Un drame algérien - Alger de ma jeunesse
Un drame algérien - Alger de ma jeunesse Un drame algérien - Alger de ma jeunesse
UN DRAME ALGERIENLe 10 mai au matin, en voyant partir les sauveteurs de Lapaine,les indigènes qui ne paraissaient pas hostiles avaient affirmé : « Ilsne reviendront pas ! Ils sont perdus ! » Ces hommes, qui n'étaientpas nos ennemis, étaient donc au courant de l'importance dumouvement insurrectionnel projeté. Ils savaient. Ils n'avaient riendit.Le vendredi 11, au matin, on remarque une grosseagglomération d'indigènes en haut du bourg. Leur nombreaugmente rapidement.Les Européens — 120 hommes environ plus les femmes et lesenfants — ont été répartis, pour être prêts à la défense, dans lesécoles, la gendarmerie, les maisons présentant des garanties desolidité permettant de soutenir un siège. Toute la nuit, on avaitveillé sur les fortins improvisés.Dans l'aprèsmidi, entre 2 et 3 heures, des avions se fontentendre. Ils survolent le village. Ils constatent la présence desémeutiers. Quelques bombes lâchées autour des habitationsdonnent le signal d'un éparpillement rapide des manifestants.Quelques coups de mitrailleuses, tirés en l'air par les aviateurs,achèvent, de nettoyer la place.Par prudence on est resté huit jours sur le quivive à Sédrata.Grâce aux mesures prises par l'Administrateur, secondé par lagendarmerie, par les douaïrs et les Français valides, de grandsmalheurs ont été évités.***Lorsque les habitants de Lapaine ont pu rejoindre leursdemeures, tout avait été saccagé. Les portes et les meubles avaientété brisés à coups de haches et de massues ; le linge, lesvêtements, les matelas volés ; le matériel agricole était enmorceaux.UN DRAME ALGERIENLes conserves alimentaires, farine, etc., avaient été jetées sur lesol et souillées d'huile et de pétrole. Il n'y avait plus un objet devaisselle, même pas une fourchette, rien qui puisse servir. Plus unevitre aux fenêtres. Tout était à réinstaller, les immeubles àreconstruire.Comme Chevreul, Lapaine avait été détruit.Détruite également, la maison de la Poste où Mme Vve Ménarda vécu, du 9 au 10 mai, une nuit tragique près de son bureau, letéléphone ayant été coupé par les émeutiers. Les bureaux de poste,partout où se sont trouvés des agents français, ont été gardésjusqu'à l'extrême limite...L'émeute, qui enregistra tant de crimes atroces, s'illustra ainside ces résistances à la fois simples et héroïques.***Autour de Lapaine d'autres dégâts sont constatés lorsquel'Autorité a pu, enfin, dominer la situation. La conduite d'eau a étécoupée. Les lignes et poteaux du service des P.T.T. ont été enlevés.Un pont qui se trouve au 3e kilomètre a été détruit. Un autre pont,au 22e kilomètre, très abîmé. De grosses dépenses ont éténécessaires pour tout remettre en état.218219
UN DRAME ALGERIENUN DRAME ALGERIENPlusieurs centaines d'indigènes sont venus, armés, des douarsBéni Ahmed (Jemmapes mixte), Sounlia (OuedZenati P. E. ) etKhanguet Sabath (Oued Cherf) jusqu'à deux kilomètres duvillage. Ils ont encerclé la ferme Mottaz, laissant leurs monturespaître dans les champs de céréales de ce colon, qui ont étésystématiquement ravagés. Des menaces ont été proférées, nonsuivies d'effets.MOUVEMENT GENERALISEPour avoir le récit complet des événements qui ont bouleverséle département de Constantine dans la première quinzaine de mai1945, il faudrait citer tous les villages habités par des Français.Partout se sont affirmés des incidents démontrant une hostilitéconcertée préparant des événements graves, qui devaient segénéraliser sur tout le territoire algérien.Nous avons parlé des centres principaux de la région deGuelma, où la situation a brusquement pris un caractère tragique ;sur d'autres points, cette situation a été plus que tendue. Nouspouvons citer encore, toujours dans la région de Guelma :BORDJ SABATHLà était installé, dès le 8 mai, le Comité local des « Amis duManifeste », siégeant en permanence, distribuant des mots d'ordre.220A ROKNIACe centre a été investi, pendant plusieurs heures par leshabitants du douar Taya, qui, finalement, faute sans doute desdirectives attendues, ne sont pas passés à l'action.A GOUNODLa première manifestation se traduit par la rupture des relationstéléphoniques