Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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La figure de l’anaphore est utilisée à plusieurs reprises dans le courant dupoème mais elle peut produire différents effets. Dans l’exemple ci-dessus, elle apporteun cadre et une stabilité au discours. Dans d’autres cas, l’anaphore cherche plutôt àprovoquer la saturation par l’accumulation. Dans la deuxième strophe par exemple, larépétition de la conjonction ubi suivie d’un mot de deux syllabes (locus, stridor et pena)permet de mettre en valeur l’énumération des châtiments infernaux donc de rendre lepassage plus édifiant :ubi locus flentiumubi stridor dentium.ubi pena gehennaliLa lassitude de la répétition est cependant évitée car le troisième vers utilise une rimedifférente des deux précédents et comporte huit syllabes au lieu de sept. Le sens etl’effet de l’accumulation anaphorique sont renforcés par cette figure d’accroissementdonnant plus de poids au dernier mot gehennali. Quelques vers plus loin, c’est l’usagerépété du superlatif, ajouté à l’anaphore, qui crée l’hyperbole :in die novissimo.in die gravissimo.La langue poétique fait donc un usage abondant de ces figures décrites dans les artespoeticae 84 . Loin d’être une série d’ornements gratuits, les colores du texte produisentdes effets sonores utiles à l’édification de l’auditeur. Ainsi entendu, le message formulépar le poète est organisé en un système sonore qui procure le plaisir par sa variété et sasubtilité. Ajoutée à un texte d’une telle virtuosité, la mélodie est, pour sa part, bienmoins flamboyante en apparence. Elle est en mode de ré authente et se construit à partirde formules mélodiques assez communes sur l’ambitus de l’octave. Pourtant, l’écrituremélodique n’en est pas moins virtuose à sa façon, dans sa capacité à servir le texte.La longueur du texte, son irrégularité structurelle et sa richesse sonorereprésentent certainement une difficulté pour l’invention mélodique. En effet, lesprocédés mélodiques sont renouvelés pour servir au mieux les intentions siremarquables du texte. La mélodie s’adapte donc aux inflexions de la langue poétiquepar le déploiement d’un style relativement syllabique et l’adéquation constante desphrases musicales aux vers. Les deux premières strophes sont principalement84 Voir partie III, p. 330.238

syllabiques et les monnayages n’excèdent que très rarement trois notes. En revanche, lelangage mélodique de la troisième strophe est plus fleuri, compensant ainsi le fait quecette strophe comporte moins de vers que les deux autres.D’un point de vue rhétorique, le début d’un discours, quel qu’il soit, doit placerl’auditeur dans de bonnes dispositions d’écoute et de compréhension. Pour ce faire, ilconvient d’utiliser un langage clair et d’annoncer les éléments qui encadreront la suitedu discours. Dans le cas d’une pièce musicale, la modalité est l’un des principauxvecteurs par lequel s’organise le « discours » mélodique. Il est donc judicieux, danscette perspective, d’énoncer clairement le cadre modal de la composition dès sonintroduction. La première moitié de cette strophe s’organise entièrement autour desnotes principales du mode, c’est-à-dire la finaleet les notes de sa triade, fa et la. Lesquatre premiers vers exploitent la quinte descendante la-ré et se terminent sur la finale :La même phrase mélodique est répétée deux fois pour se conformer à la structure dutexte (l’anaphore de bonum est et la structure alternée 7a 8b 7a 8b), mais aussi pourlaisser le temps à l’oreille de s’imprégner du cadre modal. Les verbes à l’infinitif(confidere et ponere) sont placés sur une cadence sur la finale que l’on retrouve demanière presque identique à la fin des vers 2 et 4. Les rimes sont ainsi clairementdistinctes par l’appui d’une cadence sur la note principale du mode. La ressemblancesonore et l’identité rythmique des deux derniers mots des vers 2 et 4 (domino et termino)sont soulignées par la broderie de la finale. La notation musicale insiste en utilisant uneponctuation placée avant le mot. La redondance sonore du deuxième vers : dominorumdomino et le jeu d’alternance des voyelles à l’intérieur du mot (dominorum domino et auvers 4 spei nostre termino) sont inscrits dans un dessin mélodique de forme symétrique,ascendant sur le premier o et descendant sur le second. La broderie finale apparaîtcomme une simplification du dessin mélodie énoncé juste avant :239

La figure de l’anaphore est utilisée à plusieurs reprises dans <strong>le</strong> courant dupoème mais el<strong>le</strong> peut produire différents eff<strong>et</strong>s. Dans l’exemp<strong>le</strong> ci-dessus, el<strong>le</strong> apporteun cadre <strong>et</strong> une stabilité au discours. Dans d’autres cas, l’anaphore cherche plutôt àprovoquer la saturation par l’accumulation. Dans la deuxième strophe par exemp<strong>le</strong>, larépétition de la conjonction ubi suivie d’un mot de deux syllabes (locus, stridor <strong>et</strong> pena)perm<strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en va<strong>le</strong>ur l’énumération des châtiments infernaux donc de rendre <strong>le</strong>passage plus édifiant :ubi locus f<strong>le</strong>ntiumubi stridor dentium.ubi pena gehennaliLa lassitude de la répétition est cependant évitée car <strong>le</strong> troisième vers utilise une rimedifférente des deux précédents <strong>et</strong> comporte huit syllabes au lieu de sept. Le sens <strong>et</strong>l’eff<strong>et</strong> de l’accumulation anaphorique <strong>son</strong>t renforcés par c<strong>et</strong>te figure d’accroissementdonnant plus de poids au dernier mot gehennali. Quelques vers plus loin, c’est l’usagerépété du superlatif, ajouté à l’anaphore, qui crée l’hyperbo<strong>le</strong> :in die novissimo.in die gravissimo.La langue poétique fait donc un usage abondant de ces figures décrites dans <strong>le</strong>s artespo<strong>et</strong>icae 84 . Loin d’être une série d’ornements gratuits, <strong>le</strong>s colores du texte produisentdes eff<strong>et</strong>s <strong>son</strong>ores uti<strong>le</strong>s à l’édification de l’auditeur. Ainsi entendu, <strong>le</strong> message formulépar <strong>le</strong> poète est organisé en un système <strong>son</strong>ore qui procure <strong>le</strong> plaisir par sa variété <strong>et</strong> sasubtilité. Ajoutée à un texte d’une tel<strong>le</strong> virtuosité, la mélodie est, pour sa part, bienmoins flamboyante en apparence. El<strong>le</strong> est en mode de ré authente <strong>et</strong> se construit à partirde formu<strong>le</strong>s mélodiques assez communes <strong>sur</strong> l’ambitus de l’octave. Pourtant, l’écrituremélodique n’en est pas moins virtuose à sa façon, dans sa capacité à servir <strong>le</strong> texte.La longueur du texte, <strong>son</strong> irrégularité structurel<strong>le</strong> <strong>et</strong> sa richesse <strong>son</strong>orereprésentent certainement une difficulté pour l’invention mélodique. En eff<strong>et</strong>, <strong>le</strong>sprocédés mélodiques <strong>son</strong>t renouvelés pour servir au mieux <strong>le</strong>s intentions siremarquab<strong>le</strong>s du texte. La mélodie s’adapte donc aux inf<strong>le</strong>xions de la langue poétiquepar <strong>le</strong> déploiement d’un sty<strong>le</strong> relativement syllabique <strong>et</strong> l’adéquation constante desphrases musica<strong>le</strong>s aux vers. Les deux premières strophes <strong>son</strong>t principa<strong>le</strong>ment84 Voir partie III, p. 330.238

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