Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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10.07.2015 Views

mots pour leurs sonorités identiques ou proches 31 . Comme les traités le précisent,l’annominatio peut porter sur divers éléments du mot : une lettre, une syllabe ou plus.La figure peut porter sur des mots dont la racine est commune comme les formesnominales et adjectives formées à partir de Roma dans l’exemple ci-dessous :In prelatos refluitquod a roma defluit.romanis ascribiturquod rome connascitur 32Dans ce même exemple, on relève qu’une autre figure d’annominatio se superpose avecles verbes refluit et defluit. La racine est commune mais le préfixe différent, ce qui nechange que partiellement la sonorité du mot. Noms et verbes peuvent également entreren résonance dans une même figure :Me dum fecit Deus mundamVas infecit fex immundam 33Philippe le Chancelier fait un usage généreux de tels jeux. L’exemple ci-dessus montrebien combien la virtuosité poétique peut occasionnellement entrelacer plusieurs figures.En plus de l’annominatio sur la racine fecis, il faut signaler le couple formé par me dumet mundam qui met en place une sorte de complexio 34 sonore. Enfin, mundam etimmundam constituent une paronomase complétée d’une antithèse. Une telle saturationrhétorique sur un passage aussi court reste pourtant relativement exceptionnelle dans lecorpus moralisateur du Chancelier. Dans beaucoup de conduits, les jeux poétiques et lesornements sont distribués avec plus de parcimonie.L’annominatio peut aussi porter sur des mots qui n’ont d’autres pointscommuns que les sonorités : a scandalis et acephalis 35 ; sternitur / spernitur 36 ; terramteris terram geris 37 . Ces figures sonores peuvent être disposées de manière resserrée (in31 Rhetorica ad Herennium, IV, 29 : « Adnominatio est cum ad item uerbum et nomen acceditur cummutatione uocum aut litterarum, ut ad res dissimiles similia uerba adcommodentur. » Traduction : « Ily a paronomase quand, à côté d’un mot ou d’un nom, on en place un autre similaire en changeant soitle son soit les lettres de manière à ce que des mots semblables expriment des choses dissemblables. »éd. Guy ACHARD, Paris, 1989, p. 164.32 Quo me vertam nescio, n°8, strophe 2. Lorsque la figure porte sur le même mot utilisé à des casdifférents, comme ici roma et rome, elle est appelée traductio (polyptoton).33 Homo natus ad laborem / tui status, n°1, strophe 2.34 Complexio est la répétition d’un mot au début et à la fin d’une phrase.35 Ve mundo a scandalis, n°7 vers 1 et 236 Veritas equitas, n°17, strophe 25.37 Cum sit omnis caro fenum, n°18, refrain.334

ovile ovium 38 ; vanitas vanitatum / et omnia vanitas 39 ), dans un ou deux vers, de lamême manière que les exemples proposés dans les traités. On rencontre aussi de telsjeux de paronomase disposés de part et d’autre d’une strophe ou dans deux strophesdifférentes. La première strophe du conduit Homo considera (n°15) est rythmée par ladisposition régulière des termes fomentum, fermentum et figmentum en début des vers 7,12 et 17. La paronomase est utilisée comme principe structurant de la strophe 40 . Dansles cas de conduits à strophes doubles, il arrive que les vers se correspondant soient trèsproches par leurs mots. Par exemple, les strophes 3 et 4 (strophe musicale II) du conduitHomo natus ad laborem / tui statu (n°1) commencent respectivement par : In abyssumculpe ducis et In abusum rationis. La figure est distante, mais tellement évidentequ’elle sonne à l’oreille et agit pour le rapprochement des deux strophes.Comment la musique se pose-t-elle sur ces vers ornés ? Les figures poétiquessont très souvent des procédés sonores, utilisant la répétition d’un mot, d’une syllabe oud’une lettre pour charmer l’oreille et attirer l’attention sur une formulation. La mélodiese superpose à cette construction déjà sonore. Les figures du texte sont-elles soutenuespar une mélodie empruntant des effets comparables transposés dans les moyensmusicaux ? La répétition et l’organisation de motifs mélodiques peuvent s’avérer d’uneffet comparable aux constructions rhétoriques des colores du texte. Jusqu’où lacollaboration entre le son des mots et les mouvements de la voix chantée est-elle menée ?Il arrive que la mélodie soit élaborée de manière à faire ressortir un effetprésent dans le texte. Sur l’ensemble des conduits moraux analysés, cette situation sereproduit à de nombreuses reprises. Cependant, la comparaison des exemples montreque les moyens musicaux convoqués sont divers et le rapport de la figure du texte à lamélodie n’emprunte généralement pas les voies les plus évidentes. En effet, la répétitionverbale ne se traduit pas a priori par une répétition mélodique équivalente. Le jeu estplus subtil, comme les exemples qui suivent vont le montrer.C’est la figure de l’anaphore qui fait l’objet des dispositifs mélodiques les plusproches de la construction du texte. L’effet répétitif de deux vers parallèles (ou plus)dont les premiers mots sont communs peut se traduire par la reprise de la proposition38 Quid ultra tibi facere, n°4 strophe 6, vers 6.39 Vanitas vanitatum, n°5 vers 1 et 2.40 Voir l’analyse de ce conduit p. 266.335

