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Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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Dans la seconde moitié du XI e sièc<strong>le</strong>, Marbode de Rennes est l’un des premiers, àproposer une synthèse des procédés rhétoriques utilisés pour la parure colorée des vers.Son court traité, <strong>le</strong> De ornamentis verborum 11 , s’appuie <strong>sur</strong> une <strong>le</strong>cture de la Rh<strong>et</strong>oricaad Herennium à qui il reprend la définition d’un certain nombre de figures, illustrées pardes exemp<strong>le</strong>s versifiés de <strong>son</strong> invention. Il justifie <strong>son</strong> entreprise en rappelant, dans <strong>le</strong>prologue, la fonction éthique <strong>et</strong> didactique primordia<strong>le</strong> de la poésie : « Mens auditorispersuasa nitore coloris 12 ». L’importance de la poésie moralisatrice durant tout <strong>le</strong>Moyen Âge corrobore avec c<strong>et</strong>te proposition.À partir de la fin du XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s traités de poésie, <strong>le</strong>s artes po<strong>et</strong>icae, nes’embarrassent plus de ces précautions 13 . L’ornement du discours est admis <strong>et</strong> valorisépuisqu’il est au cœur de l’enseignement dispensé par ces traités. Le terme de color quisert à désigner un ensemb<strong>le</strong> de figures rhétoriques, autrefois méprisé comme un artificevain, est à présent reconnu <strong>et</strong> apprécié car il est uti<strong>le</strong> à rendre <strong>le</strong> discours plus agréab<strong>le</strong>.L’abondance <strong>et</strong> la maîtrise des colores perm<strong>et</strong>tent de me<strong>sur</strong>er la beauté du texte.L’apparition de tels traités est contemporaine <strong>et</strong> postérieure d’une évolution marquantedes pratiques poétiques qui parcourt tout <strong>le</strong> XII e <strong>et</strong> connaît un « tournant » au milieu dusièc<strong>le</strong> 14 . La production poétique a changé par <strong>son</strong> contenu, sa forme <strong>et</strong> sa quantité. Lenombre croissant de <strong>le</strong>ttrés qui gravitent autour des éco<strong>le</strong>s constitue un terrain ferti<strong>le</strong>pour <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres latines. Cela ne signifie pas qu’auparavant <strong>le</strong>s poètes méconnaissaient larhétorique ou qu’ils se refusaient à faire usage de l’ornement, mais <strong>le</strong>ur science nesemblait pas demandeuse d’outils pédagogiques comme ces traités d’un nouveau genre.L’esprit du XII e sièc<strong>le</strong> a en eff<strong>et</strong> changé <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te « renaissance » témoigne d’une attentionnouvel<strong>le</strong> portée au langage <strong>et</strong> à la systématisation de ses procédés. Les artes po<strong>et</strong>icaeparticipent d’un esprit encyclopédique de recensement <strong>et</strong> d’organisation du savoir, toutautant que d’un besoin d’outils pédagogiques adaptés au grand nombre d’étudiants des11 MARBODE de RENNES, De ornamentis verborum, éd. Rosario LEOTTA, Florence, 1998.12 Op. cit., vers 8. Traduction : « l’esprit de l’auditeur convaincu par l’éclat des cou<strong>le</strong>urs. »13 Les ouvrages de référence <strong>sur</strong> ces traités <strong>son</strong>t : Edmond FARAL, Les arts poétiques du XIIe <strong>et</strong> du XIIIesièc<strong>le</strong>. Recherches <strong>et</strong> documents <strong>sur</strong> la technique littéraire du moyen âge, Paris 1924 <strong>et</strong> DouglasKELLY, The Arts of Po<strong>et</strong>ry and Prose, Typologie des sources du moyen âge occidental, LIX, Turnhout,1991.14 Pasca<strong>le</strong> BOURGAIN, « Le tournant littéraire du milieu du XII e sièc<strong>le</strong> », Le XII e sièc<strong>le</strong>. Mutations <strong>et</strong>renouveau en France dans la première moitié du XII e sièc<strong>le</strong>, éd. Françoise GASPARRI, p. 303-323.L’auteur en arrive à la conclusion suivante : « Au total, il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong> milieu du XII e sièc<strong>le</strong> soit bienune étape entre la soup<strong>le</strong>sse inventive du début du sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> la maturité plus réfléchie de la secondemoitié. Le besoin d’intel<strong>le</strong>ctualiser <strong>le</strong> discours littéraire, en pliant au besoin au canon des thèmes quilui échappaient jusqu’alors, va de pair avec une plus grande conscience des moyens techniques de lalittérature, sans nul doute acquise à travers la foi<strong>son</strong>nante activité scolaire <strong>et</strong> <strong>le</strong> renouvel<strong>le</strong>ment desméthodes. » p. 317.329

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