Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...
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la foi. L’évocation du Jugement dernier (die gravissimo) et la crainte qu’il doit inspirerservent à déclencher la transformation espérée par l’auteur. Les figures et la descriptiondes châtiments infernaux dressent un tableau impressionnant de ce qui attend ceux quine changent pas de voie. La démarche de conversion est donc parfaitement exposéeavec sa situation de départ, son élément déclencheur (la crainte du Jugement dernier) etl’idéal à atteindre. Le trajet à parcourir montre la supériorité de ceux qui ont fait lechoix du sacerdoce, ceux qui ont le « cœur pur » (mundo corde, strophe 3). Quelspeuvent être le public et la cible d’un tel conduit ? Dès la première strophe, l’utilisationrhétorique de la deuxième personne (par exemple : te decipis et excipis, strophe 1, vers8 et 9), désigne un auditoire laïc mais proche du pouvoir. Les courtisans des puissantsde ce monde se méprennent sur la nature du pouvoir et des intérêts à le fréquenter. Ils setrompent de roi et s’en remettent au mauvais pouvoir. À ceux-là, le Chancelier oppose,dans toute la troisième strophe, l’attitude des clercs dont lui-même fait partie.L’auditoire peut donc aussi se composer de ceux qui sont félicités à la fin du texte, carils ont fait le bon choix dans la voie du Salut. Le texte nous laisse imaginer un auditoiremixte de laïcs et de clercs : ceux qu’il faut convaincre et ceux qu’il faut encourager.L’évocation finale des prédicateurs (strophe 3, vers 14 : et verbum dei predicant)comme ultime exemple de ceux qui savent résister aux multiples tentations montre dansquel contexte idéologique et religieux Philippe le Chancelier compose. Depuis Pierre leChantre, la prédication est désignée comme l’activité la plus élevée du travaild’explication du texte biblique, l’achèvement et le but des études, après la lectio et ladisputatio 85 . Le conduit Bonum est confidere prend place dans un contexte où laprédication est un enjeu central de la pastorale et participe lui-même de cette grandeentreprise. C’est ce que Philippe démontre en évoquant l’exemple du prédicateur enguise de conclusion. Par ce conduit, il fait lui-même œuvre utile, se positionne du côtédes « cœurs purs » et agit lui-même en faveur de l’éducation des fidèles tout enencourageant ses auditeurs à faire de même.D’une certaine manière, c’est toute la dernière strophe qui est à la gloire desprédicateurs. En effet, l’évocation récurrente des Béatitudes rappelle le Sermon sur laMontagne, discours fondateur prononcé par le Christ (Mt 5, 1-12) :85 Voir partie I, présentation historique p. 18.246
Conduit strophe 3 Texte biblique RéférenceO beati mundo cordequos peccati tersa sordevitium non inquinat.scelus non examinat.nec arguunt peccata.beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbuntqui te diligunt et custodiunt mandata tuabeati qui custodiunt iudicium et faciunt iustitiamMt 5, 8Ne 1, 5Ps 105, 3qui domini mandatacustodiunt et sitiunt.beati qui scrutantur testimonia […] tu mandasti mandata tua Ps 118, 2-4custodire nimisbeati qui esuriunt.et confidunt in domino.nec cogitant de crastino.beati qui non implicantse curis temporalibus.qui talentum multiplicant.et verbum dei predicantomissis secularibus.beati qui custodiunt vias measbeati qui esuriunt et sitiunt iustitiambeati omnes qui confidunt in eoParabole des talentsPr 8, 32Mt 5, 6Ps 2, 13Mt 25On remarque que le Chancelier ne s’en tient pas exclusivement aux citations desBéatitudes telles qu’elles sont formulées dans l’Évangile de Matthieu. Il les rapproched’autres passages bibliques utilisant les mêmes mots. Il fait ainsi usage d’un réseauintertextuel biblique plus large qui mêle Ancien et Nouveau Testament.Cette aptitude à manier un large réseau de citations transparaît à d’autresmoments du conduit. Les quatre premiers vers citent le début des vers du psaume 117,8-9 :bonum est confidere in Domino quam confidere in hominebonum est sperare in Domino quam sperare in principibusLes princes mentionnés à la fin du verset 9 sont évoqués dans le conduit immédiatementaprès les quatre vers introductifs : qui de regum potentia non de dei clementia spemconcipis. En outre, d’autres passages psalmiques commençant par la formule bonum estpeuvent être évoqués et approfondissent les relations du texte du conduit avec celui dela Bible :- Psaume 72, 28 : bonum est ponere in Domino Deo spem meam et adnuntiemomnes praedicationes tuas. Ce passage préfigure la prédication du Christ que l’onretrouve à la strophe 3.- Psaume 91, 2 : Bonum est confiteri Domino et psallere nomini tuo qui estutilisé par la liturgie.247
