Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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antérieures, n’apparaît plus de manière évidente à Notre-Dame. Les formes mélodiqueset poétiques et surtout les sujets des textes se sont renouvelés et diversifiés. Il n’y a doncpas de continuité historique qui permette de suivre une évolution du conduit de Saint-Martial aux autres centres de création musicale parmi lesquels Paris et sa cathédralesont les plus emblématiques. C’est d’ailleurs ce qui détermine l’organisation endifférentes époques des quelques études générales qui tentent de dresser l’histoire dugenre 163 . Pour chaque époque, il faut donc reformuler la définition du conduit ce quiquestionne quant à la continuité du « genre » d’une époque ou d’un centre à l’autre 164 .Comment rendre la cohérence des conduits, même si l’on n’observe que ceuxdes sources du XIII e siècle, si le concept du genre n’y aide pas ? Eduard Gröninger aélaboré la première étude systématique des conduits polyphoniques 165 . Sa descriptioncherche à ordonner le corpus tel qui est donné par les sources. Les critères musicauxutilisés sont la présence ou l’absence de cauda, le nombre des voix, la forme strophiqueou durchkomponiert. Ces éléments de description de la forme musicale sont depuisutilisés et constituent un fonds méthodologique admis. Le catalogue qu’il propose faitétat des concordances entre les manuscrits pour chaque conduit polyphonique. L’étudede ces concordances pour déterminer l’ancienneté des sources et l’évolution des piècesest un élément central de sa recherche 166 . Bien des années plus tard, l’ouvrage de RobertFalck s’annonce comme une synthèse et une poursuite de la présentation du répertoiredes conduits commencée par Eduard Gröningen 167 . L’auteur élargit le travail auxconduits monodiques et à d’autres compositions que son prédécesseur n’avait pas prisesen compte. Il traite d’un corpus immense de 390 compositions. Son étude procède par laclassification selon le nombre des voix et selon les sources et leurs concordances. Lesgroupes ainsi formés et hiérarchisés s’articulent autour de l’activité de la cathédrale deParis. Le répertoire des conduits se trouve redéfini en termes de « centre » et« périphérie », selon la provenance géographique déduite de la représentation dans les163 Leonard ELLINWOOD, « The Conductus », The Musical Quarterly, XXVII/2 (1941), p. 165-204.164 La question est soulevée par Wulf ARLT, Ein Festoffizium des Mittelalters aus Beauvais, Cologne,1970, p. 206 : « Indes erfuhr der Conductus in jenem Repertoire eine entscheidende Neubestimmung,die es notwendig macht, den alten Conductus des zwölften Jahrhunderts von demjenigen des Notre-Dame-Repertoires streng zu sondern, sofern es und die Frage nach der Gattung geht. »165 Eduard GRÖNINGER, Repertoire-Untersuchungen zum mehrstimmigen Notre-Dame Conductus,Regensburg 1939.166 Voir aussi Jacques HANDSCHIN, « Conductus-Spicilegien », Archiv für Musikwissenschaft, IX/2 (1952),p. 101-119.167 Robert FALCK, The Notre Dame Conductus : A Study of the Repertory, Henryville-Ottawa-Biningen,1981.72

sources 168 . La démarche de Nicky Losseff est délibérément critique à l’égard de cettevision du répertoire des conduits polyphoniques 169 . Il démontre la fragilité du conceptd’« école de Notre-Dame », surtout lorsqu’il est utilisé pour désigner l’immensequantité et la diversité géographique des conduits. Il propose de remplacer le terme deNotre Dame conductus par celui de common conductus. Ce qui apparaît comme« périphérique » pour Robert Falck est, surtout si l’on considère le répertoirespécifiquement anglais, le résultat d’une pratique tout aussi active et originale qu’à Paris.Le travail purement analytique sur le répertoire des conduits est assez peudéveloppé. Les théoriciens nous aident peu à comprendre la composition des conduits,tant leurs indications sont imprécises et lexicalement très fluctuantes 170 . Certainesanalyses ont cependant été proposées, sans qu’il existe de travail de synthèse sur le sujet.La polyphonie et la monodie sont généralement étudiées séparément. Il faut signalerqu’une très grosse majorité des études est consacrée à la première. La relation entre lesvoix de la polyphonie est un matériau musical aussi riche à analyser que celui desorgana. L’observation des consonances, des échanges entre les voix et du travailmotivique permet de montrer l’importance du travail des compositeurs 171 .L’analyse de la monodie est moins aisée, car les procédés musicaux sont moinsnombreux et spectaculaires que dans la polyphonie. Par le passé, cette monodie difficileà cerner dans le cadre de Notre-Dame et de l’idée que l’on se fait de la virtuosité desconstructions polyphoniques a davantage été mise en regard avec les autres productionslyriques à une voix, contemporaines ou antérieures. Les musicologues et latinistes desannées 1930 cherchent en effet dans les autres genres contemporains les meilleurspoints de comparaison pour parvenir à ordonner cet ensemble d’une si grande variété.C’est donc avec la chanson vernaculaire que le conduit présente les similitudes168 Robert FALCK, op. cit., p. 9 : « “Central” always means Paris or, more specifically, the Magnus liber,which is considered “more central”. “Peripheral” is any tradition which points away from theMagnus liber and Paris. It must be pointed out that “peripheral” is not synonymous with “late”, andtherefore “derivation”. » La distinction entre « central » et « périphérique » pour comprendre unrépertoire est amplement discutée dans „Peripherie“ und „Zentrum“ in der Geschichte der ein- undmehrstimmigen Musik des 12. bis 14. Jahrhunderts, Bericht über den InternationalenMusikwissenschaftlichen Kongress Berlin 1974, éd. Helmut KÜHN et Peter NITSCHE, Kassel, 1980.169 Nicky LOSSEFF, The Best Concord: Polyphonic Music in Thirteenth-Century Britain, New York-Londres, 1994.170 Fred FLINDELL, « Conductus in the Later Ars Antiqua », In Memoriam G A Anderson, vol. 1,Henryville-Ottawa-Binnigen, 1984, p. 131-204.171 Roswitha STELZLE, Der musikalische Satz des Notre-Dame Conductus, Tutling, 1988 ; Wulf ARLT,« Denken in Tönen und Strukturen : Komponieren im Kontext Perotins », Musik-Konzepte, 107 (2000),p. 53-100 ; Wolfgang RATHERT, et Andreas TRAUB, « Veris floris sub figura - Flos de spinaprocreatur, Zwei Notre Dame-Conductus », Mittellateinische Jahrbuch, XIX (1984), p. 191-210.73

