Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

10.07.2015 Views

UN DRAME ALGERIENqu'une patrouille de Sénégalais, venant d'Oued­Zénati, était déjàpassée.Le jeudi 10, réunion des notables chez le maire. Ils promettentla sécurité sous la condition que les Européens rentrent chez eux.Vers 23 heures, trois coups de fusil sont tirés sur la maison deM. Sadeler.La ligne téléphonique a été coupée sur Constantine­Guelma etla gare.A HAMMAM MESKOUT1NEHammam Meskoutine est l'avant­dernière station du chemin defer qui, partant de Constantine, arrive à Guelma, pour se dirigerensuite sur Bône, Ce nom évoque la présence de nombreusessources hydrominérales et d'un établissement important qui reçoit,chaque année, des milliers de malades, convalescents ou déprimésvenant demander aux eaux chaudes une rapide et définitiveguérison. Site admirable, fréquenté à travers les âges par toutes lesgénérations ayant pris contact avec l'Afrique du Nord. Siteamélioré depuis notre arrivée par des installations balnéaires et lacréation de jardins et de promenades agrémentées de plantationsd'arbres venant compléter des peuplements d'oliviers centenaires.Au moment où Guelma était menacé par la révolte de mai 1945,les deux hôtels d'Hammam Meskoutine abritaient quarantefamilles de baigneurs. La journée du 8 mai avait été calme, commeà l'ordinaire. Rien de suspect ne s'était manifesté, lorsque le 9 maiau matin, on vit arriver un groupe affairé de 150 indigènesenviron, venant de Taya et se dirigeant vers Guelma Passant devantla Poste, ces manifestants arrachèrent le drapeau français placé audessus de la porte d'entrée, puis ils continuèrent à suivre leurchemin. Première alerte, qui jeta un peu d'inquiétude parmi la226UN DRAME ALGERIENpopulation française installée dans les hôtels.Le 10 mai au matin, on constatait de nombreux rassemblementsd'indigènes ans environs de l'agglomération et non loin de la gare.Le directeur de l'établissement, M. Fourquet, ancien officier, serendant compte du danger, crut devoir prier un ami de Constantinede demander à la Division une protection nécessaire. Peu après leslignes téléphoniques et télégraphiques desservant HammamMeskoutine étaient coupées sur Taya, Clauzel, Guelma et Medjez­Amar. Les poteaux soutenant ces lignes avaient été abattus le longde la voie ferrée. La gare était complètement isolée. Mais par laPoste la ligne de Roknia était encore utilisable.A 11 heures du soir, 60 Sénégalais arrivaient devant les hôtels,venant de Guelma, à 22 kilomètres. Le 11 mai, au matin, deuxmichelines étaient en gare et évacuaient vers Constantine lesclients de l'établissement. Le même jour, aune heure de l'aprèsmidi,une section militaire, envoyée par la Préfecture, procédait àl'évacuation de tous les Français résidant encore à HammamMeskoutine. Les hôtels, la poste, la gare et les domaines, tout étaitabandonné par ordre. Les insurgés avaient beau jeu pours'abandonner au pillage. Renseignés sur les événements et sur larésistance énergique opposée à Guelma au mouvementinsurrectionnel, ils se sont abstenus de continuer leursmanifestations. Mais Hammam Meskoutine avait bien été comprisdans le programme des organisateurs du complot. Quelques joursaprès l'alerte on recevait des confidences, on citait tel indigène del'établissement comme ayant été spécialement chargé de couper lecou de tel ou tel Français. Des rôles avaient été distribués. Onnotait, cependant, des exceptions. Des gens dévoués affirmaient ladécision qu'ils avaient prise de rester fidèles aux Roumis, maisavouaient que leur action n'aurait pu se manifester que dans uneabstention simplement réprobative des crimes inévitables.227

