Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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Malgré ces incertitudes, ces trois sources laissent du corpus poético-musical duChancelier une image suffisamment solide pour que les musicologues aient cherché àétendre le nombre de ces œuvres en raisonnant par comparaison. Notre étude ne tiendrapas compte de toutes les propositions modernes. Elle n’aura pas non plus pour objectifd’en allonger la liste. Si ces manuscrits sont importants pour délimiter le corpus, ils nesont pas les sources les plus anciennes que l’on connaisse. Ils ne sont pas non plus lesplus complets et ne sont pas considérés comme des sources « centrales ».3.1.2 Les sources de Notre-DameL’importance historique de Notre-Dame et l’attractivité de Paris entre la fin duXII e et la première moitié du XIII e siècle ont largement contribué à faire de la cathédraleun centre de la création musicale. Ainsi, le terme d’« école de Notre-Dame » a étéappliqué à l’ensemble de la production musicale découverte dans les sources« centrales » de ce répertoire. La cathédrale, dont les célébrations sont augmentées etornées de nouvelles pièces composées pour son usage propre, est le creuset d’unrépertoire dit « central » qui se diffuse peu à peu vers des lieux « périphériques ». Cettevision de la création musicale ne se trompe pas sur l’importance et lele d’initiateurqu’ont pu jouer Notre-Dame et ses églises vassales dans l’élaboration de nouvellescompositions, mais elle se méprend en arrogeant à la cathédrale le monopole del’invention et de la pratique de la polyphonie mesurée. Cette interprétation du répertoirese fonde principalement sur la lecture des sources « centrales », en lesquelles ondécouvre les restes du Magnus liber organi. Le désir de reconstituer les différentesparties de ce codex à partir des sources qui nous sont parvenues a occupé une grandepart du travail des musicologues sur la période. Pourtant, ces mêmes sources sont loinde ne rapporter que des compositions provenant de Paris 188 .Comme bien souvent pour le Moyen-Âge, ces sources et leur fabrication sontpostérieures d’une génération à la création et la pratique originale des organa et autresgenres musicaux, ce qui montre qu’elles ne sont pas à considérer comme un outilpratique, lu au moment de l’interprétation. Cela implique que la performance des188 Voir Nicky LOSSEFF, The Best Concord: Polyphonic Music in Thirteenth-Century Britain, New York-Londres, 1994.82

compositions se faisait de mémoire, selon des modalités que l’on commence tout juste àcomprendre 189 . Le passage à l’écrit ne nous dit donc pas forcément ce qu’il en a été dansla pratique. Les collecteurs et les copistes des manuscrits sont donc tributairesd’impératifs et d’exigences différents des préoccupations de ceux qui ont inventé etchanté cette musique.Le corpus de Philippe le Chancelier est particulièrement bien représenté dansles sources que l’on relie à la création musicale de Notre-Dame, les deux célèbresmanuscrits de Wolfenbüttel W1 (Wolfenbüttel, Herzog-August-Bibliothek, 628) et W2(Wolfenbüttel, Herzog-August-Bibliothek, 1099) ainsi que le manuscrit de Florence(Florence, Biblioteca Laurenziana, Pluteus 29.1) et en moindre mesure celui de Madrid,Ma (Madrid, Biblioteca Nacional, 20486). Ces sources font l’objet d’une longuelittérature, le désir des musicologues étant souvent de comprendre en quelle mesure cesmanuscrits et quelques autres reprenaient le Magnus Liber Organi cité par l’AnonymeIV 190 . Le tableau 5 dresse la liste des compositions attribuées à Philippe le Chancelieren signalant les occurrences et concordances dans les sources de Notre-Dame :Tableau 5Le corpus de Philippe le Chancelier dans les sources de Notre-DameIncipit Description des compositions F W1 W2 MaAd cor tuum revertere Conduit monodique 10 191Adesse festina / ADIUVA ME DOMINE Prosule 8 2Agmina milicie / AGMINA Motet 8 7Associa tecum in patria / SANCTE GERMANE Prosule 10189 Anna Maria BUSSE BERGER, Medieval Music and the Art of Memory, Berkeley-Los Angeles-Londres,2005 ; Guillaume Gross, Chanter en polyphonie à Notre-Dame de Paris au 12 e et 13 e siècle, Turnhout2008 et du même auteur « L’Organum à Notre-Dame de Paris. Étude sur les modes d’élaboration d’ungenre musical », 2 vol., thèse soutenue en 2004 à l’université François-Rabelais de Tours. On peutégalement consulter « Le color dans la théorie musicale au XIIIe siècle : implications et enjeux », LesEnjeux de la traduction, n°1, Tours, 2003, p. 35-58 ainsi que « Organum at Notre-Dame in the Twelfthand Thirteenth Centuries : Rhetoric in Words and Music », Plainsong and Medieval Music, XV/2(2006), p. 87-108.190 Littérature sur les sources : Mark EVERIST, Polyphonic Music in Thirteenth-Century France: Aspectsof Sources and Distribution, New York-Londres, 1989. F : Rebecca BALTZER, « Thirteenth CenturyIlluminated Manuscripts and the Date of the Florence Manuscript », JAMS, XXV (1972), p. 1-18,Barbara HAGGH et Michel HUGLO, « Magnus liber – Maius munus, origine et destinée du manuscritF », Revue de Musicologie, XC/2 (2004), p. 193-230. W1 : Jacques HANDSCHIN, « A Monument ofEnglish Mediaeval Polyphony, the Manuscript Wolfenbüttel 677 (Helmst. 628) », Musical Times,(1932), p. 510-513, (1933), p. 697-708 ; Edward H. ROESNER, « The Origins of W1 », JAMS, XXIX(1976), p. 337-380.191 Les chiffres indiquent le numéro du fascicule concerné.83

