2000, Volume 6, N°1 - Centre d'études et de recherches ...

JOURNAL OF EUROPEANINTEGRATION HISTORYREVUE D’HISTOIRE DEL’INTÉGRATION EUROPÉENNEZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DEREUROPÄISCHEN INTEGRATIONedited by theGroupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaineauprès de la Commission européenne2000, Volume 6, Number 1NOMOS VerlagsgesellschaftBaden-Baden

EditorsPublished twice a year by theGroupe de liaison des professeurs d’histoirecontemporaine auprès de la Commission européennein cooperation with theJean Monnet Chairs in History of European Integrationwith the support of theEuropean Commission, DG X University InformationEditorial BoardBOSSUAT, GérardUniversité de Cergy-Pontoise,Jean Monnet ChairDEIGHTON, AnneSt. Antony’s College, OxfordDUMOULIN, MichelUniversité catholique de LouvainJean Monnet ChairGUIRAO, FernandoUniversitat Pompeu Fabra, BarcelonaJean Monnet ChairLAURSEN, JohnnyUniversity of AarhusLOTH, WilfriedUniversität-Gesamthochschule EssenJean Monnet ChairMILWARD, Alan S.European University Institute, FlorenceSCHWABE, KlausRheinisch-Westfälische Technische Hochschule AachenJean Monnet ChairTRAUSCH, GilbertCentre Robert Schuman, Université de LiègeVAN der HARST JanUniversity of GroningenVARSORI, AntonioUniversità degli Studi di FirenzeJean Monnet ChairJOURNAL OF EUROPEANINTEGRATION HISTORYREVUE D’HISTOIRE DEL’INTÉGRATION EUROPÉENNEZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DEREUROPÄISCHEN INTEGRATIONEditorial SecretariatGilbert Trausch, directorCharles Barthel, assistant directorAddress:Centre d’études et de recherches européennesRobert Schuman4 Rue Jules WilhelmL-2728 LuxembourgTel.: (3 52)4 78 22 90/478 2291Fax.: (3 52) 4227 97

JOURNAL OF EUROPEAN INTEGRATION HISTORYREVUE D’HISTOIRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNEZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATIONedited by theGroupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaineauprès de la Commission européenne2000, Volume 6, Number 1

The Liaison Committee of Historians came into being in 1982 as a result of an important internationalsymposium, that the Commission had organized in Luxembourg in order to launch historical researchon European integration. It consists of historians of the European Union member countries, who havespecialized in contemporary history.The Liaison Committee:- gathers and conveys information about works on European history after the Second World War;- advises the European Union in the matter of scientific projects to be carried through. Thus, theLiaison Committee was commissioned to make publicly available the archives of the Communityinstitutions;- enables researchers to make better use of the archival sources;- promotes scientific meetings in order to get an update of the acquired knowledge and to stimulatenew research: six research conferences have been organized and their proceedings published, aseventh conference will take place in Essen (Germany).The Journal of European History - Revue d’histoire de l’intégration européenne - Zeitschrift fürGeschichte der europäischen Integration is totally in line with the preoccupations of the Liaison Committee.Being the first journal of history to deal exclusively with the history of European Integration,the Journal intends to offer the increasing number of young historians devoting their research to contemporaryEurope, a permanent forum.At the same time, the Liaison Committee publishes the Newsletter of the European Community LiaisonCommittee of Historians and of the Jean Monnet Chairs in History of European Integration. TheNewsletter publishes in particular an important current bibliography of theses and dissertations, booksand articles dealing with European integration and presents the syllabuses of research institutes andcentres in the field of European history.The Liaison Committee is supported by the European Commission and works completely independentlyand according to the historians’ critical method.*Le Groupe de liaison des professeurs d’histoire auprès de la Commission des Communautéseuropéennes s’est constitué en 1982 à la suite d’un grand colloque que la Commission avait organiséà Luxembourg pour lancer la recherche historique sur la construction européenne. Il regroupedes professeurs d’université des pays membres de l’Union européenne, spécialistes d’histoire contemporaine.Le Groupe de liaison a pour mission:- de diffuser l’information sur les travaux portant sur l’histoire de l’Europe après la Seconde Guerremondiale;- de conseiller l’Union européenne sur les actions scientifiques à entreprendre avec son appui; ainsile Groupe de liaison a assuré une mission concernant la mise à la disposition du public des archivesdes institutions communautaires;- d’aider à une meilleure utilisation par les chercheurs des moyens de recherche mis à leur disposition(archives, sources orales...);- d’encourager des rencontres scientifiques afin de faire le point sur les connaissances acquises etde susciter de nouvelles recherches: six grands colloques ont été organisés et leurs actes publiés,un septième colloque aura lieu à Essen (RFA).L’édition du Journal of European Integration History — Revue d’histoire de l’intégration européenne —Zeitschrift für Geschichte der europäischen Integration se situe dans le droit fil des préoccupations duGroupe de liaison. Première revue d’histoire à se consacrer exclusivement à l’histoire de la constructioneuropéenne, le Journal se propose de fournir un forum permanent au nombre croissant de jeuneshistoriens vouant leurs recherches à l’Europe contemporaine.Parallèlement le Groupe de liaison édite la Lettre d’information du Groupe de liaison des professeursd’histoire auprès de la Commission européenne et du réseau des Chaires Jean Monnet enhistoire de l’Intégration. La Lettre d’information publie notamment une importante bibliographie courantedes thèses et mémoires, livres et articles consacrés à la construction européenne et présente lesprogrammes des instituts et centres de recherche en matière d’histoire européenne.Le Groupe de liaison bénéficie du soutien de la Commission européenne. Ses colloques et publicationsse font en toute indépendance et conformément à la méthode critique qui est celle des historiens.

JOURNAL OF EUROPEAN INTEGRATION HISTORYREVUE d’HISTOIRE DE l’INTÉGRATION EUROPÉENNEZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DER EUROPÄISCHEN INTEGRATION2000, Volume 6, Number 1Gérard BOSSUAT, coordinatorGérard BOSSUATl’Europe de la citoyenneté 5Pierre GERBETQuelle Citoyenneté Européenne? 7Wilfried LOTHIdentity and Statehood in the Process of European Integration 19Christophe GOUELConseil de l’Europe et coopération judiciaire pénaledans les années cinquante 33Lorenzo MECHIl’action de la Haute Autorité de la CECA dansla construction de maisons ouvrières 63Ralf MAGAGNOLIDer schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik;nach dem Scheitern der EVG 91Ginevra ANDREINIEURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent?French Nuclear Independence and European Integrationduring the Mollet Government (1956) 109Laurence HUBERTLa politique nucléaire de la Communauté européenne(1956-1968)Une tentative de définition, à travers les archives de laCommission européenne 129Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 155Notices - Informations - Mitteilungen 169Abstracts - Résumés - Zusammenfassungen 175Contributors - Auteurs - Autoren 183Books received - Livres reçus - Eingegangene Bücher 185

Editorial noticeArticles for inclusion in this journal may be submitted at any time. The editorial board will thenarrange for the article to be refereed. Articles should not be longer than 6000 words, footnotesincluded. They may be in English, French or German.Articles submitted to the Journal should be original contributions and not be submitted to anyother publication at the same time as to the Journal of European Integration History. Authorsshould retain a copy of their article. The publisher and editors cannot accept responsibility forloss of or damage to author’s typescripts or disks.The accuracy of, and views expressed in articles and reviews are the sole responsibility of theauthors.Authors should ensure that typescripts conform with the journal style. Prospective contributorsshould obtain further guidelines from the Editorial Secretariat.Articles, reviews, communications relating to articles and books for review should be sent to theEditorial Secretariat.CitationThe Journal of European Integration History may be cited as follows:JEIH, (Year)/(Number), (Page).ISSN 0947-9511© 2000 NOMOS Verlagsgesellschaft, Baden-Baden and the Groupe de liaison des professeursd’histoire contemporaine auprès de la Commission européenne. Printed in Germany.All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, ortransmitted in any form or by any means, mechanical, photocopying, recording or otherwise,without prior permission of the publishers.

5l’Europe de la citoyennetéGérard BOSSUATl’idée de faire un numéro consacré à l’Europe de la citoyenneté est en relation avecl’évolution récente de l’Union européenne. En effet, les citoyens des Etats membresde l’Union expriment souvent l’espoir de se reconnaître dans une identitécommune européenne qui pourrait prendre la forme d’une citoyenneté européenne.Mais il n’est pas si simple de «placer le citoyen au centre de la construction européenne»(Westendorp, 1997), car tel n’a pas été le processus de formation des communautéseuropéennes. Certes il existe bien une citoyenneté européenne définie parl’article 8 du traité CE, reconnaissant aux citoyens des Etats membres de l’Uniondes droits, mais elle est étroitement définie et ne comporte pas de devoirs en regarddes droits accordés.Au-delà des nécessaires questions juridiques que les historiens n’abordent pasen tant que spécialistes, des questions simples se posent:1. l’unité européenne peut-elle se faire hors d’une démarche citoyenne, i.e. politique? Al’évidence, non; or les divers projets d’union politique ont échoué jusqu’à maintenant.2. Une Europe des citoyens suppose que les citoyens expriment leurs conceptions del’unité. Les mouvements européens ont tenté de prendre en charge cette dimensioncitoyenne dans les années 50, avec peu de succès tout compte fait. l’électiondu Parlement européen au suffrage universel n’a pas résolu la question.3. Une Europe de la citoyenneté exigerait que les Etats, à côté des opinions publiqueset des partis politiques, définissent les contours juridiques des droits et desdevoirs des citoyens envers l’Union. Or ils éprouvent des difficultés à mettrecette question au débat citoyen.4. Peut-on concevoir une citoyenneté européenne sans identité européenne partagée?Une Europe de la citoyenneté suppose que chaque citoyen de l’Union soitconscient d’adhérer à un corpus de valeurs partagées: démocratie, mais aussi toléranceet respect des diversité culturelle, religieuse, idéologique; foi dans l’avenirde l’Europe comme puissance mondiale, non pas comme force impérialiste, maiscomme agent de stabilité politique et économique, capable d’intervenir en vued’assurer la paix; élaboration implicite ou volontaire d’un modèle de vie en commun.Cette identité européenne, dont il est indispensable de cerner les contours,est le fondement de la citoyenneté européenne. Il est assez évident actuellementque les hommes et les femmes d’Europe se sentent plus citoyens de leur pays,même s’ils aspirent à partager une citoyenneté européenne non définie.Les contributions de ce numéro sont en partie consacrées à la question de l’Europedes citoyens. Les historiens ont voulu travailler sur les identités qui structurent lescitoyens européens: identité nationale, identités régionales, identité européenne(Wilfried Loth). l’identité européenne ne peut remplacer les autres identités auxquellesse réfèrent les citoyens. La contribution de Pierre Gerbet a l’avantage defaire l’histoire de la citoyenneté européenne depuis 50 ans et de montrer les limites

6 Gérard BOSSUATactuelles de cette notion. Un autre article, novateur, met en valeur la coopérationjudiciaire pénale dans les années 1950, à l’initiative du Conseil de l’Europe quicontribue donc à la définition d’une identité judiciaire européenne (Ch. Gouel).l’Europe citoyenne est aussi celle qui contribue au bien-être social. Comment sesentir citoyen d’un ensemble qui ne se préoccuperait pas de progrès social? Monnet,au temps de la Haute Autorité du charbon et de l’acier, a apporté une réponse.La Haute Autorité a fait construire des logements sociaux ouvriers (L. Mechi).La réflexion des historiens sur la citoyenneté européenne en est à ses débuts.Aucun travail d’histoire n’a été mené sur ce point. Les historiens se sont emparésde ce nouveau champ de recherche qui implique une relecture des travaux des juristes,une mise en relation avec l’Europe sociale, politique et culturelle. Il est indispensableaussi d’avoir une connaissance des représentations de l’unité européennedes milieux socio-économiques des Etats européens, de comprendre le discours despartis politiques sur la démocratisation de l’Union. Il faut mener une recherche surl’action des mouvements citoyens pro et anti-européens, sur l’apport théorique etpratique au concept de citoyenneté des organisations et institutions européennes(Commission européenne, Parlement européen, représentations des Etats, Conseilde l’Europe, OSCE, etc.). Apparaissent encore trois autres secteurs de recherche:l’éducation dont on ne peut nier l’importance dans l’élaboration d’une consciencecitoyenne, les médias populaires (séries télévisées, jeux, chansons), le sport quipeut renforcer le chauvinisme ou au contraire créer une solidarité intereuropéenne.Les relations entre identité et citoyenneté européenne sont au cœur de la problématiquede recherche. Comment définir l’identité européenne: celle venue du passédes nations européennes, celle construite volontairement par les contemporainspour définir un avenir commun? Comment relier le passé et l’avenir? Car il ne peuty avoir de citoyenneté européenne sans connaissance de l’histoire des peupleseuropéens, ni sans projet collectif propre aux Etats et aux peuples de l’Union.Notre revue devra très certainement reprendre ce dossier dans les années à venir.Gérard BossuatChaire Jean MonnetUniversité de Cergy-Pontoise

7Quelle Citoyenneté Européenne?Pierre GERBETLe traité de Maastricht sur l’Union européenne a institué une citoyenneté de l’Union.Comme il n’existe pas d’Etat européen, cette citoyenneté n’est que le simple prolongementdes citoyennetés des Etats membres de l’Union. Toutefois, cettepour les citoyens européens des droits politiques qui ne sont pas liés à la nationalité.Mais il n’y a pas que cet aspect. Auparavant s’était développée une sorte de citoyennetéfonctionnelle due à la mise en œuvre des dispositions de la Communautééconomique européenne avec la liberté de circulation et d’établissement, les politiquesvisant à améliorer les conditions de vie des Européens en même temps ques’affermissait la défense de leurs valeurs et de leurs droits fondamentaux. C’est laconvergence de ces actions qui, dans le cadre d’un édifice politique encore inachevé,a donné un contenu réel au concept de citoyenneté européenne. 1 Il n’est pas inutiled’en rappeler l’évolution.constitLa citoyenneté économiqueLe traité de Rome (25 mars 1957) instituant la Communauté économique européennea conféré aux ressortissants des Etats membres des droits et des obligations dans ledomaine économique.Il prévoit la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et descapitaux dans le cadre d’un marché commun (articles 2 et 3). La libre circulation despersonnes est toutefois limitée aux travailleurs salariés (articles 48 à 51) et aux indépendants(artisans, industriels, commerçants, professions libérales) qui bénéficierontde la liberté d’établissement (articles 52 à 58), toute discrimination en raison de lanationalité étant interdite (article 7).Ainsi, c’est en tant qu’agents économiques que les ressortissants des Etats membresauront le droit d’agir sur toute l’étendue du territoire communautaire.C’était là une nouveauté essentielle puisque jusqu’alors les travailleurs immigrésétaient soumis à des réglementations très restrictives (visas, cartes de séjour) et à desaccords de main-d’œuvre bilatéraux ou multilatéraux. Seuls quelques groupementsrégionaux avaient libéré les mouvements de main-d’œuvre (Union nordique, Bénélux).Les dispositions du traité CEE furent mises en œuvre au fur et à mesure desétapes de la période transitoire par une série de règlements et de directives adoptéspar le Conseil sur proposition de la Commission et interprétés de façon extensive par1. Voir P. MAGNETTE éd., De l’étranger au citoyen, construire la citoyenneté européenne, Bruxelles,De Boeck Université, 1997.