avec Guelma.Le 10 mai au matin, le courrier GounodGuelma avait pris laroute. L'autocar a dû rebrousser chemin du P.K. 17. Les deuxEuropéens qu'il transportait ont été menacés de mort. Des équipesd'indigènes abattent les poteaux téléphoniques et démolissent laroute à coups de pioches. Le village est encerclé par des bandesarmées.Vers 11 heures, un colon, rentrant du travail, est l'objet d'uneagression à main armée et échappe de justesse à la mort. Lapopulation se replie sur la gendarmerie.Une réunion de dirigeants indigènes et de notables européens alieu, Les émeutiers se déclarent en mesure de garantir la sécurité àla population française si celleci dépose les armes. Lesattroupements deviennent de plus en plus menaçants. Des cavaliers221
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UN DRAME ALGERIENLe 10 <strong>ma</strong>i au <strong>ma</strong>tin, en voyant partir les sauveteurs <strong>de</strong> Lapaine,les indigènes qui ne paraissaient pas hostiles avaient affirmé : « Ilsne reviendront pas ! Ils sont perdus ! » Ces hommes, qui n'étaientpas nos ennemis, étaient donc au courant <strong>de</strong> l'importance dumouvement insurrectionnel projeté. Ils savaient. Ils n'avaient riendit.Le vendredi 11, au <strong>ma</strong>tin, on re<strong>ma</strong>rque une grosseagglomération d'indigènes en haut du bourg. Leur nombreaugmente rapi<strong>de</strong>ment.Les Européens — 120 hommes environ plus les femmes et lesenfants — ont été répartis, pour être prêts à la défense, dans lesécoles, la gendarmerie, les <strong>ma</strong>isons présentant <strong>de</strong>s garanties <strong>de</strong>solidité permettant <strong>de</strong> soutenir un siège. Toute la nuit, on avaitveillé sur les fortins improvisés.Dans l'aprèsmidi, entre 2 et 3 heures, <strong>de</strong>s avions se fontentendre. Ils survolent le village. Ils constatent la présence <strong>de</strong>sémeutiers. Quelques bombes lâchées autour <strong>de</strong>s habitationsdonnent le signal d'un éparpillement rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>ma</strong>nifestants.Quelques coups <strong>de</strong> mitrailleuses, tirés en l'air par les aviateurs,achèvent, <strong>de</strong> nettoyer la place.Par pru<strong>de</strong>nce on est resté huit jours sur le quivive à Sédrata.Grâce aux mesures prises par l'Administrateur, secondé par lagendarmerie, par les douaïrs et les Français vali<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> grands<strong>ma</strong>lheurs ont été évités.***Lorsque les habitants <strong>de</strong> Lapaine ont pu rejoindre leurs<strong>de</strong>meures, tout avait été saccagé. Les portes et les meubles avaientété brisés à coups <strong>de</strong> haches et <strong>de</strong> <strong>ma</strong>ssues ; le linge, lesvêtements, les <strong>ma</strong>telas volés ; le <strong>ma</strong>tériel agricole était enmorceaux.UN DRAME ALGERIENLes conserves alimentaires, farine, etc., avaient été jetées sur lesol et souillées d'huile et <strong>de</strong> pétrole. Il n'y avait plus un objet <strong>de</strong>vaisselle, même pas une fourchette, rien qui puisse servir. Plus unevitre aux fenêtres. Tout était à réinstaller, les immeubles àreconstruire.Comme Chevreul, Lapaine avait été détruit.Détruite également, la <strong>ma</strong>ison <strong>de</strong> la Poste où Mme Vve Ménarda vécu, du 9 au 10 <strong>ma</strong>i, une nuit tragique près <strong>de</strong> son bureau, letéléphone ayant été coupé par les émeutiers. Les bureaux <strong>de</strong> poste,partout où se sont trouvés <strong>de</strong>s agents français, ont été gardésjusqu'à l'extrême limite...L'émeute, qui enregistra tant <strong>de</strong> crimes atroces, s'illustra ainsi<strong>de</strong> ces résistances à la fois simples et héroïques.***Autour <strong>de</strong> Lapaine d'autres dégâts sont constatés lorsquel'Autorité a pu, enfin, dominer la situation. La conduite d'eau a étécoupée. Les lignes et poteaux du service <strong>de</strong>s P.T.T. ont été enlevés.<strong>Un</strong> pont qui se trouve au 3e kilomètre a été détruit. <strong>Un</strong> autre pont,au 22e kilomètre, très abîmé. De grosses dépenses ont éténécessaires pour tout remettre en état.218219