Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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présentent une évolution moindre que leurs cousins polyphoniques, dans lesquelsl’apparition du rythme mesuré est une avancée spectaculaire. Pour cette raison, lamonodie est qualifiée de « conservatrice » et « conventionnelle » 155 . Les conclusions decette démonstration sont à nouveau exposées dans un article reprenant ces analyses desconduits monodiques 156 . Dans ce dernier, il se dit conscient de la prudence avec laquelleil faut considérer les résultats de ses observations. La postériorité des sources parrapport aux œuvres ainsi que les variations de l’une à l’autre doivent toujours rappelercombien mobile et fragile est le matériau sur lequel nous travaillons. Mais d’autresremarques peuvent être ajoutées à celle-ci pour inciter à la prudence. En effet, ThomasB. Payne ne discute pas de la valeur d’échantillon représentatif des compositions« datables » sur lesquelles il travaille. Leur caractère circonstanciel ne les différencie-tilpas des autres ? Sont-elles les mieux placées pour révéler une évolution stylistique ?Enfin, l’hypothèse d’une évolution stylistique admet sans la discuter une conceptionlinéaire en terme de progrès qui va du plus simple vers le plus élaboré, alors que, mêmesur les œuvres observées, on constate que plusieurs manières de faire peuvent coexister.Le chapitre suivant de la thèse est consacré aux prosules d’organa et deconduits. Ces pièces sont peu nombreuses : trois prosules de conduits et cinq à partir defragments d’organa. Cette rareté n’empêche pas Thomas Payne de s’interroger sur laclassification de ces pièces comme un genre à part entière et conscient de sesparticularités. Le problème ne semble pas avoir embarrassé les collecteurs médiévauxdans les manuscrits. Ils n’ont pas su, ou du moins n’ont pas cherché à les différencierdes compositions aux techniques d’élaboration similaires. Les prosules sont mêléesindifféremment aux motets ou aux conduits, selon les cas. Les théoriciens ont ignoré leproblème et ne font pas mention d’un tel « genre ». Thomas Payne montre cependantque certaines sources (W2, fascicule 8, et Prague) semblent délibérément avoirassemblé les rares prosules existantes. En raison de cela, elles sont à considérer commeun genre qui apparaît en même temps que le motet, utilisant des savoir-faire semblables(pourvoir une polyphonie existante d’un nouveau texte). La supériorité du motet en155 Thomas B. PAYNE, Poetry, Politics and Polyphony..., p. 203 : « All of the observations of musical styleoffered here imply that the monophonic conductus repertory is essentially a more conservative andconventional genre when compared to the polyphonic. »156 Thomas B. PAYNE, « Datable Notre Dame Conductus : New Observations on Style and Technique »,Current Musicology, LXIV (2001), p. 104-151.68

terme de possibilités créatrices expliquerait la disparition prématurée de ce genre 157 .Philippe le Chancelier est donc partie prenante de ce laboratoire de la création musicale,au moment où s’élaborent les premiers motets, mais aussi d’autres expérimentationssimilaires.L’analyse des prosules qui suit cette interrogation sur l’existence d’un genredonne des éléments importants pour comprendre l’originalité de ces prosules par rapportaux compositions antérieures qui peuvent s’en approcher. Thomas Payne insiste, trèsjustement, sur l’importance de la formation intellectuelle cléricale et universitaire dansla mise en œuvre de telles pratiques compositionnelles. Le texte ajouté fonctionnecomme une « glose » ou un commentaire de la polyphonie préexistante 158 . Ce sont, iciencore, la préoccupation chronologique et les hypothèses de datation qui prennent ledessus. Le but de Thomas Payne est de se servir de la datation des prosules, comprisescomme des essais de motets, pour apporter de nouveaux éléments et des précisionschronologiques à l’histoire de l’émergence du motet 159 .L’étude se poursuit par l’analyse conséquente (en réalité la moitié du volume)des motets. Toujours par souci de situer le corpus de Philippe le Chancelier dans uneperspective historique, Thomas Payne met en valeur l’aspect novateur de l’ensemble desmotets pour faire de leur auteur l’un des créateurs du genre. Seuls sept motets sontattribués à Philippe dans les sources. Mais en considérant les motets anonymescontemporains sur des bases stylistiques et littéraires, Thomas Payne parvient à ajouter27 compositions au corpus attesté par les sources. L’analyse détaillée de ce corpus meten évidence une très grande diversité formelle et stylistique. Il est impossible de dégagerun archétype du motet chez Philippe car toutes les structures, toutes les techniques etfigures qui constituent l’originalité d’un motet sont représentées sans que l’une ne157 Thomas B. PAYNE, « Philip the Chancellor and the Conductus Prosula : ‘Motetish’ Works from theSchool of Notre Dame », Music in Medieval Europe. Studies in Honour of Bryan Gillingham, éd.Terence BAILEY et Alma SANTOSUOSSO, Ashgate, 2007, p. 217-237.158 Thomas B. PAYNE, Poetry, Politics and Polyphony…, p. 280 : « Philip’s experience as a preacher andtheologian is also revealed in his texts to organa. As in his other poems, he rarely lets slip anopportunity to instruct or to illustrate through exempla drawn from the Bible or the Church father.Nonetheless, appearing as they do with the context of the organa, which are themselves musical“glosses” to gregorian chants, the scriptural, patristic, and scholastic commentary in the texts of theorganum prosulas appear especially relevant. »159 Thomas B. PAYNE, op. cit., p. 325 : « […] at the time of the cultivation of the conductus prosulas, allthe conditions necessary for the formation of the motet were present. It therefore seems tenable toassert that the motet probably arose around the the same time as the conductus prosula (at some pointaround 1212) and that Philip, in troping organa and conductus caudae, also had a hand in theintroduction of this newest Notre Dame genre. ».69

