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Numéro 31 - Le libraire

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le <strong>libraire</strong>Bimestriel de librairies indépendantespostes-publications 40034260Novembre-décembre 2005 • n o <strong>31</strong>G R A T U I TJ’aurais voulu être un <strong>libraire</strong>Dans les coulissesd’une profession<strong>Le</strong>s essentiels de l’automneBiographie - EssaiJeunesse - Bande dessinéeEntrevuesFelicia MihaliSylvie DesrosiersCatherine BergmanLibraire d’un jourMicheline Lachance© Heidi Hollinger<strong>Le</strong>Michel Phaneufgoût du vinL I B R A I R I EPANTOUTE


S O M M A I R E<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> n o <strong>31</strong> nov.-déc. 2005LE MONDE DU LIVRE<strong>Le</strong>cture et aventure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6DES CHIFFRES ET DES LETTRES . . . . . . . . . . . . . . . . .7Premières lignes<strong>Le</strong>s nouveauxhabits del’empereurL’éditorial deStanley PéanÀ L’AGENDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8LIBRAIRE D’UN JOURMicheline Lachance : <strong>Le</strong> roman de Micheline... . . . . . .13LITTÉRATURE ET QUÉBÉCOISENouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16Felicia Mihali : La belle et la bête . . . . . . . . . . . . . . . . 17Trois grands poètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Errances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19LITTÉRATURE ÉTRANGÈRENouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20Jules Verne : À l’ancre, à l’encre . . . . . . . . . . . . . . . . . 21<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Rions, c’est l’heure ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23LES ESSENTIELS DE L’AUTOMNEBiographie, essai, BD et jeunesse . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Michel Phaneuf : « Il y a des vins qui vibrent...» . . . . .<strong>31</strong>Sylvie Desrosiers : À l’abordage ! . . . . . . . . . . . . . . . . . .37Catherine Bergman : Restons dans la parade . . . . . . . .38ESSAI | BIOGRAPHIENouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40<strong>Le</strong> moment unipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43« J’AURAIS VOULU ÊTRE UN LIBRAIRE »Dans les coulisses d’une profession . . . . . . . . . . . . . . . .44Qu’est-ce qu’être <strong>libraire</strong> en 2005 et au Québec ? |Quelles sont les conditions du métier ? | Librairieindépendante, Coopsco, chaîne : des commerces distincts| Comment devient-on <strong>libraire</strong> ? : 10 <strong>libraire</strong>s témoignentde leur expérience.DOCUMENTNouveautés | <strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49SCIENCE-FICTION | FANTASTIQUE | FANTASYNouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50POLAR | THRILLER | NOIRNouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51LITTÉRATURE JEUNESSENouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53BANDE DESSINÉENouveautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> craque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55<strong>Le</strong> temps d’une guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56PORTRAIT D’ÉDITEURXYZ éditeur: André Vanasse et l’abc d’XYZ . . . . . . . . . 57DANS LA POCHE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61La nouvelle aura fait couler pas mal d’encre et, il y a fort à parier, continuera d’alimenterbien des débats dans l’industrie de l’édition pendant quelque temps encore.Je parle du passage dans le giron de Quebecor Media du groupe d’édition Sogides,qui défraie la manchette depuis la mi-octobre. Avec cette acquisition, l’empire dePierre Karl Péladeau a ajouté les Éditions de l’Homme, de l’Hexagone, du Jour,VLB, les Presses Libres ainsi que les Messageries A.D.P. aux six maisons d’édition,aux quatorze librairies et à l’agence de diffusion Québec Livres déjà sous soncontrôle. En termes clairs, cette transaction permet à Quebecor Media d’augmenterses parts de marché à 26% dans le secteur de la distribution du livre et à 15% dansle secteur de l’édition. Ce n’est pas un monopole, certes. Mais pour un seul joueur,c’est beaucoup.Dans le milieu, on s’est préoccupé à juste titre de savoir si ce mouvement deconcentration, déjà à l’œuvre dans d’autres sphères médiatiques, serait ou non bénéfiquepour la littérature québécoise. Invité à réagir à cette annonce sur quelquestribunes, j’ai prêté ma voix aux inquiétudes de bien des écrivains et amateurs delittérature à l’idée que le fonds de L’Hexagone, par exemple, vénérable maison etpierre angulaire de notre poésie, fondée par Gaston Miron il y a plus de cinquanteans, passe aux mains d’un conglomérat qui a fait du livre pratique et du romanpopulaire son principal, voire unique cheval de bataille. Dans cette machine assujettieaux lois de l’offre et de la demande, aux diktats de la rentabilité et aux volontésde ses actionnaires, quelle sera la place de la littérature, qu’il ne faut pas toujoursconfondre avec le livre en général ?Du côté de l’Empire, on a voulu se faire rassurant. À en croire le pdg de Quebecor,Pierre Karl Péladeau, « l’acquisition de Sogides permettra de consolider un milieurelativement fragmenté et vulnérable aux soubresauts du marché. » On a annoncéque le président-fondateur de Sogides, Pierre <strong>Le</strong>spérance, gardera son poste au seinde Quebecor Media et deviendra de facto patron de tout le secteur livre de l’entreprise,et que chaque maison pourrait conserver sa signature propre. Au momentd’aller sous presse, on attendait encore l’avis des autorités réglementaires en matièrede concurrence, mais on doutait fort qu’elles s’opposent à la transaction.Dans un courriel, Gaston Bellemare, grand manitou des Écrits des Forges, duFestival international de la poésie de Trois-Rivières et président de l’Associationnationale des éditeurs, me rappelait que la tenue des activités de Montréal Capitalemondiale du livre devait beaucoup à la générosité de Quebecor, qui avait offert de lavisibilité à tous les livres québécois plutôt qu’à la seule production de ses maisons.Peut-être soucieux de redorer son image, l’Empire s’est conduit en gentilhommecorporatif. Sans nier la pertinence des inquiétudes de tous et chacun sur les conséquencespossibles de la concentration sur la diversité de l’offre éditoriale auQuébec, Bellemare m’écrivait qu’il fallait espérer que Quebecor poursuive dans lavoix de la courtoisie. Après tout, l’empire de Star Académie ne vient-il pas dedonner un million de dollars au Rideau Vert ? Son président n’a-t-il pas présidé lacampagne de financement et la cueillette de livres de la Fondation desParlementaires ?Soit. Permettons-nous de rêver que Quebecor investisse, comme son porte-paroleLuc Lavoie l’a laissé entendre, dans la création d’un réseau de distribution quipermettrait à l’ensemble de la production éditoriale québécoise, dont la littératureen bonne et due forme, d’effectuer cette percée sur le marché européen que tousattendent depuis longtemps. Rêvons, puisque cela ne coûte rien. Mais restonsvigilants et inquiets à l’idée que l’impératif du rendement sur les actions en vienne àl’emporter sur la « gentilhommerie » et le souci du patrimoine culturel.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 52


<strong>Le</strong> monde du livre<strong>Le</strong> billet de Laurent Laplante<strong>Le</strong>cture etaventure« C’est un chemin fait de purhasard, qui fait parfois rentrer bientard », disait un chansonnier de majeunesse. Il pensait au chemin desécoliers, mais je pense à la lecture.De fait, ce que j’ai lu l’été dernierne ressemble que de loin à ce quej’avais prévu. Parcours sinueux etqui, entrepris de manière un peurétro, m’a ramené à l’actualité.Dans sa préface au livre fascinant deTom Harpur, <strong>Le</strong> Christ païen. Retrouverla lumière perdue, que j’ai lu au printemps,Jacques Languirand cite un mot d’AlbertEinstein au sujet de son type de foi :« un panthéisme rationnel », dit lephysicien, qui désigne Dieu comme « leVieux » et qui lui demande de ne pasjouer aux dés. Dans mes souvenirs, lepanthéisme avait un côté agréablementgrec, et Dieu goûtait sans doute la flûtede Pan, sinon ses mœurs. Recherchetentante. <strong>Le</strong> panthéisme, c’était aussi desauteurs comme Charles-FerdinandRamuz et Henri Bosco, des gens quiparlaient des colères de la nature, demontagnes vivantes et menaçantes,d’animaux magiques et de jardins subitementextraits de la sécheresse. Du coup,un projet estival : lire ou relire toutRamuz et Bosco.J’avais rescapé de mon adolescence duFolio et du Livre de Poche : de Bosco,<strong>Le</strong> Mas théotime, Malicroix, L’Âne culotte,<strong>Le</strong> Jardin d’Hyacinthe... ; de Ramuz,Derborence, La Grande Peur dans la montagne,Vie de Samuel Belet ... J’en voulaisdavantage. J’ai visité quelques librairiessans trouver grand-chose. Meilleurerécolte lorsque j’ai écumé les librairiesconsacrées aux livres d’occasion etqu’une amie montréalaise a patrouillé leslibrairies d’occasion des rues Mont-Royal et Henri-Julien. Je n’ai pas retrouvéle livre qui avait mystifié mon adolescence,le Monsieur Carre-Benoît à la campagne,de Bosco, mais j’ai obtenu dumême auteur Mon compagnon de songes,Sylvius, Barboche, <strong>Le</strong> Trestoulas et, deRamuz, Aline, La Séparation des races, lefabuleux Aimé Pache, peintre vaudois, <strong>Le</strong>Règne de l’esprit malin et même ces essaisqui étonnent de la part d’un romanciercomme Ramuz, Questions, Taille del’homme et Besoin de grandeur. Comme unlivre attire l’autre et que les <strong>libraire</strong>s imitentSherlock Holmes dès qu’on les défiede trouver l’introuvable, on m’a égalementoffert de stimulants ouvrages« périphériques » : C.F. Ramuz, peintrevaudois, de Dunoyer, et, préfacé par le© Illustration de Daniel Casanavegigantesque Jean Malaurie, La Penséeremonte les fleuves, où le directeur de lacollection « Terre humaine » et grandgéographe devant l’éternel rend hommageà Ramuz. Quiconque a luMalaurie (Hummocks 1 : De la pierre àl’homme avec les Inuit de Thulé ;Hummocks 2 : Tchoukotka, Sibérie. Auxorigines mythiques des Inuit) sait qu’ilmesure ses éloges. Or, Ramuz lui paraîtimmense.Là où se rajeunit ce qui commençait àsentir la nostalgie, c’est au moment oùj’ai trouvé dans une librairie bien denotre temps une superbe bande dessinéesignée du dessinateur Casanave et de...Ramuz : L’Histoire du soldat. Manque icicelui qui a mis l’histoire en musique, IgorStravinsky. Modernisation aussi quandj’ai appris que « La Pléiade » présenteraitd’ici peu en trois tomes unebrassée de romans de Ramuz. Je suisalors retourné au compte rendu de la« petite réunion » célébrant les soixanteans de l’écrivain en 1938. Entre autresamis présents, Ernest Ansermet, PaulClaudel, Jean Cocteau, Jacques Maritain,Thomas Mann, Stefan Zweig, PaulValéry...À partir d’un mot d’Einstein relevé parJacques Languirand, un bel été de lecturesimprévisibles.Hummocks1 et 2 :Jean Malaurie,Pocket,coll. Terre humaine,347 p. et 619 p.,15,95 $ ch.L’Histoiredu soldatDaniel Casanave& C. F. Ramuz,6 pieds sous terre,42 p., 42,95 $<strong>Le</strong> Christ païenTom Harpur,Boréal, 294 p.,27,95 $Auteur d’une vingtaine de livres, Laurent Laplante lit et recensedepuis une quarantaine d’années le roman, l’essai, la biographie,le roman policier… <strong>Le</strong> livre, quoi!N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 53


Des chiffres&des lettresCRÉATION D’UN PRIX POUR LA LITTÉRATURE JEUNESSE<strong>Le</strong> Canadian Children’s Book Centre et le Groupe financier Banque TD sont àl’origine d’un nouvel honneur pour les auteurs québécois et canadiens œuvrant dans lesecteur de la littérature jeunesse. <strong>Le</strong> Prix TD de littérature canadienne pour l’enfanceet la jeunesse récompensera deux œuvres (l’une en français, l’autre en anglais).<strong>Le</strong>s finalistes dans la catégorie de langue française sont Henriette Major (<strong>Le</strong>s Devinettesd’Henriette, Hurtubise HMH), Hervé Gagnon (Fils de sorcière, Hurtubise HMH),Christiane Duchesne (La Nuit des mystères, <strong>Le</strong>s 400 coups), François Barcelo (<strong>Le</strong> Nulet la chipie, Soulières Éditeur), et Pierre Chastenay (La Terre, la lune et le soleil, MichelQuintin Éditeur). <strong>Le</strong>s gagnants recevront chacun une bourse de 20 000 $.CONCOURS QUÉBÉCOIS DE BANDE DESSINÉELa Fondation pour l’alphabétisation, les Éditions Marchand de feuilles et la librairieMonet sont heureuses de s’associer pour le lancement d’un premier concours québécoisde création de bande dessinée. En marge de l’événement BD Montréal et du Salon dulivre de Montréal, ce projet permettra non seulement à un créateur âgé de plus de 16 ans devoir publier son œuvre, mais a aussi une mission philanthrope : 1 $ sera ainsi remis à laFondation pour chaque exemplaire vendu. Date limite de participation : <strong>31</strong> décembre 2005.Règlements complets sur www.marchanddefeuilles.com et www.<strong>libraire</strong>monet.comSI J’AVAIS LES AILES D’UN LIVRE…Depuis six ans, <strong>Le</strong>s Éditions Hurtubise HMH s’impliquent activement dans le milieuscolaire grâce à des animations théâtrales et des rencontres d’auteurs, qui remportentun franc succès auprès des élèves d’âge primaire et font le bonheur des professeurs etbibliothécaires, ravis de pouvoir stimuler le goût de la lecture chez leurs petits protégés.Ça vous intéresse ? Adressez-vous à Tristan Demers, coordonnateur de l’animation, au(514) 523-1523 / 1 800 361-1664 (sans frais).CHANGEMENTS DE POSTESÀ la barre des Presses de l’Université de Montréal et des Heures bleues, René Bonenfantest devenu, après élection, le nouveau président de la Corporation du Salon du livre deMontréal. Quant au poète acadien Serge Patrice Thibodeau, il assurera la direction desÉditions Perce-Neige, de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Nouveau directeur aussi chez<strong>Le</strong>méac : Jean Barbe, qui fut le premier rédacteur en chef de Voir avant d’être un romancier(Comment devenir un monstre, Comment devenir un ange, <strong>Le</strong>méac), a accepté le poste.On se souviendra de…Vladimir Volkoff, 72 ans, romancier et essayiste français d’origine russe. Monarchiste avoué,critique des médias, il obtenait en 1982 le Grand Prix du roman de l’Académie française avec<strong>Le</strong> Montage. (14 septembre)Jacques Lacarrière, 79 ans, écrivain et helléniste français. Grand voyageur, on lui doit unequarantaine d’ouvrages (récits de voyage, romans, poèmes, livres d’art et de photographies),notamment L’Été grec (Pocket) et Au pays d’Hérodote (Ramsay). (17 septembre)August Wilson, 60 ans, dramaturge américain. Il s’est rendu célèbre avec les pièces Barrières(1985) et La <strong>Le</strong>çon de piano (1986), qui lui ont toutes deux valu un prix Pulitzer. Son œuvreévoquait la condition des Afro-Américains au XX e siècle. (2 octobre)Jean Renaud, 61 ans, frère de Pierre Renaud, actuel président la chaîne de librairies du mêmenom. <strong>Le</strong>s deux frères ouvraient, il y a quarante ans, leur premier magasin. (1 er octobre)CAMPAGNE JE RÉVISE AVEC MON ENFANT<strong>Le</strong>s Éditions Trécarré et la fondation Paul Gérin-Lajoie s’associent dans le cadre de Jerévise avec mon enfant, campagne visant à amasser des fonds pour l’organisme caritatif quise consacre à l’éducation de base des enfants et à l’alphabétisation des adultes d’Haïti etd’Afrique. Pour chaque exemplaire vendu de l’un des 18 manuels de la collection « Jerévise avec mon enfant », Trécarré versera 50 ¢ à la Fondation. Totalement révisée pourrépondre aux exigences de la récente réforme, cette collection best-seller est un outil précieux.7 E ÉDITION DE LA LECTURE EN CADEAULa Fondation pour l’alphabétisation organise la 7 e édition de la campagne La lectureen cadeau. Cette année, ce projet de prévention de l’analphabétisme et du décrochage scolaireauprès d’enfants âgés de 0 à 12 ans issus de milieux défavorisés de toutes les régions duQuébec vise un objectif de 20 000 $. En librairie jusqu’au <strong>31</strong> décembre 2005, des boîtesidentifiées aux couleurs de l’événement servent de réceptacle pour les livres achetés neufs,bien emballés dans une pochette spéciale comprenant autocollant-dédicace et carte postale.Plus de 150 librairies appuient ce projet. Infos : www.fqa.qc.caPRIX LITTÉRAIRES DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL<strong>Le</strong> mercredi 16 novembre, les noms des gagnants des Prix littéraires duGouverneur général 2005 seront dévoilés. Dans la catégorie « Romans et nouvelles »,les ouvrages retenus sont Augustino et le chœur de la destruction (Marie-ClaireBlais, Boréal), Nikolski (Nicolas Dickner, Alto), Après la nuit rouge (ChristianeFrenette, Boréal), Un amour empoulaillé (Guy Lalancette, VLB) et Hotaru (AkiShimazaki, <strong>Le</strong>méac/Actes Sud). Dans la catégorie « Poésie », le choix du jury s’est portésur M’accompagne (Marc André Brouillette, Noroît), Brisures (François Dumont,Noroît), Vingtièmes siècles (Jean-Marc Desgent, Écrits des Forges), Il n’y a rien d’intactdans ma chair (Danielle Fournier, L’Hexagone) et L’Inoubliable. Chronique 1(Fernand Ouellet, L’Hexagone). Surveillez notre prochain numéro pour connaître tous leslauréats (roman, nouvelle, poésie, jeunesse, théâtre, essai, étude, traduction).Ils ont mérité leurs lauriersAUTEURS QUÉBÉCOISYves Boisvert, Prix poésie TerrassesSaint-Sulpice de la revue Estuaire pourMélanie Saint-Laurent (<strong>Le</strong> Sabord).Lili Maxime, Prix France-Acadie pourOuragan sur le bayou : Ma chère Louisiane(t. 1) (La Grande Marée).Benoît Bouthillette, Prix Saint-Pacômedu roman policier pour La Trace de l’escargot(JCL).Lévis Martin, Silver Ward remis par laSappi Fine Paper North America (Maine)pour Rodolphe Duguay. Pour une mystiquedu paysage (PUL).Ce prix annuel reconnaît l’excellencegraphique dans huit catégories d’ouvrages,dont les beaux livres.AUTEURS ÉTRANGERSNecla Kelek, Prix Scholl pour La Fiancéeimportée (Éditions Jacqueline Chambon).Décerné annuellement par la ville de Munich,cet honneur créé en 1942 porte le nom de résistantsallemands au nazisme.Yasmina Reza, Prix Welt pour l’ensemblede son œuvre.Décerné annuellement par le quotidien allemandDie Welt, cet honneur est doté d’unebourse de 10 000 euros.John Banville, Man Booker Prize pourThe Sea (Picador).Harold Pinter, écrivain et dramaturgebritannique, Prix Nobel de littérature pourl'ensemble de son oeuvre.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 54


{ }à l’agendaEn octobre et novembreSÉRIE LITTÉRAIRE 2005-2006 METROPOLIS BLEUEn attendant la prochaine édition du festival littéraire Metropolis Bleu, qui se tiendradu 5 au 9 avril 2006, il est possible d’assister à une série de rencontres. <strong>Le</strong> 27 octobre à19 h 30, l’Anglais Julian Barnes (England, England, Love, Dix ans après) fera une lecturepublique de ses œuvres à l’Université Concordia. Entrée gratuite. <strong>Le</strong> 4 novembre dès20 h, à l’hôtel Omni, Chaca Rosenfarb, auteure juive écrivant en yiddish, livrera sesréflexions sur la traduction. <strong>Le</strong> 5 novembre à 18 h, rendez-vous est donné à l’auditoriumde la Bibliothèque nationale où, en collaboration avec le Festival du monde arabe, auralieu une soirée-découverte qui regroupera des écrivaines québécoises d’origine arabe.Au même endroit, le 16 novembre à 19 h, il y aura lecture des lauréats des Prix duGouverneur général pour l’année 2005. L’événement s’inscrit au programme deMontréal, capitale mondiale du livre. <strong>Le</strong>ctures en français et en anglais. Entrée : 5 $ (membresMetropolis Bleu) / 8 $ (non membres). Infos sur www.blue-met.bleu.comEn octobre et novembreDON QUICHOTTE À MONTRÉALCinémathèque québécoise, Bibliothèque nationale, Faculté de musique de l’Université de Montréalet Maison de la culture Côte-des-NeigesLa Grande Bibliothèque et quelques partenaires culturels se sont associés poursouligner le quatrième centenaire de la parution de la première partie du chef-d’œuvrede Cervantès. Jusqu’en décembre, projections de films et de vidéos, conférences,expositions, spectacles de marionnettes et de musique rendent hommage au chevalier àla triste figure. <strong>Le</strong>s activités s’adressent aux petits et aux grands. Téléchargez le programmesur http://portail1.bnquebec.ca/documents/accueil/don_quichotte.pdfDu 27 octobre au 26 novembreJEAN BARBE EN TOURNÉEDans différentes librairies du Québec<strong>Le</strong> lauréat québécois du Prix des <strong>libraire</strong>s du Québec 2005 poursuit sa tournée deslibrairies entreprise en septembre. Si vous avez aimé Comment devenir un monstre (<strong>Le</strong>méac,2004), vous êtes cordialement invités à venir rencontrer son auteur, Jean Barbe, qui serade passage dans les librairies suivantes : Alire (Longueuil, 27 septembre, 17 h à 19 h),La Galerie du livre (Val d’Or, 3 novembre, 17 h à 19 h), En marge (Rouyn-Noranda,4 novembre, 17 h à 19 h), Au Carrefour (Saint-Jean-sur-Richelieu, 5 novembre, 14 h à16 h), L’Option (La Pocatière, 13 novembre) et Carcajou (Rosemère, 26 novembre, dès13 h). L’Association des <strong>libraire</strong>s du Québec (ALQ) est à l’origine de la tournée.L’expérience sera-t-elle renouvelée avec le gagnant de la prochaine édition du prix ?Souhaitons-le.<strong>Le</strong> 7 novembreYVES NADON EN CONFÉRENCEÀ la librairie MonetUne conférence portant sur l’enseignement et la littérature jeunesse sera donnéepar Yves Nadon, auteur du livre Lire et écrire en première année (Chenelière / McGraw-Hill). L’événement aura lieu de 16 h à 18 h. D’autres activités sont prévues au calendrierdes mois de novembre et décembre, à commencer l’exposition Stéphane Poulin.Rétrospective, de même que deux formations en BD. Infos : (514) 337-4083 / 1 877337-4083 / www.librairiemonet.comDu 7 au 13 novembre9 E SEMAINE DES MAGAZINES JEUNESSE<strong>Le</strong>s magazines <strong>Le</strong>s Explorateurs, J’aime lire, Pomme d’Api et <strong>Le</strong>s Débrouillardsorganisent un grand rallye pendant la 9 e Semaine des magazines jeunesse, qui auralieu du 7 au 13 novembre. Pour participer, il faut répondre à cinq questions publiées dansles plus récents numéros des magazines nommés plus haut. Trois groupes de participants(6 ans et moins, 7 à 10 ans, 11 à 15 ans) se partageront une douzaine de prix d’une valeurde plus de 5 000 $. Tous les détails sur www.bayardjeunesse.ca<strong>Le</strong>s 9 novembre et 14 décembreSTUDIO LITTÉRAIRE DE LA PLACE DES ARTSÀ la Place des ArtsLa saison 2005-2006 du Studio littéraire se poursuit d’ici Noël avec deux soirées ; lapremière sera consacrée à Suzanne Jacob et la seconde, à Anne Hébert. <strong>Le</strong> 9 novembreà 19 h 30, l’auteure de Fugueuses (Boréal), révèlera au public l’histoire de Nathe etAlexa dans La Dernière Fugue, tandis que le 14 décembre à 19 h 30, les comédiensDanièle Paneton et Vincent Davy, accompagnés au violoncelle pas Hélène Boissinot,mettront en scène l’œuvre d’Anne Hébert. Entrée : 15 $ régulier / 10 $ étudiant.Billetterie de la Place des Arts : (514) 842-2112Du 17 au 21 novembreSALON DU LIVRE DE MONTRÉALDans le Hall d’exposition de Place BonaventureRemise de prix, conférences, lectures publiques et tables rondes ponctueront la 29 e éditiondu Salon du livre de Montréal, le plus important événement francophone dugenre en Amérique du Nord. Après la gastronomie en 2004, le thème de cette année, labiographie, est également rassembleur. <strong>Le</strong> public est invité à découvrir cet univers auCarrefour thématique. Entrée : 6 $ (adulte) / 4 $ (étudiant) / gratuit pour les enfants de12 ans et moins accompagnés d’un parent. Infos : www.salondulivredemontreal.comN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 55


Libraire d’un jourM ICHELINEL ACHANCE<strong>Le</strong> romande Micheline LachanceLa trahison est au cœur du roman de Micheline Lachance. Envers les livres qu’elle a dû écarter lorsque le moment vint d’enfiler l’habitdu <strong>libraire</strong>, le temps d’un entretien où les suggestions de lecture, trop nombreuses pour être toutes citées ici, s’enchaînent avec l’aisancepropre à ces (trop rares) gens qui ont fait des livres les compagnons de leur quotidien. « Chaque fois que j’en choisissais un,j’avais l’impression d’en trahir un autre », dira-t-elle d’entrée de jeu.<strong>Le</strong>s Enfantsdu SabbatAnne Hébert,Boréal compact,188 p., 12,95 $<strong>Le</strong> roman de Micheline Lachance commencepar un éveil très précoce au plaisirde la lecture, dans une maison isolée encampagne où le paternel rapportait toutesles semaines bien des livres : « Je les aigardés, d’ailleurs. <strong>Le</strong>s Aventures d’Heidi, jel’ai encore! J’ai aussi gardé un Tintin, <strong>Le</strong>Lotus bleu. Je me suis aussi identifiée auxpetites filles modèles de laComtesse de Ségur. Très jeune, j’aicommencé à imaginer des histoiresoù j’étais souvent orpheline.C’étaient des histoires très tristes,mais elles se finissaient bien, parcontre. […] Je garde de très bonssouvenirs de mon enfance peupléed’êtres imaginaires. » Cette fréquentationdes mots a nourri l’envie de lajeune fille de se consacrer toutentière à l’écriture : « J’ai toujours suque j’écrirais. Je ne me souviens pasd’avoir pensé que je ferais autrechose dans la vie. Toute petite, jefaisais le journal de la famille avecdes petites nouvelles des miens etdes gens, le hit-parade américain -_je choisissais bien entendu les chansons! Mon plus beau cadeau deNoël, c’est quand j’ai reçu ma petitedactylo portative. Je l’ai euelongtemps. Elle a bien servi. » Puisvinrent les premiers romansd’amour qui, pour la plupart, ontsombré dans l’oubli : « Il faut bien comprendreque la littérature jeunesse n’existaitpas vraiment à l’époque. On n’avait pasbeaucoup le choix de lire autre chose queles romans d’amour un peu fleur bleue. Çanous donnait au moins le goût de la lecture,même si c’était un peu “ cucul ”. »<strong>Le</strong> roman de Micheline Lachance est aussiune histoire faite de fréquentations inspirantes,de passion et d’érudition. Celle quia longtemps signé des chroniques littérairesdans plusieurs magazines, en plusd’être à la tête de Châtelaine un temps, afréquenté de nombreux auteurs dans uncontexte professionnel, une occasionunique de côtoyer au plus près des œuvreset des auteurs marquants. Ce sont eux auxquelselle pense d’abord lorsqu’il s’agit denommer les écrivains qu’elle préfère : «<strong>Le</strong>s auteurs d’ici qui évoquent en moi des© Martine DoyonPar Antoine Tanguaysouvenirs, ce sont des gens avec qui j’aipartagé quelque chose. Je pense à HubertAquin, qui venait tout juste de publier Neigenoire, quelques semaines avant sa mort. » Elledira aussi du bien de ses rencontres avecJacques Ferron et Réjean Ducharme, devenudepuis un ami : « De tous ses livres, celui quej’apprécie le plus, c’est L’Avalée des avalés, unMicheline Lachanceroman qui reflète ce que nous sommes entant que Québécois. Mais ma préférée, c’estAnne Hébert. Je ne me lasse pas de relireKamouraska, <strong>Le</strong>s Fous de Bassan et <strong>Le</strong>s Enfantsdu sabbat. Sa plume est éblouissante et je peuxla relire constamment. »N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 56<strong>Le</strong> roman de Micheline Lachance, le romanidéal s’entend, serait donc un adroit mélanged’histoire et de romance. On ne sera doncguère surpris d’apprendre qu’elle a feuilleté denombreuses biographies qui, d’une certainefaçon, ont inspiré l’auteure du Roman de JuliePapineau : « J’ai adoré la biographie de Camuspar Herbert R. Lottman, un ouvragerigoureux mais qui se lit bien. Camus est unpersonnage qui a hanté ma jeunesse. J’ai aussibeaucoup aimé Rimbaud en Abyssinie d’AlainBorer, un récit de voyage, une belle paged’histoire, bien racontée. C’est une biographie,mais on y découvre un style plus littéraire,tout comme dans <strong>Le</strong> Paradis - un peu plusloin de Mario Vargas Llosa. J’ai aussi beaucoupd’admiration pour une partie, et je précise bienune partie, de l’œuvre de Max Gallo, et surtout savie de Napoléon en quatre tomes. J’apprécie cegenre d’ouvrage, que les gens qui ne liraient pasun livre d’histoire vont lire. Mon plaisir, c’est defaire entrer la petite histoire dans la grande, ensomme. <strong>Le</strong>s grands événements n’arriventjamais seuls. Ils ont un impact surchacun de nous. Malgré tout, mon genrelittéraire préféré, ça demeure les romansd’amour et quand ils me font pleurer, jesuis aux anges. C’est encore mieuxlorsqu’on a en toile de fond le dramed’un pays. J’ai par exemple reluL’Insoutenable Légèreté de l’être de MilanKundera. J’apprécie aussi les romans quiont un climat particulier, comme ceuxPatrick Modiano (La Place de l’étoile,Dora Bruder), de Marc Lambron ou, plusrécemment, de Pierre Assouline avecLutetia. Il faut dire que j’ai un faible pourles romans qui se passent sousl’Occupation. »Mais comment résumer en quelques paragraphesun une vie entière de lectrice ?« En général, je demeure fidèle à desauteurs que j’ai beaucoup aimés », résumecelle qui ajoute à la (longue) liste desauteurs qui la font voyager les noms deGabriel García Márquez (Mémoires de mesputains tristes), d’Amin Maalouf (<strong>Le</strong> Rocher deTanios), d’Andreï Makine (<strong>Le</strong> Testament français),d’Arturo Pérez-Reverte (La Peau du tambour) ou deLaurent Gaudé (<strong>Le</strong> Soleil des Scorta) pour décrirecombien elle apprécie voyager un peu partout dansle monde à travers les livres. Elle ajoute d’ailleurs :« J’aime qu’un auteur me transporte dans un autremonde, mais que je m’y sente chez moi. » Face àune telle avalanche de titres et d’auteurs, on envient à se demander s’il existe des livres qu’ellen’aime pas : « Je ne lis pas de science-fiction, depolars ou de fantastique. Et je déteste les guides dedéveloppement personnel ! » Avis à ceux et cellesqui voudraient lui offrir un livre…<strong>Le</strong> roman de Michel Lachance est donc protéiformeet idéalement marqué par une explorationdes thèmes de l’amour et de l’histoire. Au fond, leroman de Micheline Lachance est impossible àdéfinir. Il n’est peut-être même pas encore écrit.Mais elle a sûrement déjà hâte de le lire.L’InsoutenableLégèreté de l’êtreMilan Kundera, Folio,476 p., 19,95 $LutetiaPierre Assouline,Gallimard,coll. Blanche,438 p., 34,95 $Neige noireHubert Aquin, <strong>Le</strong>méac,264 p., 11,95 $L’Avalée des avalésRéjean Ducharme,Folio, 384 p., 17,95 $Rimbaud enAbyssinieAlain Borer, Points,416 p., 16,95 $<strong>Le</strong> Paradis —un peu plus loinMario Vargas Llosa,Folio, 595 p., 19,95 $La Place de l’étoilePatrick Modiano, Folio,210 p., 12,95 $La Peau du tambourArturo Pérez-Reverte,Points, 503 p., 14,95 $


