Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...
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faciunt nec alios per subtractionem consensus sui aliquid facere permittunt nec ipsi intrant necalios intrare permittunt […] 110 »Le miroitement des pronoms n’a certainement d’autre objectif que d’impressionner etd’amuser. Ils sont à profusion, tout comme les votes que le prédicateur dénonce. Ladynamique des mots courts aux sonorités répétitives donne à ce passage une énergie etun rythme qui le différencient du reste du discours. La saturation passagère d’effetsverbaux sonores résulte probablement d’une stratégie rhétorique à l’échelle del’ensemble du texte ; il attire l’attention, étonne et active une écoute attentive. Cepassage intervient en effet dans la deuxième partie du sermon tout comme certainseffets mélodiques des conduits moraux, climax ménagés dans la seconde moitié de lacomposition.Les artes praedicandi du XIII e siècle n’enseignent pas comment composer detels passages. Peut-être laissent-ils aux artes poeticae le soin de développer l’art del’ornementation du discours. Quoi qu’il en soit, les prédicateurs formés à l’Université etdans les écoles aux arts du trivium ont lu et appris à imiter les poètes. Le savoir-faire dePhilippe le Chancelier en la matière, tant dans les sermons que dans les conduits,témoigne de ses compétences rhétoriques et de son application réfléchie à différentsdomaines du discours. L’utilisation de l’ornementation résulte généralement d’uneintention stratégique liée à la persuasion. Pour convaincre, l’orateur doit d’abord séduire.Il faut attendre les traités de prédication XIV e siècle pour que soient admis les colores,les rythmes et le cursus parmi les connaissances jugées utiles pour la fabrication dessermons 111 . Jean de Chalons, abbé de Pontigny vers 1372, renvoie à Cicéron et à uncertain Geoffroy (de Vinsauf ?) pour apprendre comment faire des rythmes 112 . Lesrègles du cursus sont expliquées de manière à rendre le sermon plus agréable àl’auditeur.La finalité de l’emploi des procédés poétiques dans la prédication comme dansles conduits n’est pas uniquement décorative. Les intentions stratégiques dépassent110 Niklaus WICKI, « Philipp der Kanzler und die Pariser Bischofswahl von 1227/1228 », FreiburgerZeitschrift für Philosophie und Theologie, V (1958), p. 325. Ce passage est un développement sur lafin de la citation du verset « In novisimis diebus stabunt tempora periculosa et erunt homines seipsosamantes » (II Tim, 3, 1-2).111 Thomas M. CHARLAND, Artes praedicandi, contribution à l’histoire de la rhétorique au Moyen Âge,Paris, 1936. Le chapitre XIII du traité de l’universitaire anglais de Robert de Basevorn (1322) estconsacré à la louange des colores pour rendre le discours plus plaisant. Franco MORENZONI, Des écolesaux paroisses. Thomas de Chobham et la promotion de la prédication au début du XIII e siècle, Paris,1995, p. 192-193.112 JEAN de CHALONS, De arte predicandi ab abbate Pontigniacensi, ms. Troyes 1392, f° 1-16.396
celles de la simple séduction de l’ouïe. Élément primordial dans le cadre d’unetransmission orale, elles participent à l’intelligibilité du discours. La trame sonore desrécurrences de structures grammaticales, de mots ou de terminaisons organise unréceptacle intelligent pour le message moral. Si le prédicateur, par correction à l’égarddu caractère sacré de sa mission, doit se montrer raisonnable et n’en faire usage quedans les moments où cette rhétorique de l’elocutio n’est vraiment utile, il se trouvelibéré de ces contraintes éthiques lorsqu’il compose le texte d’un conduit. Cela peutapporter un élément d’explication au fait que certains des conduits moralisateurs sontd’une extraordinaire difficulté et semblent passer à côté de l’impératif decommunication. Le poète-compositeur œuvre aussi pour son plaisir propre. Il peutmanipuler à loisir la structure, jouer avec la langue et expérimenter divers procédés demise en forme sonore, sans se préoccuper immédiatement de la réception et del’efficacité de son œuvre comme c’est le cas lorsqu’il compose un sermon.2.2.4. Les techniques empruntées à la dilatatioLe message véhiculé par le texte est organisé en accord avec les proportions dudiscours concerné : le prédicateur inscrit son sermon dans une logique d’explication etd’enseignement, alors que l’auteur du conduit va plus à l’essentiel et fait tenir sondiscours dans les limites d’une forme courte et encadrée par des contraintes qui sontcelles de la poésie rythmique. Malgré ces différences fondamentales, nous avonsconstaté que certains passages des conduits moraux se modèlent selon des habitudesargumentatives propres à la pratique de la prédication.