8 Pierre GERBETla jurisprudence de la Cour de Justice. 2 Ainsi furent assurées à partir de 1968 la suppressiondes obstacles juridiques à la libre circulation des travailleurs et membres deleur famille, la suppression de toute discrimination avec les nationaux dans le recrutementdes travailleurs, le droit aux prestations sociales, l’extension du droit de séjouraux retraités ayant exercé une activité dans un autre Etat et à leur famille. A partir de1974, c’est le droit d’établissement et de prestation de services qui entra progressivementen vigueur pour les activités commerciales, artisanales, industrielles. Toutefoisle libre établissement pour les «professions réglementées» était subordonné à l’équivalencedes diplômes et à l’harmonisation des études nécessaires pour les obtenir.Des directives sectorielles sur l’harmonisation des conditions de formation et à lacréation de systèmes de reconnaissance et de suivi de chaque profession donnant lesmeilleures garanties d’équivalence permirent de mettre en œuvre le droit d’établissement,entre 1975 et 1985, pour les professions de santé (médecins, infirmiers, dentistes,vétérinaires, sages-femmes, pharmaciens) et pour les architectes.C’est plus tard, que sera adopté un système général de reconnaissance mutuelledes diplômes d’enseignement supérieur (voir plus loin).Ainsi les opérateurs économiques pouvaient travailler sans discrimination surtoute l’étendue du territoire communautaire, la compétence territoriale des Etats setrouvant dépassée. Une sorte de citoyenneté européenne s’est développée sur le planéconomique avec les mêmes droits et les mêmes devoirs de se conformer à la législationcommunautaire. Seuls les ressortissants des Etats membres bénéficient de la librecirculation et de l’égalité de traitement. Les ressortissants de pays tiers résidant dansla Communauté restent soumis aux législations nationales sur les étrangers (avec desexceptions pour les travailleurs issus d’Etats associés à la Communauté européenne).l’Europe des citoyensLes années 70 et 80 ont été marquées par le développement d’un concept nouveau :celui de l’«Europe des citoyens», par opposition à l’«Europe des marchandises» miseen œuvre avec le Marché commun. A la libre circulation des agents économiquesdevaient s’ajouter des mesures prises pour le bien-être des individus (environnement,santé, protection des consommateurs, actions culturelles ...). Il s’agissait de développerdes politiques communautaires susceptibles d’intéresser directement les citoyensà la construction européenne pour faire face à la crise de légitimité qui menaçait alorsla Communauté.Il s’agissait aussi de leur faire prendre conscience de leur appartenance à unmême ensemble solidaire. d’autant plus que des tentatives étaient faites pour créerune entité politique européenne. Au sommet de Paris (19-21 octobre 1972) les Neufavaient décidé de «transformer d’ici 1980 l’ensemble de leurs relations en une Union2. Sur ces développements, voir H d. LARY, La libre circulation des personnes dans l’Union européenne,Paris, PUF, 1996, Que sais-je? n°2697.

Quelle Citoyenneté Européenne? 9européenne». La nature de celle-ci n’était pas précisée en raison des divergencesentre partisans et adversaires de la Fédération. Elle engloberait les Communautés, laCoopération en politique étrangère pratiquée depuis 1970 et les actions qui pourraientêtre entreprises dans d’autres domaines. Au sommet de Copenhague (14-15 décembre1973) l’identité européenne a été affirmée dans les relations extérieures. Quant àl’aspect interne, il a été abordé par le sommet de Paris (9-10 décembre 1974) qui, enmême temps qu’il instituait le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement,décidait l’élection de l’Assemblée parlementaire des Communautés européennes ausuffrage universel direct. Les citoyens des Etats membres seraient donc concernés. Lecommuniqué final annonçait la mise à l’étude d’une «union des passeports» aboutissantà un passeport uniforme ainsi que l’“attribution de droits spéciaux (civils et politiques)aux citoyens des Etats membres». 3Sur ces problèmes, la Commission remit le 3 juillet 1975 au Conseil des ministres,chargé de proposer des solutions, des rapports techniques intitulés «Versl’Europe des citoyens». 4 Sur l’Union des passeports, la Commission préconisait ladélivrance, par les Etats membres, d’un passeport uniforme et l’abolition du contrôlesur les personnes aux frontières intérieures de la Communauté accompagnée de laréorganisation des contrôles aux frontières extérieures de celle-ci. Quant aux droitsciviques et politiques des ressortissants communautaires, la Commission estimait que«cette attribution serait inspirée par un principe parallèle à celui qui est à la base destraités communautaires, à savoir l’assimilation au national dans le domaine économique».Les droits spéciaux de nature politique seraient principalement les droits devote, d’éligibilité et d’accès aux fonctions publiques, au moins au niveau communal.«l’attribution de droits spéciaux serait l’aboutissement logique du principe du traitementnational et de l’intégration dans le pays d’accueil».De son côté le Parlement européen, le 6 août 1975, adoptait une résolutiondemandant que «pour donner aux citoyens de la Communauté le sentiment de leurcommunauté de destin, une Charte des droits des citoyens de la Communauté européennesoit élaborée et que soient adoptées les mesures pratiques - depuis longtempsdemandées - propres à contribuer à la formation de la conscience communautaireeuropéenne».Le rapport de Léo Tindemans sur l’Union européenne, remis le 29 décembre 1975au Conseil européen, qui préconisait des réformes institutionnelles et le développementd’actions communes, comportait un chapitre sur «l’Europe des citoyens». 5 Tindemansestimait qu’en plus des mesures prises dans le cadre de la politique sociale del’Union en matière de sécurité, de concertation et de participation, qui se traduirontdirectement dans la vie quotidienne des Européens, deux lignes d’action complémentairesdevraient être retenues.d’abord «la protection des droits des Européens, là où celle-ci ne peut plus êtreassurée exclusivement par les Etats nationaux», c’est-à-dire les droits et libertés fon-3. Bulletin CE 12/74.4. Bulletin CE 7/75.5. Supplément au Bulletin CE 1/76.

10 Pierre GERBETdamentales, y compris les droits économiques et sociaux, en particulier la protectiondu consommateur et de l’environnement. A cet effet, Tindemans faisait une propositionconcrète: «l’Union européenne devrait disposer d’un organe commun de réglementationet de contrôle des centrales nucléaires disposant de compétences et de pouvoirsanalogues à ceux de la Nuclear Regulatory Commission aux Etats-Unis. Lescontrôles devraient porter sur l’implantation, la construction et le fonctionnement descentrales, le cycle des combustibles et la disposition des déchets radioactifs et thermiques».Ainsi pourraient être apaisées les craintes et rendu acceptable à l’opinionl’indispensable développement de l’énergie nucléaire en Europe.d’autre part, le rapport Tindemans mettait l’accent sur la nécessité d’une «perceptionconcrète de la solidarité européenne par des signes extérieurs sensibles dans lavie quotidienne». Il proposait, outre l’uniformisation, puis l’Union des passeportsdéjà à l’étude, son complément naturel, c’est-à-dire «la disparition progressive desmesures de contrôle des personnes aux frontières entre les pays membres», ainsi quedes mesures facilitant le transport et la communication (harmonisation des réglementations,suppression des discriminations entre les tarifs nationaux et ceux concernantl’ensemble de l’Union, simplification des modalités de remboursement des dépensesde santé effectuées dans un autre pays de l’Union). Il préconisait une plus grandeinterpénétration en matière d’éducation: à cet effet il fallait trouver une solution pragmatiqueau problème de l’équivalence des diplômes et des périodes d’études entre lespays de l’Union en encourageant d’abord les accords bilatéraux ou multilatérauxentre universités. Enfin le rapport insistait sur la nécessité de développer l’informationsur l’activité communautaire et la connaissance mutuelle entre les peuples, par lacollaboration entre les organes d’information, particulièrement la radio et la télévision.Une Fondation européenne pourrait être créée pour développer les contactshumains: activités de jeunesse, échanges universitaires, débats et colloques scientifiques,réunions de catégories socioprofessionnelles, activités culturelles.Le rapport Tindemans fut pratiquement enterré par le Conseil européen de LaHaye (29-30 novembre 1976). Les orientations qu’il proposait sur les institutions etles actions communes ne seront reprises que plus tard par l’Acte unique, le traité deMaastricht, la Convention de Schengen. En ce qui concerne les citoyens, la Commissionprésenta au Conseil des ministres et au Parlement européen un rapport surla protection des droits fondamentaux. Le Parlement vota le 16 novembre 1977 unerésolution demandant l’attribution de droits spéciaux aux citoyens de la Communautéeuropéenne, souhaitant que ceux-ci disposent de droits civils et politiquesainsi que d’une protection de ces droits. Mais le groupe de travail du Conseilchargé par le sommet de 1974 d’étudier le problème des droits spéciaux et des passeportsne progressait pas.La première élection directe du Parlement européen, les 7-10 juin 1979, constituaun tournant. Les citoyens participaient désormais au système politique communautaire.Mais c’était en tant que citoyens de leurs Etats respectifs, pour la représentationparlementaire de ceux-ci et sans procédure électorale uniforme. Les élections européennesse joueront surtout sur des enjeux de politique intérieure nationale.

Quelle Citoyenneté Européenne? 11Les efforts de relance des Communautés européennes au début des années 80visèrent surtout le renforcement des institutions et l’extension du champ communautaire.Ils abordèrent les problèmes de citoyenneté de façons diverses.La Déclaration solennelle sur l’Union européenne adoptée le 19 juin 1983 à Stuttgartà la suite de l’initiative Genscher-Colombo, n’évoquait que la coopération culturelle,les échanges de professeurs et d’étudiants, le développement de l’enseignementdes langues, des activités communes dans le domaine de la diffusion culturelle,en particulier par l’audiovisuel, une meilleure information sur l’histoire et la cultureeuropéennes en vue de promouvoir une conscience européenne. 6 Mais la Déclarationne comportait pas d’obligation juridique.En ce qui concerne les droits, la Déclaration se situait dans la ligne des positions surla démocratie adoptées depuis quelques années. En avril 1977, l’Assemblée, le Conseilet la Commission avaient, dans une déclaration commune, souligné «l’importance primordialequ’ils attachent au respect des droits fondamentaux tels qu’ils résultentnotamment des constitutions des Etats membres ainsi que de la Convention européennede sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales». 7Le Conseil européen de Copenhague (7-8 avril 1978) avait adopté une déclarationsur la démocratie précisant que le «respect et le maintien de la démocratie représentativeet les droits de l’homme dans chacun des Etats membres constituent des élémentsessentiels de l’appartenance aux Communautés européennes». 8 Dans la Déclarationde Stuttgart, les Etats membres se disaient, dans le préambule, «décidés à promouvoirensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux reconnus dans lesconstitutions et loin des Etats membres, dans la Convention européenne pour la protectiondes droits de l’homme et la Charte sociale européenne, notamment la liberté,l’égalité et la justice sociale».Le projet de traité sur l’Union européenne 9 adopté le 14 février 1984 par le Parlementeuropéen à l’initiative d’Altiero Spinelli, qui prévoyait une structure institutionnelled’inspiration fédéraliste avec partage de souveraineté entre l’Union et les Etats,abordait la question de la citoyenneté, mais n’apportait qu’une réponse très prudente:«Les citoyens des Etats membres sont par là même citoyens de l’Union. La citoyennetéde l’Union est liée à la citoyenneté d’un Etat-membre; elle ne peut être acquiseou perdue séparément. Les citoyens de l’Union participent à la vie politique decelle-ci dans les formes prévues par le présent traité, jouissent des droits qui leur sontreconnus par l’ordre juridique de l’Union et se conforment aux normes de celui-ci»(article 3). Mais en ce qui concerne les droits, le projet allait beaucoup plus loin queles déclarations précédentes. l’Union s’engageait par l’article 4 à «protéger les droitset libertés fondamentaux tels qu’ils résultent des principes communs des constitutionsdes Etats membres ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde desdroits de l’homme, à protéger et développer les droits économiques, sociaux et cultu-6. Bulletin CE 6/83.7. Il s’agit de la Convention adoptée par le Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950.8. Bulletin CE 4/78.9. Bulletin CE 2/84.

12 Pierre GERBETrels qui résultent des constitutions des Etats membres ainsi que de la Charte socialeeuropéenne. Elle adoptera sa propre déclaration des droits fondamentaux».En cas de violation persistante par un Etat membre des principes démocratiquesou des droits fondamentaux, des sanctions pourront être prises suivant les dispositionsde l’article 44 du présent traité. Ainsi la citoyenneté de l’Union ne serait qu’unprolongement de la citoyenneté nationale, mais l’Union assurerait la protection desdroits des citoyens. Le projet de traité du Parlement européen ne fit pas l’objet de discussionentre les gouvernements mais il exerça une influence lors de la révision destraités communautaires.l’Acte unique européen (17-28 février 1986) qui a relancé l’activité communautaireen décidant l’établissement du grand marché intérieur et en étendant à cette finle vote majoritaire au Conseil, ne comporte pas de disposition sur la citoyenneté. 10 Lepréambule reprend simplement la Déclaration de Stuttgart sur les droits fondamentauxet la démocratie. Et cependant l’Acte unique a marqué une étape importantedans le développement de l’Europe des citoyens.Le Conseil européen de Fontainebleau (25-26 juin 1984) qui avait décidé unepremière révision du traité de Communauté économique européenne, avait estimé«indispensable que l’Europe réponde à l’attente des peuples européens en adoptantles mesures propres à renforcer et à promouvoir son identité auprès de ses citoyenset dans le monde». Aussi avait-il créé deux comités ad hoc composés de représentantsdes chefs d’Etat et de gouvernement, l’un pour les questions institutionnellesqui sera présidé par le sénateur irlandais J. Dooge, l’autre pour «l’Europe descitoyens» présidé par l’Italien Adonnino, avec mandat d’étudier diverses mesurespropres à renforcer l’identité de la Communauté : établissement d’un documentunique pour la circulation des marchandises, suppression des formalités de policeet de douane aux frontières intercommunautaires pour la circulation des personnes,équivalence des diplômes, drapeau et hymne européens, équipes sportives, frapped’une monnaie européenne.Le Comité Adonnino adressa un premier rapport au Conseil européen de Bruxelles(29-30 mars 1985). 11 Sur la libre circulation des personnes, il se montrait prudent : lesmesures nécessaires à son établissement provoqueraient moins de résistances nationalessi elles découlaient de l’ouverture du grand marché, c’est-à-dire de justifications économiquesplutôt que politiques. Aussi se bornait-il à proposer l’allégement des procéduresaux frontières, distinguer dans les ports et aéroports les ressortissants des Etats membresde la Communauté et ceux des Etats tiers, adopter un modèle uniforme de passeport.Il proposait aussi la mise en œuvre progressive d’une politique commune concernantl’entrée, la circulation et l’expulsion des étrangers, les visas, les contrôles auxfrontières extérieures de la Communauté. Pour la circulation des biens, en attendant lemarché unique, il faudrait éliminer les restrictions sur les services de transports et mettreen œuvre un marché libre, augmenter les franchises de taxes sur les achats des parti-10. l’Acte unique européen. Commentaire par Jean de Ruyt. Avant-propos de Jean-Victor Louis, Préfaced’Emile Noël, Université libre de Bruxelles, 1987.11. Bulletin CE 3/85.