NouveautésLoin de la langue que l’on scande et de celle qui se perle, lescontes d’Anne-Marie Olivier ne font pas dans la dentelle, maisdans la laine mouillée et la graisse à patates. On peut diviser lemonde de toutes sortes de manières. Certains soirs, à Québec,au coin des rues Saint-Joseph et Dorchester, les spectateurs duThéâtre de la Bordée et la clientèle du Dunkin’ Donuts seregardent sans se voir. Acclamé sur scène, Gros et Détail, sansmélodrame, verse à grandes louchées d’humour amer et deréalisme magique les histoires des seconds dans les oreilles despremiers.GROS ET DÉTAILAnne-Marie Olivier, Dramaturges Éditeurs, 70 p., 14,95 $L’an dernier, dans un pamphlet bâclé (L’Homme whippet, JCL),Charles Paquin décrivait sans nuances le mâle québécoiscomme une pauvre lavette. <strong>Le</strong> Cœur au blender, roman, corrigele tir. Dès la première page, le narrateur, martini en main, enpince pour Marylène. Alex vivra en même temps l’ivresse et lacuite. Rapidement pris dans l’engrenage de la passion, il manifesteun certain recul, et l’auto-analyse de sa relation destructrice,si l’on passe la petite biographie sentimentale deMarylène, est intéressante. C’est un refrain connu : les histoiresd’amour finissent mal. Celle-là, bien secouée, est presquesans arrière-goût.LE CŒUR AU BLENDERCharles Paquin, Stanké, 19,95 $Un jour, tandis qu’il taille ses rosiers, Georges écoute sonvoisin Forest lui raconter son suicide professionnel. Forest,cadre supérieur, en avait marre d’embaucher puis dedébaucher selon les caprices des actionnaires : il a délibérément,par un coup de gueule, commis le péché morteld’ « incompatibilité avec la philosophie de l’entreprise ».«Parce que ça philosophe, une entreprise ? », lui demandeGeorges. Sept mois plus tard, l’homme, en une semaine, selibère à son tour de ses liens sociaux. Un bon petit roman surla condition moderne, écrit d’une main suffisamment sûrepour éviter à la fois la critique de clichés et le kitsch du retouraux « vraies valeurs ».RAS LE BOLFrançois Godue, Guy Saint-Jean Éditeur, 253 p., 22,95 $Littérature québécoise{ Dans les marges }<strong>Le</strong>s Éditions Fides et la compagnie de production Casablanca ont signé uneentente : <strong>Le</strong>s Soupes célestes de Jacques Savoie, paru le printemps dernier, prendrad’assaut le grand écran d’ici deux ou trois ans. L’auteur, qui écrit également pourla jeunesse (La Plus Populaire du monde, La courte échelle), signera le scénario.La saga en quatre tomes « Cœur de Gaël » de Sonia Marmen, publiée chezl’éditeur saguenéen JCL, a été achetée ici par le club Québec Loisirs, et dansl’Hexagone par France Loisirs et Maxi Livre. De plus, la maison françaiseBelfond publiera La Vallée des larmes, La Saison des corbeaux, La Terre des conquêtes etLa Rivière des promesses dans sa collection « Sud lointain », et Random House àMunich fera de même sur le territoire allemand.Après Nô, <strong>Le</strong> Polygraphe et La Face cachée de la lune, tous trois inspirés de ses créationsscéniques, Robert <strong>Le</strong>page adaptera au grand écran sa pièce phare, La Trilogie desdragons. Natif de Québec, où il vient d’ailleurs de fonder la compagnie de productionEx æquo, <strong>Le</strong>page prévoit commencer le tournage, qui entre autres nécessitera lareconstruction du quartier chinois de la Vieille Capitale, au printemps 2006.Dans la foulée des activités entourant l’évènement Montréal, capitale mondiale du livre2005-2006, la Ville a annoncé qu’elle investirait une somme de 100 000 $ afin d’appuyercertains projets littéraires. Réparti entre les arrondissements et leurs habitants, lemontant servira à améliorer les lieux publics à vocation culturelle. Souhaitons que cesfonds soient correctement utilisés et, dans le futur, plus courants !La direction du service Sciences et société de la délégation générale du Québec àParis se réjouit de la mise au programme d’une session de formation dont le thèmeest « Littérature, théâtre et cinéma du Québec ». Grâce à ce cours, entériné parle ministère de l’Éducation nationale et offert à une soixantaine d’enseignants de larégion parisienne, on espère agrandir une brèche menant vers un enseignementplus répandu des lettres québécoises en sol français. Quoique les Hébert,Ducharme ou Godbout soient mis à l’étude depuis un certain nombre d’années, lepersonnel enseignant n’est en effet pas tenu de placer des œuvres d’ici dans ses plansde cours. À plus long terme, la délégation générale souhaite que l’étude du corpuslittéraire québécois soit une condition pour l’obtention des diplômes.Féru de littérature américaine, Bertrand Gervais enseigne àl’UQÀM et est aussi essayiste et nouvelliste. On retient de soncorpus romanesque le très réussi Gazole (XYZ, 2001), auquel ondevra dorénavant ajouter <strong>Le</strong>s Failles de l’Amérique, simultanémentpublié au Québec et en France. Dans ce livre costaud,dérangeant, voire cru, Gervais se révèle sans pitié pour les États-Unis, leur démesure, leur violence, pour cette société quireprésente, à certains égards, le berceau de toute les aberrations.Bien sûr, tout n’est que fiction, mais grâce à <strong>Le</strong> Corbusier, qu’onlit en préface (« Nous vivons en plein cœur de l’événement, et,par conséquent, le voyons mal. »), nous sommes mis en garde :la fin des temps est-elle proche ?LES FAILLES DE L’AMÉRIQUEBertrand Gervais, XYZ Éditeur, 448 p., 27 $Ioana Georgescu nous fait suivre du Japon au Cap-Vert la quête deDolorès D., nom prédestiné pour une vidéographe qui cherche àmettre en images la Dateline, cette ligne imaginaire qui marque lepassage d’un jour à l’autre. Dolorès, elle-même métisse, enfant dela transhumance, est décrite dans ses moindres faits et gestescomme une participante de reality show. Un premier roman sansfausse note qui, malgré les risques du sujet, se paie le luxe d’éviterde ressembler à un scénario.ÉVANOUISSEMENT À SHINJUKUIoana Georgescu, Marchand de feuilles, 151 p., 21,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 57


Littérature québécoisele <strong>libraire</strong> CRAQUEÉlogedes petits riensGeneviève Robitaille, <strong>Le</strong>méac,coll. Ici l’ailleurs, 83 p., 11,95 $Pour ceux qui connaissent sontravail, une nouvelle parutionde Geneviève Robitaille est unévénement en soi et tientpresque du miracle. Une boufféed’émotion nous envahit avant même d’en avoir luune seule ligne. Pour elle, qui souffre d’une maladiedégénérative, chaque seconde n’est jamais garanted’une autre. Encore plus minimaliste et introspectif queses autres livres, Éloge des petits riens met en lumière laréalité de tous les jours. C’est comme si l’auteure se faisaitla porte-parole des petits riens de la vie qu’on nevoit pas. C’est fait sans complaisance, avec le regardaiguisé de quelqu’un pour qui chaque geste du quotidienrelève du défi, mais selon qui la vie sera toujourstriomphante malgré ses aléas. Chaque mot vaut sonpesant d’or, et mérite une attention particulière.Puissant ! Éric Simard PantouteMonsieur JulotMarie-Christine Bernard,Stanké, 256p., 22,95 $Véronique est une jeune femmeamoureuse, une mère, une fille,une amie, mais elle est égalementune femme dont l’existenceest bouleversée par undeuxième diagnostic de cancer.Son univers se dévoile grâce àune correspondance à sensunique qu’elle entretient avec le neveu d’une damemourante rencontrée à l’hôpital. Il y est question duquotidien avec la maladie, des traitements et de leurseffets, de peurs, de désirs, du regard des autres, ausside plaisirs épicuriens, de câlins d’enfants, de siestes,même du Manifeste du refus global, mais toujours etsurtout de la vie. Ayant comme toile de fond le cancer,Monsieur Julot aurait pu être pesant et moralisateur,mais il n’en est rien ; il tient plus de l’hymne à la vie.Ce roman truffé de références littéraires et riche detrouvailles langagières inventives donne à rire et àpleurer, et certainement à réfléchir.Marie-Belle Girard <strong>Le</strong>s BouquinistesLa CoïncidenceFulvio Caccia, Triptyque,129 p., 19 $Synchronie, destin ou coïncidence,peu importe commenton les perçoit, les hasards dela vie nous laissent parfois pantois,souvent incrédules. <strong>Le</strong>sdeux protagonistes de LaCoïncidence en font bien malgréeux l’expérience lorsque, à Paris, leurs routes secroisent, et qu’ils se reconnaissent… C’est dans unintense huis clos que se déroule cette histoire, au récittrès intime et au dénouement inattendu. Qui pénètredans cet univers ne peut en ressortir sans aller au bout ;le lecteur n’aura aucune difficulté à y arriver, grâce àune montée dramatique captivante et un style sobres’attaquant aux pensées intimes des personnages.Sophie Gagnon-Bergeron <strong>Le</strong>s Bouquinistes<strong>Le</strong>s Colons devillageAnick Fortin, Trois-Pistoles,154 p., 22,95 $Dans un village gros comme mamain, quelqu’un qui tue et mutiledes pigeons pour se défoulerpasse souvent pour fou ;Antoine est malgré tout le pluslucide d’un véritable cirque oùune poignée d’éclopés de l’âme ferment leurs yeuxdevant les cruautés de la vie. Impuissant, il observe ledéclin de François, un enfant battu qui assassine lapetite Marie, qu’il trouvait tellement belle et obéissante…Arrachant ici et là des lambeaux de famille,François erre chez les lesbiennes gâteuses, puis chez lecouple rafistolé de la prostituée et d’Antoine, qui tententtant bien que mal de jouer les parents. L’auteurenous livre avec brio dans ce bouquin tellement réalistel’inévitable dégringolade d’un gamin et de son milieuen manque d’amour.Josiane Riverin-Coutlée <strong>Le</strong>s BouquinistesBossaloFrancois Barcelo, XYZ Éditeur,coll. Étoiles variables, 259 p., 25 $Après avoir touché plusieursgenres, François Barcelo proposeun roman où la dérisionest reine. Bossalo, le personnageprincipal, nous confied’entrée de jeu, et ne cessera denous le répéter tout au long durécit, qu’il est un personnage aux prises avec un auteurqui éprouve un profond ressentiment pour lui. <strong>Le</strong> malheureuxaimerait bien avoir plus d’ambition, mais soncréateur préfère lui faire vivre diverses mésaventures,parfois drôles, souvent répugnantes, frôlant même parfoisle pathétisme. Fort heureusement, Bossalo est endeux temps, composé d’une partie salaud et d’une partiehéros, ce qui offre un répit au lecteur ainsi qu’aupauvre Bossalo, qui est parfaitement « salaud », maistrès relativement héroïque. Barcelo nous offre unroman à ne pas prendre au sérieux et à ne pas mettreentre les mains d’un lecteur facilement dérangé.Marie-Belle Girard <strong>Le</strong>s BouquinistesPianomélancoliqueÉlise Turcotte, Noroît,88 p., 17,95 $Ce recueil d’Élise Turcotte estpeinture et musique : laportée jouée par ce Pianomélancolique entremêle mouvementslents et staccato, et ilsemble se déposer de la gouache d’enfant sur des tracésde fusain. Cette rencontre des couleurs et du mouvementreprésente l’un des intérêts notoires de ce recueilpersonnel. Puis, au fil de la lecture, on nous attache lespaupières tant il nous faut voir ces images affinées quise déplient. Il nous suffit de mettre un pas dans cesmots qui viennent du ventre pour voir cette précisecollision, ce chuchotement filé qui cache une poésieprofonde, et pour ainsi en ressentir l’alchimie effervescenteet sensible.Jean-Philippe Payette Monet<strong>Le</strong> PeignoirSuzanne Myre, Marchand defeuilles, 175 p., 21,95 $« Lu dans le très sérieuxCanadian Pediatric Journal ofTelevisual Addiction : la majoritédes enfants francophones ayantgrandi dans les années 1960 souffraientd’une maladie commune etincurable : la Bobinomania » :Ainsi commence la première nouvelle d’un recueil desix, intitulée « Nom d’une Bobinette ! », de SuzanneMyre. On y plonge en se tordant de rire, en se rappelantcette émission de télévision grâce à laquelleBobino et Bobinette ont effectivement marqué l’enfancede certains d’entre nous. La lecture des autresnouvelles, qui couvrent des sujets tous plus originauxles uns que les autres, se poursuit avec autant de plaisir.La détente par le rire suscité par la lecture du Peignoirvaut à elle seule un séjour dans un spa. Suzanne Myrea été plusieurs fois finaliste du Prix des <strong>libraire</strong>s et duPrix France-Québec, ainsi que lauréate du PrixAdrienne-Choquette. Michèle Roy <strong>Le</strong> FureteurProméthéeEmmanuel Aquin,<strong>Le</strong>méac, 1<strong>31</strong> p., 16,95 $«Attendre les vitraux », tenterde rejoindre le divin dans sapersonnification, Dieu, est unequête qui s’effrite et se décoloreaussitôt qu’une carnation dumonde s’insuffle à notre exil.Prométhée révèle par le feul’idéal d’une unité entre la terre et le ciel, d’une nationcréée par l’harmonie du corps de l’Homme et de sa foi.À travers les sombres réalités de la vie humaine (lesguerres, autant intérieures que mondiales, la restaurationdu passé, la mort), le roman d’Emmanuel Aquinremet en question la façon de « préserver une croyance» que les yeux ne voient pas et de s’incarnerdans une fuite du destin, destin auquel nous n’échapponsjamais. <strong>Le</strong> protagoniste, cherchant à chaque feu àsaisir les teintes te la lumière du monde, ne pourramieux atteindre le divin que par le noir.Sandra Belley Clément MorinL’Hommequi voulaitboire la merPan Bouyoucas, <strong>Le</strong>s Allusifs,222 p., 19,95 $<strong>Le</strong> titre du dernier roman de PanBouyoucas résume bien la dimensionfantaisiste de cette histoire àcaractère tragi-comique qui se construit sur le thème del’implacable culpabilité. C’est en effet dans un cadredébridé et entièrement onirique que se déploie le lieuromanesque, où s’entremêlent le monde des vivants etcelui des morts. Lukas, un restaurateur grec de 58 ans,revoit en songe la douce Zéphira, son amour de jeunesse,quarante ans après l’avoir lâchement abandonnée sur uneplage de leur île natale de Dodécanèse. Un jour, il décidede prendre un somnifère afin de revisiter dans ses rêves ladisparue pour lui demander pardon. Fantasmes, apparitionset souvenirs, explosion de voix et d’images transportentle lecteur dans un univers truculent qui fait du récitune véritable épopée jubilatoire.Geneviève Désilets Clément MorinN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 58


Littérature québécoiseF ELICIAM IHALILa belle et la bêteNée en Roumanie, Felicia Mihali vit actuellement au Québec, où elle a fait une entrée fort remarquéesur la scène littéraire avec <strong>Le</strong> Pays du fromage. Dans La Reine et le Soldat, fresque située auroyaume des Perses vers l’an 330 av. J.-C., la romancière met en scène Sisyggambris, la mère duroi Darius, qui assiste impuissante à l’écroulement de son royaume conquis par les troupesd’Alexandre le Grand, de Macédoine. Séduite par un jeune soldat grec dénommé Polystratus, lareine perse suivra celui-ci jusqu’en Grèce, où elle sera amenée par la force des choses à comparerleurs deux civilisations. Roman historique, roman d’amour, certes, mais aussi méditation surl’impact de la guerre et sur la notion de barbarie — sujet contemporain s’il en est…Par Stanley PéanTroisième œuvre de Mihali à paraître cheznous dans la langue de Molière, La Reine etle Soldat a connu une genèse bien particulièrequi remonte au temps des études de laromancière dans sa Roumanie d’origine.C’est son professeur de littérature néerlandaise,raconte-t-elle, qui lui a offert leroman Iskandar de Louis Couperus :«J’avais beaucoup aimé ce livre, auquelj’emprunte un motifassez secondaire : lemoment où, Darius vaincu,sa mère et sa filledeviennent les prisonnièresd’Alexandre leGrand. La relation dePolystratus avec la reinen’existe pas chezCouperus. »Fière représentanted’une civilisation qui adominé le Moyen-Orient pendant des siècles,Sisyggambris portesur les envahisseurs deson royaume, ces brutesbarbares venues deGrèce, un regard audébut méprisant, qu’elleapprendra à atténuer au fil du récit. Comptetenu des racines grecques de la civilisationoccidentale, cela apparaît un renversementde perspective assez intéressant. Qui plusest, en choisissant de raconter cet amourimpossible entre la reine et un soldat fictif,Felicia Mihali s’offrait un terreau riche enpotentiel romanesque : « J’aurais pu mettrel’accent sur la relation entre Sisyggambris etAlexandre, c’est vrai. Mais je me suis ditqu’Alexandre, qui avait été l’élève d’Aristote,était bien préparé pour rencontrer l’Autre, ilétait bien muni pour faire face à la reine. Jetrouvais plus intéressant de donner à l’interlocuteurde la reine un niveau bien inférieur,de manière à lui faire acquérir une dimensiond’éducatrice du conquérant. Voilàpourquoi je lui ai préféré le pauvrePolystratus. En fait, j’ai conçu mon romanautour de cette relation amoureuse entredeux personnes très différentes, qui l’une etl’autre feront l’expérience de l’exil. »© Dragos RobatzkiDe son propre aveu, Felicia Mihali n’anticipaitpas que cette thématique de l’étranger plongédans un milieu auquel on n’appartient pas toutà fait finirait par s’actualiser avec sa propre existenced’expatriée, qui a choisi de s’établir auQuébec, en partie par amour pour la languefrançaise : « Au début de mon livre,Polystratus est perçu comme un conquérant,un agresseur, mais pour lui aussi la vie n’étaitpas facile. Il a ses peurs,ses doutes, ce qui n’apparaîtraqu’un peu plus tard,au moment où il aural’impression d’être plusfamilier avec les lieux. Carje crois que plus tu tefamiliarises avec les lieuxde ton exil, plus tu esétranger. »De l’actualitéde l’HistoireQu’après deux romansplus manifestementproches de ses expériencespersonnelles, voirenourris d’expériencesautobiographiques, MihaliFelicia Mihali choisisse de camper cettehistoire dans le Moyen-Orient d’il y a presque trois millénaires peutavoir l’air d’une rupture dans son œuvre. Elle enconvient volontiers et renchérit même, maisavec certaines nuances : « Vous savez, malheureusementpour moi, un roman que j’aipublié en Roumanie entre <strong>Le</strong> Pays du fromage etLuc, le Chinois et moi n’a pas été publié ici, ce quidonne une image incomplète de mon travail.J’ai jusqu’ici toujours écrit selon un principed’alternance entre des romans plutôt réalistes etdes romans d’évasion dans un espace parfoishistorique, parfois intemporel. Après La Reineet le Soldat, je publierai Ma douce Asie, quirevient sur ma vie en Chine. »L’évasion, on veut bien, mais un roman à caractèrehistorique n’impose-t-il pas, par sa naturemême, un défi d’écriture, de recréation plus fastidieuxque l’œuvre campée dans un contextecontemporain ? En fait, selon Mihali, « le plusgrand défi tient au fait que ces romans exigentbeaucoup de documentation. Une romancièrene peut pas s’embarquer dans une telle entreprise sielle n’a pas le temps de lire les chroniques quiracontent l’époque où elle veut situer son intrigue.Et quand on veut recréer une époque, on doit aussiconsulter des sources autres qu’historiques, on doits’intéresser aux coutumes, à la littérature, à l’artmilitaire de cette époque. »Même si le décor de La Reine et le Soldat semblefort éloigné du nôtre, certains aspects de son proposn’en demeurent pas moins d’une actualité évidente,au lendemain de la guerre en Irak, d’où lesforces d’occupation américaines ne semblent pasprès de se retirer : « Je déteste ce cliché qui veutque l’Histoire se répète, mais en écrivant ce romanj’ai découvert qu’il y avait un peu de vrai dans cetteaffirmation, parce que l’homme ne change pas ouchange si peu… C’est pourquoi il répète les mêmeserreurs, garde au fil des siècles la même façon depenser et d’agir. » La romancière se garde bien dejuger le monde actuel selon une grillemanichéenne, mais reconnaît que « quand lesévénements du 11 septembre 2001 sont survenus,quand la guerre d’Irak a éclaté, j’ai complètementchangé d’avis sur les campagnes d’Alexandre enrelisant les chroniques qui présentent un visageglorieux du conquérant. »Ainsi, le parallèle entre les occupants américains deBagdad et les soldats grecs stationnés dans leroyaume de Sisyggambris et perçus par elle commedes rustres et des barbares n’est pas fortuit :« Quand on relit entre les lignes les chroniques descampagnes d’Alexandre, on se rend compte que leschoses étaient assez semblables à la situationactuelle, affirme Felicia Mihali.J’ai été choquée de découvrirle même manque de motivations,les mêmes faussesraisons d’envahir les autres, deles détruire sous prétexte deles civiliser. » Sachant cela, onne s’étonnera alors pas quel’auteure puisse écrire que « lareine savait d’avance combienbraves pouvaient être lesOccidentaux pour qui la guerreconstituait le métier le plusrentable », commentaire vraisemblablementapplicable autantaux Grecs de l’Antiquité qu’auxAméricains d’aujourd’hui.La Reine et le SoldatXYZ éditeur,264 p., 25 $Luc, le Chinoiset moiXYZ éditeur,coll. Romanichels,191 p., 23 $<strong>Le</strong> Pays du fromageXYZ éditeur,coll. Romanichels,217 p., 22,95 $© illustration de Sorin IlfoveanuN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 59


Poésie québécoise© Louis-Pierre Bougie (détail d’un tableau)Troisgrands poètesOn n’entend plus la voix de Michel Garneau à la radio et c’est dommage. On la retrouvecependant dans son dernier livre, Un vol de ouananiches, qui nous remet dans cet état depoésie qui traversait son émission — et son œuvre littéraire. <strong>Le</strong> liminaire de son recueilindique bien qu’il voit partout à l’œuvre ce « mode extatique de la connaissance » qu’ilpréfère de loin à la raison raisonnante : « Mais je sais moi / que c’est donc quand même/ en poésie / que nous existons le mieux toutes et tous ».Par Simon-Pierre BeaudetUn Vol de ouananiches nous fait entrer dans l’atelier du poète :on sent que le poème se fait à mesure qu’il s’écrit. Des considérationsgénérales alimentent la machine à souvenirs, cesderniers donnant des leçons de vie dont la morale n’est quela beauté poétique d’un instant : « Je fais ce que je fais / mepromener et observer / les choses et les gens ». Une jeunefille dans la neige, la dinde de son pusher ou une soirée dansun bar du Nevada, un poème sur les fautes de frappe et unautre sur les éternuements, l’aveu attristant du gars qui répareson système de son, ainsi que la dédicataire d’un poème érotiquequi lui envoie, pour faire bonne mesure, l’os pénien d’unmorse (avec photo à l’appui) : rien n’échappe à MichelGarneau, ni à la poésie. Pour hétéroclite qu’apparaisse cerecueil, il m’est arrivé quelques fois, au fil de la lecture, de m’arrêteret de me dire qu’il y a là le meilleur poème que j’aie ludepuis longtemps.Michel Van Schendel, quant à lui, offre avec Mille pas dans lejardin font aussi le tour du monde un recueil d’une profondeunité. « Mais il n’y a d’unité que du divers », annonce lepoète en liminaire. C’est à travers le microcosme des objetsdu quotidien que se construit un vocabulaire élémentairequi structure l’œuvre : une main, un mur, une porte, ouencore une feuille, un jardin, une rue, autour de quoi lemonde s’anime et se constitue. <strong>Le</strong> poète interroge, dans unegrande économie de moyens, notre rapport au monde et lelien entre le matériel et le spirituel. Aussi, si « mille pas dansle jardin font aussi le tour du monde », tout aussi simplement,« mille pas vers le monde / font un banc près de l’arbre». L’appropriation du réel est le motif dominant durecueil, et si celui qui voyage « ne trouve pas tout », il peut,à travers la poésie, explorer la diversité, dont Michel vanSchendel fait la pierre d’assise de son projet artistique.Pierre Nepveu fait son entrée dans la belle collection« Rétrospectives » de L’Hexagone. <strong>Le</strong> Sens du soleil rassembletout son œuvre poétique, débuté en 1971 avec Voies rapidesjusqu’à ses deux derniers recueils, Romans-Fleuves (1997)et Lignes aériennes (2002), qui lui ont valu chacun le Prix duGouverneur général. Avec lapublication de cette sommepoétique, la figure du poètedevrait s’ajouter à celle del’essayiste de L’Écologie du réelet d’Intérieurs du nouveaumonde, dont nous retrouvonsici bien des thèmes.Peut-on imaginer objet poétiqueplus improbable quel’aéroport de Mirabel ?L’auteur nous informe pourtantqu’il s’agit à la fois du catalyseur deson premier recueil et du sujet dudernier, liant ainsi son œuvre danscette « boucle temporelle » danslaquelle le poète explore le chocentre la nature et l’urbanitéenvahissante. Comme dans sesessais, on y retrouve une attentionparticulière aux paysages et auxdécors, et sur la manière de leshabiter et d’y voyager. Ainsi, dansces pages, il est abondamment question d’avions, bien sûr,mais aussi de routes, de voiture et de camions, d’exil et desouvenirs exotiques. Il s’agit justement de retracer cette« écologie » qui donne son titre à deux poèmes de Romans-Fleuves, où le monde extérieur n’est plus le sujet mais lamétaphore de « toutes ces choses intérieures / par où lavie nous comble / où nous trahit ».<strong>Le</strong>s poèmes de Nepveu se distinguent à la fois par la sensibilitéaux signes du monde extérieur et par la qualité exceptionnellede l’écriture. <strong>Le</strong> Sens du soleil demande une lecturepatiente, de celles qu’exigent les grandes œuvres.NDLR Au moment de metresous presse, nous apprenions lamort de Michel van Schendel(1929-2005). Décédé le 9 octobre2005 des suites d’une longuemaladie, il laisse dans le deuil sonépouse, ses deux fils et ses petitsenfants.Une cérémonie en sonhommage, à laquelle ont participéplusieurs écrivains et amis,a eu lieu le 20 octobre. Nos condoléancesà la famille.Un vol de ouananichesMichel Garneau, Lanctôt,211 p., 16,95 $Mille pas dans le jardin fontaussi le tour du mondeMichel van Schendel, L’Hexagone,coll. L’appel des mots, 208 p., 22,95 $<strong>Le</strong> Sens du soleil. Poèmes 1969-2002Pierre Nepveu, L’Hexagone,coll. Rétrospectives, 470 p., 32,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 510


Ici comme ailleursLittérature québécoiseLa chronique de Stanley PéanErrancesL’automne littéraire se poursuit, avec son lot de retrouvailles virtuelles avec desvoix confirmées qu’on ne se lasse pas d’entendre, et ces autres, nouvelles, quel’on se plaît à découvrir. Ces voix qui nous invitent à errer çà et là, dans cespaysages moins familiers qu’ils pourraient paraître. À errer en soi-même aussi.© Jesùs de VilallongaOn prend toujours un train pour quelque part«Vous êtes installé à Voksal et vous y avez des relations, selon votre propreaveu. Pourquoi donc avez-vous voulu me faire croire que vous n’étiez pasdescendu ici clandestinement ? », de demander suspicieusement CyrilleGork, le chef de la gare, à Adrian Traum, le héros du plus récent roman deSergio Kokis.C’est qu’on soupçonne beaucoup les étrangers à Voksal, où l’on n’en voit parailleurs guère. La Gare explore des prémices dignes de Kafka. Ingénieuremployé par son propre beau-père, Traum voyageait en train avec femme etenfant quand il est sorti du wagon pour se délier les jambes et s’aérer l’espritaprès une dispute avec son épouse. Malheureusement pour lui, il s’est assoupidans la steppe pour découvrir à son réveil que le train est reparti sans lui.Prisonnier de Voksal, bled perdu, le héros fait connaissance avec les personnagesqui peuplent l’endroit : l’idiot du village, Pancrace ; le tavernier Mathias ;l’officier paranoïaque, Otto ; sans oublier M. Théodor, comme Traum arrivépar inadvertance dans ce bourg dont il n’a jamais su comment repartir. Installéchez M. Théodor, Traum comprend vite lui aussi qu’il n’y a aucun moyen derepartir de cet endroit. Au fil des incidents un brin absurdes qui constituerontla trame de sa nouvelle vie, il en arrivera à se demander à l’instar de Gork siles choix que l’on fait — comme celui de descendre d’un train — ne sont pastoujours chargés de sens…Kafkaïen dans l’esprit comme dans la lettre, La Gare n’en demeure pas moinsune œuvre tout à fait personnelle de Kokis, qui braque ici un éclairage nouveausur ses thèmes (l’errance, la déchéance, le libre arbitre) et ses types depersonnages (des paumés, des êtres en rupture de banc) de prédilection. Voilàun livre intelligent mais sans ostentation, raconté sur le ton goguenard qui estla marque de commerce de l’auteur de L’Art du maquillage.Rêveries de promeneur solitaireComme chez Kokis quoique dans un registre différent, il est question d’errance,dans Ils passent la Main, la rêverie ambulatoire que signe Alain Médamen guise de coup d’envoi à la toute nouvelle collection « Lieu dit » au Noroît.Rappelons au passage que cette collection « propose une rencontre entreun écrivain et un lieu ». <strong>Le</strong> lieu en question, ce sont les rues de Montréal,où Médam, sociologue spécialiste des villes, venu d’Europe, déambule enjetant sur la faune et les paysages métropolitains un œil neuf. Ce qu’il découvre,ce qu’il ressent, à l’instar de tout nouvel arrivant ? Oublions les clichéspour plonger dans une vérité qui les transcende. « C’est la chute migratoire,alors. <strong>Le</strong> vertige, écrit Médam, avant de poursuivre sur un ton interrogateur :Et comment s’en sortir ? S’extraire du vide ? Faire qu’il ne soit que passager ?Faire qu’on retrouve sa place parmi les autres, en cet endroit de l’homme ? ».Fort d’une écriture à la fois dense et fluide, et nourri de méditations profondessur l’identité et les rapports à soi et à l’autre, à l’ici et l’ailleurs, Ilspassent la Main révèle un écrivain brillant, en pleine possession de sesmoyens. Ajoutez à cela les photographies d’Yves Médam qui ponctuent letexte et vous comprendrez pourquoi cette nouvelle collection m’apparaîtdes plus prometteuses…«Je veux inventer comme on voyage, écrit pour sa part Denise Desautelsdans Ce désir toujours. M’égarer dans les cercles excessifs du paysage, d’oùLa GareSergio Kokis,XYZ éditeur,coll. Romanichels,210 p., 23 $Ils passent la MainAlain Médam,<strong>Le</strong> Noroît,coll. Lieu dit,80 p., 20,95 $Ce désir toujours.Un abécédaireDenise Desautels,<strong>Le</strong>méac,coll. Ici l’ailleurs,136 p., 13,95 $Vingtièmes sièclesJean-Marc Desgent,Écrit des Forges,66 p., 10 $montent des hologrammes plus toniques les uns que les autres, qui aurontà la longue, on ne sait jamais, le pouvoir de rompre ma colère. » Auteured’une trentaine de recueils de poésie, de beaux livres, de récits, Desautelsnous invite en promenade non pas géographique, mais plutôt esthétiquedans les avenues de son petit jardin secret, flânerie dont les vingt-six stationscorrespondent aux lettres de l’alphabet. L’exercice de l’abécédaire pourraitsembler académique ou contraignant, mais c’est sans compter la rigoureuseplume de Desautels, qui égrène avec brio son chapelet de réminiscences, deréflexions et de mystères.Des considérations en forme de bilan d’« Après » à l’admiration des papillonsnocturnes appelés « Zeuzères », ce sont donc vingt-six chapitres oùDenise Desautels appelle à la barre ses spectres et hantises — le deuil, lamort de sa mère, la naissance de son fils, la présence de l’être aimé, la persistantecolère contre les injustices de la grande et de la petite histoire, etc.— autour du thème du manque, source de désir. Dans son style précis et élégant,elle en arrive à cette conclusion : « En conséquence, l’écriture — sesfouilles, ses exigences, son utopie — n’arrête pas d’être nécessaire. Contre ledésespéré. Contre l’inespoir. »<strong>Le</strong> regard lucideJ’avais encore ces mots de Denise Desautels à l’esprit quand je me suisplongé dans Vingtièmes siècles, le dix-septième ouvrage du poète Jean-MarcDesgent, qui lui a valu en octobre le Grand Prix du Festival de poésie deTrois-Rivières pour la deuxième fois. Et même si le ton est résolument noir,la lutte contre le désespéré et l’« inespoir » fait aussi partie du programmede Desgent dans cette traversée du siècle dernier, les yeux ouverts et lucidessur les atrocités dont nous sommes, hélas ! trop coupables et capables, individuellementet collectivement.«Tu n’en reviendra pas », chantait Léo Ferré avec les mots d’Aragon pourdécrire les charniers d’une Europe à feu et à sang. Dans sa poésie tantôt enprose, tantôt en vers, Desgent prête sa voix au guerrier qui revient destranchées, parfois avec moins d’âme, moins de cœur, et la mémoire saturéedes visions cruelles : « On a construit un pont en bois vernis, beaux clousdorés, belles vis platinées. <strong>Le</strong> genre humain y avançait lentement, c’étaitavec la théologie du vide. C’était miraculeux ce qu’on disait des choses dansle charnier : la petite aux fesses rebondies a encore ses souliers, ce n’estpresque plus une personne, il faudrait repenser la machinerie, le sang despauvres n’est plus intéressant, il faudrait des pelles, des bras, des mains, ilfaudrait des masques, surtout. Ça parlait, ça discutait vieux fusils, vieillespeaux avec de la terre, dans la terre. »Comme quoi il est des errances, des promenades moins divertissantes qued’autres, mais tout aussi essentielles.Rédacteur en chef du journal le <strong>libraire</strong> et animateurà la radio de Radio-Canada, StanleyPéan a publié des romans et des nouvelles. Il estprésident de l’UNEQ. Lorsqu’il n’écrit pas,Stanley, grand amateur de jazz, joue de latrompette.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 511


