Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...
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éférences au texte biblique dans les conduits n’est pas identique à celui des sermons.La citation ne donne pas le sujet de l’ensemble du conduit comme elle le fait dans laprédication. Elle n’impose rien pour la construction du développement, sinon parfois lasonorité de la rime. Remarquons d’ailleurs que, dans les conduits, les citations sontsouvent remaniées par rapport au texte d’origine, pour convenir à la forme qui est celledu poème. Intégrée au cours du texte, la citation n’a pas valeur d’argument puisque làn’est pas l’objectif du conduit. Ces compositions ne sont pas non plus les premierstextes poétiques à faire usage de citations. Le texte biblique effleure périodiquement parun mot ou une expression dans bien d’autres répertoires. Le langage biblique irriguel’ensemble de la production poétique médiévale. Dans les conduits, nous avonsnéanmoins pu observer un fonctionnement emprunté aux techniques de la prédication,celui des concordanciae. Le développement d’un passage et d’un enchaînement decitations par l’usage des concordances est un procédé bien connu des prédicateurs. Lesartes praedicandi le recommandent et des outils pour en simplifier l’usage apparaissentau cours du XIII e siècle, sous forme de recueils. À chaque mot sont associés tous lesversets qui le contiennent. Il est ainsi plus rapide et moins exigeant pour la mémoire, deconstruire un réseau dont les citations sont la trame et justifient l’authenticité desarguments. Tous les conduits ne sont pas tissés de citations en réseau. Lorsque cela estle cas, le procédé pose question : s’agit-il d’une subtilité à l’intention de l’auditoire quiconnaît lui aussi les chaînes que l’on peut dérouler à partir des citations, comme un clind’œil de l’auteur à ses semblables 119 ? S’agit-il de textes développés pour mettre enœuvre des réseaux et en faciliter l’apprentissage 120 ? S’agit-il enfin d’un réflexe deconstruction du discours, que l’auteur applique sans même y penser tellement sonlangage en est pétri ? La réponse à apporter est probablement différente selon lesconduits.Si la fonction des citations dans les compositions morales n’est pas identique àcelle des sermons, il faut cependant rappeler que, par ces références et l’affleurementrégulier du texte biblique, le poète comme prédicateur cherche à légitimer et élever sondiscours. La Bible est un langage idéal, le Verbe par excellence, un modèle et une119 Dans Cum sit omnis caro fenum (n°18), le réseau est tellement connu qu’il ne peut être ignoré d’unauditoire clérical, même peu savant.120 C’est une hypothèse que nous avons proposée à propos d’un conduit à l’attribution incertaine àPhilippe le Chancelier, Clavus clavo retunditur. Voir Anne-Zoé RILLON, « Entre conduits et sermons,variation autour de l’image du christi clavus chez Philippe le Chancelier », Revue Mabillon, XVIII(2008).402
source d’inspiration inépuisable. Son texte constitue la trame du discours, comme elleest celle de la pensée d’un homme d’Église.2.3 Les conduits et leur(s) public(s)La rhétorique des sermons, bien qu’elle s’en défende souvent, a des objectifsfonctionnels voire utilitaires. Les perspectives de la « Parole nouvelle » du XIII e siècle enmatière de prédication sont tournées vers la communication. Le Verbe divin estcommenté, expliqué et condensé de manière à ce que les fidèles y trouvent ce qui estutile pour leur propre vie. Le message et les mots qui le portent doivent donc êtreadaptés aux caractéristiques des fidèles visés. Le prédicateur ne s’adresse pas de lamême manière aux clercs et aux laïcs et, parmi ces derniers, les distinctions d’ordresociologique se mettent en place pour affiner l’efficacité de la leçon morale. Ce sont lessermons que l’on dit ad status, c’est-à-dire composés selon l’état de ceux à qui ils sontdestinés 121 . Les conseils prodigués par les artes praedicandi ne sont pas très loquaces enla matière et reprennent tous, à peu de choses près, les mêmes conseils. Le prédicateurdoit adapter ses exemples, ses comparaisons et certains aspects de son vocabulaire auxcirconstances : les conditions dans lesquelles il parle, la composition de son public etson état. La forme du sermon et la démarche restent inchangées quel que soit le niveaude l’auditoire 122 .Certains manuscrits des sermones festivales de Philippe le Chanceliercomportent des rubriques qui informent sur les circonstances. On apprend ainsi qu’il aprononcé des sermons devant des assemblées diversifiées, en français et en latin. Il adonc été confronté à la nécessité d’adapter son discours pour se rendre accessible à toustypes de public. Il n’hésite pas à traduire des termes en langue vulgaire, à citer des121 Carolym MUESSIG, « Audience and Preacher: Ad Status Sermons and Social Classification »,Preacher, Sermon and Audience in the Middle Ages, éd. Carolyn MUESSIG, Leiden-Boston-Cologne,2002, p. 255-276.122 THOMAS de CHOBHAM, Summa de arte praedicandi, éd. Franco MORENZONI, Turnhout, 1988, p. 