À l’inverse des artes poeticae, les artes praedicandi de la première périodes’intéressent très peu à l’elocutio et leur réserve à cet égard est hautement significative.La dispositio n’est pas non plus très commentée. En revanche, ils se préoccupent pluslonguement des différentes manières de développer le discours, la dilatatio, techniquesqui participent pleinement de l’inventio. Guillaume d’Auvergne par exemple, dans sonpetit manuel de prédication, explique les différentes manières de développer lesermon 113 , principalement en organisant les arguments selon différents procédés.113 GUILLAUME d’AUVERGNE, Ars praedicandi, éd. Alphonse DE POORTER, « Un manuel de prédicationmédiévale : Le ms. 97 de Bruges », Revue néo-scolastique de philosophie, XXV (1923), p. 192-209 ;Marianne G. BRISCOE, Artes praedicandi, Typologie des sources du Moyen Âge occidental, Turnhout,1992, p. 30397
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faciunt nec alios per subtractionem consensus sui aliquid facere permittunt nec ipsi intrant necalios intrare permittunt […] 110 »Le miroitement des pronoms n’a certainement d’autre objectif que d’impressionner <strong>et</strong>d’amuser. Ils <strong>son</strong>t à profusion, tout comme <strong>le</strong>s votes que <strong>le</strong> prédicateur dénonce. Ladynamique des mots courts aux <strong>son</strong>orités répétitives donne à ce passage une énergie <strong>et</strong>un rythme qui <strong>le</strong> différencient du reste du discours. La saturation passagère d’eff<strong>et</strong>sverbaux <strong>son</strong>ores résulte probab<strong>le</strong>ment d’une stratégie rhétorique à l’échel<strong>le</strong> del’ensemb<strong>le</strong> du texte ; il attire l’attention, étonne <strong>et</strong> active une écoute attentive. Cepassage intervient en eff<strong>et</strong> dans la deuxième partie du sermon tout comme certainseff<strong>et</strong>s mélodiques des conduits moraux, climax ménagés dans la seconde moitié de lacomposition.Les artes praedicandi du XIII e sièc<strong>le</strong> n’enseignent pas comment composer d<strong>et</strong>els passages. Peut-être laissent-ils aux artes po<strong>et</strong>icae <strong>le</strong> soin de développer l’art del’ornementation du discours. Quoi qu’il en soit, <strong>le</strong>s prédicateurs formés à l’Université <strong>et</strong>dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s aux arts du trivium ont lu <strong>et</strong> appris à imiter <strong>le</strong>s poètes. Le savoir-faire de<strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> en la matière, tant dans <strong>le</strong>s sermons que dans <strong>le</strong>s conduits,témoigne de ses compétences rhétoriques <strong>et</strong> de <strong>son</strong> application réfléchie à différentsdomaines du discours. L’utilisation de l’ornementation résulte généra<strong>le</strong>ment d’uneintention stratégique liée à la persuasion. Pour convaincre, l’orateur doit d’abord séduire.Il faut attendre <strong>le</strong>s traités de prédication XIV e sièc<strong>le</strong> pour que soient admis <strong>le</strong>s colores,<strong>le</strong>s rythmes <strong>et</strong> <strong>le</strong> cursus parmi <strong>le</strong>s connaissances jugées uti<strong>le</strong>s pour la fabrication dessermons 111 . Jean de Chalons, abbé de Pontigny vers 1372, renvoie à Cicéron <strong>et</strong> à uncertain Geoffroy (de Vinsauf ?) pour apprendre comment faire des rythmes 112 . Lesrèg<strong>le</strong>s du cursus <strong>son</strong>t expliquées de manière à rendre <strong>le</strong> sermon plus agréab<strong>le</strong> àl’auditeur.La finalité de l’emploi des procédés poétiques dans la prédication comme dans<strong>le</strong>s conduits n’est pas uniquement décorative. Les intentions stratégiques dépassent110 Niklaus WICKI, « Philipp der Kanz<strong>le</strong>r und die Pariser Bischofswahl von 1227/1228 », FreiburgerZeitschrift für Philosophie und Theologie, V (1958), p. 325. Ce passage est un développement <strong>sur</strong> lafin de la citation du vers<strong>et</strong> « In novisimis diebus stabunt tempora periculosa <strong>et</strong> erunt homines seipsosamantes » (II Tim, 3, 1-2).111 Thomas M. CHARLAND, Artes praedicandi, contribution à l’histoire de la rhétorique au Moyen Âge,Paris, 1936. Le chapitre XIII du traité de l’universitaire anglais de Robert de Basevorn (1322) estconsacré à la louange des colores pour rendre <strong>le</strong> discours plus plaisant. Franco MORENZONI, Des éco<strong>le</strong>saux paroisses. Thomas de Chobham <strong>et</strong> la promotion de la prédication au début du XIII e sièc<strong>le</strong>, Paris,1995, p. 192-193.112 JEAN de CHALONS, De arte predicandi ab abbate Pontigniacensi, ms. Troyes 1392, f° 1-16.396