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1ère Partie (pdf) - Master Arbitrage & Commerce International

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CHRONIQUEDROIT DEL’ARBITRAGECHRONIQUE DE DROIT DE L’ARBITRAGE N O 5(1 re partie)Par le <strong>Master</strong> professionnel <strong>Arbitrage</strong> et commerceinternational de l’Université de Versailles-Saint-QuentinSous la direction de Thomas Clay, directeur du <strong>Master</strong> et doyen dela faculté de droit et de science politique de l’Université deVersailles-Saint-QuentinC’est encore une bien belle série de décisions qui nous est proposéeici, lesquelles illustrent les tentatives croissantes de perturbation duprocessus arbitral, quitte à mettre en cause l’indépendance del’arbitre (CA Paris, 12 février 2009), le centre d’arbitrage (CA Paris,22 janvier 2009), voire le juge de l’annulation (Cass. civ. 1 re , 11 mars2009).Heureusement le juge judiciaire veille sur le droit de l’arbitrage qu’ilcontinue de soutenir et d’encourager, notamment en favorisant lacirculation de la clause compromissoire dans les opérationsjuridiques à trois personnes comme le contrat de lease back (Cass.com., 25 novembre 2008), en fixant les conditions de recevabilité desdemandes incidentes (Cass. com., 25 mars 2009) ou par le biais durecours de plus en plus systématique à l’estoppel (Cass. civ. 1 re ,6 mai 2009).Dommage que le législateur ne sache pas s’inspirer de l’audace dujuge, et qu’il continue à considérer que la clause compromissoire estune clause contractuelle comme les autres, éventuellement abusive,oubliant qu’il s’agit avant tout d’une clause à effet processuel, et nonà effet substantiel (décret du 18 mars 2009, pris en application de laloi du 4 août 2008) — et c’est toute la différence.TCPLAN :Dans ce numéro :I. La clause compromissoire abusive, par Natacha Sauphanor-BrouillaudII. Quand une question en cache une autre : le moment de la formation du contratd’organisation de l’arbitrage et la question du règlement d’arbitrage applicable, parCarine JallamionIII. La circulation de la clause compromissoire par lease back, par ChristianLarroumetDans un prochain numéro :IV. L’obligation d’indépendance de l’arbitre ou le mythe d’Icare, par Marc HenryV. Les conditions de recevabilité par un tribunal arbitral des demandes incidentes,par Mosslem GadriaVI. Application à l’arbitrage des principes d’estoppel et de suspension des poursuitesindividuelles en matière de faillite, par Denis MouralisVII. Mais jusqu’où ira-t-on ? Après les arbitres et les centres d’arbitrage, on s’enprend au juge de l’annulation, par Christophe TseEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N o 143 - 13


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEI. LA CLAUSE COMPROMISSOIRE ABUSIVEDécret n o 2009-302 du 18 mars 2009« Dans les contrats conclus entre des professionnels et desnon-professionnels ou des consommateurs, sont présuméesabusives au sens des dispositions du premier et du deuxièmealinéas de l’article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter lapreuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...)10° Supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou desvoies de recours par le consommateur, notamment en obligeant leconsommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitragenon couverte par des dispositions légales ou à passerexclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».MOTS-CLÉSClause compromissoire. Contrat de consommation. Liste des clauses abusives.(1) En ce sens : Th. Clay, Validité de la conventiond’arbitrage en droit de la consommation, D. 2008, pan.3113.(2) En effet, dans la directive, la clause ne pouvait êtreque blanche, et non pas interdite, certains Étatsmembres ayant institué des organismes spécifiquesdédiés aux arbitrages des litiges de consommation.V. sur ce point E. Poillot, Regards européens sur ladécision de la Cour suprême du Canada, Dell ComputerCorp c/ Union des consommateurs et Dumoulin, Revuegénérale de droit (Canada), 2007, 37-2, § 15.(3) V. not. E. Loquin, Législation : les métamorphosesde la clause compromissoire, RTD com. 2001.642 ;Ph. Delebecque, <strong>Arbitrage</strong> et droit de la consommation,in Nouvelles perspectives en matière d’arbitrage, Dr. etpatr. 2002, n o 104, p. 39 et s., spéc., p. 46 et s.(4) Commission des clauses abusives, Rapport pourl’année 2008, BOCCRF du 5 mars 2008.NOTELa clause compromissoire est...grise ! Tel est l’apport, pour l’arbitrage,du décret d’application dela loi LME du 4 août 2008 quiavait supprimé la liste annexée à l’articleL. 132-1 du Code de la consommationde clauses, dites blanches, pouvant êtreréputées non écrites par le juge à conditionque la preuve de leur caractère abusifsoit apportée. Le décret détermine deuxlistes, l’une dite noire de clauses présuméesabusives de manière irréfragable,l’autre dite grise de clauses présuméesabusives sauf au professionnel à prouverqu’elles n’entraînent pas à son profit dedéséquilibre significatif entre les droits etobligations. Tout laissait pourtant craindreque la clause compromissoire « deviendrait» noire (1). Sa présence au pointq) de feue l’ancienne liste blanche quivisait la clause ayant pour objet de « supprimerou entraver l’exercice d’actions enjustice ou des voies de recours par le consommateurnotamment en obligeant leconsommateur à saisir exclusivement unejuridiction d’arbitrage non couverte pardes dispositions légales ou à passer exclusivementpar un mode alternatif de règlementdes litiges » avait été interprétéecomme une erreur due à une transpositionfidèle de la liste blanche annexée à ladirective du 5 avril 1993 (2). Le législateurn’aurait pas voulu remettre en causela nullité de la clause compromissoiredans les contrats internes de