Littérature étrangèreNouveautésÀ la fin des années 60, dans une ville universitaire des États-Unis,un professeur et son épouse, en compagnie de leurs enfants, invitentune vieille amie et son deuxième mari, l’écrivain Jonah Boyd,à partager leur repas de Thanksgiving. En soirée, Boyd fait la lecturede quelques pages de son nouveau livre, qui ne verra pourtantjamais le jour : les carnets disparaîtront, changeant la vie detous les convives. <strong>Le</strong> Manuscrit perdu de Jonah Boyd marque leretour de David <strong>Le</strong>avitt qui, dès son premier recueil de nouvelles,Quelques pas de danse en famille (J’ai Lu), s’est imposé parmi lesétoiles montantes. <strong>Le</strong>avitt, qui s’interroge ici sur le rapport entrel’écriture, la création, la vérité et l’amour, se fait rare : sautez surl’occasion.LE MANUSCRIT PERDU DE JONAH BOYDDavid <strong>Le</strong>avitt, Denoël & d’ailleurs, 269 p., 32,95 $Nathan, 60 ans, divorcé, cancéreux, revient mourir à Brooklyn,qu’il avait quitté avec ses parents à l’âge de 3 ans. Avec sérénité,il aborde le dernier versant de sa vie. Dans une librairie, Nathancroise Tom, son neveu perdu de vue depuis des années. C’est ledébut d’une amitié complice : ensemble, les deux hommesréécriront leur histoire… <strong>Le</strong>s <strong>libraire</strong>s français l’ont élu, parmi220 titres, meilleur roman étranger de la rentrée d’automne :Brooklyn Follies est une œuvre plus optimiste que les précédentes,comme si Auster gagnait en sagesse. D’ailleurs, tous les thèmesaustériens sont là : le désir d’aimer, les lois du hasard, les rencontresdéterminantes, la vie urbaine et l’Amérique, personnage ensoi. Du grand art, écrit dans un style simple, prenant.BROOKLYN FOLLIESPaul Auster, Actes Sud / <strong>Le</strong>méac, 363 p., 32,95 $On lui devait trois romans acclamés, dont deux primés,lorsque Alan Hollinghurst est devenu, en raflant le prix ManBooker 2004, la coqueluche du Royaume-Uni. Avec son styleflamboyant, ce roman « gay écrit par un gay » a causé tout unémoi. Londres, pendant les années Thatcher. Étudiant, NickGuest arrive de province et loue une chambre sur Notting Hill.Au contact de ses hôtes, il découvre un monde individualisteet hédoniste. Drogue, sexe, pouvoir : à travers la quêted’amour et de beauté que poursuit le héros se dessine unedécennie décadente où les désillusions ne furent pas rares…Qualifié de chef-d’œuvre, La Ligne de beauté plaira aux lecteursde Martin Amis et de Jonathan Coe.LA LIGNE DE BEAUTÉAlan Hollinghurst, Fayard, 537 p., 34,95 $Finaliste au prix Man Booker 2004, récompensé par le Los AngelesTime Book Award, <strong>Le</strong> Maître s’attarde à une période douloureuse dela vie d’Henry James. Après l’échec cuisant de sa pièce Guy Domville,jouée à Londres en 1895, l’écrivain se réfugie sur le terre d’Erin où,pendant les cinq années qui suivront, ses journées seront consacréesà l’écriture d’un roman. Dans un habile croisement entre fiction etautobiographie, l’Irlandais Colm Tóibín livre une incomparable paged’histoire littéraire : du procès d’Oscar Wilde aux tourments intimesde James, l’auteur du Bateau-Phare de Blackwater rend hommage au«Maître » et propose une réflexion sur les conflits entre création etvie quotidienne. Un des grands romans de l’automne.LE MAÎTREColm Tóibín, Robert Laffont, coll. Pavillons, 428 p., 36,95 $Satire sociale de Silicon Valley et de Bollywood, <strong>Le</strong>ela, ou commentun informaticien épris d’une actrice indienne, déçu du rêve américainet d’un amour vain, crée un virus et est poursuivi par le FBI, constitueune folle aventure bourrée d’humour subtil. Ici, l’on renoue agréablementavec l’univers excentrique de Hari Kunzru, né en 1969 d’unpère indien et d’une mère anglaise, qui nous avait donné L’Illusionniste(Plon, 2003), récipiendaire du prix Somerset-Maugham. La mêmeannée, ce remarquable premier roman lui avait valu une place parmiles vingt auteurs les plus prometteurs selon la revue Granta, référenceen matière de littérature anglaise. Un choix amplement justifié :Kunzru passe le test du second livre avec une note quasi parfaite.LEELAHari Kunzru, Plon, coll. Feux croisés, 360 p., 39,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 512


En état de romanLittérature étrangèreLa chronique de Robert LévesqueJules VerneÀ l’ancre, à l’encreÀ l’âge de onze ans, Jules Verne s’est embarqué sur un bateau en partance versles Indes : il voulait aller y chercher un collier de corail pour sa cousine ; rattrapépar son père, ramené à terre, il reçut la fessée déshonorante ; fesséeféconde qui nous aura donné le plus formidable, le plus secret des auteurs devoyages imaginaires.Avec Verne on ne sera jamais sûr de rien, et cette fugue adolescente — si belleà imaginer — n’a peut-être pas existé : c’est la petite-nièce de l’écrivain,Marguerite Allotte de La Fuye, qui, la première, l’a évoquée dans sa biographiede 1928. Verne n’en a jamais parlé et certains biographes, commeHerbert R. Lottman, doutent qu’elle ait eu lieu quand d’autres, comme MarcelMoré, dilettante allumé, en font l’acte fondateur de la personnalité de l’auteurdu Tour du monde en quatre-vingt jours. Joelle Dusseau, qui signe « la biographiedu centenaire », ne tranche pas, laissant aux amateurs de Verne le soind’y croire ou non…La machine à écrireCent ans après sa mort, Verne, qui est l’auteur français le plus traduit aumonde, demeure l’un des écrivains les plus énigmatiques qui soit. On ne saitrien de sa vie sentimentale ; son existence durant (1828-1905) il a été avare deconfidences. Dès le succès venu, il s’est retiré en province (à Amiens), où il avécu une vie d’écriture minutée, réglée ; il n’a pas laissé de mémoires (commentaurait-il eu le temps de les écrire ?). En fait, il aura été de son plein gréun forçat de la production romanesque, lié à un éditeur (Pierre-Jules Hetzel)qui abusa de sa force de travail. Bref, cet homme, qui a laissé plus d’une centainede romans que chaque génération de lecteurs découvre avec ravissement,demeure le symbole de la « machine à écrire ».Comment ce Nantais monté à Paris pour frayer dans le milieu théâtral etécrire des vaudevilles (il a été secrétaire du Théâtre Lyrique) a-t-il pu, asseztardivement (à 35 ans), revenu des théâtreux, trouver dans le roman sa voie,son créneau, sa vocation, son obsession de décrire la terre entière ? Tous lesbiographes ont planché sur cette question. Quel a été le déclic ? JoëlleDusseau n’arrive pas à expliquer ce qui s’est produit pour qu’un jour de 1863,ce dramaturge sans succès vienne rue Jacob cogner à la porte de l’éditeur deHugo avec en mains le manuscrit de Cinq semaines en ballon. Ce dernier contenaitnon seulement une histoire merveilleuse, mais surtout un roman quiallait fonder un nouveau genre de littérature populaire : le roman géographique,où science et anticipation se croisent.Verne n’a pas fait d’études scientifiques et a peu voyagé. Soudain, propulsé parle succès immédiat de son premier roman d’aventures où l’action filait deZanzibar aux sources du Nil, il devint l’incomparable conteur planétaire quiallait parcourir le monde à la plume, en imagination, « amadouant » les techniquesde transport, les inventant, créant un monde futuriste. Dans bien descas, on le sait, ce monde allait se concrétiser dans la réalité.La discipline d’abord, ainsi que la curiosité, expliquent ce travail de titan queVerne a mené en se faisant le maître de l’enseignement géographique par lafiction. Cet homme, dès que parut Cinq semaines en ballon et que Hetzel l’eutillico mis sous « contrat usinier », se donna une discipline de fer : lever à cinqheures du matin, écriture jusqu’à onze heures ; une fois le déjeuner avalé (ils’assoyait sur une chaise basse à hauteur de son assiette pour manger plusvite), l’après-midi en bibliothèque où, après la lecture de plusieurs journaux etrevues, il se plongeait dans les encyclopédies et les dictionnaires. Enfin retourà la maison pour la correspondance, encore de la lecture, puis au lit à dixheures, un lit de fer placé dans son bureau de travail.Jules VerneJoëlle Dusseau, Perrin,560 p., 42,95 $<strong>Le</strong> Très CurieuxJules VerneMarcel Moré,Gallimard,coll. <strong>Le</strong> Promeneur,270 p., 41,50 $Regarde de tous tesyeux, regarde !Jean-Yves Tadié,Gallimard,coll. L’un et l’autre,272 p., 37,50 $Une vie sans plaisirs autres que celui d’imaginer et d’écrire des histoires pourles jeunes lecteurs. En 1894, il écrit à son frère : « Mes volumes de 1895 et1896 et 1897 sont faits. Je m’occupe de 1898 ». À son éditeur qui le suit deprès et le paie mal (rapport sado-maso que Marcel Moré considère commeétant à la base d’une possible homosexualité de Verne, qui se serait « marié »avec Hetzel), l’écrivain de 70 ans écrit en 1896 : « Vous remarquerez commemon écriture devient mauvaise, c’est que je commence à être sérieusement prispar la crampe de l’écrivain, et qui sait si je n’en arriverai pas à la machine ? Voilàqui me serait pénible, puisqu’en général tout le détail ne me vient qu’au boutde la plume. »L’étonnant voyageurAu bout de la plume… Étrange cas d’un écrivain sédentaire (il a passé huitjours en Amérique dont deux aux chutes du Niagara) qui va faire voyager seslecteurs à travers le vaste monde, en faire le tour, de toutes les manières, enballon, sous l’eau, en train, en bateau, et même descendre au centre de la Terreet aller vers la Lune. Lui qui demeure à l’ancre dans son Amiens provincial (lafenêtre de son bureau donne sur un chemin de fer), et qui imagine à l’encre(si futuriste, il ne passa cependant pas à l’usage du dactylographe) ces voyagesimaginaires, ce « détail » qui lui vient en écrivant à la main…Deux choses, selon Joëlle Dusseau, ont fait Verne : la lecture (il admiraitHugo, il dévora Dickens et Laurence Sterne, ayant un faible pour les auteursanglais), puis le fait qu’à son époque il y eut de grands développements dansles sciences de l’histoire et de la géographie. En même temps, la secondevague de la colonisation éveillait chez le lecteur la curiosité pour l’exotisme,l’ailleurs, le voyage. Dans ce contexte, Verne est devenu le grand pédagogueamusant. Dès le premier chapitre du premier roman, il y avait déjà un alignementd’informations, et l’œuvre entier est une œuvre d’enseignement.Son malheur fut d’avoir été refusé à l’Académie française sous prétexte qu’ilétait un auteur pour la jeunesse, et d’être snobé par Zola. Sa vengeance, il l’aeue dans le phénoménal « posthumat » puisque son œuvre, incontournable,est célébrée et admirée par de grands écrivains comme Sartre qui, dans <strong>Le</strong>sMots, évoquait ses lectures de Michel Strogoff, et aujourd’hui Julien Gracq.Voilà que, dans la foulée du centenaire, Jean-Yves Tadié, le sensible biographede Proust, signe un ouvrage pour saluer l’écrivain, dont il dit avoir lu toutel’œuvre entre dix et treize ans. Son livre est un « dialogue à trois » entreVerne, qui prend toute la place, lui, l’homme mûr, et l’enfant qu’il était lorsqu’ildévorait les gros volumes illustrés de la collection Hetzel. Tadié dit de l’auteurde L’Île mystérieuse qu’il « jouait pour nous le rôle d’Internet »…Robert Lévesque est journaliste culturel et essayiste.Il tient un carnet dans l’hebdomadaire IciMontréal. Ses ouvrages sont publiés chez Boréal,et aux éditions Liber et Lux.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 513


Littérature étrangèreÀ bout de fuiteLiza Ward, Buchet-Chastel,414 p., 39,95 $État du Nebraska, hiver 1957-1958. Deux adolescents en malde vivre assassinent plusieurspersonnes de façon tout à faitgratuite. Avant que les meurtrierssoient arrêtés, Liza Ward,jeune romancière américaine, nous décrit tous leschambardements émotionnels que vivent les gens quiont participé de près ou de loin à ce drame. Trois personnagesvivant à différentes époques auront ce mêmepoint en commun : Lowell, antiquaire new-yorkais de50 ans, Caril Ann, adolescente fugueuse, et Bouchon,jeune fille fascinée par les tragiques évènements.L’auteure mène cette histoire de main de maître et saitgarder notre intérêt jusqu’à la fin. Ce roman, qui a pourthème la violence, n’est quand même pas dénué demessage d’espoir. À bout de fuite mérite qu’on le lise :c’est un excellent ouvrage. Jean Moreau Clément Morin<strong>Le</strong>s AmantsimparfaitsPierrette Fleutiaux,Actes Sud / <strong>Le</strong>méac, <strong>31</strong>1 p., 29,95 $Avec ce roman hautement psychologique,Pierrette Fleutiaux (prixFemina 1990), nous plonge dansl’univers complexe de la gémellité.Léo et Camille, jumeaux monozygoteset inséparables, ont six anslorsqu’ils font la connaissance de Raphaël, enfant unique etsans histoire alors âgé de neuf ans. Immédiatement se tisseentre eux un lien trouble et étrange. Cependant, plusieursannées plus tard, leur relation ambiguë tournera au dramelorsque Anne, jeune fille fragile et vulnérable, s’immisceradans ce trio à la fois angélique et maléfique. Ce sera aussila fin de leur innocence, puisqu’il y aura un procès au coursduquel ils seront accusés de meurtre. Au-delà de la simplehistoire d’enfance, l’auteure aborde avec acuité plusieursthèmes dont la différence, l’altérité, la solitude et l’irrésistibleattrait que suscitent les jumeaux.Johanne Vadeboncœur Clément Morin<strong>Le</strong> Temps n’est rienAudrey Niffenegger, ÉditionsMichel Lafon, 522 p. 29,95 $Henri est atteint d’une maladiegénétique appelée « chrono-déficience». Elle a pour effet de lepropulser dans le temps pour unepériode indéterminée. Durant cesvoyages inusités, il se rencontre luimêmeà différents âges de sa vie et croise des gens dont ilne se souvient plus dans son présent. Il revient cependanttoujours vers Claire, son grand amour, qu’il visite depuisqu’elle a 6 ans. De situations cocasses en moments d’intensesémotions, Niffenegger décrit, dans une succession detableaux temporels, l’amour inconditionnel qui lie Henry etClaire. Cette histoire improbable dans laquelle il est néanmoinspossible de plonger tête baissée parle d’attente, denostalgie, de désir, d’abnégation et de l’amour qui dure. Il enrésulte de très agréables moments de lecture, des sourires,des angoisses et, peut-être, une larme ou deux.Mélanie Quimper PantouteDéloger l’animalVéronique Ovaldé, ActesSud/<strong>Le</strong>méac, 167 p., 24,95 $Rose ressemble à une fillette desept ans, mais en a plus du double.Elle vit avec sa mère et MonsieurLoyal, le directeur de cirque.Quand elle n’est pas à l’Institut, elles’occupe de ses lapins en rêvassant.Après la mystérieuse disparition desa mère, l’enfant, assoiffée de réponses, puise à l’intérieurd’elle-même pour réinventer le passé. Celui demaman Rose et de ce père qu’elle n’a pas connu. C’està une quête de vérité nourrie de mensonges que nousconvie Déloger l’animal. Dans une langue perlée et brillante,l’étrange narratrice esquisse son univers. Ununivers de sable qui nous glisse entre les doigts. Maissa beauté tient dans cette impossibilité à le saisir et leretenir. Ainsi nous laisse-t-il une poussière d’incertitudesur les mains une fois la dernière page tournée.Mireille Masson-Cassista Pantoutele <strong>libraire</strong> CRAQUEDouze poètes coréenscontemporainsCollectif, traduction de HanDaekyun & Gilles Cyr, Noroît,coll. Dialogues, 124 p., 18,95 $Il n’est pas rare que la poésietraduite nous donne uneimpression de lecture voilée :comme le dit Voltaire, on nevoit qu’une « faible estampe d’un beau tableau ».Pourtant, devant ce panorama de la poésie coréenne,non seulement ces mots d’ailleurs semblent nous parvenir,semblent traverser le pont qui sépare les deuxlangues, mais la lecture donne véritablement l’impressionque ces poèmes aux styles variés, ces voix quenous avons le privilège de surprendre pour atteindreleur finesse, n’ont pas perdu le zeste et la vibrationd’origine. Ce recueil est une fenêtre peu embuée surl’âme contemporaine d’un coin d’Asie singulier.Jean-Philippe Payette MonetLa Formule préféréedu professeurYoko Ogawa, Actes Sud/<strong>Le</strong>méac,247 p., 256 p., 29,95 $Une aide-ménagère commenceun nouveau travail chez un mathématiciendont la mémoire briséen’enregistre que quatre-vingtsminutes à la fois. Chaque matin,l’homme a oublié jusqu’à son existence.Aussi doit-elle chaque jour se présenter de nouveau.Et voilà qu’est introduit dans cet univers fermé lefils de cette femme. À son contact, le professeurs’ouvre peu à peu, partageant avec eux son amour deschiffres, tandis que la radio diffuse des parties debase-ball. Ogawa signe ici une œuvre dans laquelle lasensibilité côtoie l’étrangeté. Sous sa plume, même lesformules mathématiques possèdent leur poésie. Unroman très émouvant aux personnages fascinants.Mireille Masson-Cassista PantouteN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 514


Et tout le reste est littératureLittérature étrangèreLa chronique d’Antoine TanguayRions, c’est l’heure© Pierre Rouillon © Edward GoreyQu’il fait bon, en ces temps troublés par des conflits et des tragédies dont l’ampleur nousdépasse, de s’offrir, en guise de remède à la morosité ambiante, une bonne pinte d’humour !Attention toutefois, je ne parle pas ici de l’humour qui remplit les salles de spectacle à traversla province, celui pratiqué par quelques humoristes à l’imagination ténue dont les propos surla vie qu’on mène frisent le vulgaire. Je parle plutôt d’un esprit drolatique qui traverse les frontières.Je songe à une fantaisie à l’italienne, au sarcasme finnois, au sens de la répartie et aucynisme british.CarnivaleÀ moins d’être un bien triste sire, on ne peut pas faire la rencontre de laprose déjantée de l’Italien Stefano Benni, dont j’ai déjà par le passé chantéles louanges en ces pages, sans succomber à son humour pétillant,proche de celui que défend l’acteur et réalisateur Roberto Benigni.Comme lui, Benni a compris que pour dénoncer la bêtise, rien ne vaut unefable carnavalesque où, derrière le comique de situation, se cache unevérité qui n’a rien de rigolo. Achille au pied léger, son sixième roman(traduit courageusement par Marguerite Pozzoli), porte dès les premierschapitres la touche distinctive de Benni. <strong>Le</strong> vocabulaire est coloré àsouhait, et les descriptions d’un quotidien où la logique paraît absente,baroques, voire échevelées. Fortement engagé dans la dénonciation de labêtise ambiante, l’auteur de Spiriti et du Bar sous la mer tisse à travers lesmésaventures d’Ulysse, un lecteur de manuscrits dans une maison d’éditionminable, un portrait mordant des malheurs de l’acte littéraire d’aujourd’hui.Taraudé, au propre comme au figuré, par de petits auteurs quiémergent des pages qu’il traîne avec lui, Ulysse est aussi amoureux dePilar, une jeune dame irrésistible dont le permis de séjour est sérieusementmenacé. Auteur à ses heures, notre héros fait un jour la rencontred’Achille, un homme atrocement défiguré, cloué sur un fauteuil roulant et,incidemment, isolé de la société. <strong>Le</strong> mystérieux personnage lui proposed’écrire à sa place une romance extravagante où les fantasmes tordus sontrois. En marge de cette relation qui connaîtra des hauts et des bas, Bennis’offre quelques considérations mordantes sur les aléas de l’édition. Àl’heure des grands rachats dans le domaine du livre, on ne peut que rirejaune en lisant les déboires d’un éditeur aux prises avec la pression desgéants du domaine et prêt à tout faire pour survivre. D’abord ancré dansun univers où rêve et réalité se confondent, Achille au pied léger demeure,malgré son caractère burlesque et ses digressions emportées, une satireféroce truffée de bons mots et de scènes cocasses qu’il faut bon lire ausecond degré. Un livre à l’humour al dente, en quelque sorte.Seul contre tousAprès l’Italie, allons faire un tour plus au nord en compagniedu Finlandais Arto Paasilinna, un écrivain trèsbien établi en son pays qui séduit lentementmais sûrement un lectorat grandissant.C’est grâce à la publication deLa Douce Empoisonneuse et de PetitsSuicides entre amis (deux bijoux d’humournoir) que l’auteur du Lièvre de Vatanen s’estenfin gagné l’affection des Québécois.Originalement publié en 1976 dans son paysd’origine, Un homme heureux devrait permettreà Paasilinna de continuer sur sa lancée,même si on dénote déjà quelques reditespour un auteur qui a fait du combat d’unhomme seul contre l’incompréhension de lacollectivité un leitmotiv important de sonœuvre. Chargé de reconstruire un pont où,plusieurs années auparavant, se sont affrontésRusses et Finlandais, l’ingénieur AkseliAchille au pied légerStefano Benni, ActesSud, 278 p., 40,25 $Un homme heureuxArto Paasilinna,Denoël et d’ailleurs,242 p., 32,95 $Vous descendez ?Nick Horby, Plon,coll. Feux croisés,<strong>31</strong>0 p., 36,95 $L’Omelette byzantineSaki, 10/18,278 p., 14,95 $La Fenêtre ouverteSaki, 10/18,237 p., 14,95 $Jaatinen a maille à partir avec la population locale, qui voit d’un mauvaisœil l’arrivée d’un étranger dans sa paisible bourgade. Victime d’une opérationde salissage orchestrée par les élus locaux, Jaatinen subit diverseshumiliations, dont plusieurs coups en bas de la ceinture, puis perd enfinson emploi. La vengeance qui, on le sait, est un plat qui se mange froid(même en Finlande), sera particulièrement savoureuse. On peut sur cepoint faire confiance à Paasilinna, passé maître dans l’art de décrire desêtres un peu rustres, mais malgré tout fort attachants. À déguster rapidement,comme on avale un alcool particulièrement fort, brassé illicitementquelque part dans une cabane perdue au fond des bois.Tout le monde descendL’affection que porte le Britannique Nick Hornby, auteur des best-sellersHaute fidélité et Pour un garçon (tous deux adaptés au grand écran),aux situations cocasses et à l’humour grinçant le rapproche dePaasilinna. On distingue d’ailleurs un lien de parenté entre Vous descendez?, tout dernier roman d’Hornby, qui présente les déboires d’unepoignée de personnages suicidaires, fatigués du train-train quotidien etrésolus d’en finir avec la vie en sautant d’un immeuble de quatorzeétages, et Petits Suicides entre amis, où l’on suivait un groupe de suicidairesdésirant sauter ensemble du haut d’un cap. La comparaisons’arrête pourtant là. Hornby, doté d’un remarquable sens de l’observation,nous offre, à sa façon bien à lui, moult considérations sur les vicissitudesde la vie moderne. Au nombre des désespérés, dans Vous descendez?, on compte Martin, vedette déchue de la télévision ; Maureen,une grenouille de bénitier fatiguée de s’occuper de son fils handicapé ;Jess, l’alcoolo au cœur brisé ; et enfin J. J., la rock-star déchue devenuelivreur de pizzas. Avec une assurance digne des grands conteurs, NickHornby alterne les points de vue des différents personnages au fil d’unenarration cynique à souhait. En somme, voici une fable mordante surla vacuité des fondements de la réussite personnelle.Sacré Saki !Et si la prose de Hornby vous plaît, poussez plus loin votre explorationde l’humour british avec deux petits recueils de nouvelles de Saki, aliasHector H. Munro, mort au combat en 1916 et dont l’œuvre demeureméconnue. Traduits en 1960 et publiés à l’époque chez Robert Laffont,La Fenêtre ouverte et L’Omelette byzantine sont deux exemples brillantsdu talent d’un écrivain dont la verve, toute britannique, séduira leslecteurs appréciant les portraits de Dickens ou de Roald Dahl, qui portaitd’ailleurs Saki en très haute estime. Même si le ton est délicieusementsuranné, on parcourt avec beaucoup d’entrain ces recueils loufoqueset durs, miroirs peu flatteurs d’une société bourgeoise où l’imbécillitéet la cupidité sont élevées au rang d’arts. Shocking indeed ! Avisaux curieux qui oseront s’ouvrir à l’humour au vitriol de Saki.Antoine Tanguay a bien failli être professeur.Longtemps animateur d’émissions littéraires à laradio, il écrit dans divers magazines. Outre leslivres, Antoine a trois passions : la photographie, lesvoyages et ses deux Siamois.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 515


<strong>Le</strong>s essentiels de l’automnePar Mathieu Simard, Hélène Simard et Antoine TanguayAprès avoir écumé l’imposante manne de nouveautés dans les domaines du roman et de la nouvelle,attaquons-nous maintenant à d’autres types d’ouvrages tout aussi intéressants. Certains changent notrevision du monde ou notre perception du parcours des grands de ce monde tandis que d’autres, remplisde belles images, offrent aux petits et aux grands des ravissements pour le cœur et les yeux. Et ce n’estlà qu’une sélection. La curiosité, la plus belle qualité du lecteur, devrait servir à compléter ce survol, sorted’esquisse d’une rentrée encore une fois remplie de découvertes et de promesses de bons moments.BIOGRAPHIEÔ capitaine…Bon an mal an, le Salon du livre de Montréal offre unespace à un genre littéraire particulier. L’édition 2005, quis’ouvre le 17 novembre, consacrera sonCarrefour thématique à la biographie. Cegenre souvent galvaudé, on en conçoit malla valeur au sein d’une littérature occidentalequi a fini par prendre le moyen de l’intimepour une fin, des vies exemplaires desAnciens à l’impossible « entreprise » deRousseau. Repoussoirs ou héros, nous avonsbesoin de figures qui nous servent à nous éleverau-dessus des comparaisons triviales, fût-ce pouréchapper au spectre du voisin gonflable. Jean Béliveau.Ma vie bleu-blanc-rouge (Hurtubise HMH) est undocument au « Je » d’un incorrigible perfectionniste, vedette incontestéede son sport vingt ans durant. L’ouvrage propose un modèle de leaderresponsable en cette ère du « lâcher- prise ». L’amateur de hockey trouveraen plus des pages d’analyse d’une qualité étonnante, notamment sur l’impact del’évolution du jeu apportée par le talent offensif du défenseur Bobby Orr.Qui a déjà eu le bonheur (ou le malheur) de discuter politique en famille au coursd’un souper arrosé en conviendra : René Lévesque est vivant, même dans le souvenirde ceux qui ne l’ont pas connu. Pierre Godin, curieux comme une belette etpassé maître dans l’art de rassembler les faits en un texte savoureux, nous livre ennovembre le quatrième et dernier tome de sa biographie. René Lévesque .L’homme brisé, 1980-1987 (Boréal). Toujours chez Boréal, il ne faudra pasmanquer les Mémoires d’un révolutionnaire tranquille de ClaudeCastonguay. Pilote de nombre des plus importantes réformes sociales du Québec,dont l’assurance maladie et le régime des rentes, l’homme fut également unefigure de proue de l’entreprise privée. Autre témoignage de valeur, celui de SergeMongeau, fondateur des éditions Écosociété. Non, jen’accepte pas est le premier volet de l’autobiographiede ce solide militant des causes sociales, à qui l’on doitla diffusion au Québec de la simplicité volontaire.Restons-en aux premiers tomes avec celui de l’illustrePierre Dansereau : Projets inachevés. La Lancée,1911-1936 (MultiMondes). <strong>Le</strong> père québécois del’écologie, jeune retraité à 94 ans de la direction duLaboratoire pour l’étude des écosystèmes et de l’aménagementdu territoire de l’UQÀM, raconte sonenfance privilégiée et ses premières années d’études.Sous les projecteursOn se sent idiot, quand on rencontre une « idole », à reconnaître un visagecomme celui d’une vieille fréquentation en ignorant tout du reste. <strong>Le</strong> RémyGirard. Entretiens (Québec Amérique) de Jean Faucher lève un coin du voilequi recouvre la vie privée et le rapport particulier de l’un de nos plus grands acteursà son métier. Chez Libre Expression, la biographie de Nathalie Simard, prévuepour la mi-novembre et écrite par le journaliste Michel Vastel, sera sans contesteLE sujet de l’heure. <strong>Le</strong>s éditions Caractèremisent aussi sur une personnalité du milieuartistique avec Momo déménage !,l’autobiographie d’André Motmorency.On avait pu fredonner « Je me voyais déjà » enparcourant <strong>Le</strong> Temps des avants (FlammarionQuébec, 2003) : voici Charles Aznavour qui échappeà son propre reflet en nous ouvrant son album de famille.Images de ma vie, comme son auteur, fait jazzer lesvieux airs. La plupart des photos sont inédites, et certainessont prises par l’artiste qui sut le mieux chanter l’amour sansses mirages. « Être photographiée, c’était pour elle être caresséeet aimée sans danger » : ce n’est pas Charles qui parle, mais la photographeEve Arnold, dans son Marilyn Monroe (La Martinière). Qui apour deux sous de sentiment ne restera pas insensible à la fragilité du regardde Marilyn, saisie d’une page à l’autre comme en autant d’incarnations de l’impossibilitéd’échapper au piège de son image par Arnold,son amie. On lira également avec plaisir <strong>Le</strong>çon particulière(Robert Laffont) de la grande pianiste HélèneGrimaud, qui présente un spectacle moins foudroyantmais plus subtil. Deux après Variations sauvages (Pocket),elle partage avec nous les rêveries et les réflexions personnellesqui accompagnent un voyage en Italie. Terminonspar la synthèse de la foudre et de la finesse. <strong>Le</strong>s Cartier-Bresson, Doisneau, Koudelka, Lartigue et bien d’autres onttenté de la fixer sur pellicule ; Elfriede Jelinek (Nobel delittérature 2004) et Patrice Chéreau, de la capturer en mots ; la regrettée SusanSontag, quant à elle, lui a rendu hommage : tout cela mis ensemble fait IsabelleHuppert, la femme aux portraits (Seuil).La république des lettresIls sont nombreux à appliquer la devise de François Galarneau et prendre la vie dubon pied, celui de la lettre. Quelques années après les entretiens accordés parPhilippe de Gaulle à Michel Tauriac (De Gaulle mon père, tomes 1 et 2, Pocket) AlainLarcan dédie son album De Gaulle. <strong>Le</strong> soldat écrivain (Textuel) à celui qui s’illustraitdès La Discorde chez l’ennemi comme un champion de la petite phrase.Fernand Dumont tenait Edmond de Nevers, né Boisvert, comme l’intellectuelquébécois le plus important de la fin du XIX e siècle. Jean-Philippe Warren, professeurau département de sociologie et d’anthropologie à l’Université Concordia,décrit la genèse et le développement de sa pensée dans Edmond de Nevers.Portrait d’un intellectuel (Boréal). Gabrielle Roy est également à l’honneur avecla publication, toujours chez Boréal, de Rencontres et entretiens avecGabrielle Roy, 1947-1979, recueil de textes d’une vingtaine d’auteurs, dont ondoit l’édition à François Ricard, Nadine Bismuth et Amélie Desruisseaux-Talbot. ÀSaint-Boniface, au moment où l’on célèbre le centenaire de la construction de lamaison natale de l’écrivaine, Annette Saint-Pierre, fondatrice des Éditions desPlaines, publie Au pays de Gabrielle Roy (Des Plaines). Enfin, le 7 mai, PinoPelosi, condamné pour le meurtre de Pasolini, affirmait avoir menti pour protégerses proches. L’enquête, trente ans après la mort de l’écrivain et cinéaste italien, estrouverte ; Marco Tullio Giordana nous raconte les irrégularités du procès originaldans Pasolini, mort d’un poète (Seuil). M.S.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 516


