Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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3.1.3 Les sources satyriques : le Roman de Fauvel et les Carmina BuranaLes manuscrits Paris, BnF, fr. 146 et Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm4660, sont des sources exceptionnelles par leur célébrité et l’originalité de leur contenu.Toutes deux proviennent d’époques ou de lieux géographiques déconnectés de Notre-Dame. Ce sont deux collections dont la mise en forme et les ambitions sont trèssensiblement différentes. Elles ont en commun de rapporter un nombre significatif decompositions de Philippe le Chancelier. Bien postérieures à la création, elles nousinforment autant qu’elles nous interrogent sur la transmission et la réception de cescompositions. Le tableau 8 donne les incipit des compositions attribuées à Philippe leChancelier que l’on trouve dans ces deux manuscrits :Tableau 8Liste des compositions de Philippe le Chancelier dans CB et FauvelCarmina BuranaF°2: Veritas veritatemF°3 : Ad cor tuum revertereF°3: Bonum est confidereF°54 : Dic christi veritasF°54 : Bulla fulminanteF°83 : Aristippe quamvis seroRoman de FauvelF°1 : Mundus a mundiciaF°4v : Vanitas vanitatumF°6 : Christus assistens pontifexF°6 : Quo me vertam nescioF°6v : Ve mundo a scandalisF°7v : Rex et sacerdos prefuitF°11 : O labilis sortisF°14 : Inter membra singulaF°21 : Quid ultra tibi facereF°22 : Veritas equitasF°29 : Aristippe quamvis sero (partiel)F°29 : Fauvel cogitaF°29v : Fauvel qui iam morerisF°32 : Quomodo cantabimusDe provenance autrichienne, la collection des Carmina Burana assemble destextes et parfois les neumes de chansons latines et conduits de provenances, époques,langues et sujets divers. La composition du manuscrit date de la fin du XIII e siècle etsemble être le fait de vagantes, ces moines errants aux mœurs estudiantines aussi88

nommés « goliards ». Six conduits attribués à Philippe le Chancelier s’y trouventnotés 193 .L’origine et la composition du manuscrit du Roman de Fauvel sont plusclaires 194 . Cette œuvre littéraire satirique est farcie de multiples illustrations musicalesdans l’une de ses versions manuscrites (Paris, BnF, fr. 146), remaniée semble-t-il parRaoul Chaillou du Pestain, assisté de Philippe de Vitry pour les additions musicalesdans le premier quart du XIV e siècle. Ces dernières constituent une sélection decompositions allant de la musique de Notre-Dame aux motets les plus récents aumoment de la confection du manuscrit, soit presque un siècle et demi de musique,d’environ 1170 jusqu’à 1316. Les conduits empruntés à Philippe le Chancelier y sontparfois remaniés, dans le texte (changement de mots pour réactualiser le texte, ajout ousuppression de strophes) ou dans la mélodie (réécriture, remploi d’un conduit pour faireune voix de motet).Ces sources participent toutes deux de l’univers de la satire religieuse etpolitique et indiquent que le corpus de Philippe trouve sa place dans ce mouvementlittéraire contestataire. Cet aspect de la poésie latine semble être l’œuvre de clercs enmarge de la société, dont les textes subversifs dénoncent les imperfections. Les CarminaBurana relient le nom de Philippe le Chancelier à l’étrange famille des goliards. LeRoman de Fauvel présente une parodie sans concession du pouvoir et du clergé, incarnépar l’âne Fauvel. Comment imaginer que certains textes du Chancelier, provenant del’antre même du pouvoir de l’Église, la cathédrale Notre-Dame, se trouvent rapidementmêlés à ces anthologies « rebelles » ?L’objet de la poésie goliardique est difficile à cerner : des poèmes louantl’amour libre et la boisson côtoient des satires sévères de la dépravation des mœurs 195 .Le milieu social de ces poètes est assez imprécis, probablement en raison de sa diversité.Traditionnellement, les « goliards » sont décrits comme des moines errants d’un faible193 David A. TRAILL étudie la possibilité d’élargir ce nombre en considérant un groupe de textes portantles caractéristiques du style de Philippe le Chancelier dans les Carmina Burana. Voir « A Cluster ofPoems by Philip the Chancellor in Carmina Burana 21-36 », Studi Medievali, 3e Serie, fasc.1, XLVII(2006), p. 267-285.194 L’édition en fac-similé a été réalisée par Edward H. ROESNER, François AVRIL et Nancy FreemanREGALADO, Le Roman de Fauvel in the Edition of Mesire Chaillou de Pesstain : A Reproduction inFacsimile of the Complete Manuscript, Paris, Bibliothèque National, Fonds Français 146, New York,1990. Voir aussi Fauvel Studies, Allegory, Chronicle, Music and Image in Paris, BibliothèqueNationale de France, MS français 146, éd. Margaret BENT et Andrew WATHEY, Oxford, 1998.195 Olga DOBIACHE-ROJDESVENSKY, Les poésies des goliards, Paris, 1931, réimp. Montréal, 1984. Pour lapoésie morale, voir Tuomas M. LEHTONEN, Fortuna, Money and the Sublunar World : Ttwelfth-Century Ethical Poetics and the Satirical Poetry of the « Carmina Burana », Helsinky, 1995.89