consommation,résultant de l’interprétation a contrariode l’article 2061 du Code civil selonlequel « sous réserve des dispositions législativesparticulières, la clause compromissoireest valable dans les contrats conclusà raison d’une activité professionnelle» (3). D’ailleurs, initialement, leprojet de décret ne mentionnait pas laclause compromissoire. Saisie pour avis,la Commission des clauses abusives avaitindiqué qu’une telle clause n’avait pas àêtre reprise dans les nouvelles listes dèslors qu’elle était « déjà considérée illicitepar le droit positif français » (4). Son curieuxajout dans la version finale de laliste grise (C. consom., art. R 132-2, 10°)est susceptible de deux interprétations.La première consiste à considérer quedans les contrats de consommation, laclause compromissoire est désormais sim-14 - Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N O 143 En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................plement présumée abusive et nonplus nulle, puisqu’en cas de preuvecontraire apportée par le professionnel,la clause sera valable dansle contrat considéré. L’effectivité de cetteinnovation supposerait précisément quele renversement de la présomption d’abuspar le professionnel ne reste pas un casd’école. Elle supposerait également untoilettage de l’article 2061 du Code civil,sauf à considérer soit que son interprétationa contrario n’est plus possible, soitqu’il est désormais possible de se livrer àune interprétation littérale de l’expression« à raison d’une activité professionnelle». Ce serait le signe que l’idée selonlaquelle l’arbitrage, à condition de prévoirdes garde-fous, peut être « aussi lajustice des litiges de la consommation »(5), fait son chemin. D’ailleurs certainsauteurs, tout en prenant soin de soulignerles dangers de l’arbitrage pour lesconsommateurs en raison de l’éventuelledélocalisation du litige, estiment que sides associations de consommateurs et desorganes représentatifs de professionnelsprennent en charge l’arbitrage, celui-cipourrait permettre une évolution rapiderépondant aux attentes du consommateur(6). Cette « révolution » pourrait n’êtrequ’éphémère eu égard au projet de directivecadre relative aux droits des consommateursdu 8 octobre 2008 (7) qui, s’ilcomporte deux listes, noire et grise, declauses abusives, classe la clause compromissoiredans la première (8). Or ce classements’imposera à notre droit national,du fait de l’harmonisation totale attachéeà la future directive (9). En attendant, cenouveau régime tendrait à réduire l’écartèlementdes solutions entre l’arbitrageinterne et l’arbitrage international. Dansle cas d’un contrat international de consommation,la clause compromissoire étaiten effet jusqu’à présent considérée commelicite par la Cour de cassation (10), ce quin’empêchait pas qu’elle pouvait être, lecas échéant, jugée abusive (11), ce quid’ailleurs était le principal apport de lalégislation sur les clauses abusives, celle-cin’ayant que peu d’impact sur le plan internedu fait de la nullité de la claused’arbitrage. Désormais, le régime de laclause compromissoire dans les contratsinternes et internationaux de consommationserait unifié, tenant à une présomptiond’abus susceptible de preuve contraire.Où l’on voit le paradoxe d’une interprétationqui élargit l’application de l’arbitrageà la partie faible par le truchementd’un décret censé renforcer la protectionde ladite partie !La seconde interprétation, qui nous semblela plus vraisemblable, consiste à soutenirque ce classement est peut-être lefruit d’une maladresse de rédaction. Lelégislateur aurait repris « telle quelle » laclause q) de l’annexe, alors qu’il souhaitaitconsidérer comme grise non pas la clausecompromissoire mais, celle qui, depuis2005, lui était accolée dans la précédenteannexe, à savoir la clause de recours à unmode alternatif de règlement des litiges(12). Cette dernière ne méritait en effetpas d’être interdite. Comme l’avait jugé laCour de cassation, la clause qui impose auconsommateur une conciliation préalableà toute action en justice est « exempted’un quelconque déséquilibre significatif »(13). Si la clause n’est pas en elle-mêmeabusive, c’est son usage qui peut être abusif(14). Aussi, à son égard, une présomptionsimple d’abus suffit-elle, le professionneldevant pouvoir apporter la preuvecontraire. C’est ce qu’aurait recherché lelégislateur en n’interdisant pas purementet simplement la clause qui impose le recoursà un mode alternatif de règlementdes litiges (15). Il n’est pas certain que telétait son voeu à l’égard de la clause compromissoire,mais il aurait omis de procéderà une « scission » au sein de l’ancienpoint q) entre la clause d’arbitrage et laclause de médiation. On en veut pourpreuve que la clause compromissoire estl’unique des vingt-deux clauses « listées »dont le champ d’application est spécifique.Alors que pour toutes les autres clauses,la présomption irréfragable ou simpled’abus bénéficie tant au consommateur(5) Th. Clay, Clause compromissoire dans un contrat deconsommation, D. 2005, pan. 3054.(6) E. Loquin, L’arbitrage des litiges du droit de laconsommation, in Vers un Code européen de laconsommation, Bruylant, 1998, p. 357 et s.(7) Proposition de directive du Parlement européen etdu Conseil relative aux droits des consommateurs,COM(2008) 614/4, D. 2009. 1152, obs. S. Whittaker ;D. 2008.2784, obs. A. Astaix ; D. 2008, pan. 3113, obs.Th. Clay ; JCP G 2009. I. 118, § 16, obs. G. Paisant.(8) Dans l’annexe II de « clauses contractuellesréputées abusives en toutes circonstances » figure, aupoint c), la clause ayant pour objet ou pour effetd’exclure ou d’entraver le droit du consommateur àester en justice ou à exercer tout autre moyen derecours juridique, notamment en lui imposant derésoudre les litiges exclusivement par voie d’arbitrageen dehors des règles de droit.