<strong>Le</strong>s essentiels© U. Andersen / GAMMAESSAIL’irrésistible ascension de l’événementLa section « essai et document » (la non fiction des Anglos) des listes desmeilleures ventes penche depuis quelque temps vers les témoignages et lesenquêtes. En marge des ouvrages qui brillent par leur frivolité,certains brûlent d’actualité. À partir de la récente adoptiondu projet de loi C-138, qui légalise le mariage entre conjointsdu même sexe, L’Homophobie. Un comportementhétérosexuel contre nature (Québec Amérique) deGinette Pelland gratte le vernis des institutions et remet nombred’idées reçues à leur place. Un autre débat d’importancea attiré l’attention du sociologue et intervenant Amnon J.Suissa : <strong>Le</strong> Jeu compulsif. Vérités et mensonges (Fides)explique l’origine sociale de la dépendance et, au passage,s’interroge sur l’implication de l’État. Au moment où c’est àqui remettra le mieux le rôle de ce dernier en question, lespartenariats public-privé sont présentés comme une panacéepar les libéraux. Dorval Brunelle, de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQÀM, aassuré la direction de Main basse sur l’État (Fides). À l’aide d’exemples ici, auxÉtats-Unis et au Mexique, on y révèle l’idéologie camouflée derrière les sempiternelsarguments d’efficacité.Après les coûts sociaux et financiers des coupes arbitraires du gouvernementBouchard et le scandale des commandites de l’ère Chrétien, une recension desgaspillages et des magouilles comme Mafia gouvernementale.Bilan 2005 (<strong>Le</strong>s intouchables)d’Yves Pelletier peut paraître justifiée, malgré ladémagogie du titre. De façon plus constructive, aprèsQuel rôle pour l’État ?, du linguiste et critique libertaireNoam Chomsky, les éditions Écosociété publientRepenser l’action politique de gauche de PierreMouterde. Enfin, à l’heure où l’on parle de réconcilierles deux solitudes, méditer ou médire à partir del’œuvre de celui qui reste le grand responsable du renforcementde cette division paraît incontournable. Àlire : Pierre Elliott Trudeau. L’intellectuel et lepolitique (Fides) d’André Burelle.« We are at war »Pour définir cette guerre, réelle et virtuelle, que l’on mène au Moyen-Orient etcontre la vie privée, on préférera la définition de Baudrillard à celle deClausewitz : « prolongement de l’absence de politique par d’autres moyens ».L’historien Gwynne Dyer s’intéresse, lui, moins à l’empirede l’image qu’au choc des civilisations dans Futurimparfait (Lanctôt), tandis que La Conquête del’Occident. <strong>Le</strong> projet secret des islamistes (Seuil)de Sylvain Bresson porte sur l’action d’un groupeocculte, les Frères musulmans, meurtriers de Sadate etliés encore aujourd’hui à un large spectre du rayonnementde l’islam guerrier. On sait toutefois que l’Orientn’a pas le monopole du fanatisme. <strong>Le</strong>vant la tête audessusde la mêlée, Jean-Claude Guillebaud trace, dansLa Force de conviction (Seuil), les frontières entre lecroire et l’aveuglement. Un pied dans un monde etl’âme dans un autre, Edward Saïd (1935-2003),Palestinien d’origine et professeur de littérature comparéeà la Columbia University, a eu le temps d’éclairerJean-Claude Guillebaudles conflits contemporains de sa noble raison dans Humanisme et démocratie(Fayard). Enfin, à l’ère où deux camps monopolisent les ondes, celui del’« avec ou contre nous » et celui qui voit du « Big Brother » partout, on gagneà connaître la riche et lucide pensée politique d’Eric Blair, alias Orwell, queLouis Gill analyse magistralement dans George Orwell. De la guerre civileespagnole à 1984 (Lux Éditeur).Boom baby boomL’interdit libère l’imagination quand la licencel’épuise ? Ce paradoxe mène la marche de lacivilisation pour bien des penseurs, dontRobert Muchembled. Trente ans aprèsle premier tome de l’Histoire de lasexualité de Foucault, ce dernier livreune histoire moderne du plaisir dansL’Orgasme et l’Occident (Seuil). Àl’échelle du couple cette fois, laphilosophe Michela Mazano ajoutequelques petits caractères au bas ducontrat amoureux dans La Fidélitéou l’amour à vif (Buchet-Chastel).Sisyphe, nouveau venu en édition au Québec,se préoccupe quant à lui de la répression et del’hypocrisie sociale dans La Sexualisation précocedes filles, brève étude sur le viol de l’enfance par la mode.Porter un t-shirt de Che Guevara ne fait pas de vous un révolutionnaire, trashersur L’Internationale non plus. La contre-culture issue des belles années du freudo-marxismerenforce le virus du capitalisme : c’est la thèse de Révolte consommée(Trécarré) de Joseph Heath et Andrew Potter. Autre critique de la critique,<strong>Le</strong>s Croyants ne sont pas des imbéciles (Éditions Philippe Rey) de lathéologienne Irène Fernandez répond au Traité d’athéologie de Michel Onfray,qui s’y acharnait sur le pauvre saint Paul comme on chasse les maringouins aunapalm. On pourrait d’ailleurs considérer le succès croissant des ouvrages tordantle cou à cette bonne vieille culpabilité judéo-chrétienne à la mesure dupoids que font peser sur le marché du livre lesboomers à l’orée de la retraite. Au lieu derépondre à leur soif de salut, le conférencierAlain Samson fustige l’« après-moi-le-déluge »qui constituerait leur slogan générationnel.Farci de charges contre le keynésianisme etreposant sur une sociologie approximative, <strong>Le</strong>sBoomers finiront bien par crever(Transcontinental), guide destiné aux « millénaires», génération née après 1980, considèretoutefois ses lecteurs comme étant responsablesde leurs rôles respectifs au sein de la société, cequi implique qu’il y en a une (ce n’est pas évidentpour tout le monde).Libres livresOn peut écrire sur le livre sans pour autant verser dans la fantaisie borgésienne.Réflexions sur le star system qui fait la splendeur et la misère de la littérature etsucculents morceaux de nostalgie, les essais de Ceci n’est pas un livre (Fayard)de la romancière croate Dubravaka Ugresic témoignentd’un profond amour de la lecture. Cette dernière ne secantonne toutefois pas au livre. Lire le Québec au quotidien(Varia) de Louis Cornellier constitue quant à luiun tableau sans prétention des trois quotidiens les plusimportants de Montréal, avec une nette préférence pourles textes d’opinion. Bonne note : le chroniqueur duDevoir s’est abstenu d’évaluer son propre travail. Toujoursen ce qui concerne la presse, on saluera <strong>Le</strong> Moutonnoir. Plus mordant que le loup (Trois-Pistoles),anthologie de textes coiffés d’un essai de Pierre Landry,qui célèbre les dix ans de ce mensuel indépendantdéchaîné. M.S.© Alain Reno / Main basse sur l’ÉtatN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 517


<strong>Le</strong>s essentiels© Geneviève CôtéLITTÉRATURE JEUNESSEDes mots qui sonnentSachez que les bons romans ne se déroulent pas tous dans un collège d’apprentissorciers. <strong>Le</strong>s livres québécois, entre autres, proposent des thèmes et des universdavantage diversifiés. Malgré tout, on ne peut passer sous silence certains romansde ce type, à commencer par <strong>Le</strong> Monde de Narnia, l’intégrale des septchroniques de C. S. <strong>Le</strong>wis que lance Gallimard Jeunesse en prévision du film à l’affichele 21 décembre. Intemporel, le chef-d’oeuvre du romancier irlandais a influencéles auteurs contemporains de fantasy. D’autres fictions, quoique plus récentes,méritent aussi que l’on s’y attarde, notamment L’Apprenti Épouvanteur(Bayard) de Joseph Delaney, féerie mettant en en vedette le septième fils d’un septièmefils ; <strong>Le</strong> Secret de Lucinda (Héritage) de Tony Di Terlizzi et Holly Black(ill.), troisième volet des « Chroniques de Spiderwick » ; La Cité de l’eau noire(Du Rocher) de D.J. MacHale, dans la saga « Bobby Pendragon », et <strong>Le</strong> Dernierelfe (Albin Michel) de Silvana de Mari, lauréate du prix Andersen-Italie 2004.Du côté des rayonnages consacrés aux ados, science-fiction, histoire, polaret fantastique font bon ménage. Quatre romans attirent l’attention : LaPlanète du savoir (Éditions Pierre Tisseyre), dans la série « Storine,l’orpheline des étoiles » de Fredrick D’Anterny ; <strong>Le</strong>s Larmes deZipacnà (<strong>Le</strong>s intouchables) de Maxime Roussy, premier tomede « Pakkal », saga inspirée de la civilisation maya ; Mourir surfond blanc (La courte échelle), une enquête des « Dossiers deJoseph E. » par Guy Lavigne ; et Sous le signe de San Rocco(<strong>Le</strong>méac) de Stéphanie Bélanger, qui met en scène des jumeauxdevant combattre les forces du Mal. L’auteure, qui a manifestementdu talent, a prévu une trilogie.<strong>Le</strong>s livres jeunesse de près de 400 pages ne sont également pas rares.Souvent, ces fictions développent des thèmes assez sérieux. Pensonsentre autres à Entre chiens et loups (Milan) de Malorie Blackman,best-seller vendu à plus de 200 000 exemplaires en Angleterre et quitraite de la guerre et de l’esclavagisme ; aux Neuf Dragons (Soulièreséditeur) de Pierre Desrochers, qui dépeint la misère des enfants des ruesà Saïgon ; à La Saga du grand corbeau (Boréal) de la Canadienne SharonStewart, un magnifique récit d’amitié et de tolérance qui rappelle, dans sonessence, les romans de chevalerie ; et, enfin, à Sauve-moi comme tu m’aimes(Québec Amérique) d’Anique Poitras, une grande quête d’amour et de spiritualité.<strong>Le</strong> volume, qui réunit La Chute des corneilles, L’Empreinte de la corneille et une portionde texte inédit, est accompagné d’un CD de musiques composées par l’auteure.Une question d’imageAu rayon des livres illustrés, force est de constater que les classiques ne meurentpas. À preuve, la première partie des Contes de Hans Christian Andersen(Gründ), illustrés par Makila Stanclova et Dusan Kallay : un véritable objet de collection.Après le succès du Royaume de Kensuké, l’auteur vedette MichaelMorpurgo revisite, dans <strong>Le</strong>s Fables d’Ésope (Gallimard Jeunesse), illustrées parEmma Chichester Clark, l’œuvre du philosophe dont s’est inspiré La Fontaine. Aurayon des ouvrages intemporels, on trouve également Mowgli. 3 histoires originalesde Rudyard Kipling (Gründ) de l’illustrateur Nicola Bayley, qui a remarquablementrendu l’esprit du Livre de la jungle, de même que deux titres de plus àla collection « <strong>Le</strong>s contes classiques », qui jette un regard québécois sur les contesayant bercé notre enfance : Jacques et le Haricot magique de PierretteDubé et Josée Masse (ill.), et Boucle d’Or et les Trois Ours deDominique Demers et Joanne Ouellet (ill.), tous deux publiéschez Imagine.Pour les petits âgés de 18 mois à 6 ans, soulignons la versionquébécoise de La Nouvelle Imagerie des enfants (Gründ) ;<strong>Le</strong> Livre des comment (De La Martinière), qui répond à soixante-douzequestions loufoques ; le charmant Je suis Louna etje suis une artiste (Québec Amérique) de© Marie LafranceBertrand Gauthier et Gérard Frischeteau (ill.) ; la seconde aventurede Rafi, la vache téméraire, Tu nages… ou tu coules !(Homard), de Valerie Coulman et Rogé (ill.), et Léon et lesbonnes manières (La courte échelle), écrit et illustré par AnnieGroovie. Génial ! Sans oublier Shilvi. Monoiseau et Popo partau vent (Flammarion Québec), textes et chansons de SylvieDumontier, illustrations de Julie Fréchette. <strong>Le</strong>s enfants craquerontpour ces livres-CD, avec les voix de Benoît Brière, Anne Dorval etDenis Gagné.Pour les jeunes de 7 à 11 ans, aux 400 coups paraissent <strong>Le</strong>Crocodile de Madame Grimace de Raymond Plante etÉlisabeth Eudes-Pascal (ill.), et L’Affreux, conte amérindienadapté par Michèle Marineau, où une créature repoussanteessaie en vain d’être méchante. Geneviève Côté, qui ornenombre de couvertures de livres québécois et américains,brille par sa compréhension du texte. Chez Dominique etcompagnie, on retient deux superbes réalisations :<strong>Le</strong> Gros Monstre qui aimait trop lire de LiliChartrand et Rogé (ill.), ou comment découvrirle goût de la lecture de façon insolite, etLa Fée des bonbons, premier albumd’Anique Poitras mis en images par MarieLafrance, dans lequel un garçon aimant les sucreriesdécouvre un royaume où le gazon est fait de bouts de réglisse !Chez Imagine, enfin, signalons un inclassable, mi-BD, mi-documentairesur la malbouffe : Bienvenue chez Big Burp, écritet illustré par Élise Gravel.Pour les préadolescents, deux albums placés sous le signe de laguerre et de la paix valent leur pesant d’or : Anne Frank(Gallimard Jeunesse) de Josephine Poole et Angela Barrett (ill.)qui, grâce à des images où s’entrechoquent le gris de la guerre etle rose de l’enfance, raconte avec émotion le pire génocide du XX esiècle, et <strong>Le</strong> Tricycle de Shinichi (400 coups) de TatsuharuKodama et Judith Boivin-Robert (ill.). Survivant d’Hiroshima, l’auteur tisse, par lebiais d’un vélo ayant appartenu à un garçonnet décédé le 6 août 1945, un récitd’une cruelle beauté. Ajoutez le fantastique travail de Boivin-Robert et vous tenezlà une oeuvre inoubliable.<strong>Le</strong> coin des petits<strong>Le</strong>s lecteurs de 10 ans et moins sont également très privilégiés. Souvent illustrés,les romans qui leur sont destinés traitent d’une multitude de thèmes : école,divorce, famille, multiculturalisme, jalousie, solitude, ambition, sport et tutti quanti.Franchement, c’est l’embarras du choix ! On suggère donc, chez QuébecAmérique : <strong>Le</strong>s Fantômes bleus sont les plus malheureux de Roger DesRoches et Éva Rollin (ill.), la nouvelle série de l’auteur de MarieQuatdoigts, Julie etle Bonhomme Sept Heures de l’écrivaine et illustratrice Martine Latulippe(série « Julie »), et Alexa Gougougaga de Dominique Demers et Philippe Béha(ill.), sixième tome de la série « Alexis ». Au éditions du Boréal, il est impératif delire Oh, les tordus !, la nouvelle série de Christiane Duchesne et Marc Mongeau(ill.), ainsi que <strong>Le</strong> Lapin clochard, cinquième livre de « Laurie l’intrépide » parSonia Sarfati et Jacques Goldstyn (ill.). Parmi la production abondante deHurtubise HMH se démarquent <strong>Le</strong> Triomphe de Jordan de Maryse Rouy et<strong>Le</strong> Petit Carnet rouge de Josée Ouimet. <strong>Le</strong>s Éditions Pierre Tisseyre, quant àelles, ajoutent à leur catalogue déjà riche <strong>Le</strong> Sobriquet de Louise Daveluy etMichel Rouleau (ill.), Un été dans les galaxies de Louise-Michelle Sauriol etFanny (ill.), et L’Envahisseur de Diane Groulx et Ariane Baril (ill.). ChezDominique et compagnie, l’on retrouve avec joie Camille Bouchard dans <strong>Le</strong>sMagiciens de l’arc-en-ciel, illustré par Paule Thibault, et Marie-DanielleCroteau dans Gouttes d’océan, illustré par Marie Lafrance (« série « MarieLabadie »). Finalement, chez Soulières éditeur, l’incontournable de la rentrée s’intituleLa Chambre vide de Gilles Tibo et Geneviève Côté (ill.), alors qu’aux éditionsFouLire, on mise sur le sympathique héros canin dans Galoche. <strong>Le</strong> ventdans les oreilles ! d’Yvon Brochu et David <strong>Le</strong>melin (ill.). H.S.© Julie FréchetteN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 518


<strong>Le</strong>s essentielsBANDE DESSINÉE© Charles M. SchulzQuelques grands nomsDébutons ce tour d’horizon des albums les plus prometteurs du neuvième artavec quelques pointures de taille qui devraient faire un carton. Tardi se lance ainsidans l’adaptation d’un roman de Patrick Manchette aux Humanoïdes associés(<strong>Le</strong> Petit Bleu de la côte ouest), tandis que Canales et Guarnido filent vers unautre succès avec Âme rouge, troisième volet des aventures de Blacksad,l’inspecteur au centre de somptueux polars à saveur zoologique. Schuiten etPeeters, quant à eux, nous font attendre unnouvel album avec un projet qui ne manquepas de panache : <strong>Le</strong>s Portes du possible(Casterman) avec une « utopie fictionnelle » quitente d’entrevoir, à travers le prisme fascinantdu duo, ce que demain nous réserve. ChezDargaud, on attend avec impatience la sortie,prévue pour le mois de décembre, du second etdernier tome de « La Vengeance du ComteSkarbek » de Sente et Rosinsky (Un cœur debronze). Dans un tout autre registre, <strong>Le</strong>wisTrondheim nous offre un album à saveur« oubapienne » avec Mister I, dans l’esprit dutordant Mister O, et publié dans la nouvelle collection « Shampooing », qu’il dirigechez Delcourt. <strong>Le</strong> slogan dévoile déjà le ton : « Ça lave la tête et ça fait des bulles.Shampooing, c’est pour les grands qui savent rester petitset les petits qui veulent devenir grands. » <strong>Le</strong> QuébécoisGuy Delisle, à qui l’on doit les enquêtes loufoques del’inspecteur Moroni, sera aussi de la partie avec Louis auski. Du côté des grandes séries, on ne peut passer à côtédu débarquement dans les bacs de deux héros virils àsouhait et synonymes de grosses ventes, Largo Winch(La Loi du dollar, Dupuis) et XIII (L’Or deMaximilien, Dargaud), ni du retour du non moins mâleJeremiah (Un port dans l’ombre, Dupuis). <strong>Le</strong>s plusjeunes apprécieront quant à eux le retour du Petit Spirouen décembre (C’est du joli !, Tome et Janry, Dupuis),après avoir sans doute déjà dévoré le dernier tome desfrasques de Kid Paddle (Dark, j’adore !, Midam, Dupuis). Quant à Titeuf, l’autrepetite peste, on le retrouvera dans un hors-série intitulé Petite poésie dessaisons (Glénat, décembre).Serial-auteurParmi la foule d’autres séries qui se poursuivent, notons la fin du Purgatoire deChabouté avec un troisième tome chez Vents d’Ouest, un nouveau « Sillage » oules nouveaux volets des aventures du Scorpion (<strong>Le</strong> Trésor du temps, Mariniet Desberg, Dargaud, décembre), sans oublier ce bon vieux Michel Risque, quientame une deuxième vie aux Éditions La Pastèque (Michel Risque envacances, Fournier et Godbout). Pendant cetemps, d’autres nouveautés continuent àessaimer, espérant trouver leur place au soleil.Du nombre, citons le début de « La trilogienoire », finement nommée La Vie estdégueulasse, une adaptation des écrits deLéo Malet réalisée par Daoudi et Bonifay(Casterman) ou, chez le même éditeur, celui de« Cyclopes » (La Recrue) du duo Jacamon etMatz, les auteurs du Tueur, une œuvre aujourd’huiconsidérée comme un classique du genrepar plusieurs.Quelques autres albums dignes de mention et qui pourraient causer la surprise :Georges Bess et ses Chroniques aléatoires (Casterman), sorte de carnetintime de création où le dessinateur du Lama blanc laisse une grande place auxconsidérations métaphysiques. Rouge est ma couleur (Casterman), polarparticulièrement dur du duo Chauzy-Villard,devrait confirmer encore une fois le don deChauzy, qui a déjà fait ses preuves en adaptantdes scénarios de romanciers commeThierry Jonquet (La Vigie).Du côté des auteurs de la Belle Province, ilfaut mentionner la parution, prévue pournovembre, du très aventurier Morlac,album atypique de <strong>Le</strong>if Tande à LaPastèque, qui publie aussi Fugues dePascal Blanchet, un album au graphismemagnifique, paraît-il. Chez Mécanique générale, où l’on accueille pour lapremière fois un auteur d’outre-mer en la personne de Baudoin (Véro), oncompte plutôt sur <strong>Le</strong> Pont du havre de Luc Giard et Rebecca del’attachant (et surprenant) PhlppGrrd, aussi auteur de la série « CapitainePlanète » à La courte échelle. Enfin, Michel Falardeau, qui a fait l’été dernierune entrée remarquée en bande dessinée, enchaîne avec un second tome desa série « Mertownville » : L’Initiation (Paquet).Luxure et beauté<strong>Le</strong>s amateurs aux goûts plus raffinés ou qui disposent de moyens plus confortablessont aussi gâtés, puisque les Éditions de La Martinière offriront pour lapremière fois l’occasion de découvrir les talents de dessinateur de René Goscinnydans un album réalisé, entre autres, sous la direction de la fille du grandscénariste (René Goscinny dessinateur). <strong>Le</strong>s Dingodossiers, truculente© Charles M. Schulz / Peanutscollaboration dudit Goscinny avec Marcel Gotlib, seront bientôt offerts dans unesplendide intégrale chez Dargaud, accompagnée d’une trentaine de pagesd’inédits. Sempé, un autre collaborateur du papa du Petit Nicolas, publie quant àlui chez Gallimard Un peu de la France, une véritable petite douceur pour lesyeux. Toujours dans le giron de Gallimard, la renaissance de « Futuropolis » seconfirme avec l’entrée au catalogue à la mi-novembre de créateurs reconnuspour la justesse de leur trait et la force de leur univers. Nicolas de Crécy nousdresse, dans Période glaciaire, un portrait d’un futur inquiétant où le patrimoineculturel a perdu son sens aux yeux d’archéologues redécouvrant les vestigesdu Louvres. David B., l’auteur de L’Ascension du haut mal, replonge de soncôté dans les rêves qui l’ont marqué de 1979 à 1994 (<strong>Le</strong>s Complots nocturnes).Chez Casterman, ilfaudra aussi jeter un œil auxravissantes images deLorenzo Mattotti rassembléesdans un luxueux volumeintitulé Nell’ Acqua.Mais la palme de la plus belleinitiative de la fin de l’automnerevient à Dargaud, qui se lancedans l’édition de l’intégralitéde la série « Snoopy & lesPeanuts » de Charles M. Schulz. Placée sous la direction du dessinateur Seth, quia pour l’occasion réalisé de superbes maquettes, cette collection a d’abord étépubliée en anglais chez Fantagraphics, et devrait comporter 24 volumes couvrantun demi-siècle de production, soit de 1950 à 2000. Sans doute le plus bel hommageque l’on puisse rendre au père du pauvre Charlie Brown et de sa petitebande. <strong>Le</strong> premier volume est prévu pour décembre et couvre les années 1950-1952. Au rythme d’un livre par saison, on doit s’attendre à voir la publication dela série s’étendre sur une période de douze ans, ce qui nous mène tout de mêmejusqu’en 2017 ! A.T.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 519


<strong>Le</strong>s essentielsM ICHELP HANEUF« Il y a des vins qui vibrent… »© Michel PhaneufEn 25 ans de Guide du vin, Michel Phaneuf a vu le vin gagner enpopularité et en qualité, tout en se débattant entre l’attachement auterroir et le modèle industriel. Conversation avec un œnophileconvaincu qui se réjouit de toujours découvrir des vins vivants,distinctifs et accessibles.Par Rémy CharestSous sa robe rouge et noire, il se révèle à lafois accessible et nuancé, avec du caractèreet une belle finesse. <strong>Le</strong> Guide du vin 2006, 25 edu nom, reflète bien le point de vue clair etaffirmé de Michel Phaneuf sur le monde despetites et grandes bouteilles, et aussi le travailassidu et presque constant qu’il exige deson auteur.<strong>Le</strong> résultat est certes apprécié. En 25 ans,selon les Éditions de l’Homme, plus de700 000 exemplaires du guide se sontécoulés. <strong>Le</strong>s critiques le redisent chaqueannée, même ceux quiont leurs réserves : leprincipal ouvrage de cetype, pour le Québec,c’est celui de Phaneuf.Bref, une sorte d’incontournablequi arrive avecle Beaujolais nouveau,mais qui a nettementplus de profondeur. Pource 25 e anniversaire, l’auteurdu Guide s’est égalementpayé la traite enréunissant le fruit d’unepassion parallèle : laphotographie. Voyageur du vin traverse, endouze sections thématiques, basées avanttout sur une vaste collection personnelle dephotos, les vignobles du monde entier oùl’auteur a pu s’arrêter depuis la naissance deson autre ouvrage : « Ça me change desnotes de dégustation », note-t-il au passage,avec un plaisir évident d’avoir mené à bienun projet d’un autre genre.© Heidi HollingerUn goût d’authentiqueAu fil de son premier quart de siècle, leGuide du vin est devenu pour son auteur unefaçon de rendre compte de l’évolution dumonde du vin, de conseiller ceux qui découvrentcet univers fascinant et surtout, de rendrecompte d’une idée du vin qui s’est préciséeet affirmée au fil des ans. Au début del’aventure, raconte Michel Phaneuf, « je medisais : “ Ce n’est pas mon opinion quicompte, c’est la qualité objective du produit ”.Mais ça ne peut pas tenir. On ne peut pastout aimer. » Au fil des ans, il a choisi soncamp et présente donc une certaine philosophiedu vin qui favorise la diversité, l’expressiondu terroir et le travail d’artisan : « Jepréfère défendre l’idée d’un vin naturel etauthentique. Un vin sans addition, sansmasque, sans intervention trop forte. J’aime queles vins soient tels qu’en eux-mêmes. »«<strong>Le</strong> vin est intéressant dans sa diversité, etpour entretenir cette diversité, il faut être lemoins interventionniste possible. Il y a deschoses qui se passent à un endroit qui ne peuventpas se passer ailleurs. On ne peut pastromper Mère Nature », poursuit MichelPhaneuf, en exprimant une sympathie particulièrepour des payscomme le Portugal, la Grèce,voire le Liban, où des traditionsviticoles bien établiescontinuent d’enrichir lemonde du vin de saveurs etde nuances qui ne pourraientexister ailleurs.C’est là que Michel Phaneuftrouve son vrai plaisir d’amateurde vin. Dans des cuvéesdistinctives, dotées de personnalitéet d’un je-ne-sais-MICHEL PHANEUFquoi évanescent qui surgitpresque sans crier gare. « Il y a des vins quivibrent… des vins qui nous interpellent. C’estdifficile à dire », lance-t-il, sur un ton quisouligne bien que même un vieux routiercomme lui peut éprouver encore de la joieprovoquée par de belles surprises et de l’inattendu.<strong>Le</strong> paradoxe industrielC’est d’ailleurs en termes de mesure et de quantificationque Phaneuf devient agacé et parfoisvirulent face au monde du vin. <strong>Le</strong> développementde ces vins industriels, génériques, bienfaits, certes, mais sans caractère particulier ettrop calculés, est pour lui une façon de dénaturerl’essence même du vin. Il déplore l’omniprésencede ces vins « qu’on n’a même pasbesoin de goûter pour savoir ce que ça goûte ».Des vins boisés au copeau de chêne, travaillés en«bombes » fruitées, avec des levures achetéesplutôt qu’indigènes, de façon à produire un goûtprévisible et attendu. L’approche a été fortementinspirée par les vins industriels australiens, exempleparfait de ces vins racoleurs, voire excessifs,avec des marques souvent vendues à coups de© Eva Yourenmillions de bouteilles. Une véritable menace pour la« diversité viticulturelle », pour Michel Phaneuf.Toutefois, l’auteur et chroniqueur à L’Actualité reconnaîtle paradoxe que ces approches interventionnistesont créé en améliorant la qualité générale duvin, elles ont contribué à augmenter le nombre desamateurs. Reste à savoir si cet intérêt suscitera uneplus grande curiosité et une envie de comprendre lesnuances du terroir et des cépages indigènes qui confèrentleur caractère aux vignobles du monde. Ou siles prix indécents demandés par certains producteursintimideront les gens en donnant une imagefaussement élitiste et inaccessible du fruit de la vigneet du travail des hommes.L’effet du temps«<strong>Le</strong>s années viennent plus vite qu’avant », avouepar ailleurs Phaneuf, quand on lui demande ce qui achangé pour lui, au fil d’un quart de siècle de diffusionde la connaissance des vins. En effet, goûter,apprécier et commenter 2000 vins par année, cen’est pas une mince affaire. Et d’année en année, leguide prend ainsi des allures de marathon continuel,ce qui amène l’auteur à évoquer l’idée d’une « formuleallégée. »Chose certaine, assure-t-il, « il faut que le guide continue.<strong>Le</strong>s lecteurs sont très fidèles. C’est un motifd’encouragement ». D’autant plus que ce pionnierdu genre (le guide Phaneuf est venu au monde àpeine trois ans après celui du très réputé HughJohnson) n’est plus seul sur le terrain. <strong>Le</strong>s FrançoisChartier, Jean Aubry, Jacques Orhon et compagnieont publié de nombreux guides et livres, les émissionset chroniques sur le vin font partie du paysagedans presque tous les médias, écrits comme électroniques.Bref, le fait de demeurer la premièreréférence au Québec constitue un compliment sur laqualité du Guide. Au fil des ans, Michel Phaneuf seréjouit d’avoir vu le nombre des gens curieux du vinse multiplier, tandis que les amateurs avaient labonne idée de rajeunir : « Quand j’ai commencé,c’était un cercle assez fermé. On revoyait toujours lesmêmes têtes. Quand je donnais des cours, à l’âge de25 ans, les gens étaient plus vieux que moi.Maintenant, dans les salons du livre, un peu partout,je rencontre beaucoup de gens dans la vingtaine. »Des amateurs en herbe qui ont peut-être découvertle vin en feuilletant d’abord le Guide du vin de leursparents…<strong>Le</strong> Guide du vin2006Éditions de l’Homme,496 p., 26,95 $Voyageur du vin.Regardphotographiquesur les vignoblesdu mondeÉditions de l’Homme,144 p., 29,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 520


