Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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Sermon sur le thème Ascendente Jesu in naviculam (Mt8, 23), Paris, BnF, lat. 3281, f°58v-59.« … in prelati creatione nulla prorsus labes corruptionisintervenit… non per cognationem, non perfamiliaritatem, non per personarum acceptationem autquantamcumque humanam industriam procuratur, quodhis temporibus vere contingit… quando aetate minores etin ecclesiis novitii contra maturiores, quando illiterati etmoribus incomperti contra illos, quos scientiae splendorilluminat et gratia morum exornat contentione peramicos et domesticos suos ecclesiasticas dignitatesobtinere nituntur. »Conduit Veritas equitas, strophes 5-6 (d’après AH21, 127)Iam praelati sunt PilatiJudae successores,Pium rati, Christum pati,Caiphae fautores.Dum cognati praebendatisurgunt ad honores,pulsant dati paupertatiostia doctores.Literati spe fraudatiegent post labores,probitati ac aetatidesunt provisores.Non vocati nec creatipraesunt junioresvi mitrati, vi plantati,meritis minores.Les rapprochements suggérés par J.-B. Schneyer n’ont pas fait d’émules parmiles spécialistes de la prédication et les historiens. En revanche, certains musicologuesont eu la même idée. Dans son article sur le dixième fascicule du manuscrit F, RuthSteiner situe les conduits monodiques de Notre-Dame dans cette perspective :« The fact that similar criticism is found in sermons however suggest that perhaps thepoems were written simply for the purpose of conveying a generally accepted teaching in aparticularly memorable way. 83 »Les conduits et les sermons, sur les bases de leurs proximités thématiques, sontenvisagés dans une identité de fonction : les conduits disent autrement, de manière plussimple et plus courte, ce que les prédicateurs développent dans leurs sermons. Laréflexion n’est malheureusement pas poussée plus avant. Heinrich Husmann poursuit lemême raisonnement quand il décrit la petite collection du manuscrit dominicain ducouvent Sainte Sabine (XIV L3) de Rome 84 . Il suggère que les huit compositions dePhilippe le Chancelier collectées dans cette source liturgique aient été utilisées pouraccompagner certains sermons dans le cadre d’une prédication dominicaine enrichie de83 Ruth STEINER, « Some Monophonic Latin Songs Composed around 1200 », The Musical Quarterly, LII(1966), p. 62.84 Heinrich HUSMANN, « Ein Faszikel Notre-Dame Kompositionen auf Texte des Pariser Kanzlers Philippin einer dominikaner Handschrift (Rom, Santa Sabina XIV L3) », Archiv für Musikwissenschaft, XXIV(1967), p. 1-23. Voir la présentation du manuscrit Sab p. 91.384

performances chantées 85 . Son hypothèse va donc plus loin puisqu’il va jusqu’à imaginerdes circonstances d’utilisation pour ces compositions dont nous ne connaissons rien dela performance. Enfin, on retrouve des traces de cette hypothèse dans l’édition de HansTischler, Conductus and Contrafacta 86 , dans laquelle le terme de « sermon » est utilisépour désigner les conduits de sujets moralisateurs. Il n’explique ni n’exploite cetamalgame pourtant si prometteur.2.2.2 Oralité et vocalitéConduits et sermons sont deux types de discours que l’on peut opposer : l’unest en vers, l’autre en prose ; l’un est chanté, l’autre parlé. Ils sont également deproportions très différentes. La durée du sermon dépasse largement celle d’un conduit,même s’il est long comme Veritas equitas (n°17) 87 . Ce sont cependant deux types dediscours composés pour être prononcés ou chantés et donc pour être entendus. Leurdestination essentiellement orale marque profondément leur forme et leur style. Lafonction didactique du sermon implique que le prédicateur soit soucieux de se fairecomprendre, de manière à instruire l’auditoire de la parole divine et influencer soncomportement. Les dispositifs rhétoriques mis en place dans les conduits moraux dePhilippe le Chancelier nous indiquent que les impératifs de communication etd’efficacité sont sensiblement identiques dans la plupart de ces compositions et agissentà différents niveaux de la création.La dimension orale et oratoire des conduits est perceptible à bien des niveaux.Texte et mélodie mettent en place une stratégie sonore qui agit sur l’audition. D’autresmarques de l’oralité n’ont pas encore été évoquées. Elles sont pourtant plus évidentes etdirectement liées à l’interprétation du conduit comme parole. En effet, certaines figures85 Heinrich HUSSMAN, op. cit., p. 19 : « Man kann sich vorstellen, daß sie genau so gut einige Verse oderein Gedicht des Kanzlers in einer Predigt rezitierten und, um wieder auf die Musik zu kommen, wie einbesonders musikkundiger Prediger ein Gedicht des Kanzlers nicht nur aufsagte, sondern vorsang. Beieinem solchen Zweck hätte die Eintragung der Kanzlerstücke in die Gebrauchshandschrift einesReisepredigers, die sich, wie wir sahen, auf ein Minimum von Gesängen beschränkt, einen wirklichenSinn. »86 Hans TISCHLER, Conductus and Contrafacta, Ottawa, 2001.87 La lecture à haute voix d’un grand sermon tel celui qui fut prononcé devant les étudiants à Orléans (éd.Marie-Madeleine DAVY, Les sermons universitaires parisiens de 1230-1231, Paris, 1931, p. 167-176)dure plus d’une demi-heure, alors que l’enregistrement du plus long des conduits de Philippe leChancelier, les trente-six strophes de Veritas equitas indique une peu plus de quatorze minutes (disqueenregistré par l’ensemble Sequentia, Philippe le Chancelier. Ecole de Notre Dame, Harmonia Mundi,1991).385

