Un drame algérien - Alger de ma jeunesse
Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse
UN DRAME ALGERIENle mercredi 9, entre 13 heures et 13 h. 15, il se forme unrassemblement.A la ferme Bezzina, une discussion éclate entre les ouvriers dece dernier et les émeutiers, qui prétendent attraper le patron, mêmeà Guelma. Les émeutiers déclarent que les ordres sont d'abord deprendre la ville et de s'occuper ensuite des fermes.On remarque des cavaliers armés de sabres, des piétons armésde fusils, de mitraillettes, de serpes, de faucilles et d'outils divers.Après le repli, les émeutiers décident de se rassembler à BledGaffar. Vers 18 heures, des avions arrivent. Certains émeutierscrient : « Voilà les avions américains qui viennent nous aider ! »Ceci dénonce une des formes de la propagande entreprise par lesmeneurs, affirmant que la révolte s'appuie sur des encouragementsémanant des puissances alliées à la France, encouragementsprécédant des appuis matériels.Le mercredi, vers 21 h. 20, les émeutiers, qui s'étaient repliéssur la route de Gounod, montent à la ferme Dittlo. Ils brutalisentles ouvriers et les prisonniers qui s'y trouvent et pillent la ferme.Nous en aurons terminé avec le récit des événements duConstantinois, en mai 1945, lorsque nous aurons, en quelqueslignes, résumé les « incidents qui se sont produits à Bône.230UN DRAME ALGERIENA BONEBône... Bougie... cela fixe un front soulignant l'ampleur prisepar l'insurrection qui a déferlé, comme une lame de fond, surl'Afrique du Nord française... Ce front représente 215 kilomètres.Bône, désignée, depuis longtemps, comme devant être le sièged'une préfecture, est devenue une cité importante, un port trèsfréquenté, où, avant la guerre, venaient se déverser les produitsagricoles et les produits miniers d'un hinterland transformé par laloi du travail et par les initiatives officielles et privées. Sapopulation européenne et indigène s'acroissait d'année en année. Etcette dernière n'avait pas manqué d'être touchée par la propagandexénophobe organisée par les partis des P.P.A. des Oulémas, des« Amis du Manifeste » et des organisateurs de Médersas, dont lesactions conjuguées ont abouti au mouvement actuel.On peut donc dire qu'à Bône comme ailleurs, le terrain étaittout préparé. Les incidents isolés, alimentés par un esprit collectiftrès nettement affirmé ne s'y comptaient plus.231
UN DRAME ALGERIENLe 1er mai, un défilé menaçant s'était produit avec despancartes protestant contre l'arrestation du chef Messali. Deuxjours après, la nouvelle de la prise de Berlin par les Alliés était lesignal de l'organisation de groupements hostiles dans la ville.Intervention de la police, arrestations, jugements du Tribunalmilitaire. Le jour de la reddition allemande approche et desprécautions s'imposent. Les personnalités responsables de l'ordre,M. le SousPréfet Troussel, un vieil Algérien, à l'esprit averti eténergique, le colonel Monnot, commandant la subdivision, lemaire de Bône, M. SensOlive, le commissaire central, sepréoccupent de la situation et des incidences possibles. Il semblequ'on est paré.Le 8 mai, on fête officiellement la Victoire. Défilé de 6 à 7.000enfants dans les rues, en un ordre impressionnant. On évalue lafoule à 10.000 Européens, Les indigènes, invités à participer à lamanifestation, se sont récusés. Ils entendent se grouper à part. Onleur donne le maximum de satisfactions, avec lesrecommandations qui s'imposent.Lorsque le cortège se met en marche, ils cherchent à le couperpour prendre place derrière les enfants, que suivent les autorités.Premier remous inquiétant ; l'ordre est rétabli.A l'arrivée au Monument aux Morts, la masse indigène esténorme. Des bannières sont déployées. Elles portent desinscriptions intolérables : « A bas le colonialisme ! Vive Messali !Libérez Messali ! » Le commissaire de police intervient. Lasituation devient brusquement grave. Des matraques se montrent,des boussâadis sortent de leurs gaines, des couffins remplis depierres ont été apportés. Des projectiles sont lancés sur le serviced'ordre. Des coups de revolvers éclatent enfin. Le sang coule,plusieurs agents sont blessés. La gendarmerie prête main forte à lapolice.232UN DRAME ALGERIENLa bataille s'engage jusque dans les rues de la ville. Les coupsde feu continuant, les agents se défendent en ripostant.Plusieurs Français tombent : M. Camilieri est roué de coupsdevant la souspréfecture. M. Marchetti Pierre est