<strong>Le</strong>s essentielsS YLVIED ESROSIERSÀ l’abordage !Vendus à plus de 400 000 exemplaires, les 16 romans de la série « Notdog » de SylvieDesrosiers constituent des classiques de la littérature jeunesse au Québec, et ce,depuis le lancement du tout premier, La Patte dans le sac, en 1987. On parle même icide la série qui serait la plus populaire chez les 9-12 ans. <strong>Le</strong> 17 e tome des aventures duchien Notdog, intitulé L’Héritage de la pirate, est un incontournable de la rentréeautomnale à La courte échelle, maison d’édition qui n’a plus besoin de présentationauprès des enfants du primaire et du secondaire.Cette fois-ci, Notdog se retrouve bien malgrélui au cœur d’une histoire de piraterie etde trésor caché, imbroglio qui sembleamuser autant le lecteur que l’auteure, jointeau téléphone plus tôt cet été : « L’histoirede pirate n’est effectivement qu’un prétextepour lancer l’enquête des trois enfants et deNotdog, explique Sylvie Desrosiers. En fait,Notdog et ses amis devront faire la lumièresur le mystère entourant une carte au trésorrecherchée par bien des personnages, pastoujours sympathiques. Cette carte noustransportera au temps des flibustiers.Certains sont fictifs, mais d’autres, commeAnne Bonny et Rackham le Rouge, sont historiquementvrais. Mais surtout, ils impressionnentles enfants. » Encore plus depuis lesuccès obtenu par Pirates des Caraïbes, avecJohnny Depp.L’auteure et ex-collaboratrice du magazineCroc aime truffer ses romans de clins d’œil.Dans L’Héritage de la pirate, ceux-cis’adressent aux lecteurs de Tintin avecRackham le Rouge, ou bien aux nostalgiquesdes séries jeunesse des années 70 avec <strong>Le</strong>Pirate maboule : « Et mes blagues, dira t-elle,je ne me dis pas que ça fera rire les enfants.Il faut avant tout que ça me fasse rire. Je faiscependant attention au jeune lecteur qui n’apas ces références, mais qui s’amusera de lasituation. Mais c’est sûr que le métier est là,après toutes ces années au sein de La courteéchelle. Je sais maintenant très bien commentprovoquer un revirement de situation.La difficulté, après 17 romans “ Notdog ”,c’est de se renouveler ; il faut trouver une nouvelleastuce et la façon de dire les choses. »Par Pierre BlaisEt pour le renouvellement, soulignons quede nouveaux personnages font leur apparitiondans L’Héritage de la pirate, mais leshabitués reconnaîtront autour de Notdog lestrois enfants-vedettes,John, Agnès et Jocelyne :«<strong>Le</strong>s relations entremes personnagesrestent les mêmesdepuis 17 ans. Ilsne vieillissent© Claire Bretécherpas, il arrive bien des choses dans mes romans,mais rien n’évolue entre eux. » On constaterapidement que Sylvie Desrosiers demeure toujoursaussi fière de son chien orange, devenumythique pour le jeune public qui la suit depuislongtemps et pas seulement au Québec. Eneffet, plusieurs des ouvrages racontant les aventuresde Notdog sont traduits en Chine, enGrèce et en Espagne, en plus d’être distribuésdans l’Europe francophone depuis nombred’années.Mais comment explique-tellele succès de la série ?«Je voulais créer, danschaque livre, un univers oùcohabitent des personnagesà la limite de la réalité et dufantastique, avec de l’aventureet du mystère. Et puisj’adore travailler pour Lacourte échelle, car il y a làun souci d’excellence et decollaboration qui fait aussipartie de la formule gagnante», souligne laromancière. En parlant decollaboration, il fautsouligner que Desrosierstravaille depuis ses débuts avec l’illustrateurDaniel Sylvestre, qu’elle considère comme le«meilleur » : « J’accorde à peu de gens lacompétence de remettre en question ce que jefais. Ça a l’air prétentieux dit comme ça, maisles critiques sont dures à prendre. Je fais doncentièrement confiance à mon éditrice et à monillustrateur. Et j’ai été très chanceuse : je n’aijamais eu de mauvaises critiques, et mes livresse vendent bien. En fait, j’aimerais pouvoir nefaire que ça, écrire, mais j’ai aussi peur de perdremon inspiration. Après une aventure deNotdog, j’ai besoin d’écrire autre chose, et il y aaussi le défi de bien mettre en marché mesromans destinés aux adultes, alors qu’on m’associebeaucoup aux romans jeunesse. »© Céline LalondeN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 521© Daniel SylvestreUne banquette pour deux<strong>Le</strong> retour de Sylvie Desrosiers vers la littératuredite pour adultes (après le recueil Bonne nuit,bon rêves, pas de puces, pas de punaises, Triptyque)se fait en 2003 avec la parution du Jeu de l’oie.Petite histoire vraie d’une cancer, récit autobiographiquerelatant son combat contre le cancer dusein. Puis, en 2004, c’est Voyage à Lointainville,roman (illustré par Bretécher) sur la solitude et lesrapports hommes-femmes. <strong>Le</strong> prétexte ? Unefemme et un homme discutent. Elle, est auteure etse dirige en voiture au Salon du livre deLointainville ; lui, est noyé et assis, dégoulinant, surla banquette arrière. Pour la suite, qui paraît finoctobre, Sylvie Desrosiers s’est amusée à réécrirel’histoire de façon identique, mais en permutant lerôle de ses personnages. La conversation opposemaintenant une noyée à unécrivain qui se rend à l’incontournableSalon du livrede Lointainville : « Je mesuis amusée comme unefolle à changer les répliqueset j’ai été étonnée du résultat,qui pourrait m’amener versun troisième tome. »Et en dehors de la plume, lesprojets connexes sont nombreux.La série télé sur sonpersonnage de Thomas(dont le sixième tome seralancé en 2006) a failli se fairepour Télé-Québec. La sérieSylvie Desrosiers«Notdog », elle, fait aussil’objet d’un projet, plus sérieux, cette fois par le biaisde l’animation. On cherche du financement et lasérie, si elle voit le jour, pourrait être traduite enanglais lors de sa création, afin d’élargir le publiccible.Sylvie Desrosiers a un automne chargé : ses deuxnouveaux romans sont lancés à quelques semainesd’intervalle. De plus, le tournage du film Duo deRichard Ciupka, dont elle signe le scénario, se meten branle, avec François Massicotte et Anick<strong>Le</strong>may dans les rôles principaux. Plusieurs desscènes du film seront tournées dans Charlevoix.L’auteure avait auparavant cosigné (avec SylviePilon) le scénario de Nez rouge (avec Patrick Huardet Michèle-Barbara Pelletier), qui fut un succès ensalles, lui donnant le goût de poursuivre son aventuredans le septième art. Femme de plusieursfronts, Sylvie Desrosiers semble crier « À l’abordage! » chaque fois qu’elle se met à écrire ses trésorsd’histoires, qui se retrouvent dans des livresque bien des enfants emporteraient avec eux surune île déserte !L’Héritagede la pirateLa courte échelle,illustrationsde Daniel Sylvestre96 p., 9,95 $Retour àLointainvilleLa courte échelle,208 p., 22,95 $Voyage àLointainvilleLa courte échelle,198 p., 22,95 $<strong>Le</strong> Jeu de l’oie.Petite Histoire vraied’un cancerLa courte échelle,192 p., 21,95 $


<strong>Le</strong>s essentielsC A THERINEB ERGMANRestons dans la paradeSelon des chiffres cités par Richard <strong>Le</strong>françois dans <strong>Le</strong>s Nouvelles Frontières de l’âge (PUM, 2004), la proportion des 65 ans etplus atteignait en 1998 12,4 % de la population québécoise ; elle grimpera à 23,3 % en 20<strong>31</strong>. En outre, alors que l’espérance devie s’accroît, le temps consacré au travail diminue. Pour la première fois de l’histoire, avoir été retraité plus longtemps que travailleurne sera plus exceptionnel. On peut cependant redouter que cela se fasse au détriment de la qualité de vie de la populationactive, dont les réseaux de solidarité traditionnels sont déjà fragilisés par l’explosion de la famille et la précarité du travail.« Plus de travail. Plus d’horaire… Plus d’argent.» Ce trait d’humour, que plusieursnouveaux retraités affichent sur les parechocsde leurs véhicules, est révélateur.Après la semaine fixe et les congés payés, laconscience que l’individu moderne a dutemps qui passe colle à l’image des sociétésindustrielles. <strong>Le</strong> rêve de la retraite est, ainsi,une revanche sur le contrôle, une manièrede prendre au mot le mensonge de la sociétédes loisirs. Membres de la dernière générationqui profitera véritablement de cette idéeneuve qu’est la retraite, les baby-boomersont aujourd’hui entre 50 et 60 ans. Au sommetde leur expertise professionnelle, ilsjouissent à la fois de la jeunesse et d’uneespérance de vie sans précédent. Journalisteémérite, Catherine Bergman a rencontréleurs aînés. Ainsi nommé pour reprendre uncommentaire de Dominique Michel, « Il nefaut pas lâcher la parade ! » évite les constatspessimistes. Au lieu de transformer àson tour les « statistiques en épouvantails »(Jean Carette, Droit d’aînesse, Boréal, 2002),et de présenter les problèmes à venir d’unOccident sénescent, l’ouvrage de CatherineBergman devrait changer la mentalité decette génération « Liberté 55 ». De JeanBéliveau à Antonine Maillet en passant parJean Coutu, Marguerite <strong>Le</strong>scop, RichardGarneau et Gilles Vigneault, pour ne nommerqu’eux, Catherine Bergman s’estentretenue avec trente et une personnalitésissues des milieux artistique, scientifique,sportif et des affaires. Ces hommes et cesfemmes ont en commun d’être de formidablesprofesseurs d’énergie, qui n’ont jamaisattendu qu’on leur dise quoi faire ou quoipenser. En marge de cette série d’entretiens,Bergman, à qui l’on doit également L’Empiredésorienté, s’est enquise des plus récentesrecherches sur le vieillissement auprès demédecins, de sociologues et de démographes.Malgré une société axée sur le culte de lajeunesse et la performance, il appert que lasagesse des anciens est toujours compatibleavec la fougue de leurs cadets.Vous êtes allée chercher des gens quiont en commun de s’être inventé unmétier, une vocation. Je pense entrePropos recueillis par Mathieu Simardautres à Lise Payette, qui a été pigiste àpeu près toute sa vie. Cela ne correspondpas à la réalité de la plupart des retraités.On a toute une génération de baby-boomersqui arrivent, et qui sont tombés droit dans lepanneau de se dire : « Bon, c’est la retraite, çava être les vacances pendant trente ans ». Jevoulais leur suggérer des modèles ou, en toutcas, des façons d’être en leur donnant l’exemplede gens qui sont respectables, sinon admirables.Vous voyez, on croit souvent qu’à la retraite, onva faire de l’aquarelle ou un petit peu debénévolat : ça correspondà ce qu’on pouvaitfaire dans le passé.On ne peut passe permettre d’êtreen vacances pendantvingt-cinq ans. Si c’estça, il faut se demander :« Qu’est-ce que jeveux faire ? », et vraimentle prendrecomme une nouvellecarrière. Étant donnéqu’en général, à 65ans, gagner de l’argentn’est pas la prioritéprincipale, vous pouvezvous offrir le luxede faire ce qui vous faitvraiment envie. Charles Aznavour a une trèsjolie phrase à ce sujet : « Essayez de vous souvenirde la chose que vous avez laissé tomber etque vous auriez vraiment voulu faire quandvous étiez jeune ». Personne ne fait son droitou sa pharmacie par passion. Je ne veux pasdire que ce n’est pas intéressant, mais ce sontdes choix raisonnables, pour survivre, paropposition à ce qu’on veut vraiment faire.Vous vouliez écrire votre Vie des hommesillustres, comme Plutarque ?Oui, illustres, mais en même temps des gens qu’onaime. Tout le monde aime Clémence Desrochers.Du moins, personne ne peut haïr ces gens-là. Il yavait ce critère. C’est pour ça que je n’ai pas prisde politicien, d’ailleurs. On ne peut pas ne pasaimer Pierre Dansereau : tout le monde voudraitle tenir dans ses bras et lui dire merci.On sait que la retraite obligatoire, alors qu’onest en pleine santé, est une mesure quiremonte à la fin du XIX e siècle.Bismarck 1 a inventé la retraite à 65 ans. Il l’a faitpour « pacifier » les mineurs, qui recevaient unsalaire assez pitoyable. En échange, il leur a déclaré :«À 65 ans, vous arrêtez de travailler et on vousdonne une retraite ». <strong>Le</strong> concept était nouveau.Certains m’ont dit que c’était un peu cynique parcequ’à l’époque, statistiquement, on ne vivait pasjusque-là. Néanmoins, le chiffre de 65 ans, un petitpeu tiré d’un chapeau, est resté. J’ai demandé à desdémographes et des historiens : le chiffre a étéaccepté partout et personne ne sait d’où il vient. Or,les médecins disent tous que 65 ans, ce n’est rien.Sur le plan biologique, ce n’estpas un tournant.On fixe cela plutôt autour de75 ans.Oui. À partir de 75 ans, il ya objectivement des chosesqui commencent à décliner.Soixante-cinq, ce n’est rien, çapourrait être 60 ou 58. C’est pourcette raison que je crois que laplupart des gens que l’on force àprendre leur retraite ne sont pasprêts. Contrairement, par exemple,à Claire L’Heureux-Dubé. Àla Cour suprême, la retraiteobligatoire est à 65 ans. Pour elle,c’était parfait, parce qu’elle commençaità sentir qu’elle entraitdans une nouvelle phase de sa vie. La retraite institutionnaliséecorrespondait à ce que son corpsressentait.Catherine BergmanJ’ai été particulièrement touché par le commentairede Jacques Languirand sur ledevoir et la difficulté de la transmission.C’est un côté pathétique. Gilles Vigneault etCharles Aznavour le disent aussi. On est là et on aacquis une expérience qui est précieuse ; on aappris des choses sur la façon de vivre mieux.Évidemment, on aimerait en faire profiter tout lemonde, mais il y a une limite à ça. On ne peut pas :il y a une limite au partage de l’expérience, ce quiles frustre beaucoup. Et dans le fond, c’est un petitpeu pour ça que j’ai écrit le livre.1 Otto Eduard <strong>Le</strong>opold von Bismarck (1815-1898).Chancelier de Prusse (1862-1890), puis de l’Empire allemand(1871-1890). <strong>Le</strong> tout premier régime de protectionsociale fut adopté sous son règne.« Il faut rester dansla parade ! »Comment vieillirsans devenir vieuxFlammarion Québec,400 p., 26,95 $L'Empire désorientéArt Global/FlammarionQuébec, <strong>31</strong>0 p., 24,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 522NDLR Toutes les photos (petit format carré) sont tirées du livre « Il faut resterdans la parade ! » Comment vieillir sans devenir vieux.


Essai | BiographieNouveautésTout lecteur digne de ce nom a ses marottes : on ne saitvraiment voir que ce qui nous habite. Après une longuefréquentation de la littérature, Laurent Mailhot sait couvrirses tics (l’œil de l’écrivain ? Sa peinture ?) d’une prosegénéreuse, qui mène la danse sans chercher à épuiser sesillustres partenaires : Saint-Denys Garneau, Gabrielle Roy,Gilles Marcotte, Gilles Archambault, Pierre Morency et lesmaîtres de l’anthropologie pop, Arcand et Bouchard. Unlivre sur le plaisir de l’écriture, qui donne avec bonheur àvoir et à lire.PLAISIRS DE LA PROSELaurent Mailhot, PUM, 296 p., 24,95 $Il est bon d’avoir le sourcil levé à la lecture des titres hystériquesdes ouvrages du docteur Ray D. Strand, qui estégalement l’auteur de Ce que votre médecin ignore de la médecinenutritionnelle pourrait vous être fatal (Trésor caché et Mieuxêtre).Mais sous la couverture criarde de son dernier livre, ondécouvre un texte qui soulève d’importantes questions sanstomber dans le délire. La surconsommation de médicamentsa un effet sur l’ensemble de la société : drogues légales plusnéfastes que les illégales, patients servant littéralement decobayes, ordonnances superflues, etc. On sort de Mort surordonnance éveillé aux risques des substances et armé dejudicieux conseils.MORT SUR ORDONNANCERay D. Strand, Trésor caché/Mieux-être, 288 p., 29,95 $Pendant des siècles, les femmes savantes n’auront été qu’unebouffonnerie. En effet, les représentantes du sexe faibleretenues par l’histoire des sciences se comptent sur dixdoigts. Pourtant, il suffit de lire entre les lignes pour découvrirque le sexe féminin est omniprésent dans ce domaine oùl’homme, de nos jours encore, règne en maître. Dans Tropbelles pour le Nobel, une suite de portraits privilégiant le modede l’anecdote à celui d’une aride synthèse théorique, vousdécouvrirez que derrière chaque Marie Curie se cache uneinconnue non moins illustre ayant contribué à l’avancementdes sciences. Car on le sait maintenant : les femmes aussiont la bosse des mathématiques !TROP BELLES POUR LE NOBEL.LES FEMMES ET LA SCIENCENicolas Witkowski, Seuil, coll. Science ouverte, 264 p., 37,95 $Il y a treize ans, en mars 1992, on comptait déjà plus de victimesétasuniennes du sida que de morts pendant la guerredu Vietnam. C’est à cette date que Hélène de Billy rencontraitMaurice Tourigny, correspondant du Devoir à NewYork, pour la dernière fois. La conversation, plutôt marquante,tournera autour de Clark Robertson, l’amoureux deMaurice, décédé trois ans plus tôt. Cet itinéraire d’unhomme étouffé qui ne vivra qu’une fois condamné, quin’aimera que pour en mourir nous est raconté sobrement,par le témoignage de ses derniers compagnons.MAURICE OU LA VIE OUVERTEHélène de Billy, Boréal, 171 p., 19,95 $Elles n’occuperaient, à l’heure actuelle, que 15% des siègesdes parlements nationaux du monde. Pourtant, l’une des victoiresles plus importantes des femmes, au siècle dernier, futl’obtention du droit de vote. <strong>Le</strong> 21 e siècle sera-t-il marqué parune plus juste représentation politique ? Dirigé par ManonTremblay, professeure à l’École d’études politiques del’Université d’Ottawa, ce collectif regroupe les contributionsde 37 chercheurs et journalistes de 37 pays des quatre coinsdu globe. Un portrait détaillé de la situation, par une maisond’édition dont le professionnalisme et la valeur de l’engagementsocial ne font aucun doute.FEMMES ET PARLEMENTS.UN REGARD INTERNATIONALManon Tremblay (dir.), Remue-ménage, 672 p., 39.95 $Selon l’article 26 de la Déclaration universelle des droits del’homme adoptée en 1948, « Toute personne a droit à l’éducation», et celle-ci « doit être gratuite ». Trois cents ansauparavant, Comenius, un théologien tchèque, pensait quepour donner un sens à l’humanité, on devait commencer parcultiver la solidarité. Pour cela, il faut un dialogue, une parole,une langue, une éducation. Jean Bédard, l’auteur des romansMaître Eckhart (Stock), Nicolas de Cues (L’Hexagone) etComenius ou L’art sacré de l’éducation (JC Lattès), interroge ici lapensée du philosophe et en tire de quoi proposer un humanismeplus près des humains que des idées.COMENIUS OU COMBATTRE LA PAUVRETÉPAR L’ÉDUCATION DE TOUSJean Bédard, Liber, coll. La pensée en chemin, 144 p., 17 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 523


Essai | BiographieÉthique et économie.Une opposition artificielleJean-Paul Maréchal, Presses Universitaires de Rennes,coll. L’Univers de normes, 163 p., 27,50 $L’économie est-elle une « science » dure et neutre, baséesur des lois intemporelles, ou alors une discipline qui accepted’intégrer dans sa démarche une préoccupation éthique ? Celivre tente d’éclairer cette interrogation en essayant de montrerl’indissolubilité du lien qui unit analyse économique etsouci éthique. À partir d’une analyse de textes variés, allantde la Bible à la Torah jusqu’à ceux de penseurs contemporains comme John Rawlset Amartya Sen, l’auteur n’hésite pas à afficher ses couleurs. <strong>Le</strong> néolibéralisme, ens’octroyant l’assurance que donne le statut de science, a oublié que l’économie a àcœur le développement « de tout l’homme et de tous les hommes ». Voilà le véritabledéfi de cette nouvelle éthique économique. Claude Lussier Monet<strong>Le</strong> Temps aboli.L’Occident et ses grands récitsle <strong>libraire</strong> CRAQUERebelle sans frontièresMarc Vachon en collaboration avec François Bugingo,Boréal, 345 p., 27,50 $Marc Vachon est issu du quartier Saint-Henri. Après avoirconnu l’abandon, la rue, la violence, la drogue et la criminalité,il s’enfuit loin de Montréal, au bout du rouleau. Il fait alors ladécouverte de Médecins sans frontières. Engagé comme logisticien,il se dévoue corps et âme à ses missions ; duMozambique au Rwanda en passant par le Congo, le Soudan,la Bosnie et l’Irak, il affronte la mort et toutes les violences,construit des camps de réfugiés en un temps record, réussit l’impossible grâce à sonbagout, sa ténacité, sa débrouillardise et son courage infaillible. Il refuse pourtant d’être considérécomme un héros. Vachon est néanmoins un homme d’exception qui ouvre enfin lesvannes pour raconter les conflits du monde et faire la lumière sur l’humanitaire. Un livreprofondément dérangeant, et une prise de conscience nécessaire. Mélanie Quimper PantouteThierry Hentsch, Bréal/PUM, 402 p., 27,95 $À l’époque où Hervé Fisher se posait en inventeur d’une« mythanalyse », Thierry Hentsch, fauché cet été à l’âge de61 ans, proposait, entre les récits antiques et les chansons degeste, une lecture du texte évangélique. Il l’envisageaitcomme le lieu d’origine d’une fusion impossible entre lemythe et la vérité, qui pollue encore nos consciences àl’heure où la science tient lieu d’Église. Raconter et mourir (Prix du Gouverneurgénéral 2003) se terminait avec Descartes. <strong>Le</strong> Temps aboli s’ouvre avec « Dom Juanou l’amour scélérat », et se referme avec « Proust, le temps aboli ». De la naissancedu sujet moderne à la dilatation de sa conscience, l’art répercute à son initiateurl’écho de son incapacité à penser l’absence. On écrit pour ne pas mourir ; on écritpour échapper à l’instant. Compliqué ? C’est ma faute ! Lisez plutôt Hentsch : onse replonge ensuite avec délice dans les classiques. Mathieu Simard le <strong>libraire</strong>N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 524


EssaiSens critiqueLa chronique de Jocelyn Coulon<strong>Le</strong> momentunipolaireDe la république à l’empirePeter Bender, historien allemand et spécialistede la politique étrangère romaine, s’estlivré à un redoutable exercice de comparaisonentre la Rome impériale et les États-Unis d’aujourd’hui.<strong>Le</strong> résultat est un livre magnifique et troublant sur lesdeux grandes puissances aux trajectoires parallèles et combiensimilaires. En effet, « il aura fallu des qualités et des circonstances bienextraordinaires pour qu’une petite ville du centre de l’Italie se rendemaîtresse de tout le monde antique et que treize colonies britanniques surla façade orientale du continent nord-américain deviennent la plus grandepuissance du monde », écrit-il. Rome naquit république et mourutempire. Au départ, des citoyens égaux et intégrés vivent au sein d’unecommunauté politique dont le fonctionnement assure à tous une voix auchapitre. Rome n’ambitionne rien, craint les aventures extérieures. La turbulencedu monde, le désir de sécurité, la convoitise des ressourceschangent la donne. Rome passe à l’offensive, chaque fois pour mieuxassurer sa défense et, chaque fois, s’empêtrant un peu plus dans les affairesdes autres. L’empire apparaît sans pour autant se révéler. Ainsi, les valeursde la république sont constamment invoquées, le premier empereurassure n’être que le premier des citoyens. Il n’en est rien. À l’intérieur, lefardeau de l’empire transforme le système politique au point où tous lespouvoirs sont finalement concentrés aux mains d’un homme. À l’extérieur,les Romains étouffent dans l’œuf toute menace, fût-elle encore loinà l’horizon. La guerre préventive n’est pas née à Washington.L’empire romain avait une prétention à l’universalité tout en sachant oùson monde s’arrêtait. La frontière fut tracée, et Rome tira les leçons del’expérience impériale : un déploiement sans limites mène à l’hyperextension.Cela lui a réussi. Rome a exercé un attrait considérable et laisséun important héritage juridique, politique et culturel. L’empire d’Occidenta duré sept siècles, celui d’Orient douze.Il y a une quinzaine d’années, un commentateur américain éduqué au Canada,Charles Krauthammer, publiait un article retentissant. Dans The Unipolar Moment,il affirmait que la chute de l’Union soviétique annonçait l’émergence d’un mondeunipolaire, c’est-à-dire une ère où les États-Unis dominent complètement et oùla multipolarité n’existe pas. <strong>Le</strong> temps de l’hégémonie américaine est arrivé,et les Américains doivent apprendre à l’assumer sans pudeur. L’article futreçu avec scepticisme, mais, au fil des ans, force est de reconnaîtreson caractère prémonitoire. À la veille de la guerre contre l’Iraken 2003, les États-Unis ont effectivement accédé à unniveau de puissance sans pareil dans l’histoire del’humanité. Une nouvelle Rome est née.Pourra-t-elle se maintenir ?L’Amérique nouvelleRome. L’Engrenagede la puissancePeter Bender,Buchet-Chastel,379 p., 44,95 $Pourtant, l’idéologie même qui fondela nation américaine appelle àentrer sur la scène du monde. L’Amériqueconstruit une société dont la nature doit êtreun exemple. Woodrow Wilson en 1917 la projettesur la scène internationale et parle de bâtir un mondeplus sûr pour la démocratie. Il faudra attendre quelquesannées pour voir les États-Unis acquérir une énorme influence,d’abord comme superpuissance en 1945 puis, comme hyperpuissanceen 1991.<strong>Le</strong> projet néo-impérial a pris consistance à ce moment-là. Puisquel’Amérique a contribué à démocratiser l’Europe de l’Ouest, puis à vaincrel’empire soviétique et à l’entraîner dans son camp, la porte est ouverte à lapropagation de la démocratie et de la liberté dans le reste du monde. La« guerre au terrorisme » va accélérer cette croisade, soutient Salamé. Àla surface, cela n’a rien de répugnant, mais les véritables objectifs restentcachés. L’Amérique veut établir son hégémonie économique, politique etmilitaire, ce qui ne veut pas dire conquérir des territoires, administrer despopulations, assimiler des élites, extraire des revenus pour financer ladomination, toutes caractéristiques d’un empire. « Dans cette acception,décrit Salamé, l’Amérique n’est pas un empire, mais émet de nombreuxsignes indiquant qu’elle pourrait en devenir un. » <strong>Le</strong>s centaines de basesà l’étranger, l’invasion de l’Irak, la manipulation des alliances, la soumissiondu Sénat et la concentration des pouvoirs à la Maison-Blanchesemblent montrer la voie à une logique d’empire. Salamé demeure cependantprudent quant au succès du projet néo-impérial. Cinq raisonsexpliquent son scepticisme : les limites de la puissance militaire ; lesmoyens matériels et financiers disponibles ; la prédisposition desAméricains à voir leur pays assumer un tel projet ; l’impossibilité derefaçonner le monde à eux seuls ; enfin, un projet moins bien pensé queson ambition ne l’exigerait et, du coup, fragile dès sa naissance.La fragilité des États-UnisRome ne voulait pas de l’empire, les États-Unis rechignent à en devenirun. Du moins, c’est ce que l’on dit à la Maison-Blanche. Ghassan Salamé,ancien ministre libanais et conseiller spécial du secrétaire général del’ONU, maintenant professeur de relations internationales à Paris, n’en estpas si certain. L’auteur retrace l’histoire des États-Unis depuis la déclarationd’indépendance et analyse l’imposante littérature américaine de ladernière décennie, pour conclure à la volonté de l’Amérique d’épouserplus ouvertement un projet néo-impérial qui la taraude depuis unmoment. Salamé n’a rien d’un anti-américain. Son argumentaire est subtilet d’une exceptionnelle richesse. D’où son intérêt et sa résonance. Dès leurfondation, les États-Unis n’ont jamais aspiré à étendre leur domination,sinon sur les terres à l’ouest des treize colonies. Ils se sont révoltés contrele système colonial britannique comme les Romains avaient secoué lejoug du roi étrusque Tarquin. Ils ont refusé toute alliance, tant avecl’Angleterre qu’avec les grandes nations d’Europe continentale ou d’Asie.Quand l’Amériquerefait le mondeGhassan Salamé,Fayard, 568 p., 44,95 $Selon l’historien français Jean-Baptiste Duroselle, tout empire périra.Reste à voir si les États-Unis sont un empire et si cet empire sombrera. Ilest encore trop tôt pour le dire, écrit Bender. « En tant que puissancemondiale unique, les États-Unis n’existent que depuis une quinzaine d’années.L’Amérique a encore son histoire devant elle. Elle n’en est qu’audébut d’un chemin dont nul ne connaît les détours ou le terme, ne sachantmême s’il continuera sur une courbe ascendante ou s’il entrera lentementen déclin », souligne l’auteur. <strong>Le</strong> moment unipolaire va-t-il s’éterniser ?Jocelyn Coulon est professeur invité au Grouped’étude et de recherche sur la sécurité internationaledu Centre d’études et de recherches internationalesde l’Université de Montréal.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 525