Quelle Citoyenneté Européenne ? 13culiers dans un autre pays de la Communauté et sur les petits envois postaux (en particulierjournaux et livres). En ce qui concerne les «droits du citoyen de laCommunauté», le rapport préconisait de les affermir par l’extension des possibilitésd’emploi et de séjour des travailleurs, par la reconnaissance mutuelle des diplômes sansharmonisation préalable et l’institution d’une carte de formation professionnelle européennepour les travailleurs qualifiés, par la généralisation du droit de séjour à tous lescitoyens sur justification de moyens de subsistance.Dans un second rapport, adressé au Conseil européen de Milan (28-29 juin1985), 12 le Comité Adonnino présentait des propositions sur «la participation descitoyens au processus politique à la fois dans la Communauté et dans les Etatsmembres»: procédure électorale uniforme du Parlement européen, renforcement dudroit de pétition, droit de vote et éligibilité des citoyens d’autres Etats membres auxélections locales.Il proposait également des actions dans le domaine de la culture et de la communication,de l’information sur la construction européenne, des échanges de jeunes, lacoopération universitaire. Pour le renforcement de l’image et de l’identité de la Communauté,le Comité proposait l’utilisation de symboles: le drapeau européen bleuavec un cercle de douze étoiles d’or (déjà utilisé par le Conseil de l’Europe depuis1955), l’«Hymne à la joie» de la Neuvième symphonie de Beethoven, déjà joué lorsde manifestations européennes et hymne officiel du Conseil de l’Europe depuis 1972,des timbres ayant le même dessin et rappelant des événements importants de la Communauté.Le Conseil approuva ces propositions et chargea la Commission et les Etatsmembres de prendre les dispositions nécessaires pour les mettre en œuvre.C’est dans le domaine des symboles européens que les décisions intervinrentd’abord. 13 Déjà l’adoption du passeport européen, très longtemps retardée par le problèmede la langue, avait été décidée pour le l er janvier 1985, sous forme du passeportnational, de même format pour tous les Etats membres, de couleur bordeaux, avec lamention «Communauté européenne» précédant le nom de l’Etat. Le Conseil européende Milan (28-29 juin 1985) adopta le drapeau européen qui fut hissé solennellementsur l’immeuble de la Commission, au Berlaymont, le 29 mai 1986, ainsi quel’«Hymne à la joie».La liberté de circulation de personnes a été élargie. Tout d’abord par l’adoptiond’une nouvelle approche d’équivalence des diplômes. Au lieu de la difficile harmonisationrecherchée jusqu’alors, le Conseil décida le 30 mars 1985 d’adopter le principede la reconnaissance mutuelle des diplômes d’enseignement supérieur compte-tenude la comparabilité des formations (post-secondaire minimum de trois ans), basé surla confiance mutuelle entre Etats membres, mais avec des garanties, l’Etat d’accueilpouvant accepter ou refuser le droit de séjour au titulaire d’un diplôme, à condition deprendre la décision rapidement et de la motiver. La Cour de Justice, dans son arrêt du15 octobre 1987 (arrêt Heylens) a défini les principes généraux applicables à la12. Bulletin CE 6/85.13. C. LAGER, l’Europe en quête de ses symboles, Coll. Euroclio, Etudes et documents, Peter Lang,Berne 1995.

14 Pierre GERBETreconnaissance mutuelle des diplômes et la directive du Conseil du 21 décembre1988 en a décidé la mise en œuvre pour les professions réglementées, c’est-à-direexigeant la possession d’un diplôme. La directive du 18 juin 1992 a mis en place unsystème de reconnaissance des formations professionnelles.Le bénéfice de la liberté de circulation, jusque là réservée aux opérateurs économiques,a été étendu aux inactifs: étudiants, retraités et autres, ce que la Commissiondemandait depuis 1980. La Cour a considéré que la formation professionnelle englobaitles études supérieures. A partir de 1985 des négociations s’engagèrent qui aboutirentà trois directives du 18 juin 1990 sur le droit de séjour des étudiants et retraitéssous conditions de ressources.Enfin a été étendu l’accès aux emplois publics jusqu’alors réservés aux nationaux.Le traité de Rome excluait ces emplois de son champ d’application. Mais la notiond’emplois publics réservés aux nationaux était très différente selon les pays. Dans laplupart des pays (France, Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal) elle était protectionniste,le service public exigeant le loyalisme donc le réservant aux nationaux, etextensive car s’étendant non seulement aux administrations mais aussi aux nombreusesentreprises nationales. 14 Dans d’autres pays au contraire (Grande-Bretagne, Irlande,Pays-Bas, Danemark) la notion d’emplois publics réservés aux seuls nationaux étaitbeaucoup moins développée, sauf pour la haute administration, la Justice et l’Armée.Dès 1974, à la suite du premier élargissement de la Communauté, la Commission et laCour cherchèrent à faire obtenir aux ressortissants communautaires le bénéfice du statutoffert aux seuls nationaux. De nombreux arrêts de la Cour furent pris en faveur des personnelshospitalier et enseignant et pour limiter la condition de nationalité aux emploiscomportant la participation à la puissance publique.La Commission publia, le 18 mars 1988 une communication intitulée «Libre circulationdes travailleurs et accès aux emplois dans l’administration publique des Etatsmembres» distinguant les fonctions spécifiques de l’Etat (forces armées, diplomatie,police, magistrature, administration fiscale) et les activités qui en sont suffisammentéloignées pour que le principe de libre circulation puisse être appliqué (secteurs decaractère commercial, services de santé publique, enseignement public, recherche àfins civiles dans les établissements publics). Les Etats membres ont pris des mesurespour ouvrir progressivement le recrutement dans ces secteurs aux ressortissants communautaires.En même temps, un changement de nature s’opérait dans le domaine de la librecirculation. Pour la mise en œuvre de F «espace sans frontières intérieures» prévu parl’Acte unique et compte-tenu de l’hostilité britannique à la suppression des contrôlesaux frontières qui ne permettait pas d’aboutir dans le cadre communautaire, laFrance, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg avaient décidéd’aller de l’avant et avaient formé le 14 juin 1985 le «groupe de Schengen» (du nomd’un village frontalier du Luxembourg) pour élaborer les méthodes susceptiblesd’assurer la libre circulation entre eux et d’être ensuite étendues aux autres pays. UneConvention d’application de ces mesures fut signée le 19 juin 1990, mais ne com-14. cf. H. d. LARY, op. cit., p. 74.

Quelle Citoyenneté Européenne ? 15mencera à entrer en application qu’en 1995. Elle s’étendit à l’Espagne et au Portugal,puis à l’Autriche et à l’Italie, enfin aux pays Scandinaves et à la Grèce, la Grande-Bretagneet l’Irlande restant à part. l’innovation de Schengen, c’est que la liberté de circulationdans la Communauté pour les ressortissants des Etats membres n’est plusliée aux objectifs économiques du Grand marché mais devient une liberté en soi,donc un droit du citoyen communautaire.d’autre part, l’Acte unique, a développé de nouvelles politiques communautairesdans la perspective du marché unique (politique sociale, politique de cohésion économiqueet sociale, environnement, recherche et développement technologique) dansdes domaines intéressant les populations au quotidien, contribuant ainsi à renforcerune citoyenneté de fait.La citoyenneté européenneLe problème de la citoyenneté prit une nouvelle dimension avec la volonté d’associerdavantage les peuples à la formation de l’Union européenne et d’instituer, en mêmetemps que l’Union économique et monétaire, une Union politique, comme l’avaientdemandé, dans leur lettre du 19 avril 1990, le président Mitterrand et le chancelier Kohl.Cette Union politique devait rendre les institutions plus efficaces, définir et mettre enœuvre une politique étrangère et de sécurité commune et renforcer la légitimité démocratiquede l’Union européenne. Le Conseil européen de Dublin (25-26 juin 1990), quidécida l’ouverture de cette négociation, aborda le problème de la «citoyenneté européenne»et non plus seulement celui de «l’Europe des citoyens». Felipe Gonzalès, chefdu gouvernement espagnol, lança l’idée officiellement. C’était la première fois qu’ungouvernement faisait cette proposition. Dans le royaume d’Espagne, constitué derégions autonomes et d’un pouvoir central, c’est la citoyenneté qui constitue le cimentde l’Etat et de la nation. Le Conseil européen approuva et, dans son communiqué final,affirma: «l’Union européenne appartient à ses citoyens. Les traités instituant l’Uniondoivent répondre à leurs préoccupations les plus directes ... l’Union doit avoir plus desens pour ses citoyens et répondre davantage à leurs préoccupations». Un aide-mémoireespagnol fut déposé le 24 septembre et Felipe Gonzalès soutiendra sa proposition lorsdes Conseils européens de Rome (27-28 octobre et 14-15 décembre 1990) qui précisèrentle mandat de négociation de la conférence intergouvernementale.La citoyenneté européenne ne devrait plus se limiter à un ensemble de droitsdérivés de la Communauté économique, mais comporter des droits propres à l’Unioneuropéenne. La négociation qui se déroula sur la base des propositions espagnoles etde celles de la Commission aboutit à l’insertion dans le traité sur l’Union européennesigné à Maastricht le 7 février 1992, d’une partie consacrée à «La citoyenneté del’Union». 15 Cette partie est placée en tête du Titre II instituant la Communauté euro-15. J. CLOOS, G. REINESCH, D. VIGNES, J. WEYLAND, Le traité de Maastricht. Genèse, analyse,commentaire, Bruxelles, Bruylant, 1993.

16 Pierre GERBETpéenne (traité de Rome modifié), donc dans le premier «pilier» de structure communautaireoù interviennent la Commission, le Conseil, le Parlement et la Cour de Justicealors que le deuxième pilier (Politique étrangère et de sécurité commune) et letroisième pilier (Justice et Affaires intérieures) sont intergouvernementales. C’estpourquoi la partie relative à la citoyenneté n’a pas été placée dans le Titre I - Dispositionscommunes à l’Union européenne. C’est ce Titre qui contient les références aux«droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegardedes Droits de l’homme, tels qu’ils résultent des traditions constitutionnellescommunes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire»(article F). En effet, le respect des droits fondamentaux s’applique non seulementaux ressortissants des Etats membres mais aussi à ceux des Etats tiers se trouvantsur le territoire de l’Union. Les droits fondamentaux ne constituent donc pas unélément propre à la citoyenneté européenne. Il en faut d’autres, qui soient spécifiques.l’article 8 du traité sur l’Union européenne institue la citoyenneté de l’Union.«Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre». Lacitoyenneté de l’Union n’est donc pas fondée sur le mythe d’une identité européennepréexistante aux nations ou d’une identité supranationale, ce qui auraitentraîné la résistance des Etats-nations. Elle est simplement le prolongement descitoyennetés nationales, dont les Etats membres restent maîtres en la définissant, enl’accordant ou en la retirant.Cette conception avait été adoptée dès le projet de traité du Parlement européen en1984 (voir ci-dessus) et réitérée avant la conférence intergouvernementale par le Parlementeuropéen et par la Commission. 16 Les ressortissants d’Etats tiers installés dansl’Union n’ont de ce fait pas droit à la citoyenneté européenne.Les droits des citoyens européens sont énumérés. d’abord évidemment celui decirculer et séjourner librement sur le territoire des Etats membres, mais aussi, et c’estla nouveauté, celui pour tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont iln’est pas ressortissant d’être électeur et éligible aux élections municipales et auxélections du Parlement européen, dans les mêmes conditions que les ressortissants decet Etat. Le citoyen européen aura droit de pétition devant le Parlement européen etpourra s’adresser au médiateur. A l’extérieur de l’Union, tout citoyen bénéficiera surle territoire d’un Etat tiers où l’Etat membre dont il est ressortissant n’est pas représenté,de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de toutEtat membre, dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Ainsi le traitéajoute aux droits exercés dans la Communauté par les citoyens en tant que nationauxdes Etats membres, quelques droits spécifiques au titre de citoyens européens.La mise en œuvre de ceux-ci ne s’est pas faite sans difficultés, comme en témoignentles rapports du Conseil, de la Commission et du Parlement élaborés en 1995sur le fonctionnement du traité de Maastricht dans la perspective de sa révision. 17 Surle droit de vote et d’égibilité de tout citoyen de l’Union dans l’Etat où il réside, il a été16. Bulletin CE, supplément 2/91.17. On trouvera le texte de ces rapports dans La conférence intergouvernementale, enjeux et documents,Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1996.

Quelle Citoyenneté Européenne ? 17réalisé pour les élections au Parlement européen de juin 1994, mais fort peu utilisé,souvent en raison d’une information insuffisante.Pour les élections municipales, certains pays donnaient déjà ce droit à tous lesétrangers, d’autres ont annoncé des mesures pour les élections à venir. Le recours aumédiateur du Parlement européen s’est limité aux plaintes relatives à des cas de mauvaiseadministration au sein des institutions communautaires et n’a donc pas empiétésur les fonctions des médiateurs nationaux. La protection diplomatique et consulaire,qui concerne d’ailleurs peu d’Etats, n’a pas fait l’objet que d’instructions non contraignanteset n’a pas reçu de publicité. La liberté de circulation des personnes dans«l’espace sans frontières» ne s’était pas encore pleinement concrétisée, fauted’accords sur les mesures de sécurité pour supprimer les frontières intérieures et harmoniserles contrôles aux frontières extérieures. Le Parlement européen, dans sonrapport du 17 mai 1995, préconisait de «donner plus de substance au concept decitoyenneté de l’Union européenne, moyennant le développement des droits spéciauxqui lui sont attachés».Le groupe de réflexion, dit «groupe Westendorp» du nom de son président espagnol,dans son rapport du 5 décembre 1995, affirmait qu’il fallait «placer le citoyen aucentre de la construction européenne» et considérait la protection des droits del’homme et droits fondamentaux, les services publics d’intérêt général, la liberté etsécurité intérieure, l’emploi, l’environnement, mais restait très bref sur la citoyennetéde l’Union. Il constatait qu’une majorité d’Etats membres souhaitaient renforcer lesdroits spécifiques des citoyens de l’Union mais que d’autres percevaient la citoyennetéeuropéenne comme une menace pour l’identité nationale et ne voulaient pas endévelopper le contenu. Aussi le rapport se bornait-il à proposer que le futur traité«indique encore plus clairement que la citoyenneté de l’Union ne remplace pas la citoyenneténationale»! 18Effectivement, le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, 19 s’il apporte la garantiedu respect des droits fondamentaux par les Etats membres et s’il développe l’Europedes citoyens (environnement, santé, défense des consommateurs, emploi, protectionsociale, liberté de circulation transférée au pilier communautaire ...) ne fait guèreprogresser la citoyenneté européenne. l’article 8 du traité d’Union européenne estlégèrement modifié. Il précise désormais: «La citoyenneté de l’Union complète lacitoyenneté nationale et ne la remplace pas». En revanche, il ajoute un nouveau droitau citoyen européen: celui de s’adresser directement aux instances communautaires,en plus du droit de pétition au Parlement et de recours à son médiateur, dans une desdouze langues officielles et d’obtenir une réponse dans la même langue, sans toutefoispréciser la consistance minimale de la réponse ni son délai.18. Ibidem.Déjà la Conseil européen d’Edinburg (11-12 décembre 1992) qui, à la suite du non danois à la ratificationdu Traité de Maastricht (2 juin 1992), donnait à l’intention du Danemark une interprétationrestrictive des transferts de compétence en matière de souveraineté, spécifiait que «la citoyennetéde l’Union ne se substitue en aucune manière à la citoyenneté nationale».19. Le traité d’Amsterdam, Revue trimestrielle de droit européen, n° 4(1997), Paris, Dalloz. Voir aussi.Y. LEJEUNE (dir.), Le traité d’Amsterdam. Espoirs et déceptions, Bruylant, Bruxelles, 1998.

