UN DRAME ALGERIENEN MANIERE DE CONCLUSIONLes différents récits qui précè<strong>de</strong>nt n'ont pas la prétention <strong>de</strong>résumer tous les inci<strong>de</strong>nts qui se sont produits au cours <strong>de</strong>sémeutes <strong>de</strong> <strong>ma</strong>i 1945, en Algérie. Beaucoup <strong>de</strong> <strong>drame</strong>s locaux sesont déroulés qui n'ont pas eu encore d'écho dans le public, l'effortofficiel tendant ouvertement à faire le silence pour « rassurerl'opinion », ce qui est, nous l'avons dit, un moyen discutable.Il se dégage cependant, <strong>de</strong>s faits connus, libérés <strong>de</strong>sdéfor<strong>ma</strong>tions qui sont à la base <strong>de</strong> transmissions orales ou mêmeécrites, <strong>de</strong>s vérités d'évi<strong>de</strong>nce qui ne sauraient être niées.Essayons <strong>de</strong> définir quelquesunes <strong>de</strong>s constatations d'ordregénéral, méritant d'être retenues.— La surprise a été totale pour les Français menacés etagressés, aussi bien dans les villes que dans les villages ou lescampagnes. Si <strong>de</strong>s avertissements ont pu, avant les journéestragiques, être adressés à l'Autorité responsable <strong>de</strong> l'ordre, c'estqu'une tension générale,UN DRAME ALGERIEN<strong>de</strong>venue <strong>de</strong> plus en plus anor<strong>ma</strong>le, s'affir<strong>ma</strong>it dans le mon<strong>de</strong>indigène — phénomène qui ne pouvait échapper à l'attention <strong>de</strong>sobservateurs français habitués à analyser les réactions <strong>de</strong> l'âmemusul<strong>ma</strong>ne.Ces réactions étaient, évi<strong>de</strong>mment, le résultat d'une propagan<strong>de</strong>suractivée, exacerbée, que l'on sentait en état d'impatienced'arriver à un but assigné à l'avance, poursuivi avec nervosité —propagan<strong>de</strong> ouverte, à laquelle n'était opposée aucune mesureofficielle <strong>de</strong> nature à faire hésiter ou réfléchir les meneurs.Mais à très peu d'exceptions près, un silence collectif,soulignant une complicité générale tacite, a été le caractèreprincipal <strong>de</strong> la préparation du soulèvement du 8 <strong>ma</strong>i 1945.— L'Administration et la population française se sont trouvéesen présence d'un complot savamment préparé, mûri, dont l'ampleur<strong>de</strong>vait s'étendre à tout le territoire <strong>de</strong> nos trois départements<strong>algérien</strong>s. Tous les détails avaient été prévus. L'application d'un telprogramme, dont le succès pouvait être raisonnablement escompté,en un moment précisément où les moyens <strong>de</strong> défense <strong>ma</strong>nquaienten Afrique du Nord, pouvait provoquer un raz<strong>de</strong><strong>ma</strong>rée <strong>de</strong>s plusfâcheux pour la situation <strong>de</strong> la France au Sud <strong>de</strong> la Méditerranée.— Il est logique <strong>de</strong> penser que ce programme, pour atteindre untel développement, a pu recevoir l'appui d'encouragementsétrangers au pays, encouragements faisant suite aux campagnes <strong>de</strong>propagan<strong>de</strong> d'origine alle<strong>ma</strong>n<strong>de</strong> et italienne. L'action entreprisen'était pas d'ordre local. Elle faisait partie d'un plan à alluremondiale. Les chefs locaux — dont la responsabilité reste,évi<strong>de</strong>mment, entière — étaient <strong>de</strong>s comparses, <strong>de</strong>s participantsayant reçu <strong>de</strong>s directives et <strong>de</strong>s moyens d'action puissants. Ilsavaient à leur disposition, sur place, un levier <strong>de</strong> premier ordre, lefanatisme religieux.250251
