Philippe le Chancelier et son oeuvre : étude sur l'élaboration d'une ...
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Les vers 1 et 2 forment ainsi une entité cohérente tant par le sens que la constructionmélodique. Le début de cette strophe est très marquant car très aigu. C’est la premièrefois que le sol’, octave de la finale, est atteint. Il est réentendu en tête du vers 4, alorsque débute la seconde partie de la strophe. Ce motif n’est donc pas uniquement porteurdes intentions expressives (exploitation des répétitions sonores du texte) et oratoires(surenchère vers l’aigu). Il sert aussi de marqueur structurel : il a signalé, par sadifférence de registre avec ce qui précède, le début d’une nouvelle strophe autrementque par une cauda. Il fait entendre l’articulation principale du conduit, c’est-à-dire lemoment où le dispositif des strophes doubles est abandonné au profit des strophessimples et où le poète reprend l’énonciation à la deuxième personne.La strophe IV se compose de deux groupes de textes parallèles. Le premierjoue sur la quasi-anaphore (sonore et orthographique) du début des deux phrases :Sy non cubat ianuis /spem precidens vacuis.Symon in assiduis / laborat contractibus.Le premier quatrain met en place une gradatio, figure de rhétorique qui reflètel’anaphore du texte. Le mélisme de la première syllabe est en effet transposé au degrésupérieur :Le second groupe (vers 5-8) met en parallèle deux personnages mythologiques qui ontle chiffre cent en commun :argus circa loculos / centum girat oculos.briareus sacculos / centum tollit manibus.La mélodie composée pour ce passage ne présente aucune forme ou figure de répétitionqui puisse faire écho à la rhétorique du texte. Cette strophe montre combien le travailsur le texte et sa mise en musique ne sont pas systématiques. Si certaines figuresmélodiques valorisent la construction et la langue du poème, il arrive que le rapportentre le texte et la musique soit plus lâche.198
La situation d’énonciation du conduit change à plusieurs reprises. La premièrestrophe est à la première personne, énonciation plus rarement utilisée par Philippe leChancelier dans ses œuvres lyriques. Il impose, dès l’incipit, son regard personnel, sonpropre jugement (stricto iudicio) sur ce qui l’entoure (circumfero). Le vocabulairechoisi montre qu’il se situe comme le centre d’un cercle composé par les prélats :vertam, circumfero. L’expérience du Chancelier réapparaît lorsqu’il est question deRome et de la Curie. Ses charges d’archidiacre de Noyon puis de Chancelier de lacathédrale Notre-Dame de Paris l’amènent à faire au moins quatre fois le voyage pourRome. À notre connaissance, il y est appelé en 1216, en 1219, en 1221 puis en 1231,principalement pour défendre son autorité et justifier ses actes dans les querelles où ilprend part 63 . Le regard qu’il porte sur la Curie est empli de la plus grande sévérité. Ilfait part d’observations de même nature dans un autre texte poétique célèbre, Bullafulminante 64 . Rome y est dépeinte comme le règne du mensonge, de l’agitation vaine etde la trahison :Bulla fulminantesub judice tonante,reo appelante,sententia gravante,veritas supprimitur,distrahituret venditurjusticia prostante,itur et recurriturad curiam, nec antequid consequiturquam exuitur quadrante. 65Dans ce même texte, Philippe le Chancelier insiste sur la corruption (auro nil potentiusnil gratius) et l’impossibilité d’y faire entendre ses arguments (frustra vitam pretendas /mores non commendas / ne judicem offendas / frustra tuis litteris / inniteris). PaulMeyer interprète le vers 9 (itur et recurritur) comme l’expression de l’exaspération dePhilippe qui, au cœur de la crise universitaire, se voit appelé à Rome deux fois63 Biographie développée dans l’introduction à la Summa de Bono, Niklaus WICKI (éd). PhilippiCancellarii Parisiensis Summa de bono, 2 vol., Berne, 1985, p. 11-28.64 Il s’agit d’une prosule qui se chante sur la cauda finale d’un conduit polyphonique attribué à Philippe leChancelier, Dic Christi veritas (F, f°203-204v).65 LoB, f°38v, CB, f°54, Stutt, f°33v, F, f°204, Prague, f°37v. Traduction : « Sous les bulles fulminantes,le juge tonnant, l’accusé implorant, la sentence s’alourdissant, la vérité est supprimée, dépecée etachetée, la justice prostituée ; on va, on revient en courant à la Curie, on ne reçoit rien de ce que l’oncherche avant d’abandonner sa part. »199
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Les vers 1 <strong>et</strong> 2 forment ainsi une entité cohérente tant par <strong>le</strong> sens que la constructionmélodique. Le début de c<strong>et</strong>te strophe est très marquant car très aigu. C’est la premièrefois que <strong>le</strong> sol’, octave de la fina<strong>le</strong>, est atteint. Il est réentendu en tête du vers 4, alorsque débute la seconde partie de la strophe. Ce motif n’est donc pas uniquement porteurdes intentions expressives (exploitation des répétitions <strong>son</strong>ores du texte) <strong>et</strong> oratoires(<strong>sur</strong>enchère vers l’aigu). Il sert aussi de marqueur structurel : il a signalé, par sadifférence de registre avec ce qui précède, <strong>le</strong> début d’une nouvel<strong>le</strong> strophe autrementque par une cauda. Il fait entendre l’articulation principa<strong>le</strong> du conduit, c’est-à-dire <strong>le</strong>moment où <strong>le</strong> dispositif des strophes doub<strong>le</strong>s est abandonné au profit des strophessimp<strong>le</strong>s <strong>et</strong> où <strong>le</strong> poète reprend l’énonciation à la deuxième per<strong>son</strong>ne.La strophe IV se compose de deux groupes de textes parallè<strong>le</strong>s. Le premierjoue <strong>sur</strong> la quasi-anaphore (<strong>son</strong>ore <strong>et</strong> orthographique) du début des deux phrases :Sy non cubat ianuis /spem precidens vacuis.Symon in assiduis / laborat contractibus.Le premier quatrain m<strong>et</strong> en place une gradatio, figure de rhétorique qui reflètel’anaphore du texte. Le mélisme de la première syllabe est en eff<strong>et</strong> transposé au degrésupérieur :Le second groupe (vers 5-8) m<strong>et</strong> en parallè<strong>le</strong> deux per<strong>son</strong>nages mythologiques qui ont<strong>le</strong> chiffre cent en commun :argus circa loculos / centum girat oculos.briareus sacculos / centum tollit manibus.La mélodie composée pour ce passage ne présente aucune forme ou figure de répétitionqui puisse faire écho à la rhétorique du texte. C<strong>et</strong>te strophe montre combien <strong>le</strong> travail<strong>sur</strong> <strong>le</strong> texte <strong>et</strong> sa mise en musique ne <strong>son</strong>t pas systématiques. Si certaines figuresmélodiques valorisent la construction <strong>et</strong> la langue du poème, il arrive que <strong>le</strong> rapportentre <strong>le</strong> texte <strong>et</strong> la musique soit plus lâche.198