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la foi. L’évocation du Jugement dernier (die gravissimo) <strong>et</strong> la crainte qu’il doit inspirerservent à déc<strong>le</strong>ncher la transformation espérée par l’auteur. Les figures <strong>et</strong> la descriptiondes châtiments infernaux dressent un tab<strong>le</strong>au impressionnant de ce qui attend ceux quine changent pas de voie. La démarche de conversion est donc parfaitement exposéeavec sa situation de départ, <strong>son</strong> élément déc<strong>le</strong>ncheur (la crainte du Jugement dernier) <strong>et</strong>l’idéal à atteindre. Le traj<strong>et</strong> à parcourir montre la supériorité de ceux qui ont fait <strong>le</strong>choix du sacerdoce, ceux qui ont <strong>le</strong> « cœur pur » (mundo corde, strophe 3). Quelspeuvent être <strong>le</strong> public <strong>et</strong> la cib<strong>le</strong> d’un tel conduit ? Dès la première strophe, l’utilisationrhétorique de la deuxième per<strong>son</strong>ne (par exemp<strong>le</strong> : te decipis <strong>et</strong> excipis, strophe 1, vers8 <strong>et</strong> 9), désigne un auditoire laïc mais proche du pouvoir. Les courtisans des puissantsde ce monde se méprennent <strong>sur</strong> la nature du pouvoir <strong>et</strong> des intérêts à <strong>le</strong> fréquenter. Ils s<strong>et</strong>rompent de roi <strong>et</strong> s’en rem<strong>et</strong>tent au mauvais pouvoir. À ceux-là, <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> oppose,dans toute la troisième strophe, l’attitude des c<strong>le</strong>rcs dont lui-même fait partie.L’auditoire peut donc aussi se composer de ceux qui <strong>son</strong>t félicités à la fin du texte, carils ont fait <strong>le</strong> bon choix dans la voie du Salut. Le texte nous laisse imaginer un auditoiremixte de laïcs <strong>et</strong> de c<strong>le</strong>rcs : ceux qu’il faut convaincre <strong>et</strong> ceux qu’il faut encourager.L’évocation fina<strong>le</strong> des prédicateurs (strophe 3, vers 14 : <strong>et</strong> verbum dei predicant)comme ultime exemp<strong>le</strong> de ceux qui savent résister aux multip<strong>le</strong>s tentations montre dansquel contexte idéologique <strong>et</strong> religieux <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> compose. Depuis Pierre <strong>le</strong>Chantre, la prédication est désignée comme l’activité la plus é<strong>le</strong>vée du travaild’explication du texte biblique, l’achèvement <strong>et</strong> <strong>le</strong> but des études, après la <strong>le</strong>ctio <strong>et</strong> ladisputatio 85 . Le conduit Bonum est confidere prend place dans un contexte où laprédication est un enjeu central de la pastora<strong>le</strong> <strong>et</strong> participe lui-même de c<strong>et</strong>te grandeentreprise. C’est ce que <strong>Philippe</strong> démontre en évoquant l’exemp<strong>le</strong> du prédicateur enguise de conclusion. Par ce conduit, il fait lui-même œuvre uti<strong>le</strong>, se positionne du côtédes « cœurs purs » <strong>et</strong> agit lui-même en faveur de l’éducation des fidè<strong>le</strong>s tout enencourageant ses auditeurs à faire de même.D’une certaine manière, c’est toute la dernière strophe qui est à la gloire desprédicateurs. En eff<strong>et</strong>, l’évocation récurrente des Béatitudes rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong> Sermon <strong>sur</strong> laMontagne, discours fondateur prononcé par <strong>le</strong> Christ (Mt 5, 1-12) :85 Voir partie I, présentation historique p. 18.246