terrassé, insulté,frappé. Il devait survivre quinze jours à ses blessures et mourirdans des souffrances atroces. On compte d'autres victimes. Lebilan de la tragédie se traduit par 47 blessés, dont 28 agents et unmort du côté européen, 2 morts et 16 blessés du côté des émeutiers.Pour éviter de nouveaux incidents, il a fallu organiser desgardes civiques. Une centaine d'arrestations ont eu lieu, dont celledu président des Oulémas.Le danger passé, mais la menace persistant, M. le GouverneurChataigneau est venu rendre visite à Bône, par mer. Les élusfrançais lui ont exposé la gravité de la situation l'insuffisance desmesures prises. Ils ont demandé des affirmations d'autorité, afind'éviter de nouveaux drames. Le chef de la Colonie a répondu :« Fraternité !... »Il a ensuite regagné l'aviso qui l'avait amené, renonçant, malgréles plus vives insistances, à se rendre à Guelma.L'impression, à Bône, comme en beaucoup d'endroits, est quele danger persiste, de nouvelles surprises sont à craindre.***Le 18 juillet 1945 un tribunal militaire, siégeant à Bône, acondamné à mort les nommés Ouahim Smaïn ben Laribi et SoltaniNoui ben Hacène, pour homicide sur un agent de la force publiquedans l'exercice de ses fonctions.Il n'est pas parvenu à notre connaissance que ces exécutionsaient eu lieu.233
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UN DRAME ALGERIENle mercredi 9, entre 13 heures et 13 h. 15, il se forme unrassemblement.A la ferme Bezzina, une discussion éclate entre les ouvriers <strong>de</strong>ce <strong>de</strong>rnier et les émeutiers, qui préten<strong>de</strong>nt attraper le patron, mêmeà Guel<strong>ma</strong>. Les émeutiers déclarent que les ordres sont d'abord <strong>de</strong>prendre la ville et <strong>de</strong> s'occuper ensuite <strong>de</strong>s fermes.On re<strong>ma</strong>rque <strong>de</strong>s cavaliers armés <strong>de</strong> sabres, <strong>de</strong>s piétons armés<strong>de</strong> fusils, <strong>de</strong> mitraillettes, <strong>de</strong> serpes, <strong>de</strong> faucilles et d'outils divers.Après le repli, les émeutiers déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> se rassembler à BledGaffar. Vers 18 heures, <strong>de</strong>s avions arrivent. Certains émeutierscrient : « Voilà les avions américains qui viennent nous ai<strong>de</strong>r ! »Ceci dénonce une <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> entreprise par lesmeneurs, affir<strong>ma</strong>nt que la révolte s'appuie sur <strong>de</strong>s encouragementsé<strong>ma</strong>nant <strong>de</strong>s puissances alliées à la France, encouragementsprécédant <strong>de</strong>s appuis <strong>ma</strong>tériels.Le mercredi, vers 21 h. 20, les émeutiers, qui s'étaient repliéssur la route <strong>de</strong> Gounod, montent à la ferme Dittlo. Ils brutalisentles ouvriers et les prisonniers qui s'y trouvent et pillent la ferme.Nous en aurons terminé avec le récit <strong>de</strong>s événements duConstantinois, en <strong>ma</strong>i 1945, lorsque nous aurons, en quelqueslignes, résumé les « inci<strong>de</strong>nts qui se sont produits à Bône.230UN DRAME ALGERIENA BONEBône... Bougie... cela fixe un front soulignant l'ampleur prisepar l'insurrection qui a déferlé, comme une lame <strong>de</strong> fond, surl'Afrique du Nord française... Ce front représente 215 kilomètres.Bône, désignée, <strong>de</strong>puis longtemps, comme <strong>de</strong>vant être le sièged'une préfecture, est <strong>de</strong>venue une cité importante, un port trèsfréquenté, où, avant la guerre, venaient se déverser les produitsagricoles et les produits miniers d'un hinterland transformé par laloi du travail et par les initiatives officielles et privées. Sapopulation européenne et indigène s'acroissait d'année en année. Etcette <strong>de</strong>rnière n'avait pas <strong>ma</strong>nqué d'être touchée par la propagan<strong>de</strong>xénophobe organisée par les partis <strong>de</strong>s P.P.A. <strong>de</strong>s Oulé<strong>ma</strong>s, <strong>de</strong>s« Amis du Manifeste » et <strong>de</strong>s organisateurs <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>rsas, dont lesactions conjuguées ont abouti au mouvement actuel.On peut donc dire qu'à Bône comme ailleurs, le terrain étaittout préparé. Les inci<strong>de</strong>nts isolés, alimentés par un esprit collectiftrès nettement affirmé ne s'y comptaient plus.231