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UN DRAME ALGERIENrapi<strong>de</strong>ment tourné au tragique : le souspréfet, M. Gasinelli, entournée <strong>de</strong> révision dans la région, surpris la nuit, en pleinsommeil par l'attaque du bordj administratif, était sorti <strong>de</strong> sachambre, pour se rendre compte <strong>de</strong> ce qui se passait.Il avait été assommé à coups <strong>de</strong> <strong>ma</strong>traques par les émeutiers,après une belle et inutile résistance. L'Administrateur <strong>de</strong> lacommune mixte, M. Marseille, <strong>de</strong>scendant rapi<strong>de</strong>ment l'escalierqui <strong>de</strong>sservait son appartement, était tué à coups <strong>de</strong> feu avantd'atteindre le rez<strong>de</strong>chaussée ; sa fillette, affolée, voyant tomberson père, s'était précipitée sur son corps et recevait une balle quimit, pendant plusieurs se<strong>ma</strong>ines, ses jours en danger ; le bordj étaiten feu, il <strong>de</strong>vait être en partie détruit ; Mme Marseille dutl'abandonner avec ses enfants, sans avoir eu le temps <strong>de</strong> prendre<strong>de</strong>s vêtements indispensables.<strong>Un</strong> piquet <strong>de</strong> zouaves, amené la veille à MacMahon (unedizaine d'hommes), réussit à dégager la <strong>ma</strong>ison commune. Lesémeutiers se répandirent alors dans le village et dans la campagne,dans un but <strong>de</strong> meurtre et <strong>de</strong> pillage. Le brigadier forestierTerrezano, surpris chez lui, fut assassiné à son tour. Le chef <strong>de</strong>gare ne dut son salut qu'au dévouement d'une femme indigène.Il fallut toute une expédition militaire pour mettre à la raison lesrévoltés. <strong>Un</strong>e fois <strong>de</strong> plus le plateau <strong>de</strong> la Mestaoua, entouré <strong>de</strong>ravins profonds, qui avait déjà servi <strong>de</strong> camp retranché auxinsurgés <strong>de</strong> 1871, fut le refuge <strong>de</strong>s tribus soulevées contre notreautorité. Nous avons eu <strong>de</strong> nouveaux morts à déplorer, <strong>de</strong>véritables expéditions punitives à assurer. Alors que nous étions enguerre en Europe, il fallut faire venir <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong> France.Il fut démontré que l'autorité avait été prise au dépourvu. Elleavait cependant été alertée à la session récente d'octobre auConseil général <strong>de</strong> Constantine, où <strong>de</strong>s élus avaient affirmé que laUN DRAME ALGERIENsituation était plus qu'inquiétante et qu'il fallait s'attendre à <strong>de</strong>sévénements graves.Le calme revenu, après bien <strong>de</strong>s efforts et <strong>de</strong> douloureuxsacrifices, on prescrivit une enquête ; un vieux fonctionnaire en futchargé ; il se nom<strong>ma</strong>it M. Depont, il était chef du service <strong>de</strong>l'Inspection générale <strong>de</strong>s communes mixtes en Algérie et assuraitla direction intéri<strong>ma</strong>ire <strong>de</strong>s Territoires du Sud.Son rapport ne vit ja<strong>ma</strong>is le grand jour <strong>de</strong> la publicité ; il futclassé parmi les documents secrets. Ses conclusions ne furentconnues <strong>de</strong> personne ou à peu près, ce qui fit penser qu'ilconstituait une défense tellement exagérée <strong>de</strong>s formulesadministratives en <strong>ma</strong>tière <strong>de</strong> politique indigène qu'il valait mieux,dans un sentiment <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur compréhensif, ne pas le diffuser.On se trompait ; le rapport <strong>de</strong> M. Depont est un travailconsciencieux et courageux, qui a dit la vérité sur le <strong>drame</strong> d'AïnTouta et a signalé, avec une indépendance qui est toute à l'éloge <strong>de</strong>son auteur, les fautes commises et la conduite à observer dansl'avenir, afin d'éviter le retour <strong>de</strong> faits aussi graves que fâcheuxpour la sécurité et la dignité françaises.Les fonctions que nous avons occupées dans les assembléesd'<strong>Alger</strong> nous ont valu, il y a quelques années, la faveurexceptionnelle d'obtenir l'autorisation <strong>de</strong> lire ce document. Nousen avons retenu une impression réconfortante, celle que lesFrançais d'Algérie ne <strong>ma</strong>nquent ja<strong>ma</strong>is d'avoir en présence d'unfonctionnaire sachant rester, en toute occasion, vraiment digne <strong>de</strong>la tâche qui lui a été confiée.La leçon d'Histoire donnée à ses chefs par M. Depont, àl'occasion <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> MacMahon, méritait vraiment d'êtrepubliée. Elle est d'une haute portée morale et constitue unenseignement qui aurait dû nous éviter le retour aux éternelles244245