Sermon <strong>sur</strong> <strong>le</strong> thème Ascendente Jesu in naviculam (Mt8, 23), Paris, BnF, lat. 3281, f°58v-59.« … in prelati creatione nulla prorsus labes corruptionisintervenit… non per cognationem, non perfamiliaritatem, non per per<strong>son</strong>arum acceptationem autquantamcumque humanam industriam procuratur, quodhis temporibus vere contingit… quando a<strong>et</strong>ate minores <strong>et</strong>in ecc<strong>le</strong>siis novitii contra maturiores, quando illiterati <strong>et</strong>moribus incomperti contra illos, quos scientiae sp<strong>le</strong>ndorilluminat <strong>et</strong> gratia morum exornat contentione peramicos <strong>et</strong> domesticos suos ecc<strong>le</strong>siasticas dignitatesobtinere nituntur. »Conduit Veritas equitas, strophes 5-6 (d’après AH21, 127)Iam praelati sunt PilatiJudae successores,Pium rati, Christum pati,Caiphae fautores.Dum cognati praebendati<strong>sur</strong>gunt ad honores,pulsant dati paupertatiostia doctores.Literati spe fraudatiegent post labores,probitati ac a<strong>et</strong>atidesunt provisores.Non vocati nec creatipraesunt junioresvi mitrati, vi plantati,meritis minores.Les rapprochements suggérés par J.-B. Schneyer n’ont pas fait d’ému<strong>le</strong>s parmi<strong>le</strong>s spécialistes de la prédication <strong>et</strong> <strong>le</strong>s historiens. En revanche, certains musicologue<strong>son</strong>t eu la même idée. Dans <strong>son</strong> artic<strong>le</strong> <strong>sur</strong> <strong>le</strong> dixième fascicu<strong>le</strong> du manuscrit F, RuthSteiner situe <strong>le</strong>s conduits monodiques de Notre-Dame dans c<strong>et</strong>te perspective :« The fact that similar criticism is found in sermons however suggest that perhaps thepoems were written simply for the purpose of conveying a generally accepted teaching in aparticularly memorab<strong>le</strong> way. 83 »Les conduits <strong>et</strong> <strong>le</strong>s sermons, <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s bases de <strong>le</strong>urs proximités thématiques, <strong>son</strong>tenvisagés dans une identité de fonction : <strong>le</strong>s conduits disent autrement, de manière plussimp<strong>le</strong> <strong>et</strong> plus courte, ce que <strong>le</strong>s prédicateurs développent dans <strong>le</strong>urs sermons. Laréf<strong>le</strong>xion n’est malheureusement pas poussée plus avant. Heinrich Husmann poursuit <strong>le</strong>même rai<strong>son</strong>nement quand il décrit la p<strong>et</strong>ite col<strong>le</strong>ction du manuscrit dominicain ducouvent Sainte Sabine (XIV L3) de Rome 84 . Il suggère que <strong>le</strong>s huit compositions de<strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> col<strong>le</strong>ctées dans c<strong>et</strong>te source liturgique aient été utilisées pouraccompagner certains sermons dans <strong>le</strong> cadre d’une prédication dominicaine enrichie de83 Ruth STEINER, « Some Monophonic Latin Songs Composed around 1200 », The Musical Quarterly, LII(1966), p. 62.84 Heinrich HUSMANN, « Ein Faszikel Notre-Dame Kompositionen auf Texte des Pariser Kanz<strong>le</strong>rs Philippin einer dominikaner Handschrift (Rom, Santa Sabina XIV L3) », Archiv für Musikwissenschaft, XXIV(1967), p. 1-23. Voir la présentation du manuscrit Sab p. 91.384

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