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Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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La lyrique courtoise introduit souvent <strong>le</strong> texte par l’expression du besoinimpérieux de chanter, comme c’est <strong>le</strong> cas dans <strong>le</strong> texte de Blondel : « me semont dechanter ». Le texte latin détourne c<strong>et</strong> usage puisqu’il n’est plus question d’un chantnob<strong>le</strong> commandé par l’amour, mais d’un chant peu <strong>son</strong>ore, douloureux, presque maladif,comme l’expriment <strong>le</strong>s verbes suspirat <strong>et</strong> murmurat ainsi que <strong>le</strong>s noms gemitus <strong>et</strong>querelas. L’usage courtois est donc déformé pour mieux souligner <strong>le</strong>s dangers del’amour charnel <strong>et</strong> s’inscrire en faux des va<strong>le</strong>urs courtoises. <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> faitappel à l’exemp<strong>le</strong> biblique de Sara <strong>et</strong> de sa servante Agar, dans <strong>le</strong>quel il est questiond’enfantement spirituel <strong>et</strong> charnel. À sa manière, Gautier de Coinci m<strong>et</strong> lui aussi engarde contre l’amour terrestre. Au mode de l’opposition choisi par <strong>Philippe</strong>, ce dernierpréfère procéder par transposition. La chan<strong>son</strong> pieuse remplace la ferveur de l’amourcharnel par une dévotion pour la Vierge, sentiment d’un prix bien supérieur si l’on encroit la première strophe. Cependant, la chair est ici aussi stigmatisée comme l’originedes malheurs de l’Homme :Le siec<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong>s degrazDe la char lais<strong>son</strong>s tuit,Quar plus que verreglazGlace siec<strong>le</strong>s <strong>et</strong> fuit.Sur un ton plus naïf que celui de <strong>Philippe</strong>, Gautier poursuit lui aussi un objectifde moralisation. Tous deux <strong>le</strong> font en utilisant une chan<strong>son</strong> profane connue. Ils utilisentla popularité de sa mélodie, mais aussi ses références en s’inscrivant dans <strong>le</strong> mode de laparodie 136 . Les intentions vont donc bien plus loin qu’une simp<strong>le</strong> réécriture.La mélodie empruntée au répertoire des trouvères est fort simp<strong>le</strong>. La strophelatine n’en r<strong>et</strong>ient que 8 courtes phrases mélodiques organisées selon la forme abab cdef.Toutes <strong>le</strong>s strophes de texte respectent c<strong>et</strong>te bipartition en deux parties éga<strong>le</strong>s : 4 (abab)+ 4 (cdef). Les rimes alternées suivent parfaitement l’organisation mélodique de lapremière partie. Les deux courtes phrases a <strong>et</strong> b <strong>son</strong>t contrastées. La première (a) est trèssyllabique <strong>et</strong> se développe dans la partie supérieure du mode de ré, tandis que laseconde (b) comporte plusieurs courts monnayages <strong>et</strong> se dérou<strong>le</strong> dans la partie grave dumode, entre sol <strong>et</strong> ré :136 Sur ce suj<strong>et</strong>, voir Sylvia HUOT, Al<strong>le</strong>gorical Play in the Old French Mot<strong>et</strong>. The Sacred and the Profanein Thirteenth-Century Polyphony, Stanford, 1997.307

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