UN DRAME ALGERIENerreurs, se terminant chez nous par <strong>de</strong> continuelles catastrophes.Mais combien <strong>de</strong> Gouverneurs, combien <strong>de</strong> Préfets, combien <strong>de</strong>hauts fonctionnaires ont eu la curiosité ou le temps <strong>ma</strong>tériel <strong>de</strong>s'imprégner <strong>de</strong>s vérités hautement éducatives qui ont étéconsignées dans un document confi<strong>de</strong>ntiel datant déjà <strong>de</strong> près <strong>de</strong>trente années ?Nous regrettons <strong>de</strong> n'avoir retenu <strong>de</strong> cette lecture que quelquesnotes éparses recueillies par nous avec une ferveur reconnaissante.M. Depont examine les faits « au microscope » pour employerl'expression du regretté professeur Gautier. Dans l'affaire d'AïnTouta, il relève jusqu'aux excitations turques, <strong>ma</strong>squées par « <strong>de</strong>nouvelles et abondantes déclarations <strong>de</strong> loyalisme dans nosprovinces <strong>algérien</strong>nes », <strong>ma</strong>is entretenues par <strong>de</strong>s « missidominici » tolérés par l'autorité, tel cet agitateur otto<strong>ma</strong>n,séjournant au M'Zab avec notre autorisation, l'agitationgrandissante, succédant à la raréfaction <strong>de</strong>s attentats qui s'étaitproduite au début <strong>de</strong> la guerre, l'année 1915 favorisant ensuite unecrise <strong>de</strong> banditisme en Kabylie du département d'<strong>Alger</strong> et dans lesrégions <strong>de</strong> Bône, puis <strong>de</strong> Bougie, Orléansville, Mostaganem,Batna, crise qui ne fut complètement jugulée qu'en <strong>ma</strong>i 1916.L'auteur constate que le rôle primordial fut tenu, dans cesmouvements, par les insoumis et les déserteurs indigènes. Au 31décembre 1916, 40.470 engagés volontaires étaient obtenus parmiles autochtones <strong>algérien</strong>s, <strong>ma</strong>is on signalait <strong>de</strong> nombreusesévasions chez les engagés et chez les appelés.« Les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> paix, ditil, avec leur for<strong>ma</strong>lisme, leurshésitations, leurs scrupules <strong>de</strong> l'égalité, que nous finissonstoujours, avant <strong>de</strong> les abandonner, par payer fort cher, avaient dûfaire place aux métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> guerre, pour faire face à la situation etaux mouvements d'insurrection dont nous serons encore longtempsmenacés. »Et M. Depont ajoute : « Le seul remè<strong>de</strong> à apporter à ces246UN DRAME ALGERIENsituations consiste en <strong>de</strong>s répressions aussi immédiates quesévères. Temporiser est ici la pire <strong>de</strong>s choses.« C'est pour ne pas avoir réprimé à temps, c'estàdire lorsque lalégitime défense nous le com<strong>ma</strong>ndait, que les choses se sont gâtéesdans l'arrondissement <strong>de</strong> Batna.« Nous avions trop oublié que toute société islamique n'obéitqu'à la force qui, aux yeux <strong>de</strong>s Musul<strong>ma</strong>ns, nous vient <strong>de</strong> Dieu. Etqui donc pourrait être fort contre la volonté <strong>de</strong> Dieu ? Voilàpourquoi tout fléchissement, toute diminution <strong>de</strong> notre puissanceest un signe que Dieu se retire <strong>de</strong> nous et nous livre à la guerresainte.« A Barika (la veille du <strong>drame</strong> <strong>de</strong> MacMahon), nous avonslaissé attaquer à coups <strong>de</strong> fusil sans répondre, chose inouïe,inconnue peutêtre dans les annales <strong>de</strong> la guerre d'Afrique, etmême dans les simples opérations <strong>de</strong> police, une patrouille <strong>de</strong>spahis détachée d'une colonne suffisante pour mettre surlechamp<strong>de</strong>s rebelles à la raison.« Si l'ordre <strong>de</strong> tirer avait été donné à cette patrouille les chosesn'eussent assurément pas pris une aussi vilaine tournure. Pourquoicet ordre n'atil pas été prescrit ? »Ces constatations sont à rapprocher <strong>de</strong> l'histoire du <strong>ma</strong>ssacre<strong>de</strong>s Juifs <strong>de</strong> Constantine, le 5 août 1934, où en l'absence d'<strong>Alger</strong>,<strong>de</strong> M. Car<strong>de</strong>, Gouverneur général, <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> téléphonepartaient <strong>de</strong>s bureaux administratifs, som<strong>ma</strong>nt la Préfectured'interdire aux troupes <strong>de</strong> tirer sur les émeutiers qui assassinaientleurs victimes dans la rue. Il a fallu l'arrivée du <strong>ma</strong>ire, M. Morinaud,ordonnant la distribution <strong>de</strong>s cartouches aux troupes, pourque, comme par enchantement, la ville soit libérée <strong>de</strong> sesagresseurs.Pendant les journées sanglantes du Constantinois, en <strong>ma</strong>i 1945,n'aton pas entendu au téléphone les mêmes bureauxrecom<strong>ma</strong>n<strong>de</strong>r d'atténuer la répression ?247
