20La concurrence entre <strong>de</strong>s logiques organisationnelles peut aussi être analysée dans lesinstitutions éducatives. C’est ce que j’ai compris en étudiant attentivement l’histoire <strong>de</strong>l’éducation afin <strong>de</strong> comprendre les résistances <strong>et</strong> les moyens <strong>de</strong> développer l’enseignementsous forme d’accompagnement. Le chapitre que j’ai écrit avec M. Garant dans le livre« accompagner les étudiants » analyse justement les freins <strong>et</strong> leviers <strong>de</strong> nature culturelle <strong>et</strong>institutionnelle à l’université afin d’indiquer une voie d’évolution pour changer (voir annexe15). De nombreux auteurs parlent d’évolution <strong>de</strong> paradigmes éducatifs, ce que nous avonssynthétisé comme trois logiques (<strong>de</strong> l’enseignement, <strong>de</strong> la formation, <strong>et</strong> <strong>de</strong> laprofessionnalisation). Nous parlons <strong>de</strong> logiques car chacune a une cohérence interne : lamission <strong>de</strong> l’institution est justifiée par la référence à une épistémologie <strong>de</strong> l’apprentissage,qui constitue aussi le socle <strong>de</strong> référence au cœur <strong>de</strong> la formation initiale <strong>de</strong>s professeurs <strong>et</strong>hiérarchise leurs niveaux <strong>de</strong> compétences. Les professeurs organisent le travail en classe <strong>et</strong>respectent ainsi le cadre d’objectifs pilotés par un système cohérent d’indicateurs. Mais enréalité, l’analyse <strong>de</strong>s situations concrètes que nous avons faites montre qu’aucune logique nes’impose complètement, car tous les acteurs <strong>et</strong> dispositifs sont extrêmement variés <strong>et</strong> seréfèrent souvent à <strong>de</strong>s logiques divergentes. Autrement dit, il y a <strong>de</strong>s marges <strong>de</strong> manœuvre<strong>et</strong> les évolutions sont possibles.L’un <strong>de</strong>s points clé dans ces transformations concerne, à mon avis, les systèmes d’évaluation,qui soutiennent l’architecture normative d’une institution éducative : les enseignantsl’appliquent pour m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s notes <strong>et</strong> défen<strong>de</strong>nt leur i<strong>de</strong>ntité <strong>et</strong> leur pouvoir à travers elle,les étudiants s’y conforment pour réussir à sortir honorablement du système, lesresponsables <strong>de</strong> l’institution s’appuient <strong>de</strong>ssus pour faire valoir la sélection <strong>et</strong>/ou la qualité<strong>de</strong>s étudiants recrutés ou sortis du cycle d’étu<strong>de</strong> qu’ils gèrent. Comme nous l’avons vécu aucours <strong>de</strong> l’évolution du système d’évaluation <strong>de</strong> l’activité proj<strong>et</strong>, la philosophie générale doncla culture d’évaluation d’une institution peut évoluer (voir annexe 16, Verzat, 2006). Cechangement peut être vu comme une dynamique intrapreneuriale animée par <strong>de</strong>sprofesseurs qui osent innover pour mieux répondre aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s étudiants <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurenvironnement. Pour réussir ce défi, ils doivent s’entourer d’alliés internes <strong>et</strong> externes touten m<strong>et</strong>tant au point <strong>de</strong>s nouveaux outils <strong>et</strong> dispositifs concr<strong>et</strong>s cristallisant l’intérêt <strong>de</strong>groupes <strong>de</strong> plus en plus larges. Les écoles ou universités entreprenantes 5 peuvent s’analysercomme <strong>de</strong>s institutions capables <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>de</strong>s dynamiques d’innovation <strong>et</strong>d’apprentissage perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> s’adapter à l’environnement changeant dans lequel elless’inscrivent. Elles sont porteuses d’une logique générale <strong>de</strong> professionnalisation, enréférence à l’épistémologie constructiviste. La pédagogie y est majoritairement active <strong>et</strong>l’évaluation fort complexe car elle engage à la fois <strong>de</strong>s professeurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s parties prenantesexternes tout au long <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> activités diverses proposées aux étudiants. L’articleprésenté en annexe 17 (Verzat, 2009), réalisé à partir d’une synthèse d’étu<strong>de</strong>s portant surl’éducation à l’entrepreneuriat synthétise les caractéristiques <strong>de</strong> ces institutions.Même si les systèmes <strong>de</strong> gestion ou d’évaluation tiennent l’architecture <strong>de</strong>s systèmeséducatifs, je reste persuadée que le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s dynamiques <strong>de</strong> changement <strong>et</strong>d’apprentissage est lié aux désirs <strong>de</strong> changement <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> base. On a vu dans l’annexe5 J’utilise ici plutôt le terme d’école ou université entreprenante, plutôt qu’entrepreneuriale, car le concept d’universitéentrepreneuriale analyse surtout les liens étroits entr<strong>et</strong>enus par la recherche universitaire avec son milieu économique.