UN DRAME ALGERIEN— La misère ne peut en rien être retenue, comme provocatricedu <strong>drame</strong>. La démonstration a été faite partout que la faim nesévissait pas dans les régions soulevées. Partout <strong>de</strong>sapprovisionnements ont été trouvés chez les émeutiers. Lespillages ont provoqué <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s révoltés un gaspillage énorme<strong>de</strong> <strong>de</strong>nrées alimentaires. Des stocks considérables <strong>de</strong> blé, semoule,farine existaient à Kerrata, FedjM'Zala, qui ont été retrouvésintacts après le soulèvement.— Il a été établi que les régions pauvres du département,vraiment atteintes par le dénuement, n'ont pas enregistré <strong>de</strong>troubles sanglants ni <strong>de</strong> réactions <strong>de</strong> révoltes — <strong>ma</strong>lgrél'insuffisance <strong>de</strong>s secours mis à la disposition <strong>de</strong>s populations,atteintes par une série d'années à productions déficitaires.— Il est également à noter que les mesures <strong>de</strong> restrictions, lesréquisitions <strong>de</strong> récoltes ne se sont pas exercées en fait, à très peud'exceptions près, sur le mon<strong>de</strong> indigène — qui a refusé, dansl'ensemble, <strong>de</strong> respecter les règlements édictés. Seuls les colonsfrançais ont livré leurs récoltes et d'une façon générale, les<strong>ma</strong>gasins <strong>de</strong>s Sociétés indigènes <strong>de</strong> Prévoyance ont été surtoutalimentés, <strong>de</strong>puis trois ans, par du blé <strong>de</strong> culture française. Lespoursuites exercées contre les autochtones délinquants ont eu lieuau ralenti. Quelques condamnations ont bien été prononcées, <strong>ma</strong>iselles ont été très atténuées en appel. La volonté, qui s'affir<strong>ma</strong>it <strong>de</strong>ne pas sévir, a augmenté, par la suite, la résistance. On peut doncdire que les indigènes d'Algérie, tout au moins les 9/10,représentant <strong>de</strong>s agriculteurs, ont joui, d'un régime privilégié, dansla pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> guerre, puisqu'ils n'ont pas livré leur productionagricole et ont participé néanmoins aux répartitions <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nréesalimentaires.— Le mouvement a été nettement hostile à tout ce qui étaitfrançais dans le pays, sans distinction entre les classes sociales, lesprofessions ou les partis politiques.252UN DRAME ALGERIENTout ce qui n'était pas musul<strong>ma</strong>n <strong>de</strong>vait être détruit, anéanti.Témoin ce jeune berbère <strong>de</strong> Kerrata, récemment converti enFrance, au catholicisme. Témoin cette jeune israélite, MlleZemmour, du même centre, tous <strong>de</strong>ux <strong>ma</strong>ssacrés impitoyablement.Témoins également les Français appartenant à <strong>de</strong>s partis avancés,qui ont été horriblement <strong>ma</strong>ssacrés, à Sétif et ailleurs, <strong>ma</strong>lgré lesprotestations d'amitiés qu'ils prodiguaient à leurs agresseurs.— Les observations faites à Guel<strong>ma</strong>, à propos <strong>de</strong>s adhérentsmusul<strong>ma</strong>ns aux organisations ouvrières, donnent la note exacte <strong>de</strong>la soudure à espérer entre les éléments indigènes en Afrique duNord et les groupements à tendances occi<strong>de</strong>ntales ou européennes.La propagan<strong>de</strong> faite <strong>de</strong>puis quelque temps, avec une intensitéaccrue, par les partis politiques, pour entraîner les indigènes vers<strong>de</strong>s idéologies extrémistes, s'est avérée inopérante dès qu'il s'estagi d'affirmer l'unité musul<strong>ma</strong>ne.— Enfin, compte tenu <strong>de</strong> l'horreur <strong>de</strong> la tragédie, dont unepartie <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> Constantine a été le théâtre, l'émeute aabouti à un échec. Pourquoi ?Parce que le mouvement a été déclenché par erreur. Parce que<strong>de</strong> ce fait, il n'a pas été généralisé, comme prévu au programmeinitial établi. Ce qui a permis d'organiser une réaction militaire,venant épauler énergiquement les résistances locales opposées parles Français dans les villes <strong>de</strong> Sétif et <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong> et dans lescentres <strong>de</strong> colonisation qui ont eu à faire face à l'émeute.Partout, dans les douars et les cités populeuses, on étaitprévenu. On attendait le signal annoncé. On se préparait à l'action.Pour mieux préparer les esprits à cette action, les chefs avaientdonné l'ordre <strong>de</strong> répondre à toutes les <strong>ma</strong>nifestations en faveur <strong>de</strong>la cause française par <strong>de</strong>s contre<strong>ma</strong>nifestations <strong>de</strong> protestation.Les bannières et les inscriptions revendicatrices étaient253
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