nommés « goliards ». Six conduits attribués à <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> s’y trouventnotés 193 .L’origine <strong>et</strong> la composition du manuscrit du Roman de Fauvel <strong>son</strong>t plusclaires 194 . C<strong>et</strong>te œuvre littéraire satirique est farcie de multip<strong>le</strong>s illustrations musica<strong>le</strong>sdans l’une de ses versions manuscrites (Paris, BnF, fr. 146), remaniée semb<strong>le</strong>-t-il parRaoul Chaillou du Pestain, assisté de <strong>Philippe</strong> de Vitry pour <strong>le</strong>s additions musica<strong>le</strong>sdans <strong>le</strong> premier quart du XIV e sièc<strong>le</strong>. Ces dernières constituent une sé<strong>le</strong>ction decompositions allant de la musique de Notre-Dame aux mot<strong>et</strong>s <strong>le</strong>s plus récents aumoment de la confection du manuscrit, soit presque un sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> demi de musique,d’environ 1170 jusqu’à 1316. Les conduits empruntés à <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> y <strong>son</strong>tparfois remaniés, dans <strong>le</strong> texte (changement de mots pour réactualiser <strong>le</strong> texte, ajout ousuppression de strophes) ou dans la mélodie (réécriture, remploi d’un conduit pour faireune voix de mot<strong>et</strong>).Ces sources participent toutes deux de l’univers de la satire religieuse <strong>et</strong>politique <strong>et</strong> indiquent que <strong>le</strong> corpus de <strong>Philippe</strong> trouve sa place dans ce mouvementlittéraire contestataire. C<strong>et</strong> aspect de la poésie latine semb<strong>le</strong> être l’œuvre de c<strong>le</strong>rcs enmarge de la société, dont <strong>le</strong>s textes subversifs dénoncent <strong>le</strong>s imperfections. Les CarminaBurana relient <strong>le</strong> nom de <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> à l’étrange famil<strong>le</strong> des goliards. LeRoman de Fauvel présente une parodie sans concession du pouvoir <strong>et</strong> du c<strong>le</strong>rgé, incarnépar l’âne Fauvel. Comment imaginer que certains textes du <strong>Chancelier</strong>, provenant del’antre même du pouvoir de l’Église, la cathédra<strong>le</strong> Notre-Dame, se trouvent rapidementmêlés à ces anthologies « rebel<strong>le</strong>s » ?L’obj<strong>et</strong> de la poésie goliardique est diffici<strong>le</strong> à cerner : des poèmes louantl’amour libre <strong>et</strong> la bois<strong>son</strong> côtoient des satires sévères de la dépravation des mœurs 195 .Le milieu social de ces poètes est assez imprécis, probab<strong>le</strong>ment en rai<strong>son</strong> de sa diversité.Traditionnel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s « goliards » <strong>son</strong>t décrits comme des moines errants d’un faib<strong>le</strong>193 David A. TRAILL étudie la possibilité d’élargir ce nombre en considérant un groupe de textes portant<strong>le</strong>s caractéristiques du sty<strong>le</strong> de <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> dans <strong>le</strong>s Carmina Burana. Voir « A Cluster ofPoems by Philip the Chancellor in Carmina Burana 21-36 », Studi Medievali, 3e Serie, fasc.1, XLVII(2006), p. 267-285.194 L’édition en fac-similé a été réalisée par Edward H. ROESNER, François AVRIL <strong>et</strong> Nancy FreemanREGALADO, Le Roman de Fauvel in the Edition of Mesire Chaillou de Pesstain : A Reproduction inFacsimi<strong>le</strong> of the Comp<strong>le</strong>te Manuscript, Paris, Bibliothèque National, Fonds Français 146, New York,1990. Voir aussi Fauvel Studies, Al<strong>le</strong>gory, Chronic<strong>le</strong>, Music and Image in Paris, BibliothèqueNationa<strong>le</strong> de France, MS français 146, éd. Margar<strong>et</strong> BENT <strong>et</strong> Andrew WATHEY, Oxford, 1998.195 Olga DOBIACHE-ROJDESVENSKY, Les poésies des goliards, Paris, 1931, réimp. Montréal, 1984. Pour lapoésie mora<strong>le</strong>, voir Tuomas M. LEHTONEN, Fortuna, Money and the Sublunar World : Ttwelfth-Century Ethical Po<strong>et</strong>ics and the Satirical Po<strong>et</strong>ry of the « Carmina Burana », Helsinky, 1995.89

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