Malgré ces incertitudes, ces trois sources laissent du corpus poético-musical du<strong>Chancelier</strong> une image suffisamment solide pour que <strong>le</strong>s musicologues aient cherché àétendre <strong>le</strong> nombre de ces œuvres en rai<strong>son</strong>nant par comparai<strong>son</strong>. Notre étude ne tiendrapas compte de toutes <strong>le</strong>s propositions modernes. El<strong>le</strong> n’aura pas non plus pour objectifd’en allonger la liste. Si ces manuscrits <strong>son</strong>t importants pour délimiter <strong>le</strong> corpus, ils ne<strong>son</strong>t pas <strong>le</strong>s sources <strong>le</strong>s plus anciennes que l’on connaisse. Ils ne <strong>son</strong>t pas non plus <strong>le</strong>splus comp<strong>le</strong>ts <strong>et</strong> ne <strong>son</strong>t pas considérés comme des sources « centra<strong>le</strong>s ».3.1.2 Les sources de Notre-DameL’importance historique de Notre-Dame <strong>et</strong> l’attractivité de Paris entre la fin duXII e <strong>et</strong> la première moitié du XIII e sièc<strong>le</strong> ont largement contribué à faire de la cathédra<strong>le</strong>un centre de la création musica<strong>le</strong>. Ainsi, <strong>le</strong> terme d’« éco<strong>le</strong> de Notre-Dame » a étéappliqué à l’ensemb<strong>le</strong> de la production musica<strong>le</strong> découverte dans <strong>le</strong>s sources« centra<strong>le</strong>s » de ce répertoire. La cathédra<strong>le</strong>, dont <strong>le</strong>s célébrations <strong>son</strong>t augmentées <strong>et</strong>ornées de nouvel<strong>le</strong>s pièces composées pour <strong>son</strong> usage propre, est <strong>le</strong> creus<strong>et</strong> d’unrépertoire dit « central » qui se diffuse peu à peu vers des lieux « périphériques ». C<strong>et</strong>tevision de la création musica<strong>le</strong> ne se trompe pas <strong>sur</strong> l’importance <strong>et</strong> <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’initiateurqu’ont pu jouer Notre-Dame <strong>et</strong> ses églises vassa<strong>le</strong>s dans l’élaboration de nouvel<strong>le</strong>scompositions, mais el<strong>le</strong> se méprend en arrogeant à la cathédra<strong>le</strong> <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong> del’invention <strong>et</strong> de la pratique de la polyphonie me<strong>sur</strong>ée. C<strong>et</strong>te interprétation du répertoirese fonde principa<strong>le</strong>ment <strong>sur</strong> la <strong>le</strong>cture des sources « centra<strong>le</strong>s », en <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ondécouvre <strong>le</strong>s restes du Magnus liber organi. Le désir de reconstituer <strong>le</strong>s différentesparties de ce codex à partir des sources qui nous <strong>son</strong>t parvenues a occupé une grandepart du travail des musicologues <strong>sur</strong> la période. Pourtant, ces mêmes sources <strong>son</strong>t loinde ne rapporter que des compositions provenant de Paris 188 .Comme bien souvent pour <strong>le</strong> Moyen-Âge, ces sources <strong>et</strong> <strong>le</strong>ur fabrication <strong>son</strong>tpostérieures d’une génération à la création <strong>et</strong> la pratique origina<strong>le</strong> des organa <strong>et</strong> autresgenres musicaux, ce qui montre qu’el<strong>le</strong>s ne <strong>son</strong>t pas à considérer comme un outilpratique, lu au moment de l’interprétation. Cela implique que la performance des188 Voir Nicky LOSSEFF, The Best Concord: Polyphonic Music in Thirteenth-Century Britain, New York-Londres, 1994.82

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