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Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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nomment l’inventio), tandis que la grammaire enseigne l’art de la correction du langagepar l’imitation des autorités <strong>et</strong> de <strong>le</strong>urs poèmes. La poésie, même si ce terme n’est pasutilisé pendant <strong>le</strong> haut Moyen Âge pour désigner la littérature en vers, a donc plus à voiravec la grammaire qu’avec la rhétorique <strong>et</strong> l’on peut s’interroger <strong>sur</strong> la démarche qui aconduit <strong>le</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels à faire émerger au XII e sièc<strong>le</strong>, un art poétique qui calque sespréceptes <strong>sur</strong> ceux de la rhétorique antique <strong>et</strong> moins <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s méthodes de la grammaire.Les modè<strong>le</strong>s de la rhétorique antique qui ont nourri toute la technique <strong>et</strong> lapensée médiéva<strong>le</strong> du langage <strong>son</strong>t bien connus. Il s’agit du De inventione de Cicéron 6 ,de la Rh<strong>et</strong>orica ad Herennium 7 attribuée au même auteur <strong>et</strong> l’Institutio oratoria 8 deQuintilien. Les Pères de l’Église ont as<strong>sur</strong>é la transmission de c<strong>et</strong> héritage païen vers laculture chrétienne. Dans <strong>le</strong> De doctrina christiana, saint Augustin justifie l’importancede c<strong>et</strong> art de bien dire dans la diffusion <strong>et</strong> l’enseignement du message du Christ.Pourtant, la rhétorique antique a été conçue à des fins principa<strong>le</strong>ment politiques <strong>et</strong>juridiques <strong>et</strong> enseigne la manière de construire de bons plaidoyers. La rhétoriquemédiéva<strong>le</strong> se charge peu à peu d’adapter c<strong>et</strong> héritage à d’autres contextes oratoires, dont<strong>le</strong> discours en vers, la poésie.Pour <strong>le</strong> Moyen Âge, la poésie conserve <strong>son</strong> lien avec l’art oratoire <strong>et</strong> <strong>le</strong>stechniques d’argumentation car sa première fonction est de convaincre. Comme larhétorique oratoire antique a pour ambition de fléchir, émouvoir <strong>et</strong> convaincre 9 , lapoésie médiéva<strong>le</strong> a des visées éthiques. La dé<strong>le</strong>ctation <strong>et</strong> <strong>le</strong> plaisir que provoquent <strong>le</strong>sornements ne <strong>son</strong>t qu’un moyen au service de la cause supérieure à défendre. L’Arspo<strong>et</strong>ica d’Horace précise bien : « Omne tulit punctum qui miscuit uti<strong>le</strong> dulci <strong>le</strong>ctoremde<strong>le</strong>ctando pariterque monendo 10 ». Les écrits théoriques <strong>sur</strong> la poésie <strong>son</strong>t peunombreux dans <strong>le</strong>s premiers sièc<strong>le</strong>s du Moyen Âge. L’ornement du discours ne semb<strong>le</strong>pas avoir été considéré comme une matière nob<strong>le</strong>. Il pousse à la <strong>sur</strong>charge <strong>et</strong> ladéme<strong>sur</strong>e <strong>et</strong>, en ce sens, ne mérite probab<strong>le</strong>ment pas qu’on lui consacre des traités. Lapoésie ne se distingue pas encore complètement de l’enseignement de la grammaire.6 CICÉRON, De inventione, éd. Guy ACHARD, Paris, 1994.7 éd. Guy ACHARD, Paris, 1989, rééd. 1997.8 QUINTILIEN, Institutio oratoria, éd. Jean COUSIN, 7 vol., Paris, 1975.9 QUINTILIEN, op. cit., l. XI, cap. 3, § 154 : « Tria autem praestare deb<strong>et</strong> pronuntiatio, concili<strong>et</strong>,persuadeat, moveat, quibus natura cohaer<strong>et</strong> ut <strong>et</strong>iam de<strong>le</strong>ct<strong>et</strong> ». Traduction : « Dans l’action oratoire,on doit atteindre trois objectifs : se concilier l’auditoire, <strong>le</strong> persuader, l’émouvoir, d’où, par liai<strong>son</strong>naturel<strong>le</strong>, lui plaire aussi ».10 HORACE, Ars po<strong>et</strong>ica, v. 343-344, éd. Léon HERRMANN, Bruxel<strong>le</strong>s, 1951 ; traduction : « Tous <strong>le</strong>ssuffrages vont à celui qui mê<strong>le</strong> l’uti<strong>le</strong> à l’agréab<strong>le</strong> en charmant <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur en même temps qu’ill’instruit. »328

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