ovi<strong>le</strong> ovium 38 ; vanitas vanitatum / <strong>et</strong> omnia vanitas 39 ), dans un ou deux vers, de lamême manière que <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s proposés dans <strong>le</strong>s traités. On rencontre aussi de telsjeux de paronomase disposés de part <strong>et</strong> d’autre d’une strophe ou dans deux strophesdifférentes. La première strophe du conduit Homo considera (n°15) est rythmée par ladisposition régulière des termes fomentum, fermentum <strong>et</strong> figmentum en début des vers 7,12 <strong>et</strong> 17. La paronomase est utilisée comme principe structurant de la strophe 40 . Dans<strong>le</strong>s cas de conduits à strophes doub<strong>le</strong>s, il arrive que <strong>le</strong>s vers se correspondant soient trèsproches par <strong>le</strong>urs mots. Par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s strophes 3 <strong>et</strong> 4 (strophe musica<strong>le</strong> II) du conduitHomo natus ad laborem / tui statu (n°1) commencent respectivement par : In abyssumculpe ducis <strong>et</strong> In abusum rationis. La figure est distante, mais tel<strong>le</strong>ment évidentequ’el<strong>le</strong> <strong>son</strong>ne à l’oreil<strong>le</strong> <strong>et</strong> agit pour <strong>le</strong> rapprochement des deux strophes.Comment la musique se pose-t-el<strong>le</strong> <strong>sur</strong> ces vers ornés ? Les figures poétiques<strong>son</strong>t très souvent des procédés <strong>son</strong>ores, utilisant la répétition d’un mot, d’une syllabe oud’une <strong>le</strong>ttre pour charmer l’oreil<strong>le</strong> <strong>et</strong> attirer l’attention <strong>sur</strong> une formulation. La mélodiese superpose à c<strong>et</strong>te construction déjà <strong>son</strong>ore. Les figures du texte <strong>son</strong>t-el<strong>le</strong>s soutenuespar une mélodie empruntant des eff<strong>et</strong>s comparab<strong>le</strong>s transposés dans <strong>le</strong>s moyensmusicaux ? La répétition <strong>et</strong> l’organisation de motifs mélodiques peuvent s’avérer d’uneff<strong>et</strong> comparab<strong>le</strong> aux constructions rhétoriques des colores du texte. Jusqu’où lacollaboration entre <strong>le</strong> <strong>son</strong> des mots <strong>et</strong> <strong>le</strong>s mouvements de la voix chantée est-el<strong>le</strong> menée ?Il arrive que la mélodie soit élaborée de manière à faire ressortir un eff<strong>et</strong>présent dans <strong>le</strong> texte. Sur l’ensemb<strong>le</strong> des conduits moraux analysés, c<strong>et</strong>te situation sereproduit à de nombreuses reprises. Cependant, la comparai<strong>son</strong> des exemp<strong>le</strong>s montreque <strong>le</strong>s moyens musicaux convoqués <strong>son</strong>t divers <strong>et</strong> <strong>le</strong> rapport de la figure du texte à lamélodie n’emprunte généra<strong>le</strong>ment pas <strong>le</strong>s voies <strong>le</strong>s plus évidentes. En eff<strong>et</strong>, la répétitionverba<strong>le</strong> ne se traduit pas a priori par une répétition mélodique équiva<strong>le</strong>nte. Le jeu estplus subtil, comme <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s qui suivent vont <strong>le</strong> montrer.C’est la figure de l’anaphore qui fait l’obj<strong>et</strong> des dispositifs mélodiques <strong>le</strong>s plusproches de la construction du texte. L’eff<strong>et</strong> répétitif de deux vers parallè<strong>le</strong>s (ou plus)dont <strong>le</strong>s premiers mots <strong>son</strong>t communs peut se traduire par la reprise de la proposition38 Quid ultra tibi facere, n°4 strophe 6, vers 6.39 Vanitas vanitatum, n°5 vers 1 <strong>et</strong> 2.40 Voir l’analyse de ce conduit p. 266.335

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