Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...

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consécutives en 1219 et en 1221 66 . Le texte de Bulla fulminante pourrait donc avoir étéécrit juste après le deuxième voyage. On peut imaginer que Quo me vertam nescio a étécomposé dans les mêmes circonstances et suscité par le même sentiment de colère etd’impuissance. Dans les deux textes se retrouvent l’image des portes closes etsévèrement gardées et l’expression désabusée d’un espoir vain :Bulla fulminante, strophe 2 Quo me vertam nescio, strophe 6Pape ianitoresSy non cubat ianuis.cerbero surdiores,spem precidens vacuis.in spe vana plores,Dans Quo me vertam nescio, les exemples sont assemblés dans la dernièrestrophe. Le personnage biblique de Simon le magicien (Actes 8, 17), image de lavénalité du clergé, côtoie deux figures mythologiques peu rassurantes : Argus quiapparaît dans les Métamorphoses d’Ovide 67 comme un berger monstrueux au service deJunon. Ses cent yeux lui permettent de surveiller en permanence car, même lorsqu’ildort, il n’en ferme que la moitié. Dans le conduit, il surveille des loculos, c’est-à-diredes boîtes ou petits coffres dans lesquels est détenue la fortune de Rome. Suitl’évocation de Briare, géant puissant doté de cent bras, intervenant épisodiquement chezVirgile 68 . Dans le texte du conduit, ses bras lui servent à protéger les bourses. C’estdonc la conservation du trésor qui occupe la Curie. Ces exemples sont placés à la fin duconduit et illustrent le développement qui a précédé, un peu comme les exempla sontplacés dans les dernières parties des sermons. Ces illustrations narratives permettent decréer des images visuelles ainsi que des histoires qui prennent vie dans l’esprit desauditeurs. Ces exemples connus permettent ainsi de fixer ce texte et de rattacher à unréseau mythologique, l’idée principale défendue par Philippe le Chancelier, celle del’avarice de Rome. Les références à la mythologie grecque illustrent les proposcontemporains. Les emprunts à l’Antiquité sont assez rares dans les conduits dePhilippe le Chancelier et il est intéressant de noter qu’ils interviennent ici dans l’un destextes les plus liés à l’actualité et à sa propre biographie. Ce conduit est, par ailleurs,l’un de ceux qui font le moins référence au texte biblique. Les seules citationsidentifiables sont l’image des filles sangsues (Proverbes 30,15) à la strophe 3 etl’exemple de Simon le magicien. L’incipit qui est souvent le lieu d’une citation66 Paul MEYER, « Henri d’Andeli et le Chancelier Philippe », Romania, I (1872), p. 198.67 OVIDE, Metamorphoses, L 1, v. 625 : « Centum luminibus cinctum caput Argus habebat ».68 VIRGILE, Aeneid, L 6, v. 287 et L 10, v. 565 : « Aegaeon qualis centum cui bracchia dicunt centenasquemanus ».200

scripturaire renvoie ici certainement à Cicéron et ses plaidoyers 69 . La formule « quo mevertam nescio » semble effectivement particulièrement propice à introduire un discoursjuridique. Philippe le Chancelier se place donc davantage dans la lignée des grandsorateurs et des accusateurs que du côté de la réflexion et de la méditation. Il chercheavant tout à faire réagir par la force de ses arguments et de ses images et à convaincre del’état déplorable d’un clergé dirigé par l’avidité des biens et du pouvoir.69 CICÉRON, Epistularum ad quintum fratrem III, ep. V-VI § 6 ; Pro A. Cluentio oratio, I, § 4. Ce dernierpassage est aussi cité par QUINTILIEN dans son Institutio oratoria (II, § 19).201