Dans les coulisses d’une professionUne route toute tracéeLa trajectoire que je vise, étudiant, subit une déviation majeure, lorsqu’onm’offre de travailler à la librairie de ma petite ville de banlieue, j’ai nommé<strong>Le</strong> Fureteur, à Saint-Lambert. Vingt ans, pas toutes mes dents — étant dela première génération des bouches brochées —, je tiens le fort, seul, lesjeudis et vendredis soirs, ainsi que les samedis. (C’est avant qu’un <strong>libraire</strong>de livres usagés, rue McGill, se mette à vendre des laitues pour forcer legouvernement à permettre aux librairies d’ouvrir le dimanche). C’est, ilm’en souvient, avant que l’ordinateur trône sur le comptoir des librairies,nous forçant à mémoriser plutôt qu’à « pitonner ». Exit, donc, le projet demaîtrise en bibliothéconomie, lorsque, deux ans plus tard, je suis engagé àplein temps, au terme de mon bac en études françaises, cours générateurd’innombrables lectures et de ventes pour les librairies. Près de l’Universitéde Montréal, je fréquente un peu la librairie Decelles, sous le Café Campus,un peu aussi une librairie changée, au fil des ans, en chaîne, et beaucoup lalibrairie de mon quartier. J’y aide parfois d’autres clients, lorsque la <strong>libraire</strong>est occupée. Je deviens ainsi le candidat naturel pour tenter de remplacercette grande et vieille dame indigne, fumeuse de Gitanes, qui quitte pourla retraite. Sept ans plus tard, j’acquiers le « statut » de <strong>libraire</strong> propriétaire,dans cette librairie près de chez moi !Yves Guillet est <strong>libraire</strong> chez <strong>Le</strong> Fureteur, à Saint-Lambert.<strong>Le</strong>s amis ont toujours raisonTravailler en librairie ne faisait pas partie de mes projets. Quand je me suisretrouvée au chômage, il était devenu impératif de me chercher un emploi.Considérant mon amour des livres et mon baccalauréat en littérature, quelquesamis m’ont suggéré de rencontrer <strong>Le</strong>s Bouquinistes et d’offrir mes services.Comme par hasard, un poste se libérait dans les jours suivants, et je l’ai obtenu,commençant ainsi mon nouveau métier.Certains stages de formation et l’expérience acquise m’ont permis de biencomprendre l’univers complexe des livres : les vues d’ensemble et lesenjeux. Après vingt-et-un ans, je suis encore au poste. Il est bien difficilepour moi d’envisager autrement ma vie professionnelle. Comment pourrais-jene plus rencontrer ces clients devenus des amis au fil des ans ?Comment pourrais-je ne plus « sauter » sur le dernier livre de mon auteurpréféré ? Il est primordial pour moi de m’approprier les nouveautés pourfavoriser ma relation-conseil avec les clients. Un aller-retour nécessite auminimum deux romans dans mon sac ; pour une fin de semaine, il m’enfaut quatre. Faites le calcul pour ma période de vacances ! (Ne jamaisoublier deux ou trois revues). « Boulimique de lecture », direz-vous. Ehbien oui, vous avez raison. Et mes amis avaient raison, eux aussi : cemétier est fait pour moi !Lina <strong>Le</strong>ssard est <strong>libraire</strong> chez <strong>Le</strong>s Bouquinistes, à Saguenay(Chicoutimi).Tous les chemins mènent à…une librairieJ’étais une enfant affamée de lecture. Quand j’ai cherché mon premieremploi d’étudiante, il était impératif que ce soit en librairie. <strong>Le</strong> jour de mes18 ans, Odette, l’assistante gérante de la défunte librairie L’Action, m’aappelée pour me dire qu’ils m’engageaient. J’en ai eu le souffle coupé. Dèsles premières semaines, j’ai su que j’étais à ma place. J’adorais tout : lestapis poussiéreux, les plafonds sombres, les commandes par la poste, lesboîtes de nouveautés qui arrivaient tous les jours, les files de clients.J’étudiais alors pour faire un autre métier. Aussi, j’ai dû faire un stage, voyagerun brin, trouver un emploi qui correspondait à mes études. Mais je suisrevenue. Je ne peux pas me passer de la présence des livres, c’est viscéral.Lire en boulimique, parler des histoires et des auteurs avec émotion, conseillerdes enfants, des bibliothécaires, des professeurs, des gens tristes ouen vacances, des illuminés, des intellectuels, recueillir des confidences,savoir chercher vite et bien, assister aux lancements, rencontrer lesauteurs, faire les achats pour la librairie, voir les piles diminuer et jubilerd’avoir eu raison, tout me plaît encore après treize ans. Je suis <strong>libraire</strong>parce que je suis convaincue que c’est ma vocation, mon rôle et mon métier,et que je le fais bien.Mélanie Quimper est <strong>libraire</strong> chez Pantoute, à Québec.« J’aurais vouluêtre un<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong>, contrairement à certains autres intervenants dumilieu culturel, évolue souvent dans l’ombre. Vendre deslivres, c’est facile ? Pas si sûr.Par Caroline ChabotJ’ai toujours aimé les livres. Toute petite, j’écoutais sans broncher les histoiresque ma mère me racontait. Puis, à l’école, j’ai appris à lire. Après Tintin, Astérix,la Comtesse de Ségur, le Clan des Sept, Fantômette et Mlle Âge Tendre (non, Lacourte échelle n’existait pas encore…), j’ai plongé dans les lectures prescrites dusecondaire, qui m’ont conduite tout droit à un D.E.C. en lettres et un baccalauréaten littérature. Je lisais de plus en plus. Ma soif de livres n’étant jamais rassasiée,je fréquentais assidûment les bibliothèques et les librairies.Je suis devenue <strong>libraire</strong> un peu par hasard. J’étais inscrite à la maîtrise en créationlittéraire à l’Université Laval, je dirigeais une revue littéraire et je me cherchaisun emploi à temps partiel pour payer mes études ; je ne savais pas vraimentquoi et à vrai dire, je ne faisais pas la fine bouche. Puis, sans prévenir, quelqu’unm’a dit qu’il avait aperçu, dans le journal, une offre d’emploi comme assistant<strong>libraire</strong>.Libraire ? L’idée ne m’avait jamais traversé l’esprit. Acheter des livres,certes, mais en vendre ? Mais oui : « Tu aimes les livres, tu as étudié en littératureet le service à la clientèle, tu connais et blablabla. Bon, après tout, je n’avaisrien à perdre. Vous m’auriez demandé à ce moment quel était le livre en premièreposition de la liste des best-sellers, et je n’aurais pas su quoi vous répondre. Àmon grand étonnement, après une entrevue et un test de connaissances, j’étaisengagée : ma nouvelle vie de <strong>libraire</strong> pouvait commencer.La petite histoireQuelles sont les origines du métier de <strong>libraire</strong> au Québec ? À la lecturede Histoire de la librairie au Québec de l’historienne Fernande Roy, on apprendqu’il n’y avait ni livres, ni journaux, ni imprimeries sous le régime français. À cemoment, en Nouvelle-France, le livre religieux prédomine,principalementUn ouvrage sur ce <strong>libraire</strong> célèbreet engagé vient tout juste deparce que les gens d’Égliseparaître : Monsieur Livre.constituent la majorité deHenri Tranquille aux Éditionsceux qui savent lire et écrire.du Septentrion. Écrit par YvesIl faudra attendre laGauthier, le livre fait état de laConquête pour avoir véritablementaccès au livre qui,grande influence du <strong>libraire</strong> surle monde du livre ; sa librairiemême s’il est importé deest un lieu de rencontre,France, doit transiter pard’animation et de diffusionl’Angleterre par l’intermédiaired’un agent londoniende l’art.(les rapports avec la Francesont interdits) et dont le transport par bateau est long, risqué et coûteux. <strong>Le</strong>spremiers <strong>libraire</strong>s sont des hommes, de véritables commerçants, desimportateurs vendant aussi porto, papier peint, dentelle et autres produitsde luxe. On est loin des amoureux de la lecture : le livre est unbien comme un autre. De plus, étant donné qu’à cette époque les anglophonessont mieux nantis, ils ont plus d’argent, font de meilleures affaires et ont accès àdes œuvres de qualité (Homère, Shakespeare, Cervantès). Au début, les <strong>libraire</strong>ssont aussi imprimeurs ; l’un ne semble pas aller sans l’autre. Puis, les bibliothèquespubliques apparaissent. <strong>Le</strong> roman, quoique condamné par l’Églisecomme étant immoral, a la faveur du public, particulièrement l’œuvre de WalterScott. <strong>Le</strong> manuel scolaire et le livre de récompense, distribué par le gouvernementquébécois aux écoliers comme prix de fin d’année, font leur apparition dansles transactions des <strong>libraire</strong>s. La littérature nationale voit le jour et se taille uneplace parmi les livres étrangers. Cependant, le clergé — pour lequel il existe debons et de mauvais livres — exerce une telle emprise sur la société que les<strong>libraire</strong>s vendant des livres à l’Index se voient pointés du doigt (sans faire de mauvaisjeu de mots) et condamnés. Dès 1880, excédés par le pouvoir abusif deN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 526


(air connu)<strong>libraire</strong> »Une vocation, que d’être <strong>libraire</strong> ? Parfaitement. Voici un brefportrait de ce métier formidable.l’Église qui, en plus, fait commerce des manuels scolaires, les <strong>libraire</strong>s-éditeurs seregroupent pour la première fois en une association avec les imprimeurs et lesrelieurs. Des <strong>libraire</strong>s célèbres ? Édouard-Raymond Fabre, Octave Crémazie,Jean-Baptiste Rolland, Louis-Joseph-Odilon Beauchemin et Flavien J. Granger,pour ne nommer que ceux-là. Plus près de nous, le <strong>libraire</strong> Henri Tranquille,véritable légende vivante, ouvrira à Montréal sa très fréquentée librairie en 1948pour ne fermer ses portes qu’en 1974.Être ou ne pas être… <strong>libraire</strong>Être <strong>libraire</strong>, c’est vendre des livres. Quiconque vous dit le contraire n’estpas, selon moi, tout à fait honnête. Ce n’est pas que ça, bien évidemment, maisc’est son mandat premier. Si les livres ne se vendent pas, c’est tout le milieu quis’en ressent. Et si les livres ne se vendent pas, il n’y a tout simplement pas delibrairies qui vaillent. <strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> n’est pas un bibliothécaire, quoique dans lesdeux cas, ils partagent le même amour de l’objet imprimé et veillent à sa bonnediffusion. Il faut cesser de voir ce commerce comme le gros méchant loup capitalisteet surtout d’avoir honte : le <strong>libraire</strong>, en vendant des ouvrages, assure lasurvie et la pérennité des auteurs, des éditeurs et des œuvres. <strong>Le</strong> mandat est nobleet essentiel.Un grand lecteur ne fait pas obligatoirement un bon <strong>libraire</strong>, mais unbon <strong>libraire</strong> doit être un grand lecteur. Sa devise : un livre lu est un livrevendu ! Néanmoins, il faut oublier l’idée que le <strong>libraire</strong> passe ses journées à lire ;il a bien trop à faire ! <strong>Le</strong>s tâches varient selon le type de librairie, les responsabilités,le rang, l’ancienneté : un commis débutant place les livres, effectue les transactionsà la caisse et s’occupe du service à la clientèle sur le plancher de venteet au téléphone. Certains<strong>libraire</strong>s, derrière les portescloses, se chargent de laréception et de l’expédition.D’autres sont responsablesFédération des coopérativesde l’approvisionnement en milieu scolaire (FCQMS),auprès des distributeurs etou le réseau Coopscorencontrent les représentantsFondation : 1983des différentes maisons61 coopératives (et leurs points de vente)d’édition. Ils peuvent voirprésentes dans 87 établissements scolairesaussi à la gestion des stocks15 librairies agréées(les achats et les retours).Certains <strong>libraire</strong>s sont dédiésaux ventes institutionnelles. <strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> senior (ou le directeur) est plutôt un gestionnaire,responsable des finances et des ressources humaines ; dans leslibrairies indépendantes, c’est souvent le propriétaire ou un actionnaire. De touteévidence, plus les revenus sont importants, plus le travail est fragmenté et hiérarchisé; dans les plus petites entreprises, deux ou trois personnes peuvent separtager tout le travail.Un <strong>libraire</strong>, c’est aussi un acteur important du milieu culturel ; par sonentremise, les consommateurs-lecteurs ont accès à l’art, au savoir et à la littérature.Et ce qui différencie le <strong>libraire</strong> des autres vendeurs des magasins de venteau détail, c’est bien sûr qu’il vend un contenu. Et le <strong>libraire</strong>, qui ne peut pas avoirtout lu, doit, très souvent, vendre un livre qu’il n’a pas lu. Cela peut sembleranodin, mais c’est plus difficile qu’il n’y paraît. Parfois, il faut faire travailler sesméninges, surtout quand « c’est pour un cadeau ». Ou bien : « Je cherche lelivre dont on a parlé à l’émission de Bazzo de ce matin ». Bon : ce matin, vousétiez au boulot et aviez autre chose à faire qu’écouter la radio. Il faudra tout demême le trouver, ce livre mystère !Un retour chez moi…La grande rencontre entre le monde de la librairie et moi s’est faite au Salon dulivre de Montréal en novembre 2003. On m’avait offert d’y travailler quelquesheures et, pour l’occasion, je suis sortie de ma petite alcôve du 6 e étage del’UQÀM, où je me terrais depuis quelques années déjà, presque toujours seuleavec mes très chers textes jaunis datant du XVII e siècle.J’intégrai alors un tout nouvel univers. <strong>Le</strong> grand espace ouvert et très achalandédu kiosque Hachette, les livres tout neufs écrits par des auteurs pour la plupartencore en vie, les <strong>libraire</strong>s de chez Monet, dynamiques et plongés dans l’actualitéculturelle… J’ai été séduite et me suis sentie appelée. J’ai eu envie, je suppose,d’un retour à mon époque. J’ai donc quelque peu délaissé Racine etRotrou et me suis jointe à l’équipe de la librairie Monet.Depuis, je me sens revenue chez moi. Être <strong>libraire</strong> chez Monet, c’est bien sûrpouvoir guider les lecteurs à travers l’immensité de la production littéraire selonleurs goûts et leurs aptitudes, mais c’est aussi, pour moi, animer des cercles delecture, cogiter sur toutes sortes de projets en rapport avec l’écriture, le livre, laculture et leur diffusion, bref, c’est laisser se déployer la communicatrice en moi.Cathy Lucas est <strong>libraire</strong> chez Monet, à Montréal.<strong>Le</strong> hasardfait bien les chosesAu retour de deux années à la Baie James, la rencontre fortuite avec une ex<strong>libraire</strong>a déterminé mon choix de carrière. Sans aucune connaissance dumétier, mais avec un goût affirmé pour la lecture, je suis tombé tête premièredans cette potion magique qui devait bouleverser ma vie. Un coup de foudrequi est devenu une passion qui me dévore. Depuis 25 ans. <strong>Le</strong>s entretiens avecdes lecteurs et le plaisir de leur suggérer des coups de cœur. <strong>Le</strong>s rencontresinoubliables avec des auteurs. <strong>Le</strong>s échanges avec d’autres <strong>libraire</strong>s du Québecet de l’étranger. Tout cela me nourrit depuis toutes ces années.Ce qui m’attriste, c’est la non-reconnaissance du métier de <strong>libraire</strong> au Québec,alors que dans d’autres pays, comme la France, ce métier a du prestige. Quandon réalise ce qu’on demande à un <strong>libraire</strong>, c’est-à-dire avoir tout lu, écoutétoutes les émissions qui parlent de livres et connaître toutes les nouveautés, ons’aperçoit que c’est un métier très exigeant qui mérite la considération. Cetteconstatation m’a amené à me consacrer à sa valorisation en m’impliquantactivement au sein de l’Association des <strong>libraire</strong>s du Québec. Beaucoup de travailreste à accomplir, mais quel beau métier ! Pour un passionné !Ah ! J’oubliais… Pour moi, le livre est plus qu’un objet de consommation. Il estle reflet des cultures, de notre identité québécoise, de nous comme individus. Jene vends pas que des livres, je participe à l’évolution des personnes et de notresociété, je propose des rêves, des aventures rocambolesques, je mets le lecteuren relation avec les connaissances de l’univers, je…Laval Martel est <strong>libraire</strong> chez(Chicoutimi).<strong>Le</strong>s confessions d’unjeune <strong>libraire</strong> dérangé<strong>Le</strong>s Bouquinistes, à SaguenayJe le confesse : j’entretiens parfois une meilleure relation avec certains livresqu’avec certaines connaissances. <strong>Le</strong> jour où j’ai réalisé ce sérieux déséquilibrepsychologique, je me suis dirigé vers la pièce où se trouvent mes livres : c’est là,à mon avis, que j’allais découvrir une explication. Il devait bien y avoir une raison,il me fallait savoir laquelle. La porte de ladite pièce était entrouverte. J’ouvrisla lumière : une odeur d’encre et de papier assiégeait les lieux. Sur le plancher,une vision foudroyante : épars, traînaient partout des livres qui étaient ouvertsde tout leur long comme les oiseaux volent. J’ai dû prendre mon courage à deuxmains pour identifier l’un d’eux : c’était un de ces romans qui, il y a longtempsdéjà, me fit comprendre le rôle que j’avais à jouer face au destin, qui me fit comprendreque je n’aurai réussi ma vie que lorsque la plus belle phrase que j’auraiécrite sera aussi belle que la plus moche de ce livre... <strong>Le</strong> hasard n’existe pas... Jel’ai regardé sous toutes ces coutures, l’ai ouvert pour en sentir les pages… sentirles pages… Il y avait là un nouvel indice à ajouter à la constellation de signesconfirmant une chose qui devenait évidente : un <strong>libraire</strong> habitait ici.Jean-Philippe Payette est <strong>libraire</strong> chez Monet, à Montréal.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 527


Dans les coulisses d’une professionLa croiséedes cheminsPrintemps 1979 : je termine un baccalauréat en histoireà l’UQTR. Après quelques mois de recherche, jesuis toujours sans travail. J’avais passé mon adolescenceà dévorer pratiquement tous les Bob Morane et lesromans d’Alexandre Dumas. L’été 1979 fut donc un étéde lecture : Dickens, Tolstoï, Maupassant, Tolkien. Unsoir, alors que je me promenais avec un ami au centreville,nous parlions d’avenir quand il me demanda :« Tu n’a jamais pensé travailler en librairie ? ».Immense déclic dans ma tête : « Mais oui, pourquoin’y avais-je pas pensé avant ? » <strong>Le</strong> lendemain, je meprésentais chez Clément Morin. Quelques jours plustard, j’étais engagé. <strong>Le</strong> coup de foudre fut immédiat :au cours des premières semaines, j’apportais le répertoiredes auteurs pendant mon heure de repas etj’essayais de découvrir de nouveaux livres !Qui parle de livres parle contact avec la clientèle.L’accueil, un service efficace et courtois : le côtéhumain du travail a été un facteur primordial dans monamour du métier. J’ai de très bons souvenirs de compagnonsde travail ayant marqué ma carrière, de clientsavec qui j’ai eu de bonnes relations. En librairie, il n’y ajamais de temps morts ; des nouveautés, nous enrecevons continuellement, et c’est ce qui rend le travailagréable. Une librairie, c’est un lieu où circulent desidées, qui se retrouvent souvent dans mes lectures :c’est ce petit côté grisant que j’aime, avoir l’impressionde faire ma part dans l’avancement des idées dans unesociété qui bouge sans cesse. La librairie est un lieud’échanges et doit à tout prix conserver sa vocationculturelle.Jean Moreau est <strong>libraire</strong> chez Clément Morin, àTrois-Rivières.Un défidepuis 30 ansParce que j’ai été une grande lectrice durant monenfance et mon adolescence, encouragée à la lecturepar mes parents et des professeurs, le saut en librairiene fut qu’une formalité. J’ai été formée chez HachetteCanada, à l’époque où l’on recevait les livres emballésdans du papier de soie. Ils venaient directementd’Europe par bateau ; les distributeurs québécois n’étaientpas encore nés. Dans les années 70, les chaînesde librairies anglophones étaient très nombreuses. <strong>Le</strong>scirconstances m’ont amenée à travailler pour Classic,où j’ai obtenu un poste de cadre. Ç’a été un réel combatpendant seize ans ; j’ai dû faire comprendre l’importancede la place que devait occuper le livre enfrançais dans chaque succursale.Mon goût pour le commerce aurait pu m’orienter versd’autres métiers, mais aucun ne m’intéressait à partcelui de <strong>libraire</strong>. Je l’ai choisi par amour, sachant trèsbien que, aussi noble soit-il, celui-ci doit, comme toutcommerçant, faire du profit s’il veut rester en vie. Aprèsplus de trente ans, j’aime toujours ce travail, qui consisteà lire et à faire lire. Mais être <strong>libraire</strong> aujourd’hui,c’est encore un combat : un livre se vend dans lesgrandes surfaces mais est distribué au compte-gouttesdans les librairies, pour qui ce genre de succès constituepeut-être la survie. L’avenir des librairies indépendantesappartient aux distributeurs, qui oublient que ce sontelles qui les ont soutenus à leurs débuts. Nous vousavons mis au monde, gardez-nous vivants. Je dois êtreun dinosaure qui aime les défis !Louise Vigneault est <strong>libraire</strong> chez Clément Morin,à Shawinigan.Quand ce n’est pas ce livre dont on a parlé à la télévision dimanche soir… Seulement voilà : ledimanche soir, vous aviez mieux à faire que de regarder la télé ! Et je ne parle pas de l’édition duDevoir de samedi, que vous n’avez pas eu le temps de lire car vous étiez partis en week-end… Un<strong>libraire</strong> doit posséder une très large culture générale ; il doit tout savoir, tout entendreet tout voir, être au courant de ce qui se passe dans l’actualité ainsi que dans le milieuculturel.<strong>Le</strong> milieu du livreQuoique le rôle du <strong>libraire</strong> soit déterminant, il n’en est pas moins qu’un maillon dans lachaîne du livre, qui va comme suit : auteur, éditeur, imprimeur, diffuseur, distributeuret <strong>libraire</strong>. C’est ainsi que dans le prix d’un livre, chaque intervenant de la chaîne a droit à sa partdu gâteau. <strong>Le</strong>s clients, quant à eux, se divisent en deux catégories : les particuliers (comme vous) etles collectivités (bibliothèques, écoles, organismes gouvernementaux, compagnies, entreprises, etc.).La librairie, contrairement aux autres magasins de vente au détail, est régie par uneréglementation très stricte. La librairie agréée relève directement du ministère de la Cultureet des Communications et est soumise, depuis 1979, à la Loi sur le développement des entreprisesquébécoises dans le domaine du livre (ou, dans le langage du milieu, la loi 51). La librairiecoopérative, quant à elle, est en plus soumise à la Loi sur les coopératives. La librairie agréée,donc reconnue comme telle par le gouvernement du Québec, doit se soumettre à des exigences :par exemple, maintenir un minimum de 6000 titres de langue française, dont 2000 titres différentspubliés au Québec et 4000 titres publiés ailleurs (à noter qu’il ne s’agit pas de nombre d’exemplaires,mais bien de titres différents, et ce, en respectant des quantités minimums dans certaines catégoriesdéterminées. Elle se doit aussi de recevoir les offices (ou nouveautés) des éditeurs agréés. Conformeaux normes, la librairie a comme avantage (il faut bien qu’il y en ait !) le droit de vendre aux collectivitéset de bénéficier d’une remise auprès des distributeurs.Et ce milieu de la librairie, de quoi est-il composé ? Si l’on exclut les librairies d’occasion, qui nesont pas soumises à la même réglementation, on retrouve principalement les librairies indépendantesmembres de l’Association des <strong>libraire</strong>s du Québec (ALQ), les librairies coopérativesregroupées sous la bannière Coopsco, ainsi que des chaînes telles Renaud-Bray et Archambault.Où et comment devenir <strong>libraire</strong>Là où le bât blesse, c’est en ce qui a trait à la reconnaissance du métier de <strong>libraire</strong> auQuébec. Tout d’abord, on constate avec consternation qu’il n’existe pas de formation adéquate pourqui veut devenir <strong>libraire</strong>... Malheureusement, sauf exception, les <strong>libraire</strong>s ne font que passer enlibrairie et rares sont ceux qui en font une carrière. Or, le métier de <strong>libraire</strong> est une vocation ! Deplus, il s’agit d’un métier fort complexe, avec ses techniques de gestion particulières et un vocabulairespécifique (réassort, pré-notés, dépôt, tabelle, complément d’office, ISBN, etc.) que le <strong>libraire</strong>doit maîtriser. Il doit aussi connaître les différents outils bibliographiques, électroniques ou en versionpapier (revues spécialisées, répertoires), essentiels à son travail. Il doit être un expert en serviceà la clientèle, en gestion, en vente, en approvisionnement, mais doit tout apprendre sur le tas, dansle feu de l’action. Il y a bien eu le Séminaire de librairie au Collège Marie-Victorin où, pendant deuxsemaines chaque année, les <strong>libraire</strong>s recevaient une excellente formation donnée par des intervenantsdu milieu, et ce, sur trois années. Cette formule a été remplacée par des journées offertesconjointement par l’ALQ et Coopsco (merci à la SODEC et à Patrimoine Canada) sur différentesthématiques au cours de l’année.Cependant, ces formations, quoique très pertinentes, se révèlent insuffisantes et ne sont pas reconnuescomme partie intégrante d’un diplôme quelconque. Au contraire, en France, les futurs <strong>libraire</strong>sont droit à plusieurs cours, dont ceux offerts par le Centre de formation de commerciaux enLibrairie (800 heures de cours en 24 semaines en plus de stages en librairies) et l’Institut national deformation de la librairie (1 400 heures de cours en deux ans), où les apprentis bénéficient d’une sco-<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> indépendantLa librairie indépendante est souvent spécialisée dans un genre (bande dessinée, littératurejeunesse, sciences humaines, etc.). <strong>Le</strong> critère de qualité est pris en considération lors de l’élaborationdes fonds offerts ; le nombre d’acheteurs par magasin est une garantie de diversité pourle client, qui peut ainsi butiner d’une librairie à l’autre selon le livre recherché. On ne trouve pasce type de service dans les chaînes, qui proposent un fonds très uniforme d’une succursale, d’uneville et d’une région à l’autre. La librairie indépendante propose la diversité, et n’occulte pas ladimension culturelle du livre au détriment de critères purement comptables. Incidemment, c’està un regroupement de <strong>libraire</strong>s indépendants que l’on doit le <strong>libraire</strong> et le site d’information littérairewww.le<strong>libraire</strong>.org, deux réalisations qui illustrent bien cette différence.Denis <strong>Le</strong>Brun, vice-président de l’ALQN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 528


Association des Librairesdu Québec (ALQ)Fondation : 1969Une centaine de librairiesmembres, dont certaineshors QuébecPrix des Libraires du Québecremis annuellementlarité gratuite en plus d’être rémunérés ! Lorsque j’ai travaillé à la Librairie duQuébec à Paris, j’ai été abasourdie par la confiance quasi aveugle et le trèsgrand respect de la clientèlefrançaise envers les<strong>libraire</strong>s. Cet écart constituebien la preuve quele métier de <strong>libraire</strong>, auQuébec, n’est pas reconnuà part entière, avecune formation et untraitement adéquats.Toutefois, tout n’est pasperdu : plusieurs intervenantsdu milieu du livre (ALQ, Coopsco, <strong>libraire</strong>s et gouvernement) travaillentprésentement au Programme d’apprentissage en milieu de travail(PAMT). Il s’agit donc d’une histoire à suivre.<strong>Le</strong> salaire se révèle, lui aussi, un bon indicateur de reconnaissance des qualitésrequises pour ce travail. Selon une analyse du métier de <strong>libraire</strong> préparée parla société Éduconseil, on démontre que « le salaire horaire du <strong>libraire</strong> sesitue généralement entre 7,40 et 12 dollars ». Avouez que ce n’est pas lamer à boire pour ce métier de conseiller pas comme les autres, et exigeantautant de connaissances… Et comme c’est le cas pour d’autres métiers traditionnels,les <strong>libraire</strong>s sont majoritairement des femmes et les patrons, souventdes hommes…La vocation avant toutEn plus du maigre salaire et du peu de reconnaissance du côté du ministèrede l’Éducation, être <strong>libraire</strong> aujourd’hui demande tout de même unpeu de courage : pour les librairies indépendantes, il faut se battrecontre la compétition des joueurs plus costauds et les prix réduits(pratique illégale !). <strong>Le</strong>s librairies, quelles qu’elles soient, souffrent régulièrementde la concurrence des autres points de vente, en particulier les hypermarchés,qui leur mènent une chaude lutte car ces magasins, vendant principalementdu best-seller, bénéficient souvent de rabais des éditeurs sans devoirse soumettre aux devoirs et obligations des librairies agréées ; en un mot, cesmagasins à grande surface ont tous les avantages sans les inconvénients.D’autre part, on aura remarqué la visibilité réduite du livre et des <strong>libraire</strong>sindépendants dans les médias électroniques : et quand on parle du livre, on asouvent besoin d’une personnalité du showbiz pour attirer l’attention et fairevendre…Au risque de me contredire, j’affirme haut et fort que le métier de <strong>libraire</strong>,malgré le manque de reconnaissance sociale pourtant bien méritée,est un des plus nobles du monde ; vendre un livre, c’est proposer à unfutur lecteur des moments de plaisir et de découvertes, mais c’est aussi l’occasionde partager son savoir et sa passion du livre et de la lecture. Un <strong>libraire</strong>se doit d’être contagieux ! Son enthousiasme et sa curiosité pour lesœuvres méconnues ou parfois jugées plus difficiles sont essentiels à labonne santé du livre. On apprend ce métier à la dure, et on le fait rarementpour s’en mettre plein les poches ; mais quand un lecteur revient, conquispar nos suggestions, et nous dit que cela a changé sa vie, on se dit que lebonheur est dans le livre.... en trois motsProximité : Il connaît sa clientèle et participe à lavie littéraire de sa région. Nombre d’émissions de radio, dechroniques littéraires, de causeries et de rencontres d’auteurssont l’œuvre de librairies indépendantes.Service : Il assure un service-conseil auprès de saclientèle et assume les coûts d’un service efficace de commandesspéciales.Diversité : Il s’assure que le choix des livres colle àla réalité de son milieu, qu’il correspond aux goûts et auxintérêts de sa clientèle.Histoire de lalibrairie auQuébecFernande Roy,<strong>Le</strong>méac, 238 p.,25,95 $Monsieur Livre :HenriTranquilleYves Gauthier,Septentrion,278 p., 24,95 $<strong>Le</strong> LibraireGérard Bessette,Éditions PierreTisseyre,143 p., 8,95$<strong>Le</strong> Métier de<strong>libraire</strong>MichelOllendorff,Cercle de laLibrairie, 143 p.,72,50 $Libraire, unmétierFrédérique<strong>Le</strong>blanc, FirstInteractive,coll. Logiquessociales,<strong>31</strong>3 p., 39,50 $LibrairiesperformantesAlain Samson,Transcontinental,104 p., 19,95 $De jobine à vocationÇa débute un jour de printemps 1994. Je lis Ostende deFrançois Gravel. Son personnage principal, Jean-François Kelly, devient <strong>libraire</strong> un peu par accident.Depuis plusieurs semaines, j’inscris mes « non »« non » « non » « oui » « non » sur la petite cartejaune d’Emploi et Immigration Canada. L’idée surgit :travailler dans les livres, en attendant un bon contratd’archiviste, ça pourrait être un bon p’tit job pas pire.Mes C.V. partent par la poste. J’attends... et j’oublie. Aumois de novembre, l’étonnement : George, de ladéfunte librairie L’Action de Place Laurier, m’appelleet m’engage la journée même, sans entrevue. « Il s’agitd’un remplacement temporaire », me dit-il. Deux anslà, six ans ailleurs ; je demeure longtemps <strong>libraire</strong> « enattendant ». Me voilà chez Pantoute depuis trois ans.J’ai atteint le bout de la piste. Adieu les vieux papiers,il n’y a plus d’attente. Je suis un professionnel du livre,un homme de métier.Si je songe aux horaires ou au salaire, j’ai le goût de medire : « Décampe ! Va-t’en ! », mais ma situation a desbons côtés qui équilibrent tout. Je partage, chaque jour,mes bonheurs de lecture. Mon expertise est reconnue etmesurable. Je découvre que des dizaines de personnes,toutes les semaines, tirent profit de mon bagage de connaissances.Être un peu comme le portier du savoir etde l’imaginaire, y’a de quoi se dire fier, et si les clientspeuvent être parfois bêtes, il n’y a rien de mieux qu’unplat de sottises pour nourrir l’inspiration !Christian Vachon est <strong>libraire</strong> chez Pantoute, à Québec.Un apprentissagedans les règlesC’était en 1979. J’habitais un petit trois-pièces. Monpropriétaire faisait ses achats à la librairie <strong>Le</strong>méac.Nous avions une bonne relation. J’aimais les livres. Unjour, il me suggéra d’envoyer mon C.V. chez <strong>Le</strong>méac.Quelques mois plus tard, j’entrais dans le monde dulivre. Je fus initiée par M me Françoise Jarosz, <strong>libraire</strong> de50 ans de métier, vive et rigoureuse. Ses épais sourcilslui donnaient un air sévère. J’avais 23 ans. Elle m’appelaitM me Roy. Elle m’apprit la facturation et parfois jel’accompagnais à des expositions scolaires. Après troisans chez <strong>Le</strong>méac, je fis un petit saut à la librairie <strong>Le</strong>Fureteur, puis passai sept ans chez Hermès. AvecElizabeth Marchaudon, <strong>libraire</strong> érudite, dotée d’unemémoire phénoménale, j’ai tout appris sur le métier de<strong>libraire</strong>. Elle reflétait son amour du métier. Ma formationfut complétée par le séminaire de librairie et pardes stages en France et en Belgique. Puis, je suisretournée à la librairie <strong>Le</strong> Fureteur. Je n’y compte plusles années. <strong>Le</strong> métier et les méthodes de travail ontévolué avec l’informatique et l’Internet. On fait demoins en moins appel à notre mémoire. C’est un travailexigeant où il faut être à l’affût de tout ce qui paraît.Mais c’est un réel plaisir d’être entourée quotidiennementde livres, d’avoir accès à une multitude d’auteurs,de sujets. C’est une ouverture sur le monde.Michèle Roy est <strong>libraire</strong> chez <strong>Le</strong> Fureteur, à Saint-Lambert.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 529