sources 168 . La démarche de Nicky Losseff est délibérément critique à l’égard de c<strong>et</strong>tevision du répertoire des conduits polyphoniques 169 . Il démontre la fragilité du conceptd’« éco<strong>le</strong> de Notre-Dame », <strong>sur</strong>tout lorsqu’il est utilisé pour désigner l’immensequantité <strong>et</strong> la diversité géographique des conduits. Il propose de remplacer <strong>le</strong> terme deNotre Dame conductus par celui de common conductus. Ce qui apparaît comme« périphérique » pour Robert Falck est, <strong>sur</strong>tout si l’on considère <strong>le</strong> répertoirespécifiquement anglais, <strong>le</strong> résultat d’une pratique tout aussi active <strong>et</strong> origina<strong>le</strong> qu’à Paris.Le travail purement analytique <strong>sur</strong> <strong>le</strong> répertoire des conduits est assez peudéveloppé. Les théoriciens nous aident peu à comprendre la composition des conduits,tant <strong>le</strong>urs indications <strong>son</strong>t imprécises <strong>et</strong> <strong>le</strong>xica<strong>le</strong>ment très fluctuantes 170 . Certainesanalyses ont cependant été proposées, sans qu’il existe de travail de synthèse <strong>sur</strong> <strong>le</strong> suj<strong>et</strong>.La polyphonie <strong>et</strong> la monodie <strong>son</strong>t généra<strong>le</strong>ment étudiées séparément. Il faut signa<strong>le</strong>rqu’une très grosse majorité des études est consacrée à la première. La relation entre <strong>le</strong>svoix de la polyphonie est un matériau musical aussi riche à analyser que celui desorgana. L’observation des con<strong>son</strong>ances, des échanges entre <strong>le</strong>s voix <strong>et</strong> du travailmotivique perm<strong>et</strong> de montrer l’importance du travail des compositeurs 171 .L’analyse de la monodie est moins aisée, car <strong>le</strong>s procédés musicaux <strong>son</strong>t moinsnombreux <strong>et</strong> spectaculaires que dans la polyphonie. Par <strong>le</strong> passé, c<strong>et</strong>te monodie diffici<strong>le</strong>à cerner dans <strong>le</strong> cadre de Notre-Dame <strong>et</strong> de l’idée que l’on se fait de la virtuosité desconstructions polyphoniques a davantage été mise en regard avec <strong>le</strong>s autres productionslyriques à une voix, contemporaines ou antérieures. Les musicologues <strong>et</strong> latinistes desannées 1930 cherchent en eff<strong>et</strong> dans <strong>le</strong>s autres genres contemporains <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urspoints de comparai<strong>son</strong> pour parvenir à ordonner c<strong>et</strong> ensemb<strong>le</strong> d’une si grande variété.C’est donc avec la chan<strong>son</strong> vernaculaire que <strong>le</strong> conduit présente <strong>le</strong>s similitudes168 Robert FALCK, op. cit., p. 9 : « “Central” always means Paris or, more specifically, the Magnus liber,which is considered “more central”. “Peripheral” is any tradition which points away from theMagnus liber and Paris. It must be pointed out that “peripheral” is not synonymous with “late”, andtherefore “derivation”. » La distinction entre « central » <strong>et</strong> « périphérique » pour comprendre unrépertoire est amp<strong>le</strong>ment discutée dans „Peripherie“ und „Zentrum“ in der Geschichte der ein- undmehrstimmigen Musik des 12. bis 14. Jahrhunderts, Bericht über den Internationa<strong>le</strong>nMusikwissenschaftlichen Kongress Berlin 1974, éd. Helmut KÜHN <strong>et</strong> P<strong>et</strong>er NITSCHE, Kassel, 1980.169 Nicky LOSSEFF, The Best Concord: Polyphonic Music in Thirteenth-Century Britain, New York-Londres, 1994.170 Fred FLINDELL, « Conductus in the Later Ars Antiqua », In Memoriam G A Ander<strong>son</strong>, vol. 1,Henryvil<strong>le</strong>-Ottawa-Binnigen, 1984, p. 131-204.171 Roswitha STELZLE, Der musikalische Satz des Notre-Dame Conductus, Tutling, 1988 ; Wulf ARLT,« Denken in Tönen und Strukturen : Komponieren im Kontext Perotins », Musik-Konzepte, 107 (2000),p. 53-100 ; Wolfgang RATHERT, <strong>et</strong> Andreas TRAUB, « Veris floris sub figura - Flos de spinaprocreatur, Zwei Notre Dame-Conductus », Mittellateinische Jahrbuch, XIX (1984), p. 191-210.73

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