18 Pierre GERBETLes droits des citoyens européens doivent faire l’objet d’une Charte. Le Conseileuropéen de Cologne (3-4 juin 1999) a nommé un groupe de travail composé des représentantsdes chefs d’Etat et de gouvernement, du président de la Commission, de membresdu Parlement européen et des parlements nationaux, pour élaborer, d’ici la fin2000, une Charte des droits fondamentaux regroupant les droits de liberté et d’égalité,les droits de procédure garantis par la Convention européenne des droits de l’homme etles traditions constitutionnelles des Etats membres, en tant que principes généraux dudroit communautaire, ainsi que les droits fondamentaux réservés aux citoyens del’Union (politiques, économiques et sociaux). Mais cette Charte sera-t-elle réellementcontraignante ou ne sera-t-elle qu’un préambule constitutionnel?De toute façon, pour donner corps à la notion, encore bien timide, de citoyennetéeuropéenne, il faudra permettre au citoyen de participer davantage aux institutions del’Union. Rapprocher le Parlement européen du citoyen par l’adoption d’une procédureélectorale uniforme, la régionalisation des circonscriptions (en particulier enFrance), la création de listes plurinationales pour l’élection d’une partie des parlementaires.Développer la démocratie par transparence avec une meilleure lisibilitédes traités, une simplification des procédures, une responsabilité plus claire des instancesdécisionnelles envers le Parlement européen et le Conseil européen. Il faudraaussi développer la «société civile européenne» par l’institution de statuts européenspour les sociétés commerciales, les associations, les syndicats, les partis politiques.Aussi pourrait se développer la prise de conscience par le citoyen européen de sonappartenance à un ensemble multinational cohérent et sa double allégeance, à sapatrie et à l’Union européenne.Pierre GerbetProfesseur émérite des universités à l’Institut d’études politiques de Paris

20 Wilfried LOTHcess of permanent transformation. They are based on collective experiences and ontheir interpretation in a dialectic process: Realities experienced by the individualare interpreted in the context of collective models of reality and of stocks of knowledge.They therefore contribute to the strengthening and continuity of these collectiveinterpretations. The “we-group” feeling that emerges this way, 3 always featuresan element of self-containment from other groups. This enhances the group’s internalhomogenisation within the levelling of former differences of perception and reality.At the same time, the “we-group” feeling expresses a specific estimation ofthe group’s own worth, which necessarily contains positive elements; it is oftenconnected to negative evaluations of other groups as well. According to the specificnature of experience and interpretation which become formative, collective self-estimationclings to real memories and inherited interpretations of history, generalisesevident perceptions of everyday life, and holds more or less clear ideas of a commonfuture. The emergence of such a collective self-estimation is connected to realand interpreted sites of experience and is furthered by dramatic deviations fromformer normality.Therefore, collective identities are necessarily caught in constant transformation.The models of reality which contribute to their constitution facilitate the classificationand interpretation of experiences; they put them in order, reduce their complexity andfacilitate finding an orientation. At the same time, they are permanently changed bynew experiences. By and large, the processes of transformation proceed incrementally;thus, one can speak of modifications, erosions, and condensation. At times, however,dramatic changes can be seen, changes which lead to the shattering of identitiesand to the substitution of one set of views of life for another. 4Furthermore, people always belong to more than one group at the same timeand therefore always have various collective identities at the same time. For example,they consider themselves members of a family, of a clan, of an age-group, andat the same time they are also citizens, representatives of a profession, and nationals.For the most part, there are no difficulties in connecting different identities witheach other. If, however, these different groups tend to have different demands, theremay be conflicts of loyalty. If they also belong to the same functional category, differentforms of split identity cannot be avoided.Regions, nations, and continents are sites of experience with various ranges. Inthis respect, regional, national, and European identity can in principle be combinedwithout difficulty. Yet, their respective functions are not always clearly differentiat-3. See G. ELWERT, Nationalismus und Identität. Über die Bildung von Wir-Gruppen, in: KölnerZeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie, 41(1989), pp. 440-464; G. ELWERT, Boundaries,Cohesion and Switching on We-groups in Ethnic, National and Religious Form, in: APAD Bulletin,10(1995), pp. 19-33.4. For this knowledge centered sociological approach of interpretation see in general P. L. BERGER,Th. LUCKMANN, Die gesellschaftliche Konstruktion der Wirklichkeit. Eine Theorie der Wissenssoziologie,Frankfurt/M., 1980; Th. LUCKMANN, Grundformen der gesellschaftlichen Vermittlungdes Wissens. Kommunikative Gattungen, in: F. NEIDHARDT, M. R. LEPSIUS (eds.), Kulturund Gesellschaft, Opladen, 1986, pp. 191-213.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 21ed and, as has already been indicated, are furthermore subject to rapid change. Thisleads to difficulties of orientation, both in practice and in academic discourse.These difficulties can be reduced by focusing on their reciprocal determinedness. 5National IdentityIt is necessary to oppose the a-historical mystification of the nation as a pattern ofcollective identification. This mystification developed in connection with the emergenceof nation-states and can still be found in academic discourse today. The proceduralcharacter of the formation of national identity must also be stressed. 6Nations emerge, change their character, win or lose their formative power. After1918, hardly anyone spoke of an Austrian nation, but after 1945 many people did.In the process of defending the unity of the Austrian state during the East-Westconflict, an Austrian nation emerged. In the 70’s, it became increasingly doubtfulwhether the Germans in the East and the West still constituted a single nation, andsince having been united in one state it has become obvious that they must relearnthe way of living together.Three components are important in the formation of nations: Common ethnicbackground, common cultural traditions and common experience. The respectivestrength of each element varies from case to case, both objectively and in perception.A shared linguistic heritage is often part of the cultural component, but it isneither imperative nor is it always decisive. In contrast, every common history presupposesa certain knowledge of this history, a historical myth, which makes thecommon identity a central theme. Following Maurice Halbwachs, one may alsospeak of a “collective memory”, which makes the political identity of a communitypossible. 75. For more recent attempts see H.-U. KOHR et.al. (eds.), Nationale Identität und europäisches Bewußtsein.Theoretische Entwürfe und empirische Befunde, München. 1993; R. PICHT (ed.),l’Identité Européenne. Analyses et propositions pour le renforcement d’une Europe pluraliste,Brussels, 1994; R. AXTMANN. Kulturelle Globalisierung, kollektive Identität und demokratischerNationalstaat, in: Leviathan, 23(1995), pp. 90ff.6. For a historical retrospective see H. SCHULZE, Staat und Nation in der europäischen Geschichte.München, 1994; for current developments in research D. LANGEWIESCHE, Nation, Nationalismus,Nationalstaat. Forschungsstand und Forschungsperspektiven, in: Neue Politische Literatur.40(1995), pp. 190-236; as well as H.-G. HAUPT, Ch. TACKE, Die Kultur des Nationalen. Sozialundkulturgeschichtliche Ansätze bei der Erforschung des europäischen Nationalismus im 19. und20. Jahrhundert, in: W. HARDTWIG, H.-U. WEHLER (eds.), Kulturgeschichte heute, Göttingen.1996, pp. 255-283.7. M. HALBWACHS, Das Gedächtnis und seine sozialen Bedingungen, Frankfurt/M., 1985; M.HALBWACHS, Das kollektive Gedächtnis, Frankfurt/M., 1985; on the adoption of Halbwachs’swritings of the 20’s and the 30’s see J. ASSMANN, T. HÖLSCHER (eds.), Kultur und Gedächtnis.Frankfurt/M., 1988, in particular J. ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerungund politische Identität in frühen Hochkulturen, München. 1992.

22 Wilfried LOTHIn the modern age this process has often been combined with a social project,that is, with statements on how to shape a societal order for the people of the nation.8 Such statements of necessity remained vague but always aimed at the members’legal equality and at political participation. At the same time, they sought thestandardisation of their territory and the sovereignty of the national will; in otherwords, they sought the territorial constitution of a state with national emphasis. Nationsbecame acting subjects using the instruments of the modern state.In the process of the formation of nation-states, the concept of the nation has oftenbeen loaded in terms of ideology and civilisation. The nation was regarded as acommunity of will of those who committed to a common social project. At thesame time it was considered to be a community of solidarity, in which rights andduties corresponded. “A nation”, Ernest Renan stated in his famous lecture at theSorbonne in March 1882, “is a large community of solidarity, which is shaped bythe feeling for the sacrifices that were made and that people are still willing tomake. It presupposes a past, yet in the present can be summarised with a tangiblefact: the satisfaction and the clearly stated will to continue to live together. The existenceof a nation is (please forgive this metaphor) a daily plebiscite, the same waythe existence of the individual is a permanent confirmation of life”. 9 This idea doesnot completely encompass the reality of the nation because it excludes the factorsof tradition and force. Nevertheless, it has had a mobilising effect and has led to theformation of nations.The modern concept of the nation was successful mainly for two reasons: First,it was thoroughly capable of tying together different hopes for emancipation undera common roof, which promised security. Therefore, the nation offered somethingstable to hold onto even while progress continued apace, or to look at it from theother side, the nation promised dynamism without the danger of becoming uprooted.In the process of modern society’s functional differentiation, national identitymanaged to compensate for the dissolution of particularistic ties of identity. 10 Second,in certain phases of the industrial revolution the size of nation-states correspondedfairly well to the developmental stage of the forces of production. By producingfor national rather than regional markets and by organising cultural,infrastructural, and institutional frameworks on an appropriately broad level, theseforces were developed more easily.8. See among others B. ANDERSON, Die Erfindung der Nation. Zur Karriere eines folgenreichenKonzepts, 2. edition, Frankfurt/M., 1993; E.J. HOBSBAWM, Nutionen und Nationalismus. Mythosund Realität seit 1780, 2. edition, Frankfurt/M., 1992; O. DANN, Nation und Nationalismusin Deutschland 1770-1990, München, 1993; H. BERDING (ed.), Nationales Bewußtsein undkollektive Identität. Studien zur Entwicklung des kollektiven Bewußtseins in der Neuzeit 2, Frankfurt/M.,1994; W. HARDTWIG, Nationalismus und Bürgerkultur in Deutschland 1500-1914, Göttingen,1994; U. BIELEFELD, G. ENGEL (eds.), Bilder der Nation. Kulturelle und politischeKonstruktionen des Nationalen am Beginn der europäischen Moderne, Hamburg, 1998.9. Translated from E. RENAN, Oeuvres completes, vol. 1, Paris, 1947, pp. 887-906, see p. 904.10. See for example M. MAURER, ‘Nationalcharakter’ in der frühen Neuzeit. Ein mentalitätsgeschichtlicherVersuch, in: R. BLOMERT et.al. (eds.), Transformationen des Wir-Cefühls. Studienzum nationalen Habitus, Frankfurt/M., 1993, pp. 45-84.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 23Thus, in a twofold and multiply connected way modern nationalism carried outkey functions of modernisation. Not only did it involve the triumph of the modernconstitutional state under the rule of law but also the advent of the social and thewelfare state. This connection was not necessarily conclusive: It was possible to beachieved without the constitution of the nation-state, and any nationalism that appearedto force too much integration ran the risk of hindering modernisation. 11 Yet,with its achievements of modernisation, the nation-state often gained legitimacyand shaped national identity.Increasing internationalisation resulting from the further development of the forcesof production led the nation-states, particularly in Europe, to lose efficiency and, therefore,formative power. Nation-states were no longer able to guarantee the security oftheir citizens; they became too limited for rational means of production; they lost powerand prestige, and were challenged by growing areas of experience and communication.This doubly undermined national identity: Nations and nation-states suffered a loss ofloyalty, while people at the same time experienced an environment with fewer nationalfeatures.At the same time, the nation once again became a place of refuge on the marchof progress as well as a site for mental orientation and for the functions of reinsuringthe welfare state. 12 It can readily be supposed that the nation will remain essentialfor ensuring these functions. Thus, it will by no means die out as a result of theprocess of internationalisation or of the acceleration of that process, for which themisleading term “globalisation” has often been used. 13Co-ordinating the state on the regional and on the European level means onlythat the functions of the nation-state have to be realigned. It will be necessary toalign national identity in a way that makes it compatible with the sense of belongingboth to regional entities and to the European Community.11. See G. SCHÖDL, Die Dauer des Nationalen. Zur Entwicklungsgeschichte des “neuen” Nationalismusim östlichen Europa, in: H. A. WINKLER, H. KAELBLE (eds.), Nationalismus - Nationalitäten- Supranationalität, Stuttgart, 1993, pp. 123-155.12. In a particularly impressive way this ambivalence became obvious in the forward looking discussionsthat took place under the impression of World War II; see W. LIPGENS (ed.), Documents onthe History of European Integration, Vol. I: Continental Plans for European Union, 1939-1945,Berlin/New York, 1985; Ibid., Vol. II: Plans for European Union in Great Britain and in Exile,1939-1945, Berlin/New York, 1986; M. DUMOULIN (ed.), Plans des temps de guerre pour l’Europed’après-guerre 1940-1947, Brussels, 1995.13. Misleading in as much as the main part of the economic exchange takes place among regionalgroups, and as the three main economic powers Europe, Japan, and North America are indeed ableto exert pressure on the markets; see, for example, P. HIRST. G. THOMPSON, Globalization inQuestion. The International Economy and the Possibilities of Governance, Cambridge/Oxford1996; as well as A. GAURON, Le malentendu européen. Paris. 1998.

24 Wilfried LOTHThe Constitution of Regional IdentityToday, the nation is compelled to share with smaller entities its longstanding role ofoffering shelter from the unreasonable demands of the process of internationalisation.These smaller entities have been called “regions”. In this respect, the newclassification of national identity goes hand in hand with the process of revitalisationor first activation of regional identities. 14Regional links are certainly not as uniform as those that emerged during the formationof the modern nation-states. 15 Regions are shaped by traditional and culturalcentres as well as by governmental centres (cities or communities); they mayhave emerged from co-operative unions or from the regionalisation of claims topower that may be of political or merely of administrative nature. Regionalisationmay be the result of ethnic, linguistic or cultural differences or it may arise independentlyof these factors. Regions may emerge from economic or functional contextsor from a combination of social and mental contexts. They may cross nationalborders. In these cases, borders themselves often, but not necessarily, serve as atrigger for the shaping of regional identities extending across frontiers.The calibre, formative power, and efficiency of regions vary accordingly. Regionsoften overlap; there are regions within regions; and, correspondingly, thereare regional identities with multiple layers. Seen from the outside, Wales seems tobe a region of Great Britain. For a Welshman, however, there is a major differencein being at home in English Wales or British Wales or Walis Wales. The attempt tounite Berlin and Brandenburg as a single state failed because of the triple contradictionbetween metropolis and surrounding countryside, between East and West,and between the identity of the elite and the disparity of the broad population.The transition from regional to local and group identity on the one hand and nationalidentity on the other is fluid. Regionalists can be conceptually distinguishedfrom nationalists in as much as they recognise the legitimacy and efficiency of thebroader state in which their region is located. Nationalists, on the other hand, disputethe state’s claims and demand that the region receive a governmental administration.Conflicts with regionally based minorities within nation-states deal preciselywith these differences.The regions’ ability to pursue politics is limited because of their variety: Next totheir function of securing identity, their importance for the renewal of society is increasing.Accordingly, their potential for the future tends to presuppose a strengtheningof the regions’ institutional weight. However, it is not probable that this willhappen everywhere in the same manner - not only because of the different historic14. See R. LINDNER (ed.), Die Wiederkehr des Regionalen. Über neue Formen kultureller Identität,Frankfurt/M./New York, 1994; M. HORSMAN, A. MARSHALL, After the Nation State. Citizens,Tribalism and the New World Disorder, London 1994; D. MORLEY / K. ROBBINS, Spaces of Identity.Global Media, Electronic Landscapes and Cultural Boundaries, London/New York, 1995.15. See G. BRUNN (ed.), Region und Regionsbildung in Europa. Konzeptionen der Forschung undempirische Befunde, Baden-Baden, 1996.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 25traditions that result in entirely different political and administrative structures butalso because of the fact that regional functions differ in their details.The catch phrase “Europe of regions” is therefore misleading. 16 A EuropeanCommunity cannot be constructed on the basis of an abstract federal blueprint ofuniform regions, and definitely not on the basis of a simultaneous dismantling onthe national level. While the regions’ weight in decision-making and in shapingidentities is increasing, they can only become politically active on the communitylevel to the degree to which the internal federalisation of the member states advancesfurther, in other words, to the degree to which regional movements develop appropriatecorporative forms and functions. We must take into account the fact thatthe precepts on the ability to achieve and to act are setting limits to federalisation,which are hard to determine in practice. On the European level, there will only beregional representation for what the nation-states define and offer as immediate regionalsubstructure. This European embedding process may contribute to thestrengthening of those political regions that fit the definition; at the same time,however, there is a lasting tension between this process and those regional movementsthat are based on other territorial units as well as those instances of regionalconsciousness that are oriented differently in spatial terms from the ones recognisedon the European level.We can conclude that in the foreseeable future regional identity will not be able toreplace neither national nor European identity. However, both regional and Europeanidentity already play a larger role now than they did in the classic age of nation-states,and it is likely that their importance will further increase.The Process of European UnificationAnother result of the nation-states’ increasing deficits as regards their function andthe system of order they provided in Europe has been and continues to be the processof European unification, initiated by Western Europeans after the Second WorldWar. The development of modern military technology made the problem of interstateanarchy increasingly unbearable and the maintenance of peace among theEuropean states (and beyond the Continent) increasingly urgent. Accordingly, italso became increasingly important to solve the German question, that is, to find alasting balance between the self-development of the strongest nation at the centreof the European continent and the freedom and security of the remaining Europeannations. At the same time, the national markets in Europe became too narrow forrational production; their reciprocal separation was only useful temporarily and in16. See the empiric findings in Ch. ENGEL, W. WESSELS, Die Regionen in der EG-Rechtliche Vielfaltund integrationspolitische Rollensuche. Gutachten im Auftrag der Staats- und Senatskanzleiender Länder. Endbericht, Bonn, 1991; Ch. ENGEL, Regionen in der Europäischen Gemeinschaft:Eine integrationspolitische Rollensuche, in: Integration, 14(1991), pp. 9-20; P. NITSCHKE (ed.).Die Europäische Union der Regionen. Subpolity und Politiken der Dritten Ebene, Opladen, 1998.

