strong>drame</strong> général brusqué, dont il serait difficile <strong>de</strong> limiter lesdésastreuses conséquences, il apparaît bien aux esprits les moinsprévenus que ce n'est plus par <strong>de</strong>s paroles <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce et <strong>de</strong>sappels aux sentiments que l'on peut conjurer le <strong>ma</strong>l qui s'annonceet que <strong>de</strong>s mesures comportant <strong>de</strong>s avertissements sévères sontseules <strong>de</strong> nature à éviter toute surprise fâcheuse pour l'ordre publicet la dignité <strong>de</strong> la France.Déjà, les chantiers privés, dans les propriétés françaises <strong>de</strong>scampagnes, sont désertés par les travailleurs indigènes. Et l'onpeut prédire sans être taxé d'exagération que, dans <strong>ma</strong>ints endroits,ce que la sécheresse laissera dans les récoltes ne pourra êtrerecueilli, faute <strong>de</strong> <strong>ma</strong>in­d'œuvre.Les soussignés, Monsieur le Préfet, ont montré en touteoccasion, et notamment au cours <strong>de</strong>s événements qui se déroulent<strong>de</strong>puis septembre 1939, leur volonté <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>r sans réserve,d'appuyer, sans la contrarier en quoi que ce soit, l'actionadministrative dans l'œuvre délicate, souvent difficile, qu'elles'efforce d'accomplir. Leur dé<strong>ma</strong>rche d'aujourd'hui ne saurait doncêtre traduite comme une initiative visant à porter atteinte àl'autorité dont vous êtes, ici, le représentant qualifié.

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