(9) En ce sens, v. G. Petri, La lutte contre les clausesabusives : bilan et perspectives vus de Bruxelles, in LaCommission des clauses abusives en action :30 e anniversaire, colloque à la Cour de cassation,20 mars 2009 : http://www.clauses-abusives.fr.(10) Cass. civ. 1 re , 21 mai 1997, Jaguar, pourvoin o 95-11427, Bull. civ. I, n o 159, RCDIP 1998. 87, noteV. Heuzé, Contrats, conc., consom. 1997. 143, obs.L. Leveneur, RTD com. 1998. 330, obs. J.-Cl. Dubarry etE. Loquin, New York Law Journ. du 4 décembre 1997,obs. E. Gaillard, Dr. et patr. 1997. 1800, obs.P. Laroche de Roussane, RGDP 1998. 156, obs.M.-Cl. Rivier ; 21 mai 1997, Jaguar, pourvoin o 95-11428, Rev. arb. 1997. 537, note E. Gaillard,Clunet 1998.969 (1 re esp.), note S. Poillot-Peruzzetto,New York Law Journ., préc., RDAI 1998. 259, obs. Ch.Imhoos ; 30 mars 2004, M me Rado, Bull. civ. I, n o 97,Rev. arb. 2005. 115(1 re esp.), note X. Boucobza, D. 2004. 2458, noteI. Najjar, RTD com. 2004. 447, obs. E. Loquin, JCP G2005. I. 134, § 3, obs. Ch. Seraglini, D. 2005, pan. 3053,obs. Th. Clay. Sur les conséquences de cettejurisprudence de la Cour de cassation en matièred’arbitrabilité des litiges internationaux de droit de laconsommation, v. Ch. Seraglini, Lois de police et justicearbitrale internationale, Dalloz, NouvellesBibliothèques de thèses, 2001, spéc. n os 1106 et s.(11) En matière internationale, l’article L. 132-1 duCode de la consommation, définissant la clauseabusive, était considéré comme une loi de policefrançaise relevant de l’ordre public internationalfrançais et pouvant par conséquent tenir en échec lavalidité de la clause compromissoire stipulée dans uncontrat international de consommation (v. cependantCh. Seraglini, Lois de police et justice arbitraleinternationale, op. cit., spéc. n o 1110). A fortioridevrait-il en être du nouvel article R. 132-2, 10° duCode de la consommation. Par ailleurs, la directive du5 avril 1993 sur les clauses abusives comporte unedisposition de droit international privé aux termes delaquelle « Les États membres prennent les mesuresnécessaires pour que le consommateur ne soit pasprivé de la protection accordée par la présentedirective du fait du choix du droit d’un pays tierscomme droit applicable au contrat, lorsque le contratprésente un lien étroit avec le territoire des Étatsmembres » (art. 6. 2). Cette disposition a ététransposée en droit français à l’article L. 135-1 du Codede la consommation.(12) Loi n o 2005-67 du 28 janvier 2005, Rev. arb. 2005.225, obs. S. Bollée ; JCP G 2005. I. 179, § 9, obs.J. Béguin et I. 183, § 4, obs. Th. Clay.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N o 143 - 15


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(13) Cass. civ. 1 re ,1 er février 2005, AssociationConfédération de la consommation du logement et ducadre de vie, Bull. civ. I, n o 64 ; JCP G 2005. I. 179, § 8,obs. J. Béguin ; JCP G 2005. I. 183, § 4, obs. Th. Clay ;JCP G 2005. I. 141, § 8, obs. N. Sauphanor-Brouillaud ;RDC 2005, p. 1141, obs. X. Lagarde ; RDC 2005, p. 718,obs. D. Fenouillet ; JCP A 2005. 133, obs. C. Pelletier ;Contrats, conc. consom. 2005, n o 99, note G. Raymond ;Dr. et patr. 2006, n o 144, p. 94, obs. S. Amrani-Mekki ;D. 2005, act. 565, obs. V. Avena- Robardet et pan.,p. 2836, obs. S. Amrani-Mekki ; RTD civ. 2005, p. 393,obs. J. Mestre et B. Fages.(14) V. nos obs. préc. sous Cass. civ. 1 re ,1 er février2005. C’est d’ailleurs un raisonnement analogue quetient Thomas Clay à l’égard de la clausecompromissoire lorsqu’il écrit que « la clause de litige,quelle qu’elle soit, ne comporte en elle-même aucunabus. Elle se distingue des autres clauses du mêmecontrat en ce qu’elle n’est pas une clause substantiellemais processuelle » (Validité de la conventiond’arbitrage en droit de la consommation, op. cit.).(15) Il est regrettable que l’article R 132-2, 10° du Codede la consommation présume abusive la clause quioblige le consommateur « à passer exclusivement parun mode alternatif de règlement des litiges ». Si laclause de conciliation est exclusive d’un recoursjuridictionnel, elle prive le consommateur d’un droitfondamental et dans ce cas, une interdiction de ce typede clause eût été justifiée. Il est possible en revanchede concevoir une présomption simple d’abus, lorsquela clause se borne à inciter à la conciliation avant lasaisine d’une juridiction étatique. Le professionnel doitalors pouvoir renverser la présomption en prouvant parexemple la neutralité de l’organe de conciliation. Làencore, le droit français n’est pas dans la lignée dudroit communautaire puisque la directiven o 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation enmatière civile et commerciale (JOUE n o L. 136/3) nedevrait pas s’appliquer aux plaintes desconsommateurs (cons. n o 11).(16) C’est-à-dire, selon la Cour de cassation, lapersonne morale n’exerçant pas d’activitéprofessionnelle : v. Cass. civ. 1 re , 15 mars 2005, pourvoin o 02-13285 ; Bull. civ. I, n o 135 ; Contrats, conc.consom. 2005, n o 100, note G. Raymond ; JCP G 2005. II.10114, note G. Paisant ; JCP E 2005. 679, noteD. Bakouche ; RDC 2005, p. 740, obs. D. Fenouillet ;D. 2005. 1948, note A. Boujeka.(17) L’article L. 141-4 du Code de la consommation,créé par la loi Chatel n o 2008-3 du 3 janvier 2008,autorise le juge à soulever d’office toutes lesdispositions du Code de la consommation dans leslitiges nés de son application.(18) CJCE, 26 octobre 2006, Elisa Maria Mostaza Claroc/ Centro Movil Milenium SL), Clunet 2007. 581, noteA. Mourre ; Rev. arb. 207. 109, note L. Idot ; D. 2006.2910, obs. V. Avena-Robardet, D. 2006, pan. 3027, obs.Th. Clay ; JCP G 2007. I. 168, § 1, obs. Ch. Seraglini ;Gaz. Pal. 2006, n os 347-348, I, jur., p. 63, obs. A. Mourreet Pr. Pedone ; Gaz. Pal. des 29 avril-3 mai 2007, p. 17,obs. Fr.