consécutives en 1219 <strong>et</strong> en 1221 66 . Le texte de Bulla fulminante pourrait donc avoir étéécrit juste après <strong>le</strong> deuxième voyage. On peut imaginer que Quo me vertam nescio a étécomposé dans <strong>le</strong>s mêmes circonstances <strong>et</strong> suscité par <strong>le</strong> même sentiment de colère <strong>et</strong>d’impuissance. Dans <strong>le</strong>s deux textes se r<strong>et</strong>rouvent l’image des portes closes <strong>et</strong>sévèrement gardées <strong>et</strong> l’expression désabusée d’un espoir vain :Bulla fulminante, strophe 2 Quo me vertam nescio, strophe 6Pape ianitoresSy non cubat ianuis.cerbero <strong>sur</strong>diores,spem precidens vacuis.in spe vana plores,Dans Quo me vertam nescio, <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s <strong>son</strong>t assemblés dans la dernièrestrophe. Le per<strong>son</strong>nage biblique de Simon <strong>le</strong> magicien (Actes 8, 17), image de lavénalité du c<strong>le</strong>rgé, côtoie deux figures mythologiques peu ras<strong>sur</strong>antes : Argus quiapparaît dans <strong>le</strong>s Métamorphoses d’Ovide 67 comme un berger monstrueux au service deJunon. Ses cent yeux lui perm<strong>et</strong>tent de <strong>sur</strong>veil<strong>le</strong>r en permanence car, même lorsqu’ildort, il n’en ferme que la moitié. Dans <strong>le</strong> conduit, il <strong>sur</strong>veil<strong>le</strong> des loculos, c’est-à-diredes boîtes ou p<strong>et</strong>its coffres dans <strong>le</strong>squels est détenue la fortune de Rome. Suitl’évocation de Briare, géant puissant doté de cent bras, intervenant épisodiquement chezVirgi<strong>le</strong> 68 . Dans <strong>le</strong> texte du conduit, ses bras lui servent à protéger <strong>le</strong>s bourses. C’estdonc la conservation du trésor qui occupe la Curie. Ces exemp<strong>le</strong>s <strong>son</strong>t placés à la fin duconduit <strong>et</strong> illustrent <strong>le</strong> développement qui a précédé, un peu comme <strong>le</strong>s exempla <strong>son</strong>tplacés dans <strong>le</strong>s dernières parties des sermons. Ces illustrations narratives perm<strong>et</strong>tent decréer des images visuel<strong>le</strong>s ainsi que des histoires qui prennent vie dans l’esprit desauditeurs. Ces exemp<strong>le</strong>s connus perm<strong>et</strong>tent ainsi de fixer ce texte <strong>et</strong> de rattacher à unréseau mythologique, l’idée principa<strong>le</strong> défendue par <strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong>, cel<strong>le</strong> del’avarice de Rome. Les références à la mythologie grecque illustrent <strong>le</strong>s proposcontemporains. Les emprunts à l’Antiquité <strong>son</strong>t assez rares dans <strong>le</strong>s conduits de<strong>Philippe</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> <strong>et</strong> il est intéressant de noter qu’ils interviennent ici dans l’un destextes <strong>le</strong>s plus liés à l’actualité <strong>et</strong> à sa propre biographie. Ce conduit est, par ail<strong>le</strong>urs,l’un de ceux qui font <strong>le</strong> moins référence au texte biblique. Les seu<strong>le</strong>s citationsidentifiab<strong>le</strong>s <strong>son</strong>t l’image des fil<strong>le</strong>s sangsues (Proverbes 30,15) à la strophe 3 <strong>et</strong>l’exemp<strong>le</strong> de Simon <strong>le</strong> magicien. L’incipit qui est souvent <strong>le</strong> lieu d’une citation66 Paul MEYER, « Henri d’Andeli <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>Chancelier</strong> <strong>Philippe</strong> », Romania, I (1872), p. 198.67 OVIDE, M<strong>et</strong>amorphoses, L 1, v. 625 : « Centum luminibus cinctum caput Argus habebat ».68 VIRGILE, Aeneid, L 6, v. 287 <strong>et</strong> L 10, v. 565 : « Aegaeon qualis centum cui bracchia dicunt centenasquemanus ».200

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