NouveautésEn janvier 2004, Andy Dépatie, un homme d’affaires deQuébec âgé de 60 ans, fait allègrement valser l’aiguille deson pèse-personne autour de… 236 livres. Puisant soncourage dans l’exemple de Lance Armstrong, régime alimentairedraconien en poche et conseillé par les meilleursspécialistes en remise en forme, Dépatie a boxé, pédalé, suésang et eau. On ouvre le livre et on voit le même homme,seize mois plus tard, avec 70 livres en moins et un maintiend’athlète… C’est possible ! Un témoignage prodigue de enconseils qui vont droit au but. Et pas un sou pour l’auteur :il partage ses droits entre l’Institut de cardiologie deQuébec et à la Fondation Maurice Tanguay.DE PATHÉTIQUE À ATHLÉTIQUE… À 60 ANSAndy Dépatie, Éditions de l’Homme, 219 p., 19,95 $Chaque année, le cancer fait 7 millions de victimes: un individu sur trois est atteint. La populationmondiale vieillit, si bien que la situation nepeut qu’empirer. Découverte il y a quatre décennies,cette maladie n’a pas encore d’antidote,quoique certaines de ses formes soient facilementtraitables. Après l’hérédité, responsable de15 % des cas, les deux principaux facteurs derisque sont contrôlables : le tabac et l’alimentation(30 % chacun). Écrit par des chercheurschevronnés, ce manuel de vulgarisation scientifiqueillustré de photos et de graphiquesexplique clairement comment agrumes, chocolat,oméga-3, vin rouge, ail, soja, petits fruits, chou, thé vert ettomates peuvent sauver des vies. En prime, il donne le goût decuisiner ! Avec une préface de Pierre Bruneau.LES ALIMENTS CONTRE LE CANCER. LA PRÉVENTION ETLE TRAITEMENT DU CANCER PAR L’ALIMENTATIONRichard Béliveau & Denis Gingras, Ph. D, Trécarré, 214 p., 29,95 $L’espéranto vous désespère ? Ça tombe bien, personne nele parle. L’apprentissage de l’anglais est toutefois obligatoirepour qui veut simplement vivre au diapason de laplanète. Jean-Paul Nerrière, ancien cadre supérieur deIBM USA, a inventé le Globish (« global english »), unanglais ramené à sa plus simple expression : 1500 mots.Complété avec la collaboration de Philippe Dufresne(L’essentiel de l’anglais, sur Canal Vox) et de JacquesBourgon, professeurs d’anglais, ce guide vous en révèletous les secrets.DEMAIN JE PARLE GLOBISH.GUIDE PRATIQUE DE L’ANGLAIS DE BASE EN 26 ÉTAPESJean-Paul Nerrière et al., Transcontinental, 267 p., 19,95 $DocumentDanslesmarges{ }Vendu à plus de 130000 exemplaires (etça continue !), À la diStasio n’a pas que conquisles chaumièresquébécoises. En effet,publié à l’automne2004 chez FlammarionQuébec, le livre derecettes tiré de l’émissiondiffusée les vendredissoir sur les ondesde Télé-Québec a étéédité en France sousle titre Si simple, sibon ! : <strong>Le</strong>s Carnetsde recettes de Joséedi Stasio (Flammarion).Sorti là-bas enmai 2005, le livre a conquisles plus importantscritiques gastronomiques.Rappelons quela série d’émissionsproduite par Zone 3est diffusée sur CuisineTV, une chaîne françaisespécialisée. Et lesuccès d’À la di Stasione s’arrête pas là ; l’ouvragea obtenu de prestigieuxprix pour saconception graphiqueet ses photos, respectivementsignéesMario Mercier etLouise Savoie. Lasympathique animatrice,quant à elle, est enlice pour le trophée Orde Cuisine Canada,remis au meilleur livrede cuisine en languefrançaise.le <strong>libraire</strong> CRAQUEÉcoles decuisine dumonde entierJenni Muir, Octopus,160 p., 39,95 $Pas besoin d’être un grandchef pour apprendre l’art du sushi avec un maîtrejaponais, ou les secrets de la cuisine provençale avecune grande toque française. <strong>Le</strong>s écoles culinaires dumonde sont accessibles à tous les passionnés de bonnechère et de voyages. <strong>Le</strong>s vingt-cinq écoles présentéesdans ce livre offrent des longs séjours et des coursd’une journée : on peut donc voyager spécialementpour ce stage gastronomique ou intégrer un jour decours à un périple en Italie ou ailleurs. Pour nous mettreen appétit, une recette est donnée pour chaque lieud’enseignement, en plus des informations nécessaires àla concrétisation de votre rêve.Annie Mercier le <strong>libraire</strong>La Légendedorée du pastisDaniel Armogathe, Aubanel,159 p., 56,95 $Absinthe, Pernod, Anisette…peu importe votre appellationpréférée, elle est le synonymed’une ambiance, celle du pastis !Cet ouvrage nous transporte, en textes captivants et enphotos sublimes, au cœur de cet art de vivre qui animeles terrasses ensoleillées et les parties de pétanque duSud de la France. Cette boisson a longtemps eu mauvaiseréputation avant de devenir cette institutionapéritive marseillaise qui, depuis peu, tend à devenir unapéro chic dans les lounges de New York. Il est fascinantde se remémorer les origines de cette liqueur, de suivreson évolution, de découvrir des variantes comme le« perroquet » (pastis-crème de menthe), ainsi que desrecettes anisées. Ce livre est la bible du pastis !Annie Mercier le <strong>libraire</strong>80’s All-American AdsJim Heiman (dir.),Taschen, 608 p., 54,95 $Variété, simplicité et rapidité caractérisent ces 150recettes végétariennes où œufs et légumineuses, fromageset noix, fruits et légumes frais sont à l’honneur.Une mention spéciale au classique club-sandwichconcocté avec du tofu, de même qu’à l’ensemble desaccompagnements, soupes et plats principaux (de quoimystifier les palais carnivores). La grande qualité de celivre, outre ses photos alléchantes, est que toute famillemangeant déjà sainement n’aura pas le sentiment d’avoirradicalement changé d’alimentation. <strong>Le</strong>s petits n’y verrontque du feu, c’est garanti ! Marie-Claude Morin estanimatrice à la radio et mère de deux enfants.L’EXPRESS VÉGÉTARIEN.150 RECETTES DE 30 MINUTESMarie-Claude Morin, Modus Vivendi, 256 p., 29,95 $Il n’existe pas de meilleurmoyen pour prendre le poulsd’une époque et en saisir lestravers qu’en regardant enarrière, à travers le prisme de la publicité. À ce chapitre, celivre est un document socioculturel précieux. Si les années60 ont marqué une nouvelle ère dans les mœurs, lesannées 80 ont tué dans l’œuf bien des avancées sociales encélébrant l’ère de l’objet, du plaisir instantané, du jetable,du clinquant. On rigole en parcourant des milliers deréclames, dont certaines méritent une place de choix aupanthéon du mauvais goût. On se décourage aussi de constaterà quel point cette décennie a ouvert la voie aux piresbêtises. On aurait mieux fait d’arrêter le progrès, même siavec le recul on ne peut s’empêcher de laisser échapper unsoupir nostalgique en regrettant le vinyle, l’apogée du fluoet les ordinateurs surpuissants dotés de 64k de RAM.Antoine Tanguay le <strong>libraire</strong>N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 530


Science-fiction | Fantastique | FantasyPolars | Thriller | NoirNouveautés<strong>Le</strong> succès de la saga « <strong>Le</strong>s Chevaliers d’Émeraude » est sansprécédent au Québec : 350 000 exemplaires se sont envolésdepuis la parution, en 2002, du premier volet. Un huitième estprévu pour janvier 2006, et la tétralogie comptera douze tomes. Ilfaut dire qu’avec la sortie en salles de l’œuvre majeure de Tolkien,l’engouement pour les contrées fabuleuses, les créatures extraordinaireset l’éternel combat entre les forces du bien et du mal n’acessé de croître. Fille de l’acteur qui incarnait grand-papa Bi dansPasse-Partout, Anne Robillard arrive donc à point nommé pour lesamateurs québécois de fantasy. Des pourparlers pour une adaptationtélé sont en cours.L’ENLÈVEMENT : LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE (T. 7)Anne Robillard, De Mortagne, 496 p., 24,95 $Héloïse Côté est étudiante à la maîtrise le jour, et auteure le soir.C’est sa passion pour la langue, l’histoire et la philosophie qui l’ontpoussée à écrire très jeune. Deuxième tome des « Chroniques del’Hudres », une trilogie entamée avec <strong>Le</strong>s Conseillers du Roi (Alire,2004), <strong>Le</strong>s Enfants du Solstice nous transporte sur la terre desChevaliers de la prêtresse Shirana, qui doivent de nouveau contrerles plans de la reine Lyntas, bien déterminée à les éliminer. L’espoirrenaît pourtant lorsque court la rumeur que Regde, l’héritier qu’oncroyait mort, est encore vivant. Pour le royaume du roi Léonte, celasignifierait la délivrance… Par une auteure montante.LES ENFANTS DU SOLSTICE :LES CHRONIQUES DE L’HUDRES (T. 2)Héloïse Côté, Alire, 320 p., 13,95 $<strong>Le</strong> marchand Feraz Ibn Bakir, vêtu des belles soieries d’Al-Rassan, a froid. Il lui tarde d’échanger ses marchandises raffinéescontre les fourrures frustes et la morue séchée des barbares duNord. Par le biais de ce bref regard de l’étranger, le lecteurpénètre dans l’univers fascinant des Erling, peuple d’aventuriersmi-celtes, mi-vikings, et ne veut plus en ressortir… Pour The LastLight of the Sun, le maître canadien de la fantasy est l’un des finalistesdu Sunburst Award 2005, aux côtés de Kenneth Oppel etde Thomas Wharton.LE DERNIER RAYON DU SOLEILGuy Gavriel Kay, Alire, 559 p., 16,95 $Ancien de la CIA reconverti en détective privé, RobertOdum part en Israël pour le compte d’une jeune cliente désirantretrouver son beau-frère. De Londres à New York enpassant par Hébron et Moscou, une chasse mortelle s’engage :chacun cache quelques fausses identités, histoire de mieuxbrouiller les pistes… Avec <strong>Le</strong> Carré, Robert Littell est l’autregrand romancier de la guerre froide. Auteur de treize livres,cet ex-journaliste du Newsweek, spécialiste des affaires russeset moyen-orientales, a cartonné avec The Company, paru en2002 (La Compagnie. <strong>Le</strong> roman de la CIA, FlammarionQuébec, 2003). Prochainement adapté au cinéma, Légendes,brillant mélange d’actualité et de fiction, est également unfranc succès.LÉGENDESRobert Littell, Flammarion/Québec, 472 p., 29,95 $Luc Baranger s’est fait plaisir. Dans les neuf nouvelles qui composentle recueil À l’est d’Eddy (quel titre !), il imagine la mortde neuf personnages. Elvis, c’est connu, vit encore… jusqu’àson suicide, au Québec, en 1991. Dans « À l’Est d’Eddy »,nouvelle lauréate du concours de la revue Alibis pour le Saloninternational du livre de Québec 2005, un jeune vagabond rencontrecoup sur coup Jack Kerouac et James Dean.Hemingway, suicidé ? Pas sûr.À L’EST D’EDDYLuc Baranger, La Veuve noire,coll. Marché noir, 210 p., 16,95 $À quarante-cinq ans, Kate Dougall a des yeux de braise, uncorps de rêve et, comme tous les flics de romans, un ou deuxcadavres dans le placard. Occupant une sinécure dans lesCantons-de-l’Est le temps de combattre ses démonsintérieurs, l’ancienne enquêteuse-vedette de la Sûreté duQuébec découvre, un matin, le corps sans vie d’une petitefille… Johanne Seymour s’offre un thriller efficace commepremier roman. La scénariste et réalisatrice recevait, pour LaDernière Pomme, le Prix du meilleur court métrage au Festivalde Tunis.LE CRI DU CERFJohanne Seymour, Libre Expression, 332 p., 24,95 $Afrique, 2040. Dans l’ancien Congo, où une transnationale faitla loi, un virus mutant s’attaque aux habitants. Qui sont ces« diables blancs », sortes de singes sanguinaires ? Quoiqueprésenté par l’éditeur comme un « thriller haletant », <strong>Le</strong>sDiables blancs relève aussi du roman de science-fiction car sonauteur, biologiste, s’est basé sur les recherches actuelles pourrendre crédible ce qu’il avance au sujet des manipulations génétiques.Il en résulte une fiction troublante, effrayante : versquelles aberrations cette science nous mène-elle ? <strong>Le</strong>s conglomérats,avides de profit, irrespectueux de la nature et deshumains, contribueront-ils à détruire notre espèce ? Par labande, McAuley nous entretient aussi de la menace représentéepar les terroristes et les sectes religieuses.LES DIABLES BLANCSPaul McAuley, Robert Laffont, coll. Rendez-vous ailleurs, 574 p., 45,95 $Axl Borja, ancien tueur à gages, a un nom taillé sur mesurepour le boulot qu’il vient d’accepter, son dernier. Ce solitairedoit en effet tremper dans les intrigues du Vatican quand lecardinal Santo Ducque cherche à retrouver la trace de milliardsévaporés. Jon Courtenay Grimwood a reçu en 2003 lePrix du meilleur roman de la British Science FictionAssociation. Rouge Robe, entre cyberpunk et thriller politique,est son quatrième roman traduit en français. À découvrir.ROUGE ROBEJon Courtenay Grimwood, Bragelonne, 332 p., 38,95 $Patricia Cornwell a œuvré comme policière bénévole ?Donald Harstad, lui, est shérif dans l’Iowa depuis près detrente ans. Tout comme Carl Houseman, narrateur et personnageprincipal de Onze jours, ainsi nommé en référence à lacoïncidence entre la durée de l’intrigue et le temps nécessaireà l’auteur pour l’écrire… Code 10 remet Houseman en selle.Cette fois, pas de meurtres rituels : c’est aux flics de tombercomme des mouches ! Maniant une écriture dont le mordantévoque Dashiell Hammet, Harstad a en plus une connaissanceunique du métier et des lieux où se passent ses histoires.Haletant !CODE 10Donald Harstad, <strong>Le</strong> cherche midi, coll. Ailleurs, 286 p., 29,95 ${ Dans les marges }Par souci d’actualiser une image forte et de réduire les coûts inhérents à la publicationd’inédits en version de poche, Gallimard fusionne deux de ses collectionsde romans noirs, la célébrissime « Série noire » et la moderne « LaNoire », pour les refondre en une seule, de grand format. Avec une couvertureornée d’une photo en noir et blanc et une typographie jaune vif, le visage de lanouvelle « Série noire » rappelle celui de son aïeule, mais la collection touchedésormais à tous les genres policiers (enquête, expérimental, thriller, etc.).Boulevard des branques de Patrick Pécherot et Dr Jack de Norman Greencasseront la glace en octobre. On a cependant laissé intacte la collection«Folio/Policier ».N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 5<strong>31</strong>


Polar | Thriller | Noirle <strong>libraire</strong> CRAQUEPromenonsnousdansles boisRuth Rendell, Calmann-Lévycoll. Suspense, 381 p., 32,95 $Dans le Sud de l’Angleterre,deux adolescents et JoannaTroy, leur gardienne, disparaissent.L’enquête s’avère hasardeuse pour l’enquêteurWexford : les inondations menacent le pays et il seheurte à une mère hystérique et à un père tyrannique.De plus, les témoins sont menteurs et égoïstes. Intriguépar le caractère complexe de Joanna, les convictionsreligieuses du fils et l’absence de fil conducteur, notreenquêteur garde quand même ce flegme si connu desBritanniques. Et quand, enfin, on daigne lui offrir unetasse de thé, Wexford nous fait apprécier la lecture d’unbon thriller à l’anglaise. Jacynthe Dallaire <strong>Le</strong>s BouquinistesLa SpiraleGayle Lynds, Grasset, coll.Grand format, 450 p., 29,95 $Liz, ex-agente de la CIA et filled’un assassin surnommé leCarnivore, mène une vie tranquilled’enseignante. La rumeurcourt que son père a laissé desarchives qui révèlent les nomsde ses clients, clients qui, vu leur position sociale, ontavantage à ce que ces archives disparaissent. Si Liz neles détient pas, un maître chanteur pense qu’ellepourra les découvrir. La vie de son entourage estmenacée : elle n’aura donc pas le choix de se mettreen mode « agent secret » si elle veut sauver ses amiset retrouver sa tranquillité. Ce qu’elle découvrira, ce nesont pas seulement les documents, mais la façon dontdes structures secrètes mènent le monde.Lina <strong>Le</strong>ssard <strong>Le</strong>s Bouquinistes<strong>Le</strong> Chant dessablesBrigitte Aubert, Seuil,352 p., 29,95 $Une équipe de scientifiques,guidée par Roman, tente deretrouver des vestiges de l’Âgede bronze en Asie centrale. Surle chemin du retour, un desmembres trouve une pierre très étrange. Cette découvertesera à l’origine de phénomènes inexplicables :apparition soudaine de personnages sortis de nullepart, massacre de villages entiers, accidents incompréhensibles.Roman devra ramer sans relâche poursauver l’équipe. Une lecture captivante ; lesrebondissements se succèdent sans arrêt. Connaissonsnoustout ce qui touche à notre Terre ? Existe-t-il uneautre dimension ? Lina <strong>Le</strong>ssard <strong>Le</strong>s BouquinistesTokyoMo Hayder, Presses de la Cité,coll. Sang d’encre,430 p., <strong>31</strong>,95 $Personnage improbable éduquéen vase clos jusqu’à l’âge adulte,Grey est obsédée par la natured’une torture atroce pratiquéepar les Japonais lors de labataille de Nankin, en 1937. Elle se retrouve à Tokyo en1990, sans le moindre sou, travaillant comme hôtessedans un club de luxe, pour rechercher un universitairechinois, Shi Chongming, rescapé de cette bataille. Cedernier possède un film d’époque, seule preuve de l’existencede cette torture. <strong>Le</strong> Chinois est aussi en quête: un remède détenu par un vieux Yakuza lui permettantde prolonger sa vie. Un marché se fait : le remède contrele film. Roman envoûtant et singulier qui se dérouleà deux époques, Tokyo entraîne le lecteur dans une spiralede tension qui le hantera longtemps.Denis <strong>Le</strong>Brun le <strong>libraire</strong>Discovery BayBoston Teran, Du Masque,428 p., 34,95 $Un peu moins lyrique dans ledésespoir que ses deux précédentslivres, Discovery Bay deBoston Teran est néanmoins unroman très dur. Dane Rudd ahérité de la cornée de TaylorGreene, prétendument suicidé. Présent à une cérémonieen mémoire du disparu, Dane s’incruste danscette famille puissante dont l’origine de la fortune estsuspecte. À l’aide de la femme de Greene, qui croit queson mari s’est fait assassiner, Dan découvre un nid devipères. <strong>Le</strong> vernis respectable de cette grande famillecraque et la cruauté se déchaîne. Excellent… pour lesamateurs de noir profond ! Denis <strong>Le</strong>Brun le <strong>libraire</strong>Sans l’ombred’un témoinElizabeth George, Presses dela Cité, 598 p., 29,95 $Où l’on retrouve BarbaraHavers, toujours aussi obstinéeet mal fagotée, rétrogradée auposte de constable ; ThomasLindley, comte d’Asherton etcommissaire intérimaire ; Saint James, désormaisinfirme et consultant ; l’incompétent Hillier, adjoint aupréfet ; et le sergent noir Nkata, à la recherche de Fu,tueur en série qui se prend pour Dieu et s’attaque à dejeunes délinquants, souvent noirs. La lenteur du Yard àétablir un lien entre les premiers crimes soulève lacolère de la communauté noire. Nkata, obligé parHillier de jouer le Noir de service lors des conférencesde presse, n’apprécie pas la mascarade, tandis que Futue de nouveau… Comme toujours, cette Américainenous compose un cocktail très anglais de suspense etde psychologie. Une brique de 600 pages qui se litd’une traite ! Denis <strong>Le</strong>Brun le <strong>libraire</strong>N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 532


Littérature jeunesseNouveautésEn plein cœur est la suite d’Envers et contre tous, qui reçutmoult éloges l’an dernier. On retrouve Clara et Julie, dont lescœurs battent très fort pour les garçons, trop, peut-être : entrePascal et Simon ou Philippe et Daniel, comment choisir le«bon », percer à jour leur vraie personnalité à une période deleur existence où elles construisent la leur ? Famille, amitié,amour, sexualité : autant de thèmes qui font d’En plein cœurun livre sensible et sérieux, qui parlera beaucoup aux ados.Conteuse au verbe souple, fine observatrice, Tania Boulet estune auteure très appréciée ; certains de ses romans ont récoltéles honneurs de Communication-Jeunesse. Retenez bien sonnom : vous n’avez pas fini d’en entendre parler. 12 ans et plus.EN PLEIN CŒURTania Boulet, Québec Amérique Jeunesse, 190 p., coll. Titan, 9,95 $C’est la première fois que Maria Chapdelaine fait l’objet d’unalbum illustré. <strong>Le</strong>s reproductions d’huiles sur toile de RajkaKupesic, dont le style pictural sied parfaitement à l’atmosphèrerurale, apportent un côté joyeux à cette sombre histoired’amour. De plus, cette mise en images réussie est supportéepar un texte brillamment condensé par Hélène Rioux(Chambre avec baignoire, 1992). D’abord publié en Francesous forme de feuilleton (1914), le classique de LouisHémon est paru sous forme de livre au Québec deux ansplus tard. 8 ans et plus.MARIA CHAPDELAINEHélène Rioux (texte) & Rajka Kupesic (ill.),d’après le roman de Louis Hémon, Scholastic, 40 p., 11,99 $Vous frémissez à l’idée qu’il arrive un malheur à votre minet ?Ne lisez pas <strong>Le</strong> Catnappeur. Enfin, oui. Vous devez le parcourirpour vous lancer dans L’Affaire Saint-Aubin. Rappelons queJohanne a déjoué les plans de Philippe, qui enlevait des chatspour se venger de ses proches. Deux ans plus tard, elle étudie àla polyvalente et le contrevenant, exilé chez ses grands-parents,revient en ville. Il est perturbé, désire encore ardemment l’attentionde ses parents, et regrette ses gestes. Peu après son arrivée,la sœur aînée de Saint-Aubin meurt : est-il coupable ? Johanneen doute. Une nouvelle enquête commence ! 12 ans et plus.L’AFFAIRE SAINT-AUBINSonia K. Laflamme, Vents d’Ouest, coll. Aventure, 138 p., 9,95 $© Gabrielle Grimard{ Dans les marges }<strong>Le</strong> poète wendat Jean Sioui et Francine Vernac, éditrice au Loup de gouttière,ont lancé fin août une collection destinée aux jeunes de 6 à 12 ans, « <strong>Le</strong>s loupsrouges », qui s’est donné comme mission de préserver et transmettre l’héritageamérindien par le biais de contes, mythes et légendes autochtones. Trois livressont actuellement parus : Hannenorak de Jean Sioui, <strong>Le</strong> petit aigle et l’enfant deJohanne Laframboise et Yawendara et la forêt des Têtes-Coupées de Louis-KarlPicard-Sioui.Héritage a trouvé une amusante façon de promouvoir sa série « Nouvelleshistoires drôles ». Dans le numéro 75, les jeunes ont été invités à écrire unehistoire comique en échange d’un abonnement Internet à La Blague de la semaine.On peut dorénavant lire des blagues sur www.baudelaire.ca/blague ets’inscrire à www.histoiresdroles@editionsheritage.com<strong>Le</strong>s éditions Dominique et compagnie, qui font des romans et desalbums, tâtent pour la première fois du documentaire-fictionavec « Curieux de savoir +++ », collectionregroupée en trois séries intitulées « <strong>Le</strong>s êtreshumains », « <strong>Le</strong>s arts » et « La nature ». Unehistoire d’environ 800 mots présente en imageset en mots certains termes spécifiques au sujetabordé, par exemple « monocycle » ou« acrobate » dans <strong>Le</strong> Cirque. Des liensInternet et un quiz complètent le contenu.Aussi disponibles : <strong>Le</strong>s Mocassins et<strong>Le</strong> Castor.©illustration de Romi CaronÀ moins d’avoir voyagé dans l’espace intersidéral (et encore) entrele 30 septembre et le 1 er octobre dernier, vous savez que sur lecoup de minuit une, la version française du sixième tome desaventures de Harry Potter a été mise en vente, pour le plus grandplaisir des mordus, qui faisaient patiemment la file aux portes descommerces. Dans une ambiance « potterienne » et à grand renfortde publicité, plusieurs <strong>libraire</strong>s ont accueilli jeunes et moinsjeunes, qui ont pu assister à des tours de magie ou déguster unebière au beurre. Harry Potter, traduit en 63 langues et vendu à plusde 300 millions d’exemplaires dans le monde, est un phénomèneplanétaire ; 179 millions d’exemplaires des cinq premiers livresont trouvé preneur au Canada seulement. <strong>Le</strong> tirage initial françaisde Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé est exceptionnel :2 millions ! 7 a 77 ans.HARRY POTTER ET LE PRINCE DE SANG-MÊLÉJ. K. Rowling, Gallimard Jeunesse, 715 p., 41 $S’il faut s’aimer pour s’éprendre d’autrui, il faut aussi ne pas changerson caractère pour plaire au sexe opposé. Cette leçon de vie, Lorinal’apprend à ses dépens. Mais grâce aux conseils d’Octave le clown,son grand ami, la fillette comprendra que les garçons l’apprécierontpour ce qu’elle est vraiment, et que le bonheur a de multiplesvisages… Voici une histoire émouvante, poétique et porteuse d’unmessage qui s’inscrit dans l’air du temps. Nancy Montour a remportéles prix Henriette-Major et Cécile-Gagnon avec son premierlivre, Entre la lune et le soleil (Dominique et compagnie, 2003). Toutesles illustrations en couleurs sont de Stéphane Jorisch. 6 ans et plus.LORINA ET LE SECRET D’AMOURNancy Montour, Dominique et compagnie, coll. Roman rouge, 46 p., 8,95 $N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 533


Littérature jeunessele <strong>libraire</strong> CRAQUEBasculeYuichi Kimura (texte) &Koshiro Hata (ill.), DidierJeunesse, 38 p., 21,95$Un renard affamé poursuit unlapin. Ils s’engagent sur unepoutre qui traverse un torrent,en équilibre sur un pilier central.C’était un pont que la tempêteavait presque détruit ; etvoici nos amis pris au piège de cette balançoire funeste.Ils doivent s’allier l’un à l’autre pour maintenir l’équilibreou… basculer tous les deux dans le vide. Agiles,rusés, ils sont parfaits complices tant que dure le combatcontre les éléments ! <strong>Le</strong> texte et les dessinscourent, virevoltent et s’animent jusqu’à une trêve dansla nuit où les confidences sont figées dans de petitscadres de BD. Mais le vent se relève avec fureur etvoilà, c’est reparti ! Une histoire palpitante pour lespetits, doublée d’une fable moderne sur l’équilibre précairedes relations établies au hasard de la vie.Yolande Lavigueur Monet<strong>Le</strong> Grand Nain etautres histoiresFranz Hohler (texte) &Nikolaus Heidelbach (ill.), LaJoie de lire, 103 p., 24,95 $Ce magnifique recueil d’histoirescourtes qui jongle avecles genres, passant allègrementde la fable au conte et à la nouvelle,n’a pas d’absurde que son titre. L’auteur nous proposeun voyage dans des univers où tout est possible,où même les situations les plus saugrenues apparaissentcomme parfaitement normales. On peut ainsi yretrouver un mille-pattes passant son temps à compterses pattes, un ver de terre téméraire, un bloc de granitqui se bidonne au cinéma, une bagarre entre deux viset, bien entendu, un grand nain qui mesure 1,89 m ! Etce ne sont là que quelques-uns des exemples loufoquesqui composent ce livre délicieux et hilarant. Un véritabletrésor d’inventivité et de démesure qui nous plongedans des territoires très proches de l’imaginaireenfantin. François Boutin MonetC’est dingue !Francesco Pittau (texte) &Bernadette Gervais (ill.),Belem, coll. <strong>Le</strong>s Cloportes,26 p., 43,95 $L’originalité et l’imaginaireeffervescents de Pittau etGervais sont à nouveau réunis pour notre plus grandplaisir ! <strong>Le</strong>ur nouvel album, C’est dingue !, nous proposedes mathématiques d’un genre nouveau : desadditions étonnantes, hilarantes et complètement... farfelues! Une limace et une nouille forment un escargot ;un lapin et un sac, un kangourou ! Et que peut donnerun cheval + un code barres ?! Cette imaginationdébordante laisse la place à une addition finale où laréalité est, elle aussi, encore plus incroyable. Une petiteleçon de vie drôle et tendre de Pittau et Gervais, uneode à l’imagination et à la réalité. Donc, en toutelogique si 1 + 1 = 2, Pittau + Gervais = un régal !Alice Lienard MonetDure nuit pourDelphineJohanne Mercier, SoulièresÉditeur, coll. Ma petite vachea mal aux pattes, 56 p., 7,95 $Que se passe-t-il lorsque la féedes dents doit garder le lit pourcause de maladie ? L’auteure,Johanne Mercier, a supposéque, forcément, quelqu’undevait la remplacer. Pensez à tous ces petits enfants quiespèrent trouver une pièce de monnaie, au réveil, sousl’oreiller. Cette nuit-là, on demande donc à la jeuneDelphine de relever le défi. Dans toute sa candeur, lajeune promue ne sait pas que 859 maisons devront êtrevisitées dans le plus pur anonymat et que bien desimbroglios l’y attendent. Delphine fera preuve decourage et de débrouillardise pour minimiser les catastrophes.L’originalité et l’humour débordant deJohanne Mercier subsistent dans ce savoureux romanpour le plus grand bonheur des petits lecteurs.Katia Courteau Clément MorinDing, dong!Robert Soulières, Soulièreséditeur, coll. Graffiti,238 p., 9,95 $<strong>Le</strong> dernier-né de RobertSoulières est un petit délice d’humouraux effluves chocolatées,une dégustation digne des plusfins palais ! À la manière deRaymond Queneau et de sesExercices de style, vous êtes conviés à un festin de petitesbouchées des plus singulières. Voici donc une série decourtes histoires dont la trame de fond, banale, reflètemalheureusement une réalité plutôt endémique : unporte-à-porte d’écoliers qui vendent du chocolat pourfinancer un voyage culturel à New York… jusque-là,rien de bien rigolo ! Mais lorsque la machine s’emballeet qu’elle nous offre le même scénario en différentesscènes, le tout prend une allure carrément burlesque. Iln’y a décidément que Soulières pour nous offrir pareilledérision : qu’il en soit ici chaudement remercié !Brigitte Moreau MonetFrère de loupMichelle Paver, HachetteJeunesse, 370 p., 24,95 $Voici le magnifique récit initiatiqued’une histoire sedéroulant il y a six mille ans.Nous sommes à l’époquedes chasseurs-cueilleurs. Torak,jeune homme curieux vivantseul avec son père àl’écart de leur clan, se voitdésigné comme Celui-qui-écoute. C’est avec la coopérationd’une jeune fille d’un clan adverse et d’un jeuneloup rencontré par hasard que Torak pourra retrouverl’ours maléfique qui a tué son père : mais saura-t-ilsauver son peuple de ce géant ? Nous le suivons danssa quête d’harmonie entre la nature, les hommes et lesanimaux. Nous apprenons les conditions de la surviede ces populations nomades. Ce premier tome de latrilogie des « Chroniques des temps obscurs » ravirales jeunes lecteurs. Un roman incontournable oùamour, persévérance et loyauté se côtoient.Susane Duchesne MonetN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 534