-X. Train ; LPA 2007, n o 152, p. 9, obs.C. Legros ; LPA 2007, n o 189, p. 9, note G. Poissonnieret J.-Ph. Tricoit ; RTD civ. 2007. 113, obs. J. Mestre etB. Fages ; RTD civ. 2007.633, obs. Ph. Théry ; RDAI2007, n o 14, p. 55, obs. C. Nourissat ; D. 2007, pan.2571, obs. S. Bollée ; D. 2006, AJ, 2910, obs.V. Avena-Robardet ; Europe 2006, n o 378, p. 28, obs.L. Idot. V. également la demande de questionpréjudicielle présentée par le Juzgado de PrimeraInstancia n o 4 de Bilbao (Espagne) le 5 février 2008,Asturcom Telecomunicaciones SL c/ Cristina Rodríguez........................................................................................................................................................................qu’au non professionnel (16), s’agissantde la clause compromissoire,seul le consommateur stricto sensuest visé. C’est peut être le signeque le législateur n’aurait pas souhaité altérerla spécificité du régime de la clausecompromissoire dans le contrat de consommation,en d’autres termes sa nullité.Quelle que soit l’interprétation à donnerdu texte, la clause compromissoire obéit àdeux particularités procédurales, indifférentesà la nature simple ou irréfragablede la présomption d’abus qui lui est désormaisattachée. D’une part, cette présomptionpeut être relevée d’office par lejuge (17). D’autre part, si l’abus n’a pasété soulevé par le consommateur devantl’arbitre saisi, il pourra toujours l’être devantle juge, le consommateur n’étant pascensé avoir renoncé à invoquer ce grief(18).Natacha SAUPHANOR-BROUILLAUDAgrégée des Facultés de droitProfesseur à l’Universitéde Versailles-Saint-QuentinMembre du Laboratoire DanteII. QUAND UNE QUESTION EN CACHE UNE AUTRE : LE MOMENTDE LA FORMATION DU CONTRAT D’ORGANISATION DE L’ARBITRAGE ET LAQUESTION DU RÈGLEMENT D’ARBITRAGE APPLICABLECA Paris, 22 janvier 2009 : société SNF c /CCIConsidérant que la Chambre de commerce internationale est enoffre permanente de contracter, qui est matérialisée par lerèglement d’arbitrage qu’elle publie et dont tout intéressé peutaccepter les effets ; qu’au moment où l’offre émise par la Chambrede commerce internationale a été acceptée par les partieslitigantes, soit au moment de la clause compromissoire, cesdernières sont convenues de désigner cette institution permanented’arbitrage en considération du règlement par elles connu sansstipuler une soumission au règlement en vigueur à la dated’introduction de la procédure d’arbitrage ; qu’ultérieurement lesparties sont libres d’en convenir autrement.MOTS-CLÉSChambre de commerce internationale. Contrat d’organisation de l’arbitrage.Date de formation. Version du règlement d’arbitrage applicable.Le 1 er octobre 1993, les sociétésSNF et CYTEC passent un contratde fourniture de matières premièreset y insèrent une clause compromissoirequi place le règlement deséventuels litiges à naître sous l’égide de laChambre de commerce internationale(CCI). Un litige naît finalement de l’exécutiondu contrat et la CCI se trouveainsi saisie d’une demande d’arbitrage leNOTE12 mai 2000. Ce litige donne lieu à touteune série de décisions : trois sentencesarbitrales entre 2002 et 2004 aux termesdesquelles la société SNF est condamnée(19), un jugement du Tribunal de premièreinstance de Bruxelles qui annule en2007 les sentences rendues (20), alorsqu’elles avaient été auparavant exequaturéesen France par le Tribunal de grandeinstance de Paris (21), dont l’ordonnance16 - Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N O 143 En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................a été confirmée par la Cour d’appelde Paris le 23 mars 2006 (22)puis par la Cour de cassation le4 juin 2008 (23). Ayant épuisé lesrecours pouvant être formés contre la sentencearbitrale, la société SNF tente alorsd’agir par une autre voie et forme uneaction contre la CCI elle-même, mettanten jeu sa responsabilité. Le Tribunal degrande instance de Paris est d’abord saisiet dans son jugement du 10 octobre 2007(24), rejette la responsabilité de la CCI,ce que la Cour d’appel de Paris confirmedans son arrêt du 22 janvier 2009 (25).Les décisions parviennent donc à uneconclusion identique, mais en réalité, l’uneet l’autre se prononcent dans un sens opposésur une question qui constitue unepart importante du problème, celle de laformation du contrat d’organisation del’arbitrage, conclu entre les parties litiganteset le centre d’arbitrage, et plusprécisément encore sur la déterminationdu moment exact de cette formation.En effet, entre 1993, date de la clause compromissoire,et 2000, date de la mise enœuvre de l’arbitrage, le règlement de laCCI a été modifié, en 1998, et la nouvelleversion du règlement contient une clauseexonératoire de responsabilité (26), dont lasociété SNF doit neutraliser les effets sielle veut pouvoir agir contre la CCI. Entreautres arguments, SNF fait donc valoir quec’est la précédente version du règlementd’arbitrage qui est applicable, soit le règlementde 1988, celui ne contenant justementaucune clause d’exemption de responsabilité.Pour le démontrer, SNF affirmeque le contrat ayant été conclu en1993, elle a donné son consentement àl’offre permanente de contracter de la CCItelle qu’elle existait à cette date. Et elleajoute que la date d’un contrat soumis àune condition suspensive (ici la survenanced’un différend) est celle de la formation ducontrat et non celle de la réalisation de lacondition, puisque les parties sont liées dèsla formation du contrat, et que la demanded’arbitrage formée en 2000 constitue seulementla notification de la réalisation dela condition. De son côté, la CCI répondque c’est au contraire le règlement de 1998qui est applicable, car le contrat d’organisationde l’arbitrage, juridiquement