276 :« Item notandum quod ars inueniendi uarianda est in predicatione multipliciter circa narrationes etparabolas inueniendas, scilicet tum secundum personas, tum secundum ipsa res. Secundum personasmultipliciter, quia aliter predicandum est paruulis, aliter maioribus. Et alia predicanda suntprincipibus et uiris militaribus, alia ciuibus, alia liberis, alia seruis, alia mulieribus, alia clericis. »Traduction : « Il faut noter que l’invention, dans la prédication, doit être diverse et variée, selon lespersonnes et les matières elles-mêmes ; selon les personnes, car c’est une chose de faire la prédicationaux pauvres, et c’en est une autre d’en faire aux gens importants. Et il faut faire des prédicationsdifférentes aux princes et aux soldats, aux citoyens, aux enfants, aux serfs, aux femmes, aux clercs. »403
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source d’inspiration inépuisab<strong>le</strong>. Son texte constitue la trame du discours, comme el<strong>le</strong>est cel<strong>le</strong> de la pensée d’un homme d’Église.2.3 Les conduits <strong>et</strong> <strong>le</strong>ur(s) public(s)La rhétorique des sermons, bien qu’el<strong>le</strong> s’en défende souvent, a des objectifsfonctionnels voire utilitaires. Les perspectives de la « Paro<strong>le</strong> nouvel<strong>le</strong> » du XIII e sièc<strong>le</strong> enmatière de prédication <strong>son</strong>t tournées vers la communication. Le Verbe divin estcommenté, expliqué <strong>et</strong> condensé de manière à ce que <strong>le</strong>s fidè<strong>le</strong>s y trouvent ce qui estuti<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>ur propre vie. Le message <strong>et</strong> <strong>le</strong>s mots qui <strong>le</strong> portent doivent donc êtreadaptés aux caractéristiques des fidè<strong>le</strong>s visés. Le prédicateur ne s’adresse pas de lamême manière aux c<strong>le</strong>rcs <strong>et</strong> aux laïcs <strong>et</strong>, parmi ces derniers, <strong>le</strong>s distinctions d’ordresociologique se m<strong>et</strong>tent en place pour affiner l’efficacité de la <strong>le</strong>çon mora<strong>le</strong>. Ce <strong>son</strong>t <strong>le</strong>ssermons que l’on dit ad status, c’est-à-dire composés selon l’état de ceux à qui ils <strong>son</strong>tdestinés 121 . Les conseils prodigués par <strong>le</strong>s artes praedicandi ne <strong>son</strong>t pas très loquaces enla matière <strong>et</strong> reprennent tous, à peu de choses près, <strong>le</strong>s mêmes conseils. Le prédicateurdoit adapter ses exemp<strong>le</strong>s, ses comparai<strong>son</strong>s <strong>et</strong> certains aspects de <strong>son</strong> vocabulaire auxcirconstances : <strong>le</strong>s conditions dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il par<strong>le</strong>, la composition de <strong>son</strong> public <strong>et</strong><strong>son</strong> état. La forme du sermon <strong>et</strong> la démarche restent inchangées quel que soit <strong>le</strong> niveaude l’auditoire 122 .Certains manuscrits des sermones festiva<strong>le</strong>s de <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong>comportent des rubriques qui informent <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s circonstances. On apprend ainsi qu’il aprononcé des sermons devant des assemblées diversifiées, en français <strong>et</strong> en latin. Il adonc été confronté à la nécessité d’adapter <strong>son</strong> discours pour se rendre accessib<strong>le</strong> à toustypes de public. Il n’hésite pas à traduire des termes en langue vulgaire, à citer des121 Carolym MUESSIG, « Audience and Preacher: Ad Status Sermons and Social Classification »,Preacher, Sermon and Audience in the Midd<strong>le</strong> Ages, éd. Carolyn MUESSIG, Leiden-Boston-Cologne,2002, p. 255-276.122 THOMAS de CHOBHAM, Summa de arte praedicandi, éd. Franco MORENZONI, Turnhout, 1988, p. 276 :« Item notandum quod ars inueniendi uarianda est in predicatione multipliciter circa narrationes <strong>et</strong>parabolas inueniendas, scilic<strong>et</strong> tum secundum per<strong>son</strong>as, tum secundum ipsa res. Secundum per<strong>son</strong>asmultipliciter, quia aliter predicandum est paruulis, aliter maioribus. Et alia predicanda suntprincipibus <strong>et</strong> uiris militaribus, alia ciuibus, alia liberis, alia seruis, alia mulieribus, alia c<strong>le</strong>ricis. »Traduction : « Il faut noter que l’invention, dans la prédication, doit être diverse <strong>et</strong> variée, selon <strong>le</strong>sper<strong>son</strong>nes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s matières el<strong>le</strong>s-mêmes ; selon <strong>le</strong>s per<strong>son</strong>nes, car c’est une chose de faire la prédicationaux pauvres, <strong>et</strong> c’en est une autre d’en faire aux gens importants. Et il faut faire des prédicationsdifférentes aux princes <strong>et</strong> aux soldats, aux citoyens, aux enfants, aux serfs, aux femmes, aux c<strong>le</strong>rcs. »403