2113, que c’est toujours à partir <strong>de</strong> l’insatisfaction <strong>et</strong> <strong>de</strong>s désirs <strong>de</strong> changement <strong>de</strong> quelquesacteurs innovateurs qu’une dynamique <strong>de</strong> changement peut démarrer puis prendre forme ens’appuyant sur <strong>de</strong>s dispositifs spécifiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>s alliés internes <strong>et</strong> externes. Dans lesinstitutions éducatives, les acteurs centraux sont les professeurs, mais ils sont souvent peuinnovateurs <strong>et</strong> peu favorables à l’instauration <strong>de</strong> dynamiques entrepreneuriales. L’une <strong>de</strong>srésistances majeures est liée au socle <strong>de</strong> légitimation <strong>et</strong> <strong>de</strong> motivation <strong>de</strong>s professeurs quiconstruit leur professionnalité <strong>et</strong> leur i<strong>de</strong>ntité. Pour les ai<strong>de</strong>r à accepter <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre lesétudiants au centre, ils doivent accepter <strong>de</strong> se placer « sur la touche 6 » comme lesentraineurs sportifs. Leur rôle n’est pas moins grand, mais fort différent, il déplace le cœur<strong>de</strong> leur professionnalité <strong>de</strong> la démonstration d’une expertise savante vers la conception <strong>de</strong>dispositifs pédagogiques <strong>et</strong> d’accompagnement. Comment les conduire à accepter un telchangement ? Je crois que l’un <strong>de</strong>s déclics est <strong>de</strong> leur faire vivre <strong>de</strong>s expériences formativesproches <strong>de</strong> celles que l’on souhaite leur faire m<strong>et</strong>tre en place vis-à-vis <strong>de</strong>s apprenants.Comme nous l’avons fait en novembre 2010 avec Benoît Raucent pour un publicd’enseignants <strong>et</strong> d’agents <strong>de</strong> sensibilisation à l’entrepreneuriat, il s’agit <strong>de</strong> respecter leprincipe d’isomorphisme cher à mes collègues <strong>de</strong> Louvain. La communication qui expliquec<strong>et</strong>te expérimentation est placé en annexe 18 (Verzat <strong>et</strong> Raucent, 2011). On y r<strong>et</strong>rouve lerôle du jeu qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> dépasser <strong>de</strong>s préconceptions inadéquates quant au rôle duprofesseur dans une pédagogie entrepreneuriale. Le bilan <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te formation continuemontre en eff<strong>et</strong> qu’un dispositif faisant alterner <strong>de</strong>s expériences (dont un jeu) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s phases<strong>de</strong> réflexivité suivies <strong>de</strong> restructuration, perm<strong>et</strong> non seulement <strong>de</strong> faire prendre conscience<strong>de</strong>s préconceptions inadaptées vis-à-vis <strong>de</strong> l’entrepreneuriat <strong>et</strong> son enseignement, mais aussid’engager un désir <strong>de</strong> changement <strong>et</strong> d’amorcer une dynamique <strong>de</strong> groupe chez lesparticipants.Les réactions du public d’enseignants vis-à-vis <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te communication qui a eu lieu dans uncolloque <strong>de</strong> pédagogie m’invitent à creuser une question lancinante <strong>et</strong> plus fondamentale quiinvite à une synthèse du questionnement sur la « cuisine » <strong>de</strong> l’esprit d’entreprendre : Lapédagogie <strong>de</strong> l’esprit d’entreprendre est-elle spécifique ? Ou bien ne s’agit-il que d’unnouveau nom du socio-constructivisme ? Les principes tels qu’ils ont été formalisés parSurlemont <strong>et</strong> Kearney (2009) apportent-ils quelque chose <strong>de</strong> nouveau par rapport auxpédagogies actives ? Ses fon<strong>de</strong>ments épistémologiques, les multiples pratiquespédagogiques <strong>et</strong> partenariales décrites par les praticiens <strong>et</strong> la dynamique organisationnellequ’ils nécessitent constituent-ils véritablement un nouveau paradigme éducatif, tel que lesuggèrent un certain nombre d’auteurs en entrepreneuriat ? Les processusd’accompagnement <strong>et</strong> <strong>de</strong> jeu nous semblent pertinents pour décrire les nouveaux rôlesenseignants <strong>et</strong> les mécanismes d’évolution <strong>de</strong>s institutions éducatives vers l’universitéentrepreneuriale, mais sont-ils suffisants ? N’y a-t-il pas d’autres hypothèses à poser sur lesdynamiques organisationnelles <strong>et</strong> institutionnelles en jeu dans l’université entrepreneuriale ?Toutes ces questions font l’obj<strong>et</strong> du <strong>de</strong>uxième développement théorique <strong>de</strong> ce dossierd’HDR.6 J’emprunte c<strong>et</strong>te image à Perrenoud (1996), Enseigner, agir dans l’urgence, déci<strong>de</strong>r dans l’incertitu<strong>de</strong>, savoirs <strong>et</strong> compétencesdans un métier complexe, Paris, ESF.
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