autonomede la clause compromissoire, ne s’estformé entre les parties litigantes et la CCIqu’au jour où cette dernière a pris connaissancede l’introduction de la procédurearbitrale, soit en 2000.Il semble donc qu’il s’agisse, pour trouverla version du règlement d’arbitrage applicable,de déterminer le moment de formationdu contrat d’arbitrage. En premièreinstance, le Tribunal de grande instancede Paris s’était décidé en faveur du« jour de l’introduction effective d’uneprocédure d’arbitrage, sauf conventionscontraires entre les parties » (27), sanss’expliquer davantage, et avait donc déclaréapplicable le règlement de 1998. Aucontraire la Cour d’appel se prononce enfaveur du moment de la clause compromissoire,observant que les parties ontaccepté l’offre permanente de contracterde la CCI en 1993, et qu’elles sont alors« convenues de désigner cette institutionpermanente d’arbitrage en considérationdu règlement par elles connu sans stipulerune soumission au règlement en vigueurà la date d’introduction de la procédured’arbitrage ».C’est la première fois semble-t-il qu’unetelle controverse est tranchée. La solutionest d’importance tant la question a opposéla doctrine (28). Les enjeux en effet sontmajeurs, car souvent le temps s’écoule entrela clause compromissoire et la naissancedu litige, et le règlement d’arbitragepeut se trouver modifié, contenant uneaugmentation du barème des frais de l’arbitragepar exemple (29), réglant une difficultéde procédure qui n’était pas envisagéepar le règlement précédent (30), oucomme ici prévoyant une exonération deresponsabilité en faveur du centre d’arbitrage.Il s’agit alors de savoir si l’on doitassimiler le règlement d’arbitrage à une loide procédure, qui serait d’application immédiate,ou si l’on doit au contraire faireprévaloir l’essence contractuelle du règle-Nogueira (aff. n o C-40/08 en cours) : « La protectiondes consommateurs qu’assure la directiven o 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant lesclauses abusives dans les contrats conclus avec lesconsommateurs implique-t-elle que la juridiction saisied’un recours en exécution forcée d’une sentencearbitrale définitive, rendue sans comparution duconsommateur, apprécie d’office la nullité de laconvention d’arbitrage et, par conséquent, annule lasentence au motif que ladite convention d’arbitragecomporte une clause d’arbitrage abusive au détrimentdu consommateur ? ».(19) Rendues en Belgique le 5 novembre 2002, le28 juillet et le 10 novembre (pour un addendum) 2004.(20) TPI Bruxelles, 8 mars 2007, Rev. arb., 2007. 303,note A. Mourre et L. Radicati di Brozolo ; D. 2007, pan.2571, obs. S. Bollée ; D. 2008, pan. 190, obs. Th. Clay.Le jugement vient d’être infirmé par la Cour d’appel deBruxelles le 22 juin 2009, inédit, rép. 2009/4857(21) TGI Paris, 15 septembre 2004, inédit.(22) CA Paris, 23 mars 2006, D. 2006, pan. 3032 et 3033,obs. Th. Clay ; Rev. arb. 2007. 100, obs. S. Bollée ;D. 2007, pan. 2571, obs. S. Bollée.(23) Cass. civ. 1 re , 4 juin 2008, D. 2008, AJ 1684, obs.X. Delpech ; JCP G 2008. I. 164, § 8, obs. Ch. Seraglini ;JCP G 2008, act. 430, note J. Ortscheidt ; LPA 2008,n o 199, p. 21, note P. Duprey ; Rev. arb. 2008. 473, noteI. Fadlallah ; RTD com. 2008. 518, obs. E. Loquin ; Clunet2008. 1107, note A. Mourre ; D. 2008, pan. 2560, obs.L. d’Avout et S. Bollée ; D. 2008, pan. 3118, obs. Th. Clay ;JCP G 2009. I. 107, § 15, obs. D. Lawnicka ; LPA 2009,n o 61, p. 8, note A. Malan ; <strong>Arbitrage</strong> n o 1468, obs.J. Ortscheidt ; Global Arbitration Review, 23 juin 2008.(24) TGI Paris, 10 octobre 2007, Rev. arb. 2007. 847, noteCh. Jarrosson ; LPA 2008, n os 60-61, p. 32, noteE. Loquin ; D. 2007. 2916, note Th. Clay ; D. 2008, pan. 190,obs. Th. Clay.(25) CA Paris, 22 janvier 2009, Clunet 2009. 617, noteTh. Clay.(26) Article 34 du règlement CCI de 1998 : « Ni lesarbitres, ni la Cour ou ses membres, ni la Chambre decommerce internationale ou son personnel, ni lescomités nationaux de la Chambre de commerceinternationale, ne sont responsables envers quiconque detout fait, acte ou omission en relation avec un arbitrage ».(27) TGI Paris, 10 octobre 2007, préc.(28) Favorables à l’application du règlement en vigueurau jour de la signature de la convention d’arbitrage :G. Flécheux, L’interprétation de l’article 26 de laConvention de Washington sur les mesures provisoires,note sous Cass. civ. 1 re , 18 novembre 1986, Rev. arb.1987. 315, spéc. p. 319 ; P. Jolidon, Commentaire duConcordat suisse sur l’arbitrage. Stæmpfli, Berne, 1984,spéc. n o 322 ; J.-F. Poudret, in P. Lalive, J.-F. Poudret etCl. Reymond, Le droit de l’arbitrage interne etinternational en Suisse, Payot, Lausanne, 1989, spéc.p. 31 ; Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard,Dalloz, coll. Nouvelles bibliothèques des thèses, 2001,spéc. n os 736-740. Favorables à l’application durèglement en vigueur au jour du litige : E. Loquin : notesous CA Paris, 15 septembre 1998, Société Cubic, JDI1999, spéc. p. 181 ; E. Loquin, <strong>Arbitrage</strong>. Institutionsd’arbitrage, op. cit., spéc. n o 16 ; E. Loquin, note sousCA Paris, 1 er juin 1999, Tarom, Clunet 2000. 370, spéc.p. 383 ; Ch. Jarrosson, Le rôle respectif de l’institution,de l’arbitre et des parties dans l’instance arbitrale, Rev.arb. 1990, spéc. n os 13-24 ; F. Knoepfler : obs. sousTribunal fédéral suisse, 14 juin 1990, Rev. suis. dr.intern. et dr. europ. 1995.547, spéc. p. 551 ; A. Plantey,Quelques observations sur l’arbitrage administré,Clunet 1999, spéc. p. 736.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N o 143 - 17