26 Wilfried LOTHcertain economic sectors; in the long run it led to a loss of productivity. Finally, theEuropean nation-states’ loss of importance was closely connected to the rise of newworld powers; self-assertion against both the US and the Soviet Union thus becamea common European aim, to be achieved through joint effort.All together, those four impulses gave rise to the movement for European unificationwhich created common European institutions. 17 The dismantling of the bloc bordersin Europe did not make these common institutions become obsolete; on the contrary,they have been reinforced most remarkably. One can no longer imagineeconomic productivity and social consent without the foundations of the CommonMarket; mutual interest in maintaining peace outweighs potential national rivalries byfar; the ability to act on a global level still depends on the united stance of the Europeans;and the European framework is needed for the integration of the central power,Germany, more than this was the case before the end of the East-West conflict. 18The European Union is therefore an attempt—based on the conditions of internationalisationto maintain and to expand upon the modern nation-state’s achievements.It rests on the European nations’ perception of common and complementaryinterests and on the recognition of common values and traditions, which make itseem promising to tackle this common perception. Seen as a social project, “Europe”shows traits corresponding to those of nation-state-projects in earlier phasesof development.Without a doubt, this project is promoted by the increasing alignment of economic,social, and societal structures which has occurred in Western Europe at least because ofthe lasting economic boom of the 1950’s and 60’s. 19 The tendency for the diverse connectionsin Europe is to contribute to the project’s success: The integration of the mar-17. My statement in: W. LOTH, Der Prozess der europäischen Integration. Antriebskräfte, Entscheidungenund Perspektiven, in: Jahrbuch für Europäische Geschichte, 1 (2000), pp. 17-30. Also seeW. LOTH, Der Weg nach Europa. Geschichte der europäischen Integration 1939-1957, 3. edition,Göttingen, 1996; for a somewhat different accentuation also see W. LIPGENS, Die Anfänge dereuropäischen Einigungspolitik 1945-1950. Erster Teil: 1945-1947, Stuttgart, 1977; and A. MIL-WARD, The European Rescue of the Nation-State, London, 1992; for a historiography see C.WURM, Early European Integration as a Research Field: Perspectives, Debates, Problems, in: C.WURM (ed.), Western Europe and Germany. The Beginnings of European Integration 1945-1960,Oxford/Washington, 1995, pp. 9-26.18. In contradiction to a common assumption the Cold War only played a secondary role in this historicalanalysis of the process of integration. Certainly, the fear of the Soviet Union gave additionalimpulses for European self-assertion; at the same time the fear of a deepening of the division ofEurope and its consequences kept many actors from speeding up the process of Western Europeanintegration.19. See H. KAELBLE, Auf dem Weg zu einer europäischen Gesellschaft. Eine Sozialgeschichte Westeuropas1880-1980, München, 1987; H. KAELBLE, European Integration and Social History since 1950, in: P.M. LÜTZELER (eds.), Europe after Maastricht. American and European Perspectives, Oxford, 1994, pp.89-111; R. PICHT, Les sociétés européennes entre diversité et convergence. Propositions pour l’approfondissementde l’approche comparative dans les études européennes, in: L. BEKEMANS, R. PICHT (eds.),European Societies Between Diversity and Convergence, Bruges, 1993, pp. 35-90; A. SCHILDT, SozialkulturelleAspekte der westeuropäischen Integration in den ersten beiden Nachkriegsjahrzehnten. Überlegungenzu einem geschichtswissenschaftlichen Forschungsfeld, in: Kulturwissenschaftliches Institut,Jahrbuch 1994, pp. 131-144.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 27ket, job and private mobility, transnational encounters and contacts, transnationally operatingbusiness, academic communities that act increasingly transnationally, andfinally the internationalisation of attitudes, fashion and cultural achievements conveyedby the media. However, the processes of establishing connections do not extend to allparts of European societies equally, and Western culture, which expands in this way,reaches far beyond Europe. 20 Accordingly, these connections are not a direct startingpoint for the development of a genuine European public which could serve as a mediumfor self-reference in European society. 21In line with that reality, the institutional development of the European Unionhas been mostly of a technocratic nature up to now, without broad public discussionor a lasting identification of the European Union’s population with its institutions.22 This can be traced back to the varying opinions on how to shape a EuropeanCommunity, combined with the manifold disappointment of not having beenable to realise the Community in a more ideal way. The resulting inability to act sociallyleads to technocratic solutions. This applies to the establishment of the Coaland Steel Community in 1950/51, the Roman Treaties of 1957, and the MaastrichtTreaty of 1991/92.The debate on the Maastricht Treaty in particular and the introduction of the Europeancurrency show that we have finished with this technocratic detour on theroad to Europe. 23 European-level regulation has reached a density that citizens canno longer ignore because it confronts them in many ways on a daily basis. In response,they either demand the reassertion of national institutions or, should theybe aware of the illusionary character of such a retreat, they demand the expansionof democratic rights onto the European level. Therefore, besides the question of enlargement,democratisation has been put into the agenda.In view of the varying needs and levels of consciousness, this will not be easy toachieve. It requires conceptual clarification and political effort. 24 Nevertheless,there are chances that the process of the upcoming discussion will serve to increaseawareness of the European dimension of identity and that the Europeans will learnto organise socially and to articulate their interests on community level. In the firstinstance, the realities of internationalisation do not allow for a plausible alternative:and, secondly, the European tradition does indeed include a wealth of stimuli forthe shaping of a European collective.20. See the sceptical assessment of R. MÜNCH. Projekt Europa. Zwischen Nationalstaat, regionalerAutonomie und Weltgesellschaft, Frankfurt/M. 1993.21. See J. GERHARDS. Westeuropäische Integration und die Schwierigkeiten der Entstehung einereuropäischen Öffentlichkeit, in: Zeitschrift für Soziologie, 22(1993), pp. 96-110.22. See M.-Th. BITSCH, W. LOTH, R. POIDEVIN (eds.), Institutions européennes et identités européennes,Brussels, 1998.23. See W. LOTH, Vertiefung in der Erweiterung? Die Europäische Regierungskonferenz in historischerPerspektive, in: Kulturwissenschaftliches Institut, Jahrbuch 1995, pp. 77-81.24. See W. SCHUMANN, R. MÜLLER, Integration als Problem internationaler Geschichte, in: W.LOTH, J. OSTERHAMMEL (eds.), Internationale Geschichte. Themen-Ergebnisse-Ansichten,München, 2000.

28 Wilfried LOTHHistorical Basis for European IdentityThe historical basis for European identity is not, of course, easy to describe. Characterisationsof identity never outline the whole, usually tend toward stylisation,and, in disassociation from other identities, tend to overemphasise contradictions atthe expense of common traits. At the same time, they often serve as a political platform:They are not only formulated to show how things are but also to express howthey should be, formulated by intellectuals acting in their favourite role as the makersof myths.In order to evade these traps of ideologising descriptions of identity, it is advisableto look at identities from a historical perspective, using the instruments of criticalhistorical research. We are what we have become; and thus, insights into theparticularities of a certain identity are more easily gained by examining the historicaldevelopments that influenced them, shaped them, and that determined their institutions,social rules and cultural ideas as well as ways of thinking and behaving.European identity can be said to be based on a succession of numerous historicallayers. However, these do not apply geographically, and, therefore, it is impossibleto write a continuous history of the evolution of European identity. Yet, thelayers constitute a cultural context, which the shaping of community in Europecould be built on. 25This cultural context begins with the ancient Near East, where essential bases ofour modern culture emerged - state, religion, science, writing, the military, andwar. Much of this still shapes our everyday life: The alphabet, the manner in whichwe organise time, currency and the organisation of money, talk about the part oftown we live in, technical innovations such as glass and the construction of bridges,cultural inventions such as church music and militarism. As with most other civilisations,one cannot imagine European civilisation without the foundation providedby the first advanced civilisations; for a long time it has been part of a cultural contextonce centred in the ancient Near East.From the ancient world, European culture took over the idea of the polis of freeand equal citizens who make joint decisions and appoint officials for set terms, the25. For impulses see H. BRUGMANS, Les origines de la civilisation européenne, Liège, 1958; I.GEISS, Europa - Vielfalt und Einheit. Eine historische Erklärung. Mannheim. 1993; O. G. OEX-LE, Mittelalterliche Grundlagen des modernen Europa, in: J. CALLIEß (eds.), Was ist der EuropäerGeschichte? Beiträge zu einer historischen Orientierung im Prozeß der europäischen Einigung,Loccum, 1991, pp. 17-60; S. N. EISENSTADT, European Civilization in a ComparativePerspective. A Study in the Relations Between Culture and Social Structure, Oslo/London, 1987;J. A. HALL, Powers and Liberties. The Causes and Consequences of the Rise of the West, Oxford,1985; M. MANN, European Development: Approaching a Historical Explanation in Europe andthe Rise of Capitalism, Oxford/New York, 1988; J. LE GOFF, La vieille Europe et la nôtre, Paris,1994; H. KIESEWETTER, Das einzigartige Europa. Zufällige und notwendige Faktoren der Industrialisierung,Göttingen, 1996.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 29idea of finding the truth by engaging in dialogue, accepting the strength of argumentsas well as the necessity of scientific autonomy. Further, the expansion of theImperium Romanum and the Roman language imparted the rationality of Romanlaw, and finally, the orientation towards a concept of education based on the arts,the “studia humanitatis”, which goes back to the pragmatic orientation of Romanculture and can essentially be traced back to Cicero.In Western Roman medieval times, which achieved a certain uniformity in mattersof civilisation at the beginning of the 12 th century, enlisting these foundationshelped to develop a principle of structure which up to now has shaped Europeanculture more than everything else: The often-cited principle of unity based on variety.Although it has degenerated into an empty phrase owing to its frequent application,this principle actually does make a fundamental contribution toward explainingEuropean successes and characterising European identity.Unity based on variety characterised at first the form of the constitution of Europeanstates: There always were numerous kingdoms despite many imperialisticschemes. The constant competition among the individual states for increased prestigenever led to their unification in a universal empire; yet the competitors alwaysremained united in their knowledge of belonging to universal Christendom.Unity based on variety also resulted from the separation of ecclesiastical andsecular power, of regnum and sacerdotium, which remained reciprocally dependenton each other and, therefore, limited each other’s power. Emperors and kings requiredtranscendental legitimacy, which could, however, always be withdrawn;popes and bishops depended on secular power, which they could never count on incontestably.This both supported the competition of states as well as the organisationof the church based on the principles of class participation and presentation.The pope had to contend with councils, the bishops with synods.From this competition among individual states there followed what have oftenbeen considered elements of the “modern” state: The emergence of the idea of sovereignty,the progressive intensification and rationalisation of statehood, that is, theemergence of the institutional state with a rationally organised administration; andfinally the idea of legislation with the concept of law being defined in writing andthrough a formal constitution. Secondly, closely connected to the rise of the stateare vassalage and alliance (conjurationes), meaning respectively treaties betweenunequals and treaties between equals. Vassalage led to the establishment of the dualismof king and parliament, and thus to the principles of representation and ofgovernmental procedures in accordance with the law, to the individual’s legal security,and his or her protection from acts of despotism. The idea of conjuratio. ofcourse, made voluntary alliances possible, which were productive because of theirmarked distance from the state: This applies to the merchant and craft guilds aswell as to communities and their confederates, as it does to the occidental universitywith its right of co-optation and its autonomy in formulating statutes. Co-operatives,clubs, associations, parties, and trade unions are modern results of this principleof organisation.

30 Wilfried LOTHIt can easily be seen that Europe’s successes in the modern age are based on thesestructural principles:- Religious schism added an essential dimension to the fundamental pluralism ofWestern culture that paved the way for the expansion of enlightenment, rationalism,and modern science.- The competition between states and lordships promoted the development of moderntechnology. Scientists, philosophers, and reformers - who in Europe like everywhereelse in the world were chased away because their rulers feared change -at the same time always found shelter in other countries - usually because theirrulers hoped to gain advantage over rivals. The role of the Huguenots in Prussia isa prominent example.- In combination with the relativisation of overlordship through representation, thecompetition of states as well as the communities and universities - all committed tothe same concept of civilisation - offered good prerequisites for the development ofmodern movements of emancipation, which aimed at participation or social advance.This is what democracy and the modern welfare state are based upon.Without a doubt, all this now belongs to the Europeans’ perception of themselvesand to their habitual character. 26 The drawbacks of rationality in planning, progressbased on division of labor, and technical efficiency are not usually ignored - afterall, it was the immense possibilities of accumulation and misuse of power thatturned European history into a chain of catastrophes over the past two centuries:However, there seems to be fundamental consent among European societies (andthis has to be formulated with some care) to use the instruments provided by Europeanculture to prevent a repetition of such catastrophes.“Freedom as a means to overcome despotism; individual self-determinationwithin the framework and the possibilities of collective social movements; unrestricted,unbounded thinking as a basic model of intersubjective discourse; opennessas a ubiquitous principle of communication” - formulated like this or in a similarway 27 structural principles of European society can in any case count on broadapproval. There should also be broad consent that they rank higher than some particularnational value or achievement.In the foreseeable future at least, the European project will not lead to the demiseof nation-states. Rather, that project is the prerequisite for their survival,26. For newer systematizations see E. MORIN, Europa denken, Frankfurt/M., 1988; J.-M. DO-MENACH, Europe: Le défi culturel, Paris, 1990; H. SCHULZE, Die Wiederkehr Europas, Berlin,1990; F. BRAUDEL, Zivilisation und Kultur. Die Herrlichkeit Europas, in: F. BRAUDEL, Europa.Bausteine seiner Geschichte, Frankfurt/M., 1991, pp. 149-173; B. NELSON, D. ROBERTS,W. VEIT (eds.), The Idea of Europe. Problems of National and Transnational Identity, Deddington/NewYork, 1991; J. ROVAN, G. KREBS (eds.), Identités européennes et conscience européenne,Paris, 1992; B. BEUTLER (ed.), Réflexions sur l’Europe, Brussels, 1993; R. BRAGUE,Europa. Eine exzentrische Identität, Frankfurt/M./New York, 1993; R. GIRAULT, (ed.), Identitéet conscience européennes au XXe siècle, Paris, 1994.27. H. GREBING, Nationale und zivilisatorische Identität in Europa, in: Gewerkschaftliche Monatshefte,46(1995), pp. 110-120, citation p. 113.