Bande dessinéeNouveautésMaxime, gosse de riche, et François, fils de servante, ontgrandi ensemble sur l’île de la Réunion. C’est le début du XX esiècle. <strong>Le</strong>s deux amis, devenus adultes, vivent à Paris.Lorsque Maxime hérite de la demeure familiale, ils reviennentsur la richissime plantation. Ce retour aux sourcesdonne lieu à d’étranges événements : Maxime construit unemachine volante et François, qui se languit de sa bien-aimée,abandonnée en France, fait la rencontre d’un mystérieux fantôme: vous l’avez compris, Maison rouge est une BD oùl’onirisme est à l’honneur. Par le scénariste du diptyque LaGrippe coloniale (Vents d’Ouest), dont on attend la fin avecimpatience.MAISON ROUGE : FANTÔMES BLANCS (T. 1)Appolo Li-An, Vents d’Ouest, coll. Équinoxe, 48 p., 21,95 $Huit millions d’exemplaires, dont 3 millions en français et175 000 livrés au Québec : le tirage du Ciel lui tombe sur la tête, quimarque les 60 ans de carrière d’Uderzo et le trentième anniversairede la mort de Goscinny, est phénoménal. Lancé simultanémentdans 27 pays et une demi-douzaine de langues, ce 33 e albumpropose une couverture sur laquelle on voit le petit guerrier menacépar la foudre, clin d’œil à Astérix le Gaulois (1959, 6 000exemplaires). Astérix, c’est <strong>31</strong>0 millions d’albums au total dans 107langues et dialectes, un musée, des films, un parc, des jeux vidéo…<strong>Le</strong>s derniers albums ont déçu : aura-t-on droit à un grand cru ?Prions pour que le ciel ne tombe pas sur la tête d’Uderzo...LE CIEL LUI TOMBE SUR LA TÊTEAlbert Uderzo, Éditions Albert René, 48 p., 14,95 $Chanteuse dans un cabaret de Paris, Dora Mars s’amourached’Armel, un pilote français avec qui elle ne passe qu’une nuit. Sansnouvelles, elle demande à être envoyée en Macédoine, dans la garnisonde Pavlos, où elle espère le retrouver. Son vœu est exaucé, maisses rêves de gloire et de bonheur seront à jamais transformés par leshorreurs de la Grande Guerre… Par le truchement de trois autrespersonnages, Alban, Élia et Nafsiak, Giroud propose différentesvisions d’un même événement. L’auteur du Décalogue consacre untome à chacun de ses personnages. Ce n’est que dans le volet final,La Chute, que les héros réaliseront vraiment l’impact qu’ont eu cestragiques événements sur leurs vies respectives.HISTOIRE DE DORA MARS : QUINTETT, PREMIER MOUVEMENTCyril Bonin (dessin) & Frank Giroud (scénario),Dupuis, coll. Empreinte(s), 64 p., 23,95 ${ Dans les marges }Nouvelle adresse parisienne pour le fan de BD : la librairie Goscinny, situéeau 5 bis de la rue Goscinny, dans le XIII e arrondissement. D’une superficie de53 m 2 , le commerce a ouvert ses portes à 0 h 01 le 14 octobre, jour du lancementde la 33 e aventure d’Astérix. C’est la réalisation d’un rêve d’enfance pour son propriétaire,Michel <strong>Le</strong>bailly, 44 ans. La librairie tiendra au fonds tous les albumsd’Astérix et ceux des autres séries du co-créateur du Gaulois blond (« LuckyLuke », « Iznogoud », « <strong>Le</strong> petit Nicolas », « Oum Pa Pah »). Figurines, jeux,jouets, DVD et autres produits dérivés auront aussi leur place sur les rayonnages,de même qu’une sélection de BD, romans et essais d’autres auteurs, comme danstoute bonne librairie de quartier.Lucky Luke, Jolly Jumper et les frères Dalton envahirontnos cinémas en 2007 dans un film d’animation librementinspiré de La Caravane, l’un des albums les pluspopulaires de la série. Avec un scénario à 90 % inédit,selon le président des productions Xilam, le film bénéficierad’un budget de 12 millions d’euros (environ 17millions de dollars canadiens). Toute la fabricationdu film sera faite à Paris, et le tournage sera effectuéen français puis doublé en anglais. L’histoire commenceen 1855 à New York, et raconte comment lecow-boy solitaire, escortant les quatre bandits vers leurprocès, doit partir à leurs trousses lorsque ceux-ci luifaussent compagnie.© Morris / Lucky ComicsN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 535


le <strong>libraire</strong> CRAQUEBande dessinéeCours, Bong-gu !Byun Byung Jun, Kana, coll.Made in Japan, 97 p., 26,95 $Doux et mélancolique commeune belle journée d’automne, cerécit coréen se penche sur lebesoin de solidarité humaine dequatre individus en mald’amour. Venus d’une petite îledu Sud, Bong-gu et sa mère arrivent à Séoul en quêtedu père du petit garçon, disparu dans la ville depuisplusieurs mois. Sur place, ils rencontrent Hyemi et songrand-père, avec qui une relation de confiance s’installetrès rapidement. L’auteur prend bien son temps et nousenveloppe d’une irrésistible poésie urbaine bien ancréedans l’intimité de son pays et de ses personnages. Laforce de ce bijou de simplicité se situe au niveau dunon-dit, des ambiances et des relations entre les personnages,le tout illustré par un dessin tout en nuances.À découvrir absolument ! Mathieu Forget MonetAu bord du gouffre :Chronique desimmortels (t. 1)Thomas von Kummant &Benjamin von Eckartsberg,Paquet, 54 p., 23,95 $La chasse aux derniers immortelsest ouverte ! Voici, nobleslecteurs, la terrible histoire d’unchevalier immortel, banni pour un crime qu’il n’a pascommis, et qui revient chez lui après le saccage de lacité. Il y retrouvera son fils qui, malgré ses privilègesancestraux, n’a pu survivre aux blessures qu’on lui ainfligées. Cette bande dessinée purement heroic fantasyse détache remarquablement du lot de nouveautés ence moment. <strong>Le</strong>s auteurs nous proposent ici une œuvreinspirée du roman de l’auteur allemand WolfgangHohlbein et cuisinée avec tous les ingrédients propresau genre, aux images d’une grande délicatesse, et dontle raffinement visuel tranche de façon foudroyanteavec la dureté inquisitrice du sujet. Vous l’aurez comprischers amis, une BD allemande de noble qualité.Éric Lacasse Monet<strong>Le</strong>s MauvaisesGensÉtienne Davodeau, Delcourt,coll. Encrages, 176 p., 24,95 $Avec un style rapide et désinvoltes’apparentant à celui de lavidéo, Davodeau poursuit sontravail de documentaristeengagé commencé avec Rural !, un album plébiscitépar les Verts et les altermondialistes. Dans ce secondeffort, l’auteur s’intéresse au combat des classesouvrières pour la construction du mouvement syndicalistefrançais, après la Deuxième Guerre mondiale ;il fait aussi un travail de mémoire familiale en interviewantses parents, militants de la première heure etenrôlés dès le début au sein d’un des détonateurs de lalutte, les Jeunesses Ouvrières Chrétiennes. Cetémoignage nous fait partager le désir d’émancipationde toute une génération, et l’album se termine dans lajoie avec l’élection de François Mitterrand en 1981,symbole de la gauche unifiée. Eric Bouchard Monet<strong>Le</strong>s Jours lesplus longsFermin Solis, La Pastèque,46 p., 14,95 $Un petit garçon nommé Martinvit son quotidien dans un environnementquelconque. Autourde lui gravitent sa grand-mère, ses amis, son école et sanaïveté : rien d’extraordinaire, seulement la simplicitédans le dessin et les réflexions d’un enfant de 10 ans.C’est une bande dessinée sans prétention, avec unrayon de soleil partagé avec l’auteur et son Espagnenatale. Jacynthe Dallaire <strong>Le</strong>s BouquinistesAdieu, mamanPaul Hornschemeier, trad. deHélène Dauniol-Remaud,Actes Sud, coll. Actes Sud BD,128 p., <strong>31</strong>,25 $Actes Sud réussit son entrée enBD avec l’adaptation du Mother,come home de l’Américain PaulHornschemeier. <strong>Le</strong> jeune Thomas se fait offrir par sa mèreun masque de lion qu’il ne quittera plus après la mort decelle-ci. Tandis que son père, l’éminent professeur delogique symbolique, se renferme inexorablement sur luimêmeet est interné en institution, l’enfant voit sa réalité etses sentiments niés par son entourage. Thomas aidera sonpère à s’évader, mais devra affronter de déchirantes révélations! Dans ce troublant récit sur l’euthanasie, l’auteurutilise un mode de représentation sobre qui restitue efficacementl’effritement de l’environnement social des deuxprotagonistes, et nous plonge dans une intimité forte aveceux. Une lecture dont on ne ressort pas indemne !Eric Bouchard Monet<strong>Le</strong> Mystère del’étoile :Mr. Deeds (t. 1)Olivier Cinna & HuguesFléchard, Éditions EmmanuelProust, 48 p., 24,95 $Il était une fois… une pierretombée du ciel et un mystérieuxgarçon, seul survivant de lacatastrophe. Il est aujourd’hui…Mr. Deeds, horloger savantaffublé d’un immense chapeau,accompagné de Tani, filletterêveuse et curieuse, et deGary, voleur d’objets rares.Tous les trois ont touché àla pierre, tous les trois ontmaintenant une marqueen forme d’étoile. Ils sontliés et poursuivis par cegarçon aux alluresdémoniaques. <strong>Le</strong> dessinest épuré et lescouleurs fluides, ce quicrée une étrangeatmosphère où le trioévolue sans savoiroù aller. À quand lasuite ?Jacynthe Dallaire<strong>Le</strong>s Bouquinistes© Fermin SolisN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 536


Bande dessinée<strong>Le</strong> tempsd’une guerreFinis les banals enjeux de pouvoir et les poncifs à la sales boches ou faces de citrons ! La guerreévolue ; les récits de guerre s’émancipent de leurs stéréotypes. Trois albums retiennent notreattention, qui ne cherchent pas tant à décrire la vie au front que le climat de terreur qui tuelentement, ou celle de l’homme qui, comme le dirait Jean Barbe, « devient un monstre »…Par Eric Bouchard, <strong>libraire</strong> chez MonetÀ l’ombre des snipersDans un coin dévasté et indéterminé d’Europe de l’Est,trois jeunes gens ont préféré quitter leur village et rester àl’abri dans les collines avoisinantes. Virtuellement orphelins,ils survivent de petits recels, jusqu’à ce qu’ils croisent laroute de plus gros prédateurs qu’eux. Rencontre providentielle: les premiers trouveront une sécurité et un idéal anticonformiste,les seconds du petit personnel dévoué et influençable.On les enverra à Paris monter une petite succursaledu « cartel » ; enrichis, euphoriques, ils ne verrontpas leur chute venir… L’Italien Gipi signe avec Notes pourune histoire de guerre un album franchement abouti : unexcellent sens de la narration, des planches aux trait et lavisdélicats, et une fin plus que réussie.d’anecdotes croustillantes, Clichés Beyrouth 1990,nominé au Prix du scénario à Angoulême l’andernier, nous offre un portrait décalé d’unetragédie pas si lointaine. « Ne jamais oublier, ceserait bien… »Comment détourner l’innommableDans un registre tout autre, un fabuleux duo d’auteurspolonais sublime l’absurdité de la guerre avec Achtung Zelig!, un surprenant conte baroque, grotesque, qui n’est pas sansrappeler la fantaisie de Fred ou l’onirisme de David B. DeuxJuifs, Zelig père à tête de saurien et Zelig fils à tête de crapaud,tentent en vain de passer inaperçus alors qu’ilscroisent un détachement SS… Après les avoir invités àboire un verre enleur compagnie, lecommandant de latroupe, un nainmélancolique à bonnetpointu, leur livre le fond de ses sentiments,espérant que ses proies reconnaissenten lui un être humain.Après Essence, l’album lauréat du concours Arte-Glénat de nouveaux talents, le trait caméléonesque deGawronkiewicz prend une tournure plus académique,un semi-réalisme hachuré à la Rosinski — qui signe lapostface —, grâce auquel des planches variées et inattendueséclatent. Abasourdi, on reste avec un arrièregoûtdérangeant…© Krystian RosenbergQuant à eux, les frères Ricard nous ramènent en 1990 avecun voyage humanitaire au Liban. Brevet desecouriste en main, informés mais insouciants, ils partentrejoindre une tante religieuse employée de la Croix-Rougedans un Beyrouth en ruines. Il se rendront rapidementcompte que la bonne volonté ne suffit pas pour venir enaide au sinistrés locaux : peinant à se dénicher un rôle vraimentutile, ils se laisseront gagner par la peur et un profondsentiment d’impuissance, tandis que les bombardementsnocturnes s’intensifient. Cette tension se trouve par ailleursférocement restituée par l’effet de crispation du trait augraphite rapide et nerveux d’un Gaultier (Kuklos, Soleil) enexcellente forme. Non sans une salutaire dose d’humour et© Scorcelletti-GammaNotes pour une histoire de guerreGipi, Actes Sud, coll. Actes Sud BD, 96 p., 40,25 $Clichés Beyrouth 1990Christophe Gaultier, Sylvain & Bruno Ricard, <strong>Le</strong>shumanoïdes associés, coll. Tohu-bohu, 158 p., 23,95 $Achtung Zelig !Krzystof Gawronciewicz & Krystian Rosenberg,Casterman, coll. Un monde, 56 p., 25,95 $© Image Arts etc.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 537


Portrait d’éditeurAndré Vanasseet l’abc d’XYZ<strong>Le</strong> mot « carrière » n’a plus guère de sens aujourd’hui sansun « choix » qui le précède et, pourtant, la littérature n’esttoujours pas une « option alimentaire » crédible. Au débutdes années 60, le constat n’en est que plus marqué pour AndréVanasse, né en 1942 : « Ç’a été une engueulade monstre avecmon papa. Quand j’ai dit que je m’en allais en lettres, j’auraisdit que je m’en allais dans les poubelles, c’était la mêmeaffaire. J’étais le seul à aller en lettres parmi les finissants ducollège Sainte-Marie… on était cent et quelques. »© Andy BridgeOn peinerait à répertorier les innombrables implicationsd’André Vanasse, qui fut professeur de littérature québécoiseà l’UQÀM de 1969 à 1997. Participant à la créationde l’Association for Canadian and Québec Literatures etde l’Association des éditeurs de périodiques culturelsquébécois (qui deviendra, en 1980, la SODEP), lié de prèsà la revue <strong>Le</strong>ttres québécoises depuis sa création en 1976 parAdrien Thério, directeur des revues universitaires Voix etImages et Nouvelles Fraîches, il s’impose, surtout, comme unéditeur de haut vol. Son passage chez Québec Amérique,de 1986 à 1990, lui fera entre autres découvrir ChristianMistral et Louis Hamelin.« En 1990, c’est l’heure des communications », chantaitJean <strong>Le</strong>clerc-<strong>Le</strong>loup-Massoud Al-Rachid. Pour AndréVanasse, c’est l’heure de l’édition. Née de l’association deGaétan Lévesque avec Maurice Soudeyns, XYZ existedepuis 1985. En plus de XYZ, la revue de la nouvelle,publication trimestrielle, elle lance alors, bon an mal an,trois recueils : « <strong>Le</strong> point d’ancrage de l’associationLévesque-Vanasse, c’est <strong>Le</strong>ttres québécoises. Adrien Thériovoulait que j’en sois le directeur. Gaétan, secrétaire de larevue, est venu me voir. » Solution : Vanasse achète<strong>Le</strong>ttres québécoises et intègre la revue à XYZ. C’est le débutd’une belle collaboration. Si l’un est capable d’assumer unepart du travail de l’autre, chacun excelle dans un domaineparticulier : « Chacun a son champ. Gaétan aime l’ordre,les choses bien faites, les chiffres. Moi, je suis plutôtbohème. Tout ce qui concerne les justifications, lesprospectives, c’est moi. Tout l’aspect financier, c’estGaétan. »La maison passe alors à une vingtaine d’ouvrages publiés,sans compter les 4 numéros des deux revues. En 1995, ons’arrêtera à trente-cinq livres par an, nombre d’or aux diresde Vanasse : « Si on fait plus, il va falloir qu’on augmentele personnel et on est sûrs de faire des déficits. J’ai vu chezQuébec Amérique comment une transformation peutcauser des séismes graves. Je me souviens qu’ils étaient aubord du gouffre lorsqu’ils sont passés de 5-6 personnes à25-30 après le Dictionnaire visuel… ça a brassé dans lacabane. »Si Québec Amérique est aujourd’hui l’un des fleurons del’édition québécoise, les exemples d’entreprises ayant maldigéré une croissance rapide pleuvent. Aussi, bien qu’ilfaille ajouter au portrait d’ensemble de XYZ l’activité éditorialeanglophone, la maison fait sien l’adage « Small isbeautiful »… Établie depuis 1999 en Colombie-Britannique, XYZ Publishing, sous la direction de RhondaBailey, en arrive à environ 35 titres édités et traduits.Par Mathieu SimardL’enjeu repose donc d’abord sur la diffusion. XYZ n’acertes pas le rayonnement dont peuvent bénéficier desjoueurs de premiers plan comme Random House ouHachette. Histoire d’enfoncer le clou, Vanasse rappelle unescène imaginée par Yves Beauchemin pour un numéro deLiberté : « Imaginons une partie de poker entre unAméricain et un Québécois. L’Américain dispose d’un million,le Québécois de cinq cents. Qui va gagner la partie ?<strong>Le</strong> pouvoir d’imposer un auteur, c’est ça ».Ce qui expliquerait qu’un Hamelin (Cowboy, Stock, et Cesspectres agités, Flammarion), qu’un Kokis (Negao et Doralice,<strong>Le</strong> Pavillon des miroirs, De l’Aube), publiés en France, neconnaissent pas les succès d’un certain Yann Martel. « Dansle cas de Yann, il y a eu un moteur [NDLR : et comment !succès public, ManBooker Prize 2002 etHugh Mc<strong>Le</strong>nnan2002], mais après ça,ça s’est mis à rouler àune vitesse de fou.Souvent les gens medemandent combienj’ai mis d’argent pourla publicité du livre :je n’en ai pas mis plusque pour DonaldAlarie (Tu crois que çava durer et Au café ou ailleurs). Sauf pour la campagne depresse : là, j’ai mis le paquet. La seule chose qui fallait queje fasse, c’était veiller à ce que les exemplaires soient toujoursdisponibles. » Chose moins simple qu’il y paraît. <strong>Le</strong>tirage initial moyen de XYZ va de 1000 à 1200 exemplairespour le roman à 500 pour les ouvrages de la collection« Études et documents », dirigée depuis sa créationpar le professeur Simon Harel. Après avoir mesuré l’impactdu succès de Life of Pi, on imprime, peu avant lesvacances de 2003, 12 000 exemplaires de L’Histoire de Pi :« Il a fallu recommencer. Il n’était même pas encore sur lemarché et les demandes étaient passées à 15 000. » <strong>Le</strong>sventes actuelles du livre, avec l’édition de poche parue plustôt cette année, dépassent 100 000 exemplaires. Comptetenu du fait que le territoire français est réservé à l’étiquetteDenoël (Gallimard), il s’agit d’un chiffre monumental.Bénéficiant de retombées commerciales infiniment plusfaibles, la collection « <strong>Le</strong>s Grandes Figures », constituéede biographies romancées, taraude un peu l’éditeur :«C’est une collection qui n’arrête pas de recevoir descompliments, mais les écoles n’ayant pas d’argent, elle nepeuvent acheter. Ça se vend constamment, mais petitement.On réimprime à coups de 500. C’est un peu déprimantparce qu’on devrait en vendre sept fois plus que ça. »Vanasse ne cache pas s’être inspiré de la littératurereligieuse éducative qui fleurissait au Québec avant 1960.La valeur d’édification du sacrifice des saints martyrs canadiensou du courage de Paul de Maisonneuve, abattant les« méchants » Iroquois à la crosse de son pistolet, a toutefoiscédé sa place à l’exposé des vies peu communesd’Émile Nelligan, Gabrielle Roy ou Marshall MacLuhan,éveillant le jeune public à l’histoire de plaisante manière.<strong>Le</strong> directeur des collections « Romanichels » et « Étoilesvariables » s’allume lorsqu’il parle du travail avec lesauteurs : « C’est ça qui est ma vie. Je peux ne pas fairechanger une ligne, je peux faire changer 50% du roman ! C’estma passion ! Quand je vois comment le roman a changé dudébut à la fin, je me dis : on a-tu bien travaillé ! » Et lorsqu’ils’agit de retravailler ses propres œuvres ?«Terrible ! Je me suis planté une fois… [Avenue deLorimier, en 1992, a été mal reçu]. Alors maintenant j’ai deslecteurs sévères. »Mais plutôt que de parler des échecs et des auteurs manqués,Vanasse préfère tabler sur ce qu’il appelle sa« moyenne au bâton » : « Sur 35 livres, on retrouve toujoursautour de 15 nominations à des prix, ce qui n’estquand même pas n’importe quoi ! »XYZ ÉDITEUR1781, rue Saint-HubertMontréal (Québec) H2L 3Z1Tél. : (514) 525-2170Courriel : info@xyzedit.qc.caSite Web : www.xyzedit.qc.caN O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 538


L’Empire des loupsJean-Christophe Grangé, <strong>Le</strong> Livre de Poche, 573 p., 13,95 $Flop au cinéma, L’Empire des loups tient mieux la route sur papier.Quatrième roman de celui qu’on considère comme le « StephenKing français » depuis le succès des Rivières pourpres (tant dans sa versionroman que sur grand écran, celui-là), ce thriller se déroulant àParis garde en haleine le lecteur car Grangé connaît les ficelles dumétier. Ainsi, on lui pardonne certaines extravagances et on embarquedans une enquête où deux ripoux doivent faire la lumière sur unesérie de meurtres ayant eu lieu dans le quartier turc, avec comme toile de fond la manipulationdes cerveaux.La HéronnièreLise Tremblay, Babel, 116 p., 9,95 $Arrivé en librairie en 2003, ce recueil de cinq nouvelles a rapidementfait boule de neige, séduisant lecteurs et médias, en plus des jurys duGrand Prix du Livre de Montréal et des Prix des librairies du Québecet France-Québec/Jean-Hamelin. Bref, La Héronnière, dont l’axe s’inscritdans l’air du temps (l’exode des citadins vers la banlieue, le retourà la terre), décortique avec simplicité, lucidité et beaucoup d’esprit lestensions qu’entraîne sur l’âme humaine le clivage entre ville et campagne.Quand les contraires s’attirent et se repoussent.<strong>Le</strong> Dernier Chasseur de sorcièresJames Morrow, 10/18, coll. Domaine étranger, 680 p., 19,95 $Mélange de conte philosophique, de récit épique et de traité scientifique,<strong>Le</strong> Dernier Chasseur de sorcières est raconté par les Principesmathématiques de philosophie naturelle d’Isaac Newton, qui agit commenarrateur. Au tournant du XVIII e siècle, au Massachusetts, incendiairesfanatiques et premiers scientifiques cohabitent tant bien quemal. Jennet, fille d’un inquisiteur, consacrera sa vie à prouver l’inexistencedu Démon après que sa tante ait été sacrifiée sur le bûcher…On doit impérativement lire Morrow, deux fois lauréat du World Fantasy Award : ceDernier Chasseur… constitue un cocktail baroque de fantaisie et d’érudition.Journal d’une combattanteNaomi Klein, Babel, 337 p., 12,95 $<strong>Le</strong> succès de No Logo a propulsé la journaliste Naomi Klein au firmamentdes reporters alter mondialistes. Journal d’une combattante, paru en 2003,rassemble les textes de chroniques parues dans le Globe and Mail et leNew York Times de 2000 à 2002. L’engagement de George Orwell auprèsdes ouvriers du Sud de l’Angleterre et des miliciens du POUM enCatalogne a transformé un artiste irrésolu en critique implacable du totalitarisme; de semblable manière, le militantisme de Klein, à partir deSeattle, l’a amenée à une compréhension du néolibéralisme, qu’il importe de connaître.Rouge, mère et filsSuzanne Jacob, Boréal Compact, 14,95 $Rouge, mère et fils met en scène Delphine, artiste et professeure, etLuc, son fils, aspirant au doctorat. Au fil de la narration, des fantômessurgiront du passé, et Luc, hanté par un sentiment d’échec,verra sa relation avec Delphine transformée à la lumière des tragiquesévénements qu’on lui avait tus jusque-là… Qualifié de« grand art » (La Presse), ce huis clos familial paru au Seuil en2001 et ayant remporté un bon succès critique et populaire est porté par l’envoûtanteplume de l’auteure de Laura Laur. Du grand art, assurément.La Maîtresse de BrechtJacques-Pierre Amette, <strong>Le</strong> Livre de Poche, 251 p., 11,95 $En 1933, Bertolt Brecht était du nombre des intellectuels et desartistes forcés de fuir une Allemagne à l’aube de l’ère hitlérienne.Quinze ans plus tard, le régime communiste qui tient Berlin-Estfait appel au dramaturge révolutionnaire pour assurer la fondationet la direction d’un théâtre. Maria Eich, une jeune actrice, estchargée par la future Stasi de consigner ses moindres faits etgestes… Fable sur les liens entre l’art et la politique, le roman deJacques-Pierre Amette remportait le prix Goncourt en 2003.Du mercure sous la langueSylvain Trudel, 10/18, coll. Domaine étranger, 128 p., 12,75 $Également écrivain pour la jeunesse, Sylvain Trudel (<strong>Le</strong> Souffle del’Harmattan) devient, avec Du mercure sous la langue, le premierauteur québécois à faire son entrée au catalogue étranger des éditionsfrançaises 10/18. Il s’agit là d’un exploit toutefois prédictible,puisqu’il s’agit d’un des meilleurs romans d’ici publiésdepuis cinq ans. Sans compter que ce court mais très intenserécit décrivant avec lucidité le cancer d’un adolescent de 16 ans a remporté le Prixdes <strong>libraire</strong>s du Québec en 2002, et a été publié aux Allusifs, éditeur montréalaislargement diffusé en France.<strong>Le</strong> Complexe de DiDai Sijie, Folio, 398 p., 14,95 $La carrière de cet auteur français d’origine chinoise a exploséavec Balzac et La Petite Tailleuse chinoise, premier roman largementautobiographique, traduit en 25 langues et porté au cinémapar Sijie, également réalisateur. Mais le conte de fées ne s’arrêtepas là : avec <strong>Le</strong> Complexe de Di, gagnant du Femina 2003, Sijiesigne une aventure rocambolesque et romantique dans laquelleMuo, un Don Quichotte asiatique adepte de Freud, doit s’attirerles faveurs d’un juge impitoyable, Di, pour délivrer sa bien-aimée, emprisonnéedepuis plusieurs années.Un diamant gros comme le RitzFrancis Scott Fitzgerald, Robert Laffont, coll. BibliothèquePavillons, 826 p., 23,95 $D’un côté et de l’autre de l’Atlantique, la génération d’artistes etd’écrivains qui naît dans la décennie qui précède le XX e siècle vivraavec une égale démesure la période qui suit la Grande Guerre. Undiamant gros comme le Ritz regroupe vingt-huit nouvelles de l’auteurde The Great Gatsby. Représentant mieux que quiconque le rythmejazzé des années folles, Francis Scott Fitzgerald, flambeur magnifique, fera fortune enpubliant des histoires où la Lost Generation reconnaîtra à la fois sa vie d’artifices et sonregret d’un bonheur simple.Une vie françaiseJean-Paul Dubois, Points, 416 p., 15,95 $De De Gaulle à Chirac, Une vie française suit sur cinquante ans leshauts et les bas de la vie d’un homme, Paul Blick. Ce récit, s’attachantà la fois aux aléas de la vie quotidienne et aux grandes questionsqui portent sur les choix déterminants de l’existence, par sapeinture parfois franchement loufoque, a su plaire aux inconditionnelsde Dubois tout en rejoignant un plus large lectorat. Kennedy etmoi et Jusque-là tout allait bien en Amérique sont de bons livres. Unevie française, prix Femina 2004, en est un grand.La Constance du jardinierJohn <strong>Le</strong> Carré, Points, 516 p., 15,95 $Si la réalité dépasse la fiction, celle-ci peut parfois en livrer des fragments.L’histoire de Justin Quayle, qui veut savoir pourquoi Tessa, safemme, a été assassinée au Kenya, a fait l’objet d’une adaptation cinématographiqueavec Ralph Fiennes dans le rôle-titre. Pour ce livre, <strong>Le</strong>Carré, père du roman d’espionnage moderne, a enquêté sur lesprocédés des compagnies pharmaceutiques. Selon lui, en comparaisonavec les faits réels, son ouvrage serait « une carte postale ». Diablement percutante !<strong>Le</strong>s Confessions de Jeanne ValoisAntonine Maillet, Bibliothèque québécoise, 348 p., 12,95 $Mère Jeanne de Valois a l’âge de son siècle. Elle a attendu jusqu’en1990 pour coucher sur papier ses mémoires, celles d’une religieuseforte et déterminée, impossible à déraciner de ses convictions.Antonine Maillet, qui connut elle-même la vie des congrégations,s’est emparée d’un formidable professeur d’énergie qui fut son modèlepour créer ce personnage de roman hors du commun, témoin etacteur d’une formidable quête d’accession à la parole. Voici l’Acadievue d’un intérieur, à une époque où elle a trouvé sa voix.N O V E M B R E - D É C E M B R E 2 0 0 539


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le <strong>libraire</strong>Volume 8, numéro <strong>31</strong>,novembre-décembre 2005Ont collaboré à ce numéroLibrairie PantouteLibrairie <strong>Le</strong> FureteurDIRECTIONDirecteur général : Denis <strong>Le</strong>BrunRÉDACTIONRédacteur en chef : Stanley PéanCoordonnatrice-rédactrice : Hélène SimardRédacteur adjoint : Mathieu SimardChroniqueurs : Jocelyn Coulon, Laurent Laplante, Robert Lévesque,Stanley Péan, Antoine TanguayComité : Pascale Raud (Pantoute), Jean Moreau (Clément Morin), Lina <strong>Le</strong>ssard(<strong>Le</strong>s Bouquinistes), Michèle Roy (<strong>Le</strong> Fureteur), Eric Bouchard (Monet)Collaborateurs spéciaux : Simon-Pierre Beaudet, Pierre Blais, Caroline Chabot,Rémy CharestMélanie QuimperChristian VachonJosyane GirardYves GuilletMichèle RoyPRODUCTIONDirectrice : Hélène SimardDirecteur artistique : Antoine TanguayMontage : KX3 Communication inc.Photo (couverture) : Heidi HollingerCorrection et révision linguistique : Yann RoussetAdjointe administrative : Annie MercierLibrairie <strong>Le</strong>s BouquinistesIMPRESSIONPublications Lysar, courtierTirage : 35 000 exemplairesle <strong>libraire</strong> est publié six fois par année (février, avril, juin, septembre, octobre, décembre).Éric SimardMireilleMasson-CassistaPUBLICITÉResponsable : Hélène Simard / (418) 692-5421www.le<strong>libraire</strong>.orgContenu intégral, textes inédits et actualité littéraireLibrairie Clément MorinJacynthe DallaireSophieGagnon-BergeronMarie-Belle GirardÉdimestre : Mathieu Simard / matsimard@le<strong>libraire</strong>.orgWebmestre : Daniel Grenier / webmestre@le<strong>libraire</strong>.orgUne réalisation des librairies Pantoute (Québec), Clément Morin (Trois-Rivières), <strong>Le</strong>sBouquinistes (Chicoutimi), <strong>Le</strong> Fureteur (Saint-Lambert) et Monet (Montréal).Une production de l’Association pour la promotion de la librairie indépendante (APPLI).Tous droits réservés.Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle n’estautorisée sans l’assentiment écrit de l’éditeur. <strong>Le</strong>s opinions et les idées exprimées dansle <strong>libraire</strong> n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.Sandra BelleyKatia CourteauLina <strong>Le</strong>ssardLaval MartelJosianeRiverin-CoutléeFondé en 1998 / Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec / Bibliothèque nationaledu Canada / ISSN 1481-6342 / Envoi de postes-publications 40034260le <strong>libraire</strong> est subventionné par le Conseil des Arts du Canada et la SODEC / le <strong>libraire</strong>reconnaît l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour ce projet.Librairie MonetGeneviève DésiletsJean MoreauEric BouchardFrançois BoutinSusane Duchesnele <strong>libraire</strong>Dans le prochain numéro :LE CONTE AU QUÉBEC :D’HIER À AUJOURD’HUIFRED PELLERIN, LIBRAIRE D’UN JOURLE HOCKEY : PLUS QU’UN SPORT DE SALON !Nouveaux contes de chez-nous, BQ, ill. de couvertureJohanneVadeboncœurJournal le <strong>libraire</strong>Louise VigneaultMathieu ForgetAlice LienardÉric LacasseBD : DESSINE-MOI UN ROMANCONCOURS « LES 30 ROMANS DEL’AUTOMNE»: LES GAGNANTS !Denis <strong>Le</strong>BrunAnnie MercierCathy LucasClaude LussierRectifions…Brigitte MoreauEn librairie dans la semainedu 12 décembreCOUP DE CŒUR ? COUP DE GUEULE ?Journal le <strong>libraire</strong> a/s Courrier des lecteurs286, rue Saint-Joseph Est, Québec (Québec) G1K 3A9Seules les lettres signées et accompagnées de vos coordonnées,qui resteront confidentielles, seront retenues.Notez que le <strong>libraire</strong> se réserve le droit d’abréger les commentaires trop longs.Stanley PéanMathieu SimardHélène SimardAntoine TanguayJean-PhilippePayetteEn page 37 (Marie Hélène Poitras : Beautés malmenées),nous aurions dû lire sous la photoMarie Hélène Poitras, et non MélanieVincelette. Nos excuses à l’auteure de Soudain leMinotaure et de La Mort de Mignonne et autres histoires,de même qu’à son éditeur, Triptyque.En page 10 (À l’agenda), une erreur s’est glisséedans l’adresse électronique du Réseau des bibliothèquesde la ville de Québec : on doit taperwww.bibliothequesdequebec.qc.caEn page 49 (Devenir centenaire pour les jeunes), lenom de Louise-Andrée Laliberté, illustratricede la série « Noémie », a été oublié. Nos excusesà l’artiste.

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