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(29) Même s’il s’agit là d’une question quelque peudifférente.(30) Th. Clay, L’arbitre, op. cit., spéc. n o 736.(31) Id. ; Ch. Jarrosson, Le rôle respectif del’institution, de l’arbitre et des parties dans l’instancearbitrale, op. cit., spéc. n o 14.(32) Id., spéc. n o 21.(33) Cf. Ch. Jarrosson, Débats, Rev. arb. 1990. 476.(34) Cf. TGI Paris, 10 octobre 2007, préc.(35) En ce sens, cf. E. Loquin : note sous TGI Paris,10 octobre 2007, préc., spéc. p. 36.(36) En ce sens, cf. Th. Clay : note sous TGI Paris,10 octobre 2007, préc. ; Th. Clay, note sous CA Paris22 janvier 2009, op. cit., spéc. n o 10.(37) Il s’agit là d’une « perche » tendue au juge, que n’apas saisie le Tribunal de grande instance de Paris maisque ne manque pas de saisir la Cour d’appel :Ch. Jarrosson, note sous TGI Paris, 10 octobre 2007,préc.........................................................................................................................................................................ment d’arbitrage et s’en tenir à celuien vigueur au moment de l’acceptationdes parties (31) ?En faveur de la première solution,favorable à l’application immédiate dunouveau règlement d’arbitrage, les argumentssont nombreux. La théorie de laréception de l’acceptation dans les contratsentre absents permet ainsi de décider quele contrat d’organisation de l’arbitrage estformé quand il y a connaissance réciproquedes volontés, soit lorsque le centred’arbitrage est informé de l’acceptationde son offre par les parties litigantes, aumoment où il est justement saisi pourorganiser le règlement du différend (32).L’on peut également estimer que lorsqu’ellesont choisi un centre d’arbitrage,au stade de la clause compromissoire, lesparties ont manifesté une confiance globaleenvers ce centre, et qu’elles sont ensuiteprésumées accepter les modificationsde son règlement, sous réserve qu’ellesne soient pas objectivement fondamentales(33). De plus le nouveau règlementest présumé meilleur que l’ancien(34). Enfin, l’on peut considérer que laconvention d’arbitrage est une promesse,un contrat préparatoire au second contrat,le contrat d’organisation de l’arbitrage,lequel n’est formé qu’une fois le litige né(35).Ces arguments sont décisifs et permettentde considérer que le moment exactde la formation du contrat d’organisationde l’arbitrage est bien celui du jour où lecentre est saisi de la demande d’arbitrage.Pour autant, cela signifie-t-il que nécessairement,c’est le règlement d’arbitrageen vigueur à cette date qui doit être appliqué? Ne peut-on pas séparer les deuxquestions (36) ? Car en effet l’on observeque lorsque les parties ont accepté l’offredu centre d’arbitrage, c’est en connaissancedu règlement applicable à cette époque.C’est sur ce seul règlement qu’aporté leur acceptation, et l’on ne peut pasleur imposer ensuite une version du règlementà laquelle elles n’ont pas consenti.La sécurité juridique et la prévisibilitécommandent donc de préférer, comme laCour d’appel de Paris, le règlement envigueur au moment de la clause compromissoire,même si le contrat d’organisationde l’arbitrage ne s’est formé que plustard. Ce contrat peut en effet être exécutéen vertu d’un règlement antérieur, mêmesi cette solution oblige le centre d’arbitrageà appliquer un règlement auquel ila préféré renoncer, ceci afin de respecterla volonté des parties.Mais comme l’indique la Cour d’appel deParis, le souci de la volonté des partiesimplique aussi de rechercher dans tousles actes postérieurs le règlement d’arbitrageauquel elles ont entendu se soumettre.Or la SNF qui réclame aujourd’huil’application du règlement de 1988 a enréalité signé en 2000 un acte de missiondes arbitres qui contient à neuf reprises laréférence au règlement de... 1998 (37) !Ainsi, comme l’observe la Cour d’appel,si c’est bien le règlement d’arbitrage envigueur au moment de la convention d’arbitragequi doit recevoir application, « ultérieurementles parties sont libres d’enconvenir autrement, comme en l’espèce ».Carine JALLAMIONAgrégée des Facultés de droitProfesseur à l’Université Montpellier IMembre de l’équipe de rechercheen matière d’arbitrage du Laboratoire Dante18 - Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N O 143 En ligne sur Lextenso.fr


III. LA CIRCULATION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE PAR LEASE BACKCass. com., 25 novembre 2008 : Société Les pains du Sud et a.Est seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire del’arbitre la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la claused’arbitrage et une telle clause, en raison de son autonomie parrapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère, n’estpas affectée, sauf stipulation contraire, par l’inefficacité de cet actede sorte que justifie légalement sa décision, sans avoir à effectuerune recherche tirée de la qualité juridique des parties, une courd’appel qui, pour déclarer incompétent un tribunal de commerce,relève que les sociétés en litige avaient conclu un contrat de venteportant sur des matériels dont le défaut de conformité était alléguéqui comportait une clause d’arbitrage.MOTS-CLÉSClause compromissoire. Crédit-bail. Lease back. Compétence-compétence.Autonomie de la clause compromissoire.1 L’affaire qui a donné lieu à l’arrêtde la chambre commerciale dela Cour de cassation du 25 novembre2008 (38) était-elle l’occasionpour la Cour suprême de prendre parti surla question de l’extension d’une clausecompromissoire stipulée dans un contratfaisant partie d’un ensemble contractuel,en l’occurrence une opération de créditbail? Un auteur l’a admis (39). On peut,cependant, en douter parce que, non seulement,cet arrêt ne correspond nullementà l’hypothèse classique du crédit-bail, maisencore et surtout la Cour de cassation n’affirmeaucune extension de la clause compromissoire,à l’inverse de ce qu’elle a pufaire, par exemple, dans des décisions relativesà la clause d’arbitrage stipulée dansun