terme de possibilités créatrices expliquerait la disparition prématurée de ce genre 157 .<strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> est donc partie prenante de ce laboratoire de la création musica<strong>le</strong>,au moment où s’élaborent <strong>le</strong>s premiers mot<strong>et</strong>s, mais aussi d’autres expérimentationssimilaires.L’analyse des prosu<strong>le</strong>s qui suit c<strong>et</strong>te interrogation <strong>sur</strong> l’existence d’un genredonne des éléments importants pour comprendre l’originalité de ces prosu<strong>le</strong>s par rapportaux compositions antérieures qui peuvent s’en approcher. Thomas Payne insiste, trèsjustement, <strong>sur</strong> l’importance de la formation intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> clérica<strong>le</strong> <strong>et</strong> universitaire dansla mise en œuvre de tel<strong>le</strong>s pratiques compositionnel<strong>le</strong>s. Le texte ajouté fonctionnecomme une « glose » ou un commentaire de la polyphonie préexistante 158 . Ce <strong>son</strong>t, iciencore, la préoccupation chronologique <strong>et</strong> <strong>le</strong>s hypothèses de datation qui prennent <strong>le</strong>dessus. Le but de Thomas Payne est de se servir de la datation des prosu<strong>le</strong>s, comprisescomme des essais de mot<strong>et</strong>s, pour apporter de nouveaux éléments <strong>et</strong> des précisionschronologiques à l’histoire de l’émergence du mot<strong>et</strong> 159 .L’étude se poursuit par l’analyse conséquente (en réalité la moitié du volume)des mot<strong>et</strong>s. Toujours par souci de situer <strong>le</strong> corpus de <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> dans uneperspective historique, Thomas Payne m<strong>et</strong> en va<strong>le</strong>ur l’aspect novateur de l’ensemb<strong>le</strong> desmot<strong>et</strong>s pour faire de <strong>le</strong>ur auteur l’un des créateurs du genre. Seuls sept mot<strong>et</strong>s <strong>son</strong>tattribués à <strong>Philippe</strong> dans <strong>le</strong>s sources. Mais en considérant <strong>le</strong>s mot<strong>et</strong>s anonymescontemporains <strong>sur</strong> des bases stylistiques <strong>et</strong> littéraires, Thomas Payne parvient à ajouter27 compositions au corpus attesté par <strong>le</strong>s sources. L’analyse détaillée de ce corpus m<strong>et</strong>en évidence une très grande diversité formel<strong>le</strong> <strong>et</strong> stylistique. Il est impossib<strong>le</strong> de dégagerun archétype du mot<strong>et</strong> chez <strong>Philippe</strong> car toutes <strong>le</strong>s structures, toutes <strong>le</strong>s techniques <strong>et</strong>figures qui constituent l’originalité d’un mot<strong>et</strong> <strong>son</strong>t représentées sans que l’une ne157 Thomas B. PAYNE, « Philip the Chancellor and the Conductus Prosula : ‘Mot<strong>et</strong>ish’ Works from theSchool of Notre Dame », Music in Medieval Europe. Studies in Honour of Bryan Gillingham, éd.Terence BAILEY <strong>et</strong> Alma SANTOSUOSSO, Ashgate, 2007, p. 217-237.158 Thomas B. PAYNE, Po<strong>et</strong>ry, Politics and Polyphony…, p. 280 : « Philip’s experience as a preacher andtheologian is also revea<strong>le</strong>d in his texts to organa. As in his other poems, he rarely <strong>le</strong>ts slip anopportunity to instruct or to illustrate through exempla drawn from the Bib<strong>le</strong> or the Church father.Non<strong>et</strong>he<strong>le</strong>ss, appearing as they do with the context of the organa, which are themselves musical“glosses” to gregorian chants, the scriptural, patristic, and scholastic commentary in the texts of theorganum prosulas appear especially re<strong>le</strong>vant. »159 Thomas B. PAYNE, op. cit., p. 325 : « […] at the time of the cultivation of the conductus prosulas, allthe conditions necessary for the formation of the mot<strong>et</strong> were present. It therefore seems tenab<strong>le</strong> toassert that the mot<strong>et</strong> probably arose around the the same time as the conductus prosula (at some pointaround 1212) and that Philip, in troping organa and conductus caudae, also had a hand in theintroduction of this newest Notre Dame genre. ».69

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