UN DRAME ALGERIENCela se traduisait par cette phrase, répercutée <strong>de</strong> bureau enbureau : « Allezy mou ! » au moment même où les incendies etles meurtres faisaient rage contre les Français <strong>de</strong>s campagnes.La leçon <strong>de</strong> 1916 n'a pas plus servi en 1934 qu'en 1945.Tout serait à reprendre dans l'étu<strong>de</strong>, documentée et fouillée dueà la plume <strong>de</strong> M. Depont. Citons encore quelques phrases <strong>de</strong> cehaut fonctionnaire, qui restent d'actualité :« Les <strong>de</strong>ux fonctionnaires tombés à leur poste (le Souspréfet etl'Administrateur) victimes du <strong>de</strong>voir professionnel étaient partoutestimés et réputés l'un et l'autre pour leur douceur et leurssentiments très bienveillants à l'égard <strong>de</strong>s indigènes. » On peut endire autant en 1945, du <strong>ma</strong>ire <strong>de</strong> Sétif, M. Deluca, <strong>de</strong>s instituteurs,dont l'un, M. Peguin, a eu la figure écrasée par un <strong>de</strong> ses élèves,<strong>de</strong>s chefs cantonniers ou gar<strong>de</strong>s champêtres, du juge <strong>de</strong> paix <strong>de</strong>Kerrata, M. Trabaud, <strong>de</strong>s Administrateurs Rousseau et Bancel <strong>de</strong>Périgotville, <strong>de</strong> l'abbé Navarro, et <strong>de</strong> toutes les victimes <strong>de</strong>l'odieuse tuerie <strong>de</strong>s 8 et 9 <strong>ma</strong>i... Nous ne parlons pas <strong>de</strong>s femmesqui furent souvent les bienfaitrices <strong>de</strong> nos indigènes dans lescampagnes....« Expliquonsnous : on ne gouverne ni on n'administre pas cepeuple avec <strong>de</strong> la bienveillance exclusivement, en toutes choses,sous peine <strong>de</strong> voir le système tomber dans la faiblesse, qui est ici lapire <strong>de</strong>s extrémités. Il y faut encore beaucoup <strong>de</strong> fermeté et <strong>de</strong>smoyens rapi<strong>de</strong>s d'obéissance et <strong>de</strong> soumission....« En tous cas, d'où qu'elle provienne, aux yeux <strong>de</strong>s indigènes,toute faiblesse <strong>de</strong> l'autorité est une faute, qu'il nous faut toujourspayer cher.....« La répression par les armes était nécessaire. La répressionadministrative, avec les tempéraments que nous allons exposer, nel'est pas moins, les tribus révoltées <strong>de</strong>vaient subir jusqu'au bout lesconséquences <strong>de</strong> leurs actes insurrectionnels. Elles ne se248UN DRAME ALGERIENsoumettront définitivement que si elles sentent peser un longtemps, sur elles, la puissance <strong>de</strong> la France, dont elles ont douté. Or,actuellement, nous l'avons dit, elles n'ont que l'apparence <strong>de</strong>soumission. »Ces lignes sont datées du 1er septembre 1917, un an après le<strong>drame</strong> d'Aïn Touta....« Toutes ces insurrections (<strong>de</strong> 1845 à 1916) présentent un traitcommun. Elles ont toutes pour causes le fanatisme religieux, lemécontentement, l'ambition ou <strong>de</strong>s rivalités <strong>de</strong> grands chefsindigènes. Ces divers mobiles se sont trouvés quelquefois réunis.Mais le premier se retrouve dans toutes les révoltes. Il estl'argument irrésistible pour soulever les <strong>ma</strong>sses simples etcrédules....« Il est à noter que les gran<strong>de</strong>s insurrections : 186418711881, ont correspondu à <strong>de</strong>s réductions <strong>de</strong> nos forces militaires :Mexique en 1864 ; Guerre <strong>de</strong> 18701871 ; Expédition <strong>de</strong> la Tunisieen 1881 ; la même observation s'applique aux troubles <strong>de</strong> 1916. »Nous pouvons aujourd'hui ajouter : et aux <strong>ma</strong>ssacres <strong>de</strong> 1945...Arrêtons là nos citations, et ajoutons cette observation, quirésulte <strong>de</strong> constatations non discutables : le respect <strong>de</strong> l'autoritédisparaît <strong>de</strong> plus en plus en Afrique du Nord. De concession enconcession, en tolérant partout une propagan<strong>de</strong> dite politique, qui<strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus agressive, nous avons donné aux indigènes,qui n'ont <strong>de</strong> respect que pour la force, alliée à la justice, la plusfâcheuse idée <strong>de</strong> nos possibilités. Et cela se traduit par <strong>de</strong>s phrasestelles que celle recueillie <strong>de</strong> la bouche d'un caïd <strong>de</strong> la régiond'OuedZenati :« Quand on parle <strong>de</strong> la France, dans mon douar, tout le mon<strong>de</strong>rigole. »Comment s'étonner, dès lors, <strong>de</strong>s émeutes <strong>de</strong> Sétif et <strong>de</strong>Guel<strong>ma</strong> ?249
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