Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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Forme poétique suggérée par lesmajuscules du manuscritForme poétique suggérée par lalongueur des vers et les rimes8a 7b 8a 7b* 8b 7b 7a* 8b 8b 7a 8a 8a 7b 8a 8a 6b(?)*La répartition suggérée par la longueur des vers et des rimes détermine des groupes devers respectueux des entités grammaticales et du sens du texte. Cette disposition estdonc tout à fait recevable. Il n’en reste pas moins que la forme de ce conduit est lâchepuisque l’on peut en faire plusieurs découpages.Le dernier vers semble incomplet. Il est en effet le seul vers de six syllabesalors que le reste du conduit se compose d’heptasyllabes et d’octosyllabes. Il estprobable qu’une ou plusieurs syllabes aient été omises dans l’unique copie manuscriteconnue. Les éditeurs des Analecta hymnica ont complété le vers en ajoutant une syllabepour former le mot rea[tum] 141 . La solution est satisfaisante à tous points de vue. Nousverrons lors de l’analyse que le mélisme final et ses particularités peuvent expliquerl’oubli de cette syllabe par le copiste.Les 16 vers riment selon deux terminaisons riches aux sonorités contrastées : –orem et –atum. La rime interne en –um au milieu du vers est utilisée à trois reprises dansla deuxième partie du texte : pro te natum morti datum (vers 9), lege zelum et amorem(vers12) et Verte risum in merorem (vers 15). Les parallélismes sonores et rythmiquesse retrouvent dans les vers qui se suivent (vers 11-12 : Vide latus et cruorem / legezelum et amorem) ou dans des vers éloignés (vers 5 et 8 : bonum perdis increatum /Verbum patris incarnatum). Les impératifs en tête de vers (vide, lege, verte, corrige,gere) scandent efficacement la fin du texte par les sonorités répétitives des désinencesverbales. Si la forme du texte se révèle peu structurante, d’autres procédés poétiquessont utilisés pour pourvoir un nombre suffisant de repères auditifs : les vers parallèles,les récurrences sonores et grammaticales clarifient le texte et disposent les élémentsd’une trame qui fait correspondre le sens aux échos et constructions propres à la languelatine.Les deux vers d’incipit reprennent un verset du livre de Job : Homo ad laboremnascitur et avis ad volatum (Jb 5, 7). La formulation permet ainsi d’apostropherl’auditoire. La généralisation (Homo) impliquée par la formule biblique montre quePhilippe le Chancelier cherche à toucher un public très large. Pour ce faire, il emploieune langue latine très simple. Le discours se construit entièrement à la deuxième141 AH, 21, 197.314

personne du singulier avec de nombreux impératifs pour toucher directement lesauditeurs. Les unités sémantiques dépassent rarement la longueur d’un vers. Levocabulaire est assez peu recherché. Les caractéristiques d’un discours construit pourl’oralité sont réunies pour simplifier et rendre possible la compréhension instantanée dupoème, dès la première audition.Homo natus ad laborem / et avis est un conduit en mode de sol. L’ajout d’un sibémol ne survient qu’au début et dans le mélisme final. Les deux premiers vers ne sesituent pourtant pas dans le mode de manière claire. Dans d’autres conduits, on constateque le mode et ses notes importantes sont présentés dès les premières phrases. Ce n’estpas le cas ici. La pièce commence en effet par un mi, une tierce sous la finale. Un motifascendant composé d’une tierce se place sur chaque groupe de quatre syllabes,marquant clairement la césure au milieu du vers :Les notes importantes du mode (sol et ré) ne sont pas utilisées au début des motifs maisà la fin. Le second, sur ad laborem, n’est pas l’exacte transposition du premier motif àcause du si bémol qui ne reproduit pas le demi-ton du début. Ce motif ascendant trèssimple, avec ou sans la terminaison en notes répétées, sera entendu à de nombreusesreprises par la suite. Le vers suivant est complémentaire du premier. Il poursuit sonascension jusqu’au mi qui devient le point culminant et le centre de la symétriemélodique et poétique sur la syllabe et :Le vers 2 est découpé en 3+4, répartition que la mélodie suit puisqu’elle effectue unpalier dans la ligne mélodique descendante sur le si entre la troisième et la quatrièmesyllabe. Le parallélisme des structures grammaticales ad laborem et ad volatum est,dans les deux cas, le moment d’une articulation dans la phrase mélodique. La citation deJob, construite en deux parties égales, est englobée dans une phrase mélodique qui315