contrat conclu par une société et exécutépar une autre société du même groupelorsque celle-ci avait connaissance de laclause ou encore à propos de la transmissionde la clause compromissoire à l’occasionde la cession des droits ou des obligationsrésultant du contrat dans lequel laclause avait été stipulée. Il n’était nullementnécessaire pour la Cour de cassationNOTEde prendre position sur le problème del’extension de la clause compromissoiredans un groupe de contrats dès lors qu’ellen’était saisie que de la question de l’inexistenceou de l’inapplicabilité manifeste dela clause d’arbitrage entre les parties aulitige sans avoir à statuer sur la question deson applicabilité à une personne qui auraitpu éventuellement apparaître comme untiers.2 L’hypothèse classique du crédit-bailcorrespond à la superposition de trois contratsinterdépendants en vertu desquels unétablissement financier acquiert la propriétéd’un bien pour le louer à une personne,laquelle dispose d’une option d’achaten fin de location. Il y a donc une venteentre un fournisseur, vendeur, et un crédit-bailleur,acheteur, puis une location parle crédit-bailleur au crédit-preneur ainsiqu’une promesse unilatérale de vente entreces deux derniers. Il est évident que si uneclause compromissoire est stipulée dans lesrapports entre le crédit-bailleur et le crédit-preneur,elle n’est pas applicable auvendeur, qui demeure étranger au contratde location. En revanche, si la clause a été(38) Cf. déjà : Cass. com., 25 novembre 2008, Les Painsdu Sud, Bull. civ. IV, n o 197 ; Rev. arb. 2008. 677, noteO. Cachard ; D. 2008. 3091, obs. X. Delpech ; JCP G2009. II. 10023, note D. Mainguy ; JCP G 2009. I. 148,§ 5, obs. Ch. Seraglini ; D. 2009. 1516, note G. Pillet.(39) D. Mainguy, note sous l’arrêt, préc.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N o 143 - 19


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE........................................................................................................................................................................stipulée dans les rapports entre levendeur et le crédit-bailleur, elle estapplicable au crédit-preneur dansla mesure où ce dernier vient auxdroits du crédit-bailleur contre le vendeur.En effet, il a été quelquefois admis que lecrédit-bailleur, un établissement financierqui entend ne pas être concerné par lesdysfonctionnements et autres défauts dubien par lui acheté pour être loué, auraitdonné mandat au crédit-preneur de faire lenécessaire auprès du vendeur. Il s’agiraiten quelque sorte d’une procuratio in remsuam. Cependant, il est souvent plus justede considérer que le crédit-bailleur a transmisau crédit-preneur ses droits en tantqu’acheteur contre le vendeur, en particulierla garantie et la conformité. Du pointde vue de l’applicabilité de la clause compromissoiredans les rapports entre le vendeuret le crédit-preneur, les deux mécanismesdu mandat et de la cession conduisentà la même solution. En effet, si lecrédit-preneur est un mandataire, il est évidentqu’il est lié par la clause compromissoirestipulée par son mandant, puisqu’ilne fait que valoir sur les droits de celui-ci.S’il est cessionnaire des droits du créditbailleurcontre le vendeur, il en va de mêmepuisque la jurisprudence considère àjuste titre que la clause d’arbitrage stipuléepar le cédant d’une créance lie le cessionnaire.Il n’est donc pas contestable que laclause compromissoire stipulée au contratde vente interdit au crédit-preneur d’agircontre le vendeur devant une juridictionétatique.3 Le cas d’espèce à l’origine de l’arrêt du25 novembre 2008 ne correspondait pasà ce schéma classique dans la mesure oùune vente avait été conclue par un acheteur,ensuite transformé en crédit-preneur.Il pouvait s’agir d’un cas de figureconnu sous le nom de lease back, ce quicorrespond à une opération de refinancementen vertu de laquelle le propriétaired’un bien le revend à un établissementfinancier qui, à son tour, le loue au vendeur.Le lease back n’est qu’une variété decrédit-bail. Il est important de stipuler,dans une telle opération, ce qui se faitgénéralement, que le crédit-preneur conserveses droits contre le vendeur originaire.Dès lors, si, une clause compromissoirea été stipulée dans la vente initiale,elle continue à lier le crédit-preneur.Cependant, rien ne permet d’affirmer,dans le cas d’espèce, que le créditpreneuravait revendu le bien au créditbailleuravant que les parties concluentun crédit-bail. Il pouvait s’agir aussi biend’une cession par l’acheteur au créditbailleurde ses droits contre le vendeur ouencore d’une novation par changementd’acheteur. On ne sait même pas si l’acheteura acquis le bien en son propre nompour lui-même ou pour le compte du crédit-bailleur.Il résulte simplement de l’arrêtque le futur crédit-preneur avait achetéle bien un peu moins de cinq mois avantla conclusion de crédit-bail.4 Une clause compromissoire avait étéstipulée à la vente initiale. Or à la suitede dysfonctionnements, le crédit-preneura agi contre le vendeur devant le tribunalde commerce. Le vendeur s’étant prévalude la clause d’arbitrage convenue lors dela vente initiale, le tribunal, puis la courd’appel ont considéré que la juridictionétatique n’était pas compétente. Au soutiende son pourvoi, le crédit-preneur adéveloppé une argumentation selon laquellela convention principale dans laquelleest stipulée une clause d’arbitragedoit s’entendre de celle qui fait la loi desparties. Or selon lui, la vente initialen’était plus la loi des parties puisque lecrédit-preneur tenait ses droits sur la chosedu crédit-bailleur qui en était propriétaire.Il n’apparaît pas que, dans les rapportscontractuels supposés entre le vendeurinitial et le crédit-bailleur, une clausecompromissoire ait été stipulée. Dans