Identity and Statehood in the Process of European Integration 31which, however, can only be survival in a changed form and with more limitedfunctions. As far as we can anticipate, European identity will therefore not simplyreplace national identities. Instead, it becomes apparent that people in Europe livewith a multi-layered identity, one that combines regional, national, and Europeanelements. 28 In principle, the questions of whether and for how long national identitycan claim the power to create stronger bonds than European identity cannot beanswered. There is no plausible proof for the claim that the nation-state alone hasthe ability to bind together society’s forces strongly. 29 As the priority of Europeanvalues and the increasing transnationality of lifestyles show, empirical findings arealready pointing in a different direction. With both the expansion of shared tasksand the democratisation of European politics, the shared traits of the Europeanswill undoubtedly show themselves more prominently.Wilfried Loth28. Such are the findings in: R. PICHT (ed.), l’identité européenne. Analyses et propositions pour lerenforcement d’une Europe pluraliste, Bruges, 1994. Similar in tendency: M. R. LEPSIUS, Bildetsich eine kulturelle Identität in der Europäischen Union ?, in: Blätter für deutsche und internationalePolitik, 42(1991), pp . 948-955. On the consequences of such a multi layered identity on thestate under the power of rule see Joseph H. H. WEILER, The State “über alles ”, in: Festschrifl fürUlrich Everding, vol. II, Baden-Baden, 1995, pp. 1651ff.29. Together with many others R. DAHRENDORF, Die Zukunft des Nationalstaates, in: Merkur,48(1994), pp. 751-761.

33Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénaledans les années cinquanteChristophe GOUELUne collaboration concernant la justice pénale s’est développée tout au long duXIX ème siècle mais ce, de manière bilatérale. Ce mouvement concernait principalementla négociation de conventions d’extradition, conventions comportant dansleur grande majorité un volet appliqué à l’entraide judiciaire. Néanmoins, desapproches multilatérales ont été tentées et concernaient, pour la plupart, des pointsspécifiques répondant à des préoccupations majeures d’alors. Une des premièresrencontres multilatérales, groupant des hauts fonctionnaires des ministères de laJustice et de l’Intérieur de la plupart des pays d’Europe, est la conférence internationalede Rome pour la défense sociale contre les anarchistes, tenue en Italie du 24novembre au 21 décembre 1898. Cette initiative italienne est la conséquence immédiatede l’assassinat à Genève de l’Impératrice Elisabeth d’Autriche le 10 septembre1898. Elle répond néanmoins aux préoccupations des différents pays européensconfrontés au phénomène anarchiste. Il s’agit d’une des premières tentatives deconcertation et d’harmonisation des réponses de différents pays face à une criminalitécommune. Les résolutions prises à cette conférence ne seront pas appliquées,ouvrant la voie à des coopérations régionalement plus restreintes comme le protocolesecret conclu en 1904 à Saint-Pétersbourg et réunissant dix pays. 1l’entre-deux-guerres voit naître un nouvel outil sur la scène de la coopérationinternationale: la Société des Nations, dominée par l’élément européen et ne possédantpas la vocation universaliste affichée plus tard par l’Organisation desNations Unies. l’impossibilité de juger l’empereur Guillaume II et les hautsresponsables militaires allemands, jugement pourtant prévu par l’article 227 duTraité de Versailles 2 va amener le débat sur la justice pénale au sein de cetteenceinte. Dans ce contexte, le Baron Descamps présenta à la S.D.N. le projet d’uneHaute Cour internationale de justice criminelle «compétente pour juger les crimescontre l’ordre public international et le droit des gens international», 3 projet jugéprématuré par l’organisation. Des formes de délinquance commune amenèrent lesEtats à négocier des instruments internationaux spécifiques, sous l’égide de laS.D.N (accords pour la répression de la traite des femmes, des publications obscènes,du trafic des stupéfiants). Un exemple caractéristique de réponse à la constatationd’un type de délinquance frappant tous les Etats et présentant un danger social1. Allemagne, Autriche-Hongrie, Danemark, Suède, Norvège, Russie. Russie, Roumanie, Serbie,Bulgarie et Turquie.2. l’extradition de Guillaume II avait été demandée aux Pays-Bas pour «offense suprême contre lamorale internationale et l’autorité sacrée des traités». Les Néerlandais refusèrent pourtant la demandeen arguant qu’il s’agissait d’une infraction politique et donc exclue du champ d’applicationdes conventions d’extradition.3. Cité dans P. BOUZAT, J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, tome 2, Dalloz. Paris,1970, p. 1693.

34 Christophe GOUELcommun, est une des conventions conclues à Genève le 16 novembre 1937, pour larépression du terrorisme et prévoyant la création d’une Cour pénale internationale.Elle sera signée par treize Etats dont la France et l’Union soviétique mais ne pûtentrer en vigueur du fait du déclenchement du deuxième conflit mondial. Le facteurinitiateur en est l’attentat de Marseille du 9 octobre 1934, coûtant la vie au roiAlexandre de Yougoslavie et au président Barthou et amenant la France à proposerà la S.D.N. la conclusion de tels instruments. Ce texte marquait un tournant enfaveur de la solidarité des Etats devant le crime:«C’était la première fois que l’on concevait la possibilité de jugements internationauxrendus d’une manière permanente en matière pénale, et que l’on écartait lathèse issue du dogme de la souveraineté, thèse selon laquelle de tels jugementsétaient du ressort exclusifs des juridictions nationales». 4Mais, là encore un conflit mondial stoppait toute avancée dans le champ de la coopérationjudiciaire en matière pénale.l’après Seconde Guerre mondiale connaît l’amorce d’une justice internationale liéeaux exactions commises durant le conflit grâce aux juridictions de Nuremberg et deTokyo, bien que cette justice soit trop souvent représentée comme une justice des vainqueurs.Les questions de défense sociale, de création d’un code pénal international etd’une cour pénale internationale seront au programme de l’ONU. Néanmoins, les tensionsissues de la Guerre froide bloquèrent tout espoir pour la construction d’une justiceinternationale, ne laissant ouverts que certains aspects de la défense sociale.La voie est donc libre pour des solutions géographiquement plus restreintes, déclencheéspar l’émergence de nouvelles solidarités entre les Etats comme celles provoquéespar les efforts en faveur de la construction européenne. De ce fait, les nouvelles structuresinternationales apparaissant en Europe vont se pencher sur cet aspect pouvant apparaîtremarginal comparé à une construction politique de l’Europe. Cependant, le fait queles Etats européens de l’après-guerre affrontent les mêmes problèmes liés aux difficultésde la reconstruction (marché noir, trafic de devises, ...) parallèlement à l’augmentationde la mobilité des populations, va amener à une perception plus européenne desproblèmes de la délinquance. Ces problèmes communs ne sont pas les seuls responsablesd’une intervention du Conseil de l’Europe dans le domaine pénal. Cette interventionest à rechercher dans les éléments fondateurs de cette organisation. Elle a vu le joursuite au Congrès de La Haye de 1948 où se sont exprimés des responsables politiqueseuropéens en faveur de la construction d’une Europe unie afin de ne plus subir une conflagrationsemblable à la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, dans les années cinquante, leConseil de l’Europe, organe qui se veut un laboratoire d’idées et le champ d’applicationdes différentes coopérations possibles, va s’intéresser à la question de la coopérationjudiciaire en matière pénale. En effet, aux côtés d’une organisation politique del’Europe, les participants envisagent la création d’une juridiction suprême européenneainsi qu’un instrument garantissant les droits de l’homme, expression de la volontéd’une coopération poussée dans les différents domaines. Cette volonté aboutira par la4. V. PELLA, Fonctions pacificatrices du droit pénal international. Communication à l’Académiedes sciences morales et politiques de l’Institut de France, 17 février 1947, A. Pédone, Paris, p. 6.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 35conclusion de la Convention européenne des droits de l’homme qui marque les premierspas du Conseil de l’Europe dans le droit pénal. A partir de ce moment, des initiativesen ce domaine vont venir de ces différentes composantes mais allant toutes dans lesens d’une plus grande coopération et illustrant le souhait de se doter de structures enconséquence. Comment cette organisation intergouvernementale apparaissant dépasséedans son rôle de moteur de l’Europe dans les années cinquante par les nouvelles institutionseuropéennes va-t-elle assumer cette nouvelle orientation?I.La Convention européenne des droits de l’homme:une incursion discrète dans le droit pénall’élaboration de la Convention et ses dispositions généralesLe Conseil de l’Europe aborde la question du droit pénal, en quelque sorte, «par labande». La première réalisation européenne ayant des implications dans le domainepénal (la Convention européenne des droits de l’homme) ne vise pas expressément cettequestion. Le Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’hommenaissent de la même initiative. l’impulsion en est donnée dans le «Message aux Européens»du Congrès de La Haye, tenu du 8 au 10 mai 1948.Ainsi, au même titre que le Conseil de l’Europe, la charte européenne des droitsde l’homme apparaît comme devant être un des instruments politiques de la constructioneuropéenne et l’expression des principes des démocraties européennes.Cependant, à cette notion d’instrument politique, va se substituer celle d’instrumentjuridique de l’Europe de Strasbourg. Aussi, à l’usage, la Convention desdroits de l’homme va se parer du drapeau de garant des valeurs moraleseuropéennes, au point que la Section française de l’Union des Résistants pour uneEurope Unie présente la convention comme «la première réalisation capable deconduire à [l’]unité morale» 5 de l’Europe.Après la création du Conseil de l’Europe en mai 1949, les trois rédacteurs 6 du projetde convention des droits de l’homme lui soumettent leur projet. Le Comité des ministresdécide, en novembre 1949, de créer un Comité d’experts gouvernementaux chargéd’établir un projet de convention de garantie collective d’un certain nombre de droitsinscrits dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Après quatorzemois de travaux préparatoires, les ministres des affaires étrangères de treize payseuropéens 7 signent la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés5. Lettre d’Alphonse Juge, Président de la section française de l’U.R.P.E., à Maurice Couve de Murville.21 avril 1961. MAE, Cabinet du Ministre, 1958-1966, volume 174.6. Il s’agit de Pierre-Henri Teitgen, Fernand Dehousse et Sir David Maxwell-Fyfe. futur Lord Kilmuir.7. Belgique, Danemark, France, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas. RFA.Royaume-Uni, Sarre et Turquie. La Grèce et la Suède signent à Paris le 28 novembre 1950.l’Autriche le 13 décembre 1957, Chypre le 16 décembre 1961 et Malte le 12 décembre 1966.

36 Christophe GOUELfondamentales à Rome, le 4 novembre 1950. Moins de trois ans après, le 3 septembre1953, date du dépôt du dixième instrument de ratification, la Convention entre envigueur. Le délai entre l’élaboration et l’entrée en vigueur de la convention est exceptionnellementrapide pour un tel instrument international.Plusieurs hypothèses ont été prises en compte pour l’élaboration de la Convention.Ainsi, concernant le mécanisme de protection, deux questions sont posées: quels organespour assurer son fonctionnement; l’individu pourra-t-il directement les saisir?En réponse à la première question, la C.E.D.H. crée la Commission des droits del’homme et la Cour européenne des droits de l’homme, deux organes que l’on peutassimiler à deux degrés de juridiction. Ils sont chargés du contrôle de la Convention etdes Etats appliquant sur leur territoire les droits fondamentaux reconnus. Ils apparaissenten fait comme le recours «après l’épuisement des voies de recours interne». 8Cependant, l’avis de la Commission ne lie pas l’Etat incriminé. A défaut de règlementamiable, la Commission transmet le dossier au Comité des ministres, après rédactiond’un rapport et sa fonction juridictionnelle s’arrête à ce stade. l’affaire peut alors êtredéférée à la Cour par la Commission ou par un Etat si sa compétence a été reconnue parles parties contractantes intéressées. 9 La Cour a entière liberté de jugement à l’égard deséléments d’instructions rassemblés par la Commission. Statuant à la majorité, la Courprend des arrêts définitifs et obligatoires, le Comité des ministres étant chargé d’en surveillerl’exécution. 10 Ainsi, le fonctionnement de la Cour en fait un instrument supranationalcar ses décisions sont self-executing (caractère juridiquement obligatoire). Il y adonc un transfert de souveraineté librement consenti de la part des hautes parties contractantesreconnaissant la compétence de la Cour.A la deuxième question, il est répondu par l’article 25. Celui-ci fait mention desrequêtes individuelles. Ainsi toute personne physique, organisation non gouvernementaleou groupe de particuliers peut saisir la Commission, si la haute partie contractantea déclaré accepter cet article. Cette véritable action individuelle est une conditionessentielle de l’efficacité de la Convention. En effet, en l’absence de requêteindividuelle, toute requête étatique aurait pour effet de transformer une réclamationindividuelle en litige inter-étatique et pourrait toujours être soupçonnée d’obéir à desmobiles politiques. A contrario, le fait que le requérant soit un particulier et non unEtat tend à dépolitiser la requête et l’affaire dans son ensemble.d’autres interrogations ont surgi lors des travaux de rédaction de la Convention. Ainsi,la question de la formulation des droits voit s’affronter deux types de propositions. La premièresuggère une définition précise des droits garantis, instituant ainsi un traité-loi quipermettrait aux Etats de connaître le contenu et la portée exacte des droits (conceptionanglo-saxonne). La deuxième proposition soutient l’idée du traité-cadre qui instituerait unmécanisme de garantie créant sa propre jurisprudence plutôt qu’une législation internationale.La première conception va l’emporter. La Convention européenne va ainsi pouvoirprotéger efficacement les droits et libertés qu’elle garantit.8. Article 28/b.9. Article 46.10. Article 54.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 37Le domaine pénal dans la C.E.D.H.Elle va exercer, dans le domaine de la procédure pénale, «une influence directe,efficace et importante sur [le] droit répressif interne». 11 En effet, un grand nombrede ces droits et libertés font partie du droit pénal et de la procédure pénale. Laprésence de ces droits dans la Convention «crée un véritable droit pénal Internationalet une procédure pénale internationale. Cette codification internationaleprouve le lien profond qui existe entre les droits de l’homme et la législationpénale». 12 Cette influence sur le droit interne des Etats s’explique par le caractèresupranational de la Convention et par la possibilité des requêtes individuelles. Eneffet, la Commission et la Cour européennes des droits de l’homme ont ainsi lapossibilité de juger des dispositions de procédure pénale interne de chaque Etat. Encas de condamnation, des modifications législatives sont susceptibles d’être apportéesdans ces procédures. De plus, les jugements peuvent avoir valeur de référencedans l’établissement de lois pénales. Ainsi, un pays envisageant des modificationslégislatives va prendre en considération la possibilité de condamnation sur despoints de procédures pénales avant toute réforme et adapter ces réformes à la jurisprudencede la Cour de Strasbourg.On peut inverser cette démonstration pour expliquer que de nouvelles institutionsjudiciaires peuvent empêcher une sereine ratification de la Convention. Pourillustrer ce propos, on peut citer la création de la Cour de sûreté de l’Etat en France.A cette occasion, René Cassin, alors juge à la Cour européenne des droits del’homme, a dénoncé dans de nombreux articles la contradiction de la procédureinstaurée par cette nouvelle juridiction avec les principes édictés par la Conventionde 1950. l’existence d’une juridiction d’exception munie d’instruments plus durs,comme la prolongation de la détention préventive, va aussi être un nouvel argument(s’ajoutant à celui de la guerre d’Algérie, de la lutte contre l’O.A.S.) pour le Gouvernementafin de refuser de mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée la question dela ratification de la Convention, alors que le primordial et unique motif de ce refusest la supranationalité instaurée dans les droits de l’homme par cet instrumentjuridique. Dans une note au Président de la République, datée du 13 septembre1963, Jean Foyer, Garde des Sceaux, confirme cette opposition en expliquantqu’une ratification «serait mauvaise car elle nous ferait adhérer à des règles et à desmécanismes qui procèdent les premières d’un système de pensée juridique plus britanniqueque français et les seconds d’une conception de l’Europe [la supranationalité]qui ne semble plus être celle de la France depuis 1958». 13Le droit instauré par la Convention n’est alors ni du droit national, ni du droitinternational. Il présente, en fait, les éléments de l’un et de l’autre. Il est appliqué11. R. LEGROS, La pénétration du droit européen dans Sa justice répressive belge, in: l’améliorationde la justice répressive par le droit européen, Bruxelles, Vander éditeur, 1970, p. 49.12. S. Neven, La Convention européenne des droits de l’homme et la France, Thèse de droit, Paris II,1971, p. 15.13. A.N. Versement 950412, volume 104.