Forme poétique suggérée par <strong>le</strong>smajuscu<strong>le</strong>s du manuscritForme poétique suggérée par lalongueur des vers <strong>et</strong> <strong>le</strong>s rimes8a 7b 8a 7b* 8b 7b 7a* 8b 8b 7a 8a 8a 7b 8a 8a 6b(?)*La répartition suggérée par la longueur des vers <strong>et</strong> des rimes détermine des groupes devers respectueux des entités grammatica<strong>le</strong>s <strong>et</strong> du sens du texte. C<strong>et</strong>te disposition estdonc tout à fait recevab<strong>le</strong>. Il n’en reste pas moins que la forme de ce conduit est lâchepuisque l’on peut en faire plusieurs découpages.Le dernier vers semb<strong>le</strong> incomp<strong>le</strong>t. Il est en eff<strong>et</strong> <strong>le</strong> seul vers de six syllabesalors que <strong>le</strong> reste du conduit se compose d’heptasyllabes <strong>et</strong> d’octosyllabes. Il estprobab<strong>le</strong> qu’une ou plusieurs syllabes aient été omises dans l’unique copie manuscriteconnue. Les éditeurs des Ana<strong>le</strong>cta hymnica ont complété <strong>le</strong> vers en ajoutant une syllabepour former <strong>le</strong> mot rea[tum] 141 . La solution est satisfaisante à tous points de vue. Nousverrons lors de l’analyse que <strong>le</strong> mélisme final <strong>et</strong> ses particularités peuvent expliquerl’oubli de c<strong>et</strong>te syllabe par <strong>le</strong> copiste.Les 16 vers riment selon deux terminai<strong>son</strong>s riches aux <strong>son</strong>orités contrastées : –orem <strong>et</strong> –atum. La rime interne en –um au milieu du vers est utilisée à trois reprises dansla deuxième partie du texte : pro te natum morti datum (vers 9), <strong>le</strong>ge zelum <strong>et</strong> amorem(vers12) <strong>et</strong> Verte risum in merorem (vers 15). Les parallélismes <strong>son</strong>ores <strong>et</strong> rythmiquesse r<strong>et</strong>rouvent dans <strong>le</strong>s vers qui se suivent (vers 11-12 : Vide latus <strong>et</strong> cruorem / <strong>le</strong>gezelum <strong>et</strong> amorem) ou dans des vers éloignés (vers 5 <strong>et</strong> 8 : bonum perdis increatum /Verbum patris incarnatum). Les impératifs en tête de vers (vide, <strong>le</strong>ge, verte, corrige,gere) scandent efficacement la fin du texte par <strong>le</strong>s <strong>son</strong>orités répétitives des désinencesverba<strong>le</strong>s. Si la forme du texte se révè<strong>le</strong> peu structurante, d’autres procédés poétiques<strong>son</strong>t utilisés pour pourvoir un nombre suffisant de repères auditifs : <strong>le</strong>s vers parallè<strong>le</strong>s,<strong>le</strong>s récurrences <strong>son</strong>ores <strong>et</strong> grammatica<strong>le</strong>s clarifient <strong>le</strong> texte <strong>et</strong> disposent <strong>le</strong>s élémentsd’une trame qui fait correspondre <strong>le</strong> sens aux échos <strong>et</strong> constructions propres à la languelatine.Les deux vers d’incipit reprennent un vers<strong>et</strong> du livre de Job : Homo ad laboremnascitur <strong>et</strong> avis ad volatum (Jb 5, 7). La formulation perm<strong>et</strong> ainsi d’apostropherl’auditoire. La généralisation (Homo) impliquée par la formu<strong>le</strong> biblique montre que<strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> cherche à toucher un public très large. Pour ce faire, il emploieune langue latine très simp<strong>le</strong>. Le discours se construit entièrement à la deuxième141 AH, 21, 197.314

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