cesconditions, selon le crédit-preneur, le litigedevait relever de la compétence de lajuridiction étatique. L’argumentation étaitjudicieuse à défaut d’être pertinente. Ellen’a pas convaincu la Cour de cassation.Pour celle-ci, la clause compromissoireexistait et n’était manifestement ni nulle20 - Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N O 143 En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................ni inapplicable. Pour déterminersi elle avait disparu ou bien si elleétait inapplicable, il fallait entrerdans un débat au fond auquel nepeut se livrer le juge lorsqu’est invoquéeune clause compromissoire par le défendeur.Le juge ne peut, pour écarter uneclause compromissoire, tenir compte quede ce qui s’impose d’une façon manifeste,ce qui lui interdit de rechercher ce qui nes’impose pas d’emblée. C’est à l’arbitrequ’il appartient de se livrer à une analysede fond pour retenir ou, au contraire,écarter, sa compétence. Ce n’est pas latâche du juge au risque, dans le cas contraire,d’enlever son intérêt au principecompétence-compétence.5 De ce point de vue, la décision de laCour de cassation est irréprochable. Eneffet, la motivation de l’arrêt est fondée surle principe de la compétence prioritaire del’arbitre, ce qui n’est pas une nouveauté etcorrespond parfaitement à la règle selonlaquelle c’est l’arbitre qui, avant tout autre,est le juge de sa compétence (40). Cependant,cette motivation est complétée parune autre qui fait appel à l’autonomie dela clause compromissoire. En effet, selonl’arrêt, la clause compromissoire, « en raisonde son autonomie par rapport à laconvention principale dans laquelle elles’insère, n’est pas affectée, sauf stipulationcontraire, par l’inefficacité de cet acte ».Par là, la Cour répond à l’argumentationdéveloppée par le pourvoi, argumentationselon laquelle la clause compromissoire nefigurait pas dans la convention qui fait laloi des parties, puisque, d’une part, le droitdu crédit-preneur sur la chose résultait dela convention de crédit-bail et non pas dela vente initiale et, d’autre part, celle-ciavait été anéantie, une autre vente avec lecrédit-bailleur lui ayant été substituée. LaCour de cassation ne tient pas compte decette argumentation de fond, qui pourraitéventuellement être développée devant l’arbitre.Pour la Cour de cassation, à supposerque le contrat de vente initial, danslequel figurait la clause compromissoire,fût inapplicable par anéantissement ouautre novation, cela ne permettait pas deremettre en cause l’efficacité de la claused’arbitrage. C’est là essentiellement quel’arrêt est novateur. Peu importe la raisonpour laquelle la vente initiale était inefficace.L’essentiel est que les parties à cettevente étaient convenues, en cas de litige,de soumettre celui-ci à l’arbitrage. Cet accordne peut être remis en cause par ce quis’est passé après. Bien entendu, le contraireaurait pu être stipulé et la Cour l’admet.Cependant, il n’y avait pas de clausecontraire entre les parties à cette vente.L’arrêt va loin dans l’affirmation de l’autonomiede la clause compromissoire, car onaurait pu penser que lorsque l’existence del’accord initial est remise en cause par l’accorddes parties, tout ce qu’il contient doitdisparaître, y compris la clause compromissoire.Or il n’en est rien lorsque le jugedoit prendre parti sur l’existence manifested’une clause d’arbitrage.6 La solution mérite d’être approuvée.La clause compromissoire repose sur lavolonté des partie, en cas de litige éventuel,de soustraire celui-ci à la compétencede la juridiction étatique. Et unlitige était survenu entre les parties à l’accordarbitral alors qu’elles étaient revenuessur l’existence de la convention danslaquelle figurait cet accord. Il est évidentque s’il n’y avait eu aucun lien entre,d’une part, la clause compromissoire ainsique le contrat qui la contenait à l’origineet, d’autre part, le litige, la clause auraitdû être considérée comme manifestementinapplicable. Tel n’était pas le cas. Lesparties avaient manifesté leur volonté desoumettre à l’arbitrage les litiges qui pouvaientnaître à raison du transfert de lapropriété et de la jouissance de la chosequi était l’objet de la vente conclue entreelles et, par voie de conséquence, ceuxrelatifs à la garantie ou la conformité dela chose. Peu importait que la vente initialefût devenue inefficace en raison d’unaccord ultérieur dès lors que le litige entraitdans les prévisions des parties à l’accordarbitral.(40) En dernier lieu : Cass. civ. 1 re , 8 avril 2009, SociétéGefu Kuchenboss GmbH c/ Société Corema, pourvoin o 08-17548, inédit.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N o 143 - 21


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE........................................................................................................................................................................Tel est l’intérêt majeur de l’arrêtdu 25 novembre 2008. La volontédes parties à une convention d’arbitragedoit l’emporter sur touteautre considération d’ordre juridique.C’est la justification de l’autonomie de laclause compromissoire. Elle trouvait às’appliquer en l’espèce, au moins du pointde vue de son existence manifeste quant àla compétence de l’arbitre. C’est cetteautonomie qui est la clé de la compréhensionde la solution et non pas l’extensionde la clause compromissoire dans lesensembles contractuels, cela d’autant plusque la question de cette extension ne seposait pas et que, de toutes façons, l’extensionn’aurait pas permis à la Cour decassation de régler le problème qui étaitposé.Christian LARROUMETProfesseur à l’Université Paris II (Panthéon Assas)(À suivre)22 - Petites affiches - 20 JUILLET 2009 - N O 143 En ligne sur Lextenso.fr

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