38 Christophe GOUELpar la Commission et la Cour des droits de l’homme mais aussi par le Comité desministres et par les tribunaux nationaux des Etats contractants.«Il crée non seulement des obligations pour les Etats mais aussi des droits que lesindividus peuvent faire respecter; il établit, dans le domaine des libertés publiques,un nouvel ordre juridique qui vise à remplacer les systèmes particuliers de chacundes Etats par un système européen unique». 14La possibilité des requêtes individuelles peut inciter les Etats à tout faire pour établir unbon fonctionnement de la justice pénale. Cependant, des pays considèrent avec méfiancecette possibilité de recours individuel. Ainsi, la France craint que les condamnés usent parce biais de mesures dilatoires pour retarder l’exécution des condamnations.Trois articles de la Convention concernent essentiellement le droit pénal et laprocédure pénale. Il s’agit des articles 5, 6 et 7 qui sont également les plus longs.l’article 5 a pour objet: l’arrestation, la détention préventive, la privation de laliberté, l’information de la personne arrêtée, le déroulement de la procédure, lesrecours des personnes arrêtées ou détenues, la réparation du chef d’arrestation oude la détention dans des conditions contraires aux dispositions de la Convention.l’application et l’interprétation de cet article ont déjà fait alors l’objet d’un arrêt dela Cour européenne des droits de l’homme. 15 Cet article est important pourl’expression des droits des individus au regard de la loi pénale du fait que «parmiles multiples moyens d’intervention du pouvoir étatique moderne dans le droit del’individu, la privation de liberté reste à la fois l’action la plus spectaculaire et laplus sensible». 16 Cet article présente un double aspect: un aspect statique, fixantdes règles minima à observer rigoureusement en cas de privation de liberté; unaspect flexible, essentiel à toute politique pénale. Cette flexibilité permet l’adaptationdes conditions régissant l’arrestation ou la détention d’un individu aux particularitésou nécessités de chaque Etat. Cette flexibilité est illustrée par la notion de«délai raisonnable» régissant le délai de jugement d’une personne. 17l’article 6, quant à lui, pose des principes fondamentaux dans le domaine de la procédure.Il reconnaît certains droits et donne un certain cadre au mécanisme judiciaire, particulièrementau fonctionnement de la justice pénale. En effet, il a pour objet les garantiesdu procès équitable: délais raisonnables, publicité, indépendance des juges, preuves,information, droits de la défense, assistance gratuite. l’article 7 s’applique directement audroit pénal et pose les principes de la légalité des délits et des peines et de la non-rétroactivitédes lois. La Convention confirme ce principe fondamental de la légalité et l’imposedorénavant à tous les pouvoirs des Etats contractants: au pouvoir constituant ou au pouvoirlégislatif, comme au pouvoir exécutif ou au pouvoir judiciaire. d’autres articles de laConvention ont des répercussions sur le domaine pénal mais de manière moins directe,comme l’article 10 qui érige en droit le principe de la liberté d’expression.14. A.H. ROBERTSON, Rapports entre la Convention européenne des droits de l’homme et le droitinterne, in: Droit pénal européen, ULB, PUB, 1970, p. 17.15. Arrêt Lawless contre Irlande du 1 er juillet 1961.16. H. GOLSONG, Le droit à la liberté de la personne tel qu’il est garanti par l’article 5 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme, in: Droit pénal européen, ULB, PUB, 1970, p. 25.17. Article 5, paragraphe 3.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 39Une interactivité des droits de l’homme dans les champs du droit pénal et de laprocédure pénale n’est pas seulement reconnue dans la Convention de sauvegardedes libertés fondamentales. Elle est affirmée et confirmée dans les protocoles additionnelsconclus ultérieurement. De plus, la C.E.D.H. a des conséquences doublesdans la législation interne des Etats. d’une part, les dispositions à la loi internecontraires à la convention sont, de plein droit, implicitement abrogées. d’autrepart, le législateur et les autorités investies du pouvoir réglementaire perdent laliberté de poser des règles contraires à la Convention.La Convention européenne des droits de l’homme intervient donc dans ledomaine pénal. Elle crée par ses diverses dispositions des éléments d’harmonisationdes législations et procédures pénales des différents Etats membres. Mais, ya-t-il dans ce domaine une véritable volonté d’action de la part des négociateurs destextes ou l’harmonisation est-elle plus simplement l’expression d’un lien inextinguibleentre les droits de l’homme et le droit pénal? l’action délibérée dans cedomaine n’est pas démontrée et il faut attendre une autre enceinte que celle desdroits de l’homme pour faire montre d’une telle volonté dans le domaine des problèmescriminels.II. l’Assemblée consultative prend l’initiative dans le domaine pénalDes instruments pour une plus grande mobilité intra-européenneLes représentants des parlements nationaux agissent en faveur de la facilitation desdéplacements des nationaux entre les pays membres du Conseil de l’Europe. Cemouvement de simplification s’effectue dans le but de développer la compréhensionentre les peuples européens. Pour cela, l’Assemblée consultative propose, dès1949, la création d’un passeport européen, remplaçant les passeports nationaux, 18suggestion sans suite. Au début de l’année 1952, les représentants des gouvernementsne proposeront que deux modestes recommandations: la standardisation despasseports; la suppression des visas par le biais d’accords bilatéraux. En juillet1952, les délégués des ministres demanderont l’extension du système des passeportscollectifs, système existant déjà entre les parties du Traité de Bruxelles. Afinde faciliter les mouvements transfrontaliers, il est aussi demandé l’augmentationdes postes frontaliers, l’octroi de facilités plus larges concernant le contrôledouanier et le contrôle des passages par la police des frontières. 19Ces demandes recevront une réponse partielle à partir de juillet 1953, la RFA.supprimant l’obligation du visa pour les ressortissants des pays membres du Conseilde l’Europe et de l’OECE désirant se rendre en Allemagne fédérale. l’inclusion despays de l’OECE s’explique par l’action de la conférence européenne des ministres18. Recommandation (1949) 39.19. Sur ce sujet, voir Nouvelles du Conseil de l’Europe, août 1954.

40 Christophe GOUELdes Transports qui, en ouvrant les frontières, cherche à faciliter le développementéconomique européen. Ce mouvement de suppression des visas va se développer, leComité des ministres s’engageant à supprimer ceux encore exigés avant le 1 er janvier1956. d’autres initiatives vont être prises par la sous-commission de la Commissiondes questions administratives et juridiques de l’Assemblée, chargée des simplificationsdes formalités de frontières: demande d’un laissez-passer standardisé impriméen plusieurs langues, comme ceux existant déjà en France et en RFA; extension despasseports collectifs pour les déplacements de jeunes. Cette idée d’un document remplaçantle passeport dans les déplacements transfrontaliers préfigure l’idée que lesdéplacements intra-européens puissent s’effectuer sans passeport ni visa mais simplementpar l’entremise d’une pièce officielle ouvrant ainsi la voie à des déplacementsplus simples et plus rapides. La RFA prendra encore les devants en 1955 en supprimant«l’obligation de passeport pour les ressortissants des pays membres du Conseil,à condition qu’ils soient munis d’une carte d’identité». 20En 1953, l’Assemblée consultative complète ces efforts par l’adoption d’unerecommandation préconisant l’assouplissement des contrôles de passeports, dedevises et des douanes. 21 Elle souhaite l’extension de ces facilités aux pays membresde la CECA et de l’UNISCAN 22 afin de ne pas créer des zones de plus oumoins grandes mobilités, en rappelant qu’aucune preuve d’identité n’est demandéeaux voyageurs entre le Royaume-Uni, l’Irlande et les pays Scandinaves. Dans uneautre recommandation adoptée en 1954, l’Assemblée sollicite la simplification desformalités de frontières applicables aux véhicules automobiles particuliers. Cettemesure va également dans le sens du développement des relations intra-européennesen facilitant le tourisme international dans les pays membres et intensifiantpar-là les relations économiques européennes. On note toujours dans les décisionsde l’Assemblée de Strasbourg la volonté d’harmoniser les procédures tout en lesallégeant, harmonisation mettant ainsi les citoyens sur un pied d’égalité devant lesformalités de frontières.Le Comité des ministres va suivre timidement ces propositions, en refusant d’enaccepter les dispositions les plus importantes. En effet, le seul véritable engagementdu Comité est en faveur de la suppression des visas. Cette position amène l’Assembléeà considérer que «les Délégués des Ministres s’étaient contentés de rechercherles vues de leurs administrations nationales». 23 Elle exprime son mécontentementenvers les délégués des ministres en adoptant, en 1955, la Recommandation n° 84.Elle y indique que l’opinion publique européenne est favorable aux assouplissementsdans les formalités pour les déplacements intra-européens et qu’une libéralisationdans ce domaine stimulerait non seulement les voyages mais aiderait à une plusétroite coopération entre les pays, comme le souligne le représentant suédois, M.Elmgren, en citant l’expérience menée au sein du Conseil nordique. 2420. Nouvelles du Conseil de l’Europe, octobre 1955, p. 3.21. Il s’agit de la Recommandation (1953) n° 51.22. Regroupe le Royaume-Uni, les pays Scandinaves et l’Irlande.23. A.H. ROBERTSON, Le Conseil de l’Europe, A.W. Sythoff, Leyde, 1962, p. 267.24. A ce sujet, voir Nouvelles du Conseil de l’Europe, novembre 1955.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 41En réponse aux attentes des représentants des parlements nationaux, le Comitédes ministres va constituer, le 5 décembre 1956, le Comité spécial pour la simplificationdes formalités de frontières, appelé aussi Comité spécial des hauts fonctionnaires.Sa mission est d’étudier les points suivants: suppression du passeport entretous les Etats membres; remplacement du contrôle général des voyageurs par dessondages; conclusion de conventions sur l’abolition des visas avec des Etatsnon-membres du Conseil de l’Europe et enfin suppression du carnet de passage pourles véhicules automobiles. Ces objectifs vont être peu à peu réalisés. Ainsi, l’Accordeuropéen sur le régime de la circulation des personnes, signé à Paris le 13 décembre1957, entre en vigueur le 1 er janvier 1960. Sur la base de la réciprocité, il permet auxressortissants des parties contractantes d’entrer ou de sortir de leur territoire sur simpleprésentation d’une pièce d’identité, marquant ainsi la fin du passeport obligatoiredans les déplacements intra-européens. Un autre accord va être signé le 16 décembre1961, entrant en vigueur le 16 janvier 1962. Il s’agit de l’Accord européen sur la circulationdes jeunes sous couvert du passeport collectif entre les pays membres duConseil de l’Europe. Cette réalisation prend la suite des dispositions prévues par leTraité de Bruxelles. Les jeunes voyageant sous le couvert d’un passeport collectifsont dispensés, lors du passage des frontières, de la présentation de la carte nationaled’identité. Cet instrument contribue par sa mise en activité au mouvement alors enessor des échanges culturels. Un autre objectif du Comité spécial va être réalisé: entre1957 et 1958, dix pays vont supprimer le carnet et le triptyque exigés pour le franchissementdes frontières par les véhicules des particuliers. 25Le Conseil de l’Europe, sous l’impulsion de l’Assemblée consultative, œuvredonc pour faciliter les déplacements intra-européens. Cet objectif, repris plus tardpar la CEE, est donc en cours de réalisation durant les années cinquante, allant versun allégement des contrôles aux frontières. Parallèlement à ce mouvement de libéralisation,les moyens de transport se développent, réduisant ainsi la durée nécessairepour joindre les diverses parties de l’Europe de Strasbourg. La conjonction deces deux phénomènes augmente les mobilités de la délinquance transfrontalière etdilue de ce fait les possibilités de réponse répressive nationale aux phénomènesd’une délinquance de plus en plus mobile qui, de plus, peut fuir à l’étranger pouréchapper aux poursuites judiciaires dans l’Etat d’infraction.La question de l’extraditionEn raison du concept de la territorialité de la justice pénale, l’autorité en matière dejustice d’un Etat prend fin à ses frontières. La réponse des Etats a conduit à la formationd’un réseau des traités d’extradition bilatéraux. La jeunesse du droit extraditionnelse situe au XIX ème siècle et en Europe continentale, d’où émerge unnoyau de droit extraditionnel européen différant sur des points importants aveccelui des pays anglo-saxons. Cependant, ces relations extraditionnelles ne formentpas encore un droit pénal international ou européen, mais entrent plutôt dans le25. Autriche, Belgique, Danemark, France, RFA, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège et Suède.

42 Christophe GOUELdomaine du droit international public, dans celui des rapports entre Etats où l’individuest de peu de poids. l’extradition est donc un instrument de politique internationalepour lequel la variété des systèmes juridiques est une source de complication,entravant les essais d’harmonisation du droit extraditionnel. La division dumonde en groupes d’idéologies rivales complique encore plus la situation. Uneillustration en est l’échec des tentatives de codification pénale au sein de l’ONU.Mais, «les premières ébauches de construction de l’Europe devaient faire naîtrel’espoir de créer un droit européen de l’extradition, comme cela s’était fait dansd’autres grandes régions du monde». 26Cet espoir, l’Assemblée consultative va l’initier à la suite de la proposition dureprésentant britannique, M. Foster, d’entreprendre l’étude d’une conventioneuropéenne d’extradition. Une recommandation, adoptée à la quasi unanimité le 8décembre 1951, reconnaît nécessaire «de conclure une convention européenne, envue de punir les auteurs de crimes commis sur le territoire de l’un des Membres duConseil de l’Europe qui se réfugient sur le territoire d’un autre Membre». 27 Pourson élaboration, l’Assemblée désire la création d’un Comité mixte regroupant desmembres de la Commission des Affaires juridiques et administratives et des expertsdésignés par le Comité des ministres. Cette demande est effectuée dans une atmosphèrede défiance entre le Comité des ministres et l’Assemblée consultative cherchantà élargir son champ de compétence. C’est ainsi que Geoffrey de Freitas, rapporteurde la Commission des Affaires juridiques, estime qu’en cas d’accord desministres, «le sentiment d’irritation et de frustration qui caractérise souvent les rapportsde l’Assemblée et du Conseil ferait place à un esprit de coopération etd’encouragement qui permettrait, sans conteste, d’aboutir rapidement à des résultatsconcrets». 28Ce vœu appelant à des résultats rapides ne sera pas entendu et le Comité mixtene verra pas le jour. Une position définitive du Comité des ministres ne sera prisequ’après examen des réponses des gouvernements. Il est alors décidé, le 19 mars1953, de créer un comité d’experts gouvernementaux dont la première réunion auralieu en octobre. Il aura presque fallu deux ans depuis l’adoption de la Recommandation16 (1951) pour que débutent finalement les travaux. Le délai corrobore lesplaintes de l’Assemblée concernant la lourdeur et la lenteur des procédures duComité des ministres.Trois raisons plaident pour une intervention dans le domaine de l’extradition.Les possibilités de fuite offertes aux délinquants ont considérablement augmentédepuis la conclusion de la plupart des conventions bilatérales d’extradition. Pourmarquer l’ancienneté de ces conventions, on peut noter qu’à la date de l’adoptionde la Recommandation 16 (1951), sur quatorze conventions bilatérales concluespar la France avec des pays européens, seules deux ont été conclues au XX ème siè-26. G. LEVASSEUR, Droit européen et la protection de l’individu dans le domaine de l’extradition,in: l’amélioration de la justice répressive par le droit européen, Bruxelles, Vander éditeur, 1970,p. 135.27. Document du Conseil de l’Europe: Recommandation 16 (1951).28. Document du Conseil de l’Europe: CM (51)94, du 31 décembre 1951.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 43cle. 29 Ce fait est encore souligné par le nombre de négociations ouvertes pour larévision des traités d’extradition. Ainsi, la France engage, dans le courant desannées cinquante, des révisions de ses traités bilatéraux avec la plupart des paysauxquels elle est liée. Cependant, la plupart de ces négociations sont ajournéesdans l’attente des résultats des travaux au sein du Conseil de l’Europe (interruptiondes négociations avec l’Autriche en 1957, attente pour la Norvège et la Suède, ...).En second lieu, l’intervention de l’Etat dans le domaine économique a augmentédepuis la conclusion de ces conventions, entraînant l’adoption d’une vastelégislation et créant ainsi de nouvelles infractions et un accroissement correspondantde la délinquance. Cet aspect est également un des corollaires du vieillissementdu réseau des traités bilatéraux. En effet, les conventions du XIX ème siècledonnent une version limitée des faits passibles d’extradition par l’interventiond’une liste énumérative des infractions d’une certaine gravité, cette liste pouvantêtre complétée par la suite par des infractions moins sévèrement punies mais plusrépandues ou dangereuses. Il est difficile de réviser correctement ces listes, l’évolutionde la criminalité allant plus vite que les négociations diplomatiques ! Les nouveauxtraités d’extradition, comme celui conclu entre la France et l’Allemagne, necomprennent plus ces listes. Ils accordent l’extradition selon le degré de gravité desagissements en déterminant un minimum requis de peine encourue ou prononcée.Cette nouvelle formule permet d’éviter ces révisions et s’adapte plus facilement àl’évolution de la politique criminelle des Etats.La dernière raison plaidant pour une convention d’extradition est l’apparition degaranties internationales des droits de l’homme. Il y a moins de crainte d’un procèsirrégulier à l’étranger, en raison des garanties offertes par la Convention européennedes droits de l’homme et de la volonté d’union plus étroite affirmée par lespays du Conseil de l’Europe. Pourquoi une telle influence sur l’extradition? Lesrestrictions ou les conditions apportées à l’extradition sont, en fait, autant d’indicateursdu manque de confiance envers la justice de l’Etat requérant. Le contenud’une convention sera établi en fonction du degré de confiance envers la justiceétrangère, d’où l’utilité d’un instrument bilatéral.Plusieurs manifestations de ces «réticences à l’égard de la justice de l’Etatrequérant peuvent être relevées dans le droit extraditionnel européen actuel»: 30obligation de la double incrimination (infraction punie dans la législation de l’Etatrequérant et de l’Etat requis), obligation de la double punissabilité (besoin quel’action publique ne soit pas encore ouverte ou éteinte dans l’Etat requis), refusd’extradition en matière politique, refus d’extradition des nationaux ou assimilés.Cependant, l’existence de la Convention européenne des droits de l’homme et deses garanties sur la procédure pénale permet d’espérer en l’accroissement de ce facteur«confiance» dans la justice étrangère. Ainsi, pour le Conseil de l’Europe, «unecoopération plus efficace des Etats pour la répression du crime devrait aller de pair29. A.N. Versement 960283, volume 1. Liste des conventions d’extradition auxquelles la France estpartie. Il s’agit de la Grèce (29 mars - 11 avril 1906) et de l’Allemagne (29 novembre 1951).30. G. LEVASSEUR, op. cit., p. 139.