UN DRAME ALGERIENA KELLERMANNLe 5 mai, le secrétaire des « Amis du Manifeste » avait déjàdéclaré qu'il ne travaillerait plus pour les Français.Le mardi 9 mai, au matin, un vieux musulman dit au maire quecela ne va pas. Dans la soirée, on constate que les indigènes duvillage s'informent près de ceux qui reviennent de Guelma.Le mercredi 9, le matin, distribution d'armes aux Européens. A23 heures, les fils téléphoniques sont coupés. On signale laprésence, au village, d'un vieux marabout, étranger. Le gardechampêtreindigène a avisé M. Chevance de ne pas bouger de chezlui si on l'appelle ou s'il entend quelque chose.Le jeudi 10, le vieux marabout est toujours là. Les ouvriersindigènes cessent le travail. Destructions partielles de la conduited'eau. Arbres abattus pour barrer la route.Dans la journée, la population se replie sur Guelma.A LA MAHOUNAA la ferme du télégraphe, le mercredi, vers 18 heures, desindigènes sont venus réclamer « le Roumi » en disant qu'il le leurfallait à tout prix.Les Français ne furent sauvés que par le dévouement de deuxouvriers qui les cachèrent.SUR LES ROUTESLes émeutiers circulent en grand nombre.On remarque :228UN DRAME ALGERIEN— Sur la route de Sédrata : Le mercredi 9, vers 14 h. 30, unvoisin de M. Palluel annonce à ce dernier qu'il y a grandrassemblement. On constate, en effet, la présence de 1500 à 2.000indigènes, dont beaucoup de cavaliers, entre le 3e et le 4ekilomètres, sur la route de Sédrata. Ces indigènes se sont partagésen trois groupes : un sur la route de Sédrata, un devant la fermePalluel, un sur la route de Gounod.Ce dernier groupe rencontre Winschell et sa femme au 3ekilomètre. Ils doivent faire demi­tour. Ils reçoivent une vingtainede coups de feu. Les chevaux de leur voiture s'emballent. Lesmalheureux sont tués à 300 mètres du lieu où ils se sont arrêtés.On remarque sur la route une grande discipline. Les émeutiersmarchent en tirailleurs, deux par deux, comme sur la route deSaint­Arnaud à Fedj M'Zala, pour diminuer, a­ton dit, l'efficacitédes tirs d'avions. Ils sont armés de fusils de serpes, faucilles. Achaque troupe de 10 à 12, un chef de file habillé en bleu. Il fautconclure à une préparation méthodique dans l'organisation dumouvement.Les derniers émeutiers passaient quand les avions tirèrent lespremières rafales de mitrailleuses. Ils ont alors fait un mouvementde recul par trente ou quarante. Ceux de Gounod se retirent sur leDjebel HalloufUn autre groupe se reforme dans la vallée de Bousserah et uneautre partie se dirige vers L'Oued Zimba, où l'aviation lesretrouvera le jeudi 10 (1).Le mercredi soir, à la tombée de la nuit, on dégage la fermeZara qui se trouve à 4 kilomètres de Guelma Le vieux Zara, âgé de80 ans, n'a pas voulu quitter sa ferme. Il est retrouvé assassiné lejeudi.— Sur la route de Guelma à Sédrata : Au quatrième kilomètre,(1) Les renseignements que nous donnons, dans ce chapitre, sont puisés, en grande partie, dansun remarquable exposé chronologique établi sur l'ordre du Comité de défense crée à Guelma.229

