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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENils étaient juchés, tant bien que <strong>ma</strong>l. On accueillit les nouveauxarrivants, qui racontèrent leur triste odyssée.Collégiens arrivés <strong>de</strong> Bône en permission d'armistice, ilsavaient pris à Guel<strong>ma</strong>, <strong>de</strong>ux heures auparavant, la camionnetteconduite par Ahmed Caoucaou, se rendant à Sédrata, où setrouvaient leurs parents. Ces collégiens avaient nom :Zammith Marcel, 18 ans ;Ru<strong>de</strong><strong>ma</strong>n Marc, 18 ans ;Tivol Guy, 16 ans ;Tivol Marcel, 15 ans ;Carré Ferdinand, 15 ans.Arrivés à un kilomètre <strong>de</strong> Lapaine, à la ferme Ben Ikhlef, aprèsavoir passé Bled Gaffar, ils avaient été arrêtés dans la petite forêtd'oliviers qui ombrage ce site, par une foule d'indigènes surexcités.Il y en avait <strong>de</strong>s milliers, dirent les jeunes gens. Ces <strong>de</strong>rniers furentaussitôt l'objet d'un interrogatoire :— Etes­vous Français ou Juifs ? leur <strong>de</strong><strong>ma</strong>ndait­on.Sentant que leur réponse allait déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> leur sort, lescollégiens ne répondaient pas. Ils étaient entourés <strong>de</strong> gens armés<strong>de</strong> fourches, couteaux, pelles, haches, faucilles. Ils étaient assis enposition instable, sur <strong>de</strong>s cageots <strong>de</strong> légumes et ne pouvaientopposer <strong>de</strong> résistance, exposés, au moindre mouvement, à unerupture d'équilibre. La fin <strong>de</strong> l'histoire s'annonçait comme <strong>de</strong>vant<strong>de</strong>venir tragique. Les jets <strong>de</strong> pierres commencèrent.Le conducteur, propriétaire <strong>de</strong> la voiture, affolé, voyant sonpare­brise en morceaux, suppliait les <strong>ma</strong>nifestants <strong>de</strong> ne pas lecompromettre. Il était responsable <strong>de</strong> ses voyageurs. C'est lui,musul<strong>ma</strong>n, qui serait frappé si les choses s'aggravaient. Qu'on luipermette au moins, <strong>de</strong> laisser les jeunes Français au village voisin.UN DRAME ALGERIENDeux vieux prirent parti pour le chauffeur. — « Ce sont <strong>de</strong>senfants », disaient­ils aux jeunes, désireux d'en finir avec lesvictimes que leur offrait le hasard. Mais les jeunes répondaient :« Ils grandiront ! Il vaut mieux les tuer tout <strong>de</strong> suite ! » Et lescoups pleuvaient sur la camionnette.Tivol Guy avait l'épaule gauche meurtrie par un énorme caillou.Il n'a pu, plus tard, rejoindre l'école avec ses ca<strong>ma</strong>ra<strong>de</strong>s. Zammithaccusait une énorme ecchymose sur la tête. Il en conservera latrace sur le cuir chevelu. Carré Ferdinand avait reçu <strong>de</strong>s coupsdans les reins. Enfin Ru<strong>de</strong><strong>ma</strong>n, qui avait les jambes pendantes,hors <strong>de</strong> la voiture, a évité <strong>de</strong> justesse un coup <strong>de</strong> hache qui a briséla planche servant <strong>de</strong> ri<strong>de</strong>lle, sur laquelle il était assis ; s'il n'avaitbrusquement replié ses jambes, l'une d'elles au moins aurait ététranchée.La discussion se prolongea pendant plus d'une heure. Leconducteur fut enfin autorisé à continuer sa route, à la conditionqu'il laisserait ses voyageurs à Lapaine, où sa responsabilité seraitainsi dégagée. On verrait ensuite...Ce qui fut fait. Ahmed, délesté <strong>de</strong> son chargement hu<strong>ma</strong>in et <strong>de</strong>sa responsabilité, put ainsi rejoindre Sédrata, où il fit part <strong>de</strong> sonémotion, et où, bribe par bri<strong>de</strong>, les parents inquiets furent aucourant <strong>de</strong>s événements.La <strong>ma</strong>ison Messerschmitt, <strong>de</strong> Lapaine, se vit donc renforcée<strong>de</strong>s 5 nouveaux arrivants. Renforcée n'est peut­être pas le mot quiconvient, car le danger augmentait d'heure en heure.On soigna d'abord les blessés, avec les moyens mo<strong>de</strong>stes donton disposait.Peu <strong>de</strong> temps après, on reçut du <strong>de</strong>hors un ulti<strong>ma</strong>tum : un billetporté par un indigène som<strong>ma</strong>it les Français d'avoir à donner leursarmes, sous peine d'assaut et <strong>de</strong> mort. On délibéra ; on avait peu <strong>de</strong>212213

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