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Un drame algérien - Alger de ma jeunesse

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UN DRAME ALGERIENCeci n'est pas du ro<strong>ma</strong>n, ceci traduit très exactement, par lerécit <strong>de</strong> témoins qui ne peuvent être démentis, ce qui s'est passédans l'une <strong>de</strong>s fermes Luzet, <strong>de</strong> la commune mixte <strong>de</strong> la Séfia, aucours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière journée <strong>de</strong>s troubles qui ont ensanglanté larégion <strong>de</strong> Guel<strong>ma</strong>.LES ANGOISSES D'UN VIEUX PIONNIERLe récit qui précè<strong>de</strong> ne serait pas complet s'il n'expliquait pascomment le secours apporté par le beau­père <strong>de</strong> la victime n'a puarriver à temps à la ferme <strong>de</strong> Sekaka.Seul M. Luzet pouvait nous donner les renseignements utiles.Nous avons écrit au vieux colon <strong>de</strong> Villars, un vétéran français <strong>de</strong>la région. Nous ne pouvons mieux faire que <strong>de</strong> reproduire saréponse, où il ne se contente pas d'énoncer <strong>de</strong>s faits, <strong>ma</strong>is où iltraduit, avec une émotion non dissimulée, les angoisses quiétreignent tous les Français appelés à vivre dans les campagnes<strong>algérien</strong>nes, colons ou fonctionnaires isolés dans le bled, exposés à<strong>de</strong>s explosions <strong>de</strong> fanatisme contre lesquelles ils sont d'autant plusdésarmés que les meneurs, auteurs principaux <strong>de</strong>s <strong>drame</strong>s ainsiprémédités, jouissent d'une impunité que la saine raison ne peutexpliquer. Nous passons la parole au vieux colon Luzet :« Six <strong>de</strong>s cent­vingt émeutiers qui comparaissaient <strong>de</strong>vant les juges, sous l'inculpationd'assassinat, tentative d'assassinat, pillage et vol, ont été condamnés à la peine <strong>de</strong> mort, nous dit laDépêche <strong>de</strong> Constantine. Ils se nomment Brahmia Bâcha, Soualmia Mohamed, Afaïfa Ahmed,Souaglia Belkacem. Azaïza Lakhdar, Se<strong>ma</strong>ou A<strong>ma</strong>ra. Les autres ont été condamnés à <strong>de</strong>s peinesvariables, <strong>de</strong> prison et <strong>de</strong> travaux forcés. Dix ont obtenu le sursis. Trente accusés ont été acquittés.Sur les condamnés à mort, les <strong>de</strong>ux premiers seulement ont été fusillés, le 17 décembre 1946,ce qui a provoqué une protestation violente dont nous parlons par ailleurs, auprès du gouvernement<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s députés musul<strong>ma</strong>ns du département.204UN DRAME ALGERIEN« Villars, 7 septembre 1945.« Cher Monsieur,« Je réponds à votre lettre en vous donnant quelques détails surles événements que j'ai vécus à Villars.« Arrivé très jeune à Villars, je pourrais presque dire que j ' ysuis né. J'y possè<strong>de</strong> terres et <strong>ma</strong>isons qui sont non seulement monœuvre, <strong>ma</strong>is celle <strong>de</strong> mon grand­père et <strong>de</strong> mon père. Ils m'ontlégué, à force <strong>de</strong> travail et d'économies, un patrimoine que j'aiconservé, amélioré, agrandi par mes propres efforts. Mon père etmon grand­père furent <strong>de</strong> vrais pionniers.« Venus en pleine brousse, il leur a fallu tout défricher. Ils ontdû loger pendant <strong>de</strong> longs mois dans un immense gourbi fait <strong>de</strong>branches et <strong>de</strong> diss. Pas <strong>de</strong> ligne <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer. Ce sont eux quifaisaient les transports <strong>de</strong> Bône à Souk­Ahras (107 kilomètres) encharrettes. J'ai vécu tout cela, et cette vie ru<strong>de</strong> ne m'a pas effrayépuisque, plus tard, j'en ai fait autant.« Parti à Gambetta, puis à Aïn Babouch, j'ai pu acheter, àVillars, <strong>de</strong>ux fermes. Ce sont ces <strong>de</strong>ux exploitations qui setrouvent sur la route <strong>de</strong> Villars à Guel<strong>ma</strong> Elles étaientcomplètement en ruines, abandonnées. J'ai dû tout refaire. Elles setrouvent à 3 et 7 kilomètres <strong>de</strong> notre centre. C'est dans cette<strong>de</strong>rnière, dans la vallée <strong>de</strong> l'oued Righan, si riante et si riche, ques'est déroulé le <strong>drame</strong> affreux qui s'est terminé par la mort <strong>de</strong> mongendre.« Arrivé à l'âge <strong>de</strong> 70 ans, dois­je en un jour voir anéantirl'œuvre <strong>de</strong> quatre générations ? Ce serait trop fort, et ce serait troptriste !... De vieux colons comme moi ne peuvent pas se consoler<strong>de</strong> voir égorger leurs enfants, se résigner à sombrer d'aussilamentable façon renoncer aux espoirs qu'ils avaient confiés a laterre <strong>algérien</strong>ne, <strong>de</strong>venue française...« J'ai vécu, en ces terribles journées <strong>de</strong> <strong>ma</strong>i, les moments lesplus atroces <strong>de</strong> <strong>ma</strong> vie...205

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