UN DRAME ALGERIENqu'une patrouille <strong>de</strong> Sénégalais, venant d'Oued­Zénati, était déjàpassée.Le jeudi 10, réunion <strong>de</strong>s notables chez le <strong>ma</strong>ire. Ils promettentla sécurité sous la condition que les Européens rentrent chez eux.Vers 23 heures, trois coups <strong>de</strong> fusil sont tirés sur la <strong>ma</strong>ison <strong>de</strong>M. Sa<strong>de</strong>ler.La ligne téléphonique a été coupée sur Constantine­Guel<strong>ma</strong> etla gare.A HAMMAM MESKOUT1NEHam<strong>ma</strong>m Meskoutine est l'avant­<strong>de</strong>rnière station du chemin <strong>de</strong>fer qui, partant <strong>de</strong> Constantine, arrive à Guel<strong>ma</strong>, pour se dirigerensuite sur Bône, Ce nom évoque la présence <strong>de</strong> nombreusessources hydrominérales et d'un établissement important qui reçoit,chaque année, <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> <strong>ma</strong>la<strong>de</strong>s, convalescents ou déprimésvenant <strong>de</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong>r aux eaux chau<strong>de</strong>s une rapi<strong>de</strong> et définitiveguérison. Site admirable, fréquenté à travers les âges par toutes lesgénérations ayant pris contact avec l'Afrique du Nord. Siteamélioré <strong>de</strong>puis notre arrivée par <strong>de</strong>s installations balnéaires et lacréation <strong>de</strong> jardins et <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>s agrémentées <strong>de</strong> plantationsd'arbres venant compléter <strong>de</strong>s peuplements d'oliviers centenaires.Au moment où Guel<strong>ma</strong> était menacé par la révolte <strong>de</strong> <strong>ma</strong>i 1945,les <strong>de</strong>ux hôtels d'Ham<strong>ma</strong>m Meskoutine abritaient quarantefamilles <strong>de</strong> baigneurs. La journée du 8 <strong>ma</strong>i avait été calme, commeà l'ordinaire. Rien <strong>de</strong> suspect ne s'était <strong>ma</strong>nifesté, lorsque le 9 <strong>ma</strong>iau <strong>ma</strong>tin, on vit arriver un groupe affairé <strong>de</strong> 150 indigènesenviron, venant <strong>de</strong> Taya et se dirigeant vers Guel<strong>ma</strong> Passant <strong>de</strong>vantla Poste, ces <strong>ma</strong>nifestants arrachèrent le drapeau français placé au<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la porte d'entrée, puis ils continuèrent à suivre leurchemin. Première alerte, qui jeta un peu d'inquiétu<strong>de</strong> parmi la226UN DRAME ALGERIENpopulation française installée dans les hôtels.Le 10 <strong>ma</strong>i au <strong>ma</strong>tin, on constatait <strong>de</strong> nombreux rassemblementsd'indigènes ans environs <strong>de</strong> l'agglomération et non loin <strong>de</strong> la gare.Le directeur <strong>de</strong> l'établissement, M. Fourquet, ancien officier, serendant compte du danger, crut <strong>de</strong>voir prier un ami <strong>de</strong> Constantine<strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>ma</strong>n<strong>de</strong>r à la Division une protection nécessaire. Peu après leslignes téléphoniques et télégraphiques <strong>de</strong>sservant Ham<strong>ma</strong>mMeskoutine étaient coupées sur Taya, Clauzel, Guel<strong>ma</strong> et Medjez­A<strong>ma</strong>r. Les poteaux soutenant ces lignes avaient été abattus le long<strong>de</strong> la voie ferrée. La gare était complètement isolée. Mais par laPoste la ligne <strong>de</strong> Roknia était encore utilisable.A 11 heures du soir, 60 Sénégalais arrivaient <strong>de</strong>vant les hôtels,venant <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong>, à 22 kilomètres. Le 11 <strong>ma</strong>i, au <strong>ma</strong>tin, <strong>de</strong>uxmichelines étaient en gare et évacuaient vers Constantine lesclients <strong>de</strong> l'établissement. Le même jour, aune heure <strong>de</strong> l'aprèsmidi,une section militaire, envoyée par la Préfecture, procédait àl'évacuation <strong>de</strong> tous les Français résidant encore à Ham<strong>ma</strong>mMeskoutine. Les hôtels, la poste, la gare et les do<strong>ma</strong>ines, tout étaitabandonné par ordre. Les insurgés avaient beau jeu pours'abandonner au pillage. Renseignés sur les événements et sur larésistance énergique opposée à Guel<strong>ma</strong> au mouvementinsurrectionnel, ils se sont abstenus <strong>de</strong> continuer leurs<strong>ma</strong>nifestations. Mais Ham<strong>ma</strong>m Meskoutine avait bien été comprisdans le programme <strong>de</strong>s organisateurs du complot. Quelques joursaprès l'alerte on recevait <strong>de</strong>s confi<strong>de</strong>nces, on citait tel indigène <strong>de</strong>l'établissement comme ayant été spécialement chargé <strong>de</strong> couper lecou <strong>de</strong> tel ou tel Français. Des rôles avaient été distribués. Onnotait, cependant, <strong>de</strong>s exceptions. Des gens dévoués affir<strong>ma</strong>ient ladécision qu'ils avaient prise <strong>de</strong> rester fidèles aux Roumis, <strong>ma</strong>isavouaient que leur action n'aurait pu se <strong>ma</strong>nifester que dans uneabstention simplement réprobative <strong>de</strong>s crimes inévitables.227

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!