44 Christophe GOUELavec une protection plus efficace des droits de l’individu. (...) Une conventioneuropéenne moderne devrait viser une solution qui, tout en permettant unecoopération plus étroite pour la répression du crime, conduise à un respect encoreplus scrupuleux des libertés individuelles». 31 Le cadre multilatéral européen permetdonc d’aller plus loin que le cadre international.Les travaux du Comité d’experts vont être menés conjointement à partir de 1954avec la sous-commission chargée de l’extradition, suite à la Résolution (54) 24adoptée par le Comité des ministres en février 1954. Le principal problème tient àla forme de la convention: soit un traité-type d’extradition permettant de réviser lestraités bilatéraux existants, soit une convention multilatérale européenne tenantcompte de l’évolution du droit extraditionnel. Une convention bilatérale permet laprise en compte d’intérêts particuliers d’ordre géographique, politique et juridique,mais la conclusion d’accords bilatéraux liant les quinze Etats membres impliquel’élaboration de 105 conventions, chiffre mettant en avant les avantages réels d’uneconvention multilatérale. Mais, la délégation française estime nécessaire que «soitmaintenue entre les pays membres une unité de doctrine sur la répression de lacriminalité et sur la nécessité de faciliter l’extradition dans toute la mesure du possible[et que] la convention-type devrait faire ressortir une volonté d’uniformisationdu droit extraditionnel sur le plan européen et non enregistrer les tendances divergentesde caractère fondamental qui pourraient exister entre certaines délégations».32 Une solution intermédiaire serait la coexistence d’une conventionbilatérale type avec une convention multilatérale permettant une adhésionultérieure. La convention bilatérale type permettrait donc d’entamer des négociationssur un projet ayant déjà fait l’objet d’un consensus, position du Quai d’Orsaypour celles entamées avec l’Autriche. 33Une convention multilatérale permettrait d’énoncer les grands principes régissantl’extradition et quelques règles d’ordre technique. Elle a la préférence del’Assemblée, pour qui le multilatéralisme est de règle dans le cadre de Strasbourget pour qui «la conclusion d’une convention multilatérale européenne marqueraitun progrès vers l’établissement d’une union plus étroite». 34 Cet instrument formeraitdonc des règles communes pour l’extradition, pouvant être complétées ouprécisées par la suite par des traités bilatéraux. Cette solution va être adoptée par leComité des ministres. Ouverte à la signature en septembre, la Convention européennemultilatérale d’extradition sera signée à Paris le 13 décembre 1957.Le résultat est de facture classique mais comprend néanmoins certaines innovations.Outre l’engagement de principe concernant l’obligation d’extrader, la conventioncomporte une clause générale en lieu et place d’une liste énumérative defaits punissables. Elle consacre les notions de double punissabilité, facilitée par laclause générale, et de double incrimination. Elle comporte également une définition31. Document du Conseil de l’Europe: AS/JA (5) 24, du 7 avril 1954.32. Document du Conseil de l’Europe: EXP/Extra (56) 3, p. 5.33. A.N., Versement 960283, volume 2: Lettre du Ministère des Affaires Etrangères au Ministère de laJustice, Direction des Affaires Criminelles et des Grâces, 13 avril 1957.34. Document du Conseil de l’Europe: AS/JA (5) 24, 7 avril 1954.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 45des infractions politiques beaucoup plus large que dans les textes bilatéraux classiques.Un autre aspect concerne le problème de la peine de mort. Ainsi, une extraditionpourra ne pas être accordée s’il n’y a pas des assurances jugées suffisantespar la partie requise, que la peine capitale ne sera pas exécutée. Cette dispositionpose des problèmes de ratification, en particulier pour la France et plus précisémentpour le Président de la République, qui ne veut en aucun cas soumettre à un instrumentinternational sa prérogative régalienne du droit de grâce. En fait, la Convention,à l’image des traités bilatéraux, ne traite que des conditions de fond et deprocédure internationale. La procédure interne tendant à l’acceptation ou au rejetde l’extradition reste au soin de chaque Etat. Néanmoins, cet instrument européencomporte quelques faiblesses dont la plus frappante «réside dans ce que les extraditionsne devraient pas être accordées s’il y a risque de contravention aux principesgénéraux des droits de l’homme». 35 Une autre faiblesse ne provient pas du textemais de la lenteur des ratifications. Ainsi, la convention d’extradition n’entre envigueur que le 18 avril 1960 après le dépôt du troisième instrument de ratificationet en août 1963, elle n’est ratifiée que par 6 Etats. 36Un élargissement de l’action à l’entraide judiciaireLe Comité d’experts chargés de l’extradition est à l’origine de la convention d’entraidejudiciaire en matière pénale, une convention multilatérale n’ayant encore jamais vu le jourdans ce domaine: Il ne s’agit plus là d’un élément à cheval entre le droit pénal et le droitinternational public comme l’extradition, mais d’un instrument de coopération à partentière. Cette coopération doit être poussée plus avant afin de permettre l’accomplissement,dans un pays donné, d’actes ou de procédures judiciaires dans l’intérêt d’un autrepays sur le territoire duquel une affaire est en cours. Mais le domaine des lois procéduralesne dépasse pas les limites de l’Etat où elles sont en vigueur. Si des actes procéduraux(comme une audition de témoin ou une constatation matérielle) doivent être accomplishors du territoire, il faut solliciter l’aide de l’autorité judiciaire étrangère géographiquementcompétente. Plusieurs pays membres étaient déjà liés par des traités bilatéraux en lamatière (l’entraide étant généralement incluse dans les traités d’extradition) ou étaient enpossession de conventions type. Les experts estimaient qu’«une telle convention pourraitêtre acceptée par un plus grand nombre de Membres que celui qui est susceptibled’approuver la convention sur l’extradition», 37 en raison de la moindre mise en cause de lasouveraineté par l’entraide judiciaire et d’où un plus large consensus possible.Cette position va être battue en brèche lors de l’examen par les délégués des ministresde l’élargissement du mandat des experts à cette question. En effet, à cette occasion,le Royaume-Uni se montra opposé à cette extension, opposition largement compréhensiblede la part d’un pays de Common Law 38 où ne peuvent être exécutées, par35. H. GOLSONG, l’effort du Conseil de l’Europe en matière répressive, in: l’amélioration de la justicerépressive par le droit européen, op. cit., p. 112.36. Danemark, Grèce, Italie, Norvège, Turquie et Suède.37. Document du Conseil de l’Europe: EXP/Extrad (55) 3 révisé, 15 avril 1955.

46 Christophe GOUELexemple, les commissions rogatoires en matière pénale du fait de sa législation particulière,et qui préfère la communication de renseignements par le biais de la communicationdirecte de police à police. 39 l’Irlande, autre pays de Common Law, réserve égalementsa position, ainsi que d’autres pays (Danemark, Norvège, Suède) mais pour desraisons totalement différentes. Ils sont déjà liés par un système d’entraide judiciairedans le cadre du Conseil nordique. Cette solidarité Scandinave est d’autant plus forteque les systèmes juridiques de ces pays sont proches et que les systèmes judiciairescoopèrent de façon relativement étroite. Cependant si les pays nordiques sont réservéspour tout ce qui peut affecter leurs relations au sein du Conseil nordique, ils restentouverts à une solution multilatérale avec les autres parties, d’autant plus que cette solutionpréserverait les avancées de la coopération nordique. Ainsi, par exemple,«le Gouvernementnorvégien estime (...) que les difficultés judiciaires qui se sont élevées dansles rapports judiciaires avec la France pourraient être réglées dans le cadre d’une conventionmultilatérale d’entraide judiciaire pénale, dont la négociation a été suggérée aucours de la réunion (...) tenue à Strasbourg du 16 au 22 février 1956 par le Comité desexperts gouvernementaux en matière d’extradition». 40 Le mandat des experts seraélargi en ce domaine en septembre 1956.La convention ne nécessitera que trois réunions d’experts entre 1957 et 1958. La rapiditéde son élaboration illustre le plus grand consensus existant sur la question de l’entraidejudiciaire en matière pénale. Le Conseil de l’Europe s’attache, en fait, à créer une conventionmultilatérale, évitant ainsi la conclusion d’instruments bilatéraux croisés. D veut aussiproduire un instrument juridique pouvant servir de base et de modèle à des traitésbilatéraux. Une telle convention multilatérale permet la création par le biais des ratificationsdes pays membres d’une sorte de fond commun, de minimum commun aux payseuropéens concernant l’entraide judiciaire en matière pénale, minimum car elle permet auxpays contractants de lier des conventions bilatérales offrant des coopérations plus approfondies.41 La Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale va êtreouverte à la signature le 20 avril 1959, soit seulement deux ans et demi après l’élargissementdu mandat des experts, court délai pour une convention du Conseil de l’Europe.Cependant, comme pour la convention d’extradition, son entrée en vigueur n’est effectivequ’après la troisième ratification, c’est-à-dire le 12 juin 1962, délai encore trop importantjustifiant les diverses démarches de l’Assemblée consultative et du Secrétariat général pouressayer de stimuler les procédures de ratification devant les divers parlements nationaux.38. La Common Law régit avec les principes de l’habeas corpus et les Statutes (lois) la législation britannique.La Common Law correspond à un ensemble de règles et de principes tirant leur autoritédes us et coutumes ainsi que de la jurisprudence des tribunaux. En application de ce concept, l’Angleterren’a pas de code de procédure pénal codifié et méconnaît les aspects internationaux de ladélinquance. Ainsi, les infractions commises à l’étranger par des ressortissants britanniques nesont pas reconnues.39. A.N., Versement 960283, volume 6: Mémorandum du Foreign Office traitant de l’aide aux autoritésétrangères en matière pénale (sd).40. A.N., Versement 960283, volume 9: Lettre de la Direction des Affaires criminelles et des Grâcesau Ministère des Affaires Etrangères, Contentieux, 22/01/1957.41. Article 26, § 3 de la Convention.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 47La convention comporte un engagement de la part des parties contractantes às’accorder mutuellement l’aide judiciaire la plus large possible, entraide qui concerneun plus grand nombre d’infractions de droit commun. Elle porte principalementsur les commissions rogatoires, la remise d’actes de procédures et de décisionsjudiciaires, les citations à témoins, à experts ou à détenus, la communicationde renseignements figurant au casier judiciaire. l’entraide est désormais conçued’une manière indépendante au regard de l’extradition, c’est-à-dire qu’elle estaccordée même dans des cas où l’extradition serait injustifiée, voire pourrait êtrerefusée. La grande innovation de cet instrument juridique est la renonciation à lavoie traditionnelle de la coopération judiciaire entre Etats, c’est-à-dire à la voiediplomatique. Désormais, il est institué une entraide par voie directe entre ministèresde la Justice. Les communications peuvent même, en cas d’urgence, s’effectuerdirectement de parquet à parquet. Néanmoins, le contrôle politique, si l’on peutdire, s’exerce toujours puisque le retour des commissions rogatoires ou des demandesd’entraide se fait par l’intermédiaire des administrations centrales.Cet instrument va marquer l’exercice de la coopération judiciaire européenne.Bien que de facture classique quant à ses dispositions de fond, les innovations sontsurtout à rechercher dans les procédures d’exécution, comme l’utilisation du réseauradioélectrique de l’O.I.P.C.-Interpol pour assurer la transmission directe avec lemaximum de diligence. Il constitue une des premières réponses de la Justice auxdéplacements de plus en plus rapides des délinquants et à l’internationalisation desprocédures. Un autre aspect important de cette entraide est la faculté offerte auxparties contractantes de pratiquer la dénonciation aux fins de poursuite. Ainsi, undélinquant réfugié dans un Etat partie à la convention peut être poursuivi, sous certainesconditions, pour des délits commis dans un autre Etat, après dénonciationpar ce dernier. Il n’est pas nécessaire pour cela que ces infractions entrent dans lecadre du champ d’application de l’extradition. Le point essentiel de cette dénonciationest que désormais, l’Etat requis doit avertir l’Etat requérant des suites donnéesà sa demande, obligation créant des exigences d’examens et de suites plus draconiennes.En effet, un Etat hésitera davantage à ne pas donner suite à une dénonciationsachant qu’il doit motiver son refus.Toutes ces dispositions ainsi que l’extension géographique de l’application decette convention vont faire que les objectifs assignés par le Conseil de l’Europe àcet instrument seront atteints. Il va définir une base commune d’entraide entre lesdivers pays européens et servir de modèle aux conventions bilatérales. Ainsi,comme le dit M. Plantier dans son rapport à l’Assemblée nationale sur le projet deloi autorisant l’approbation de la Convention franco-espagnole relative à l’entraidejudiciaire en matière pénale, «c’est surtout la Convention du Conseil de l’Europeouverte à la signature le 20 avril 1959 qui constitue, en quelque sorte, l’instrumentde référence en la matière». 4242. A.N., Versement 960283, volume 6: cité par R. POUDONSON dans le Rapport de la Commissiondes lois du Sénat, n° 227, séance du 21 mai 1970.

48 Christophe GOUELl’Assemblée consultative est donc à l’origine d’une action européenne dans ledomaine pénal. Cependant, elle n’a pas gardé la mainmise sur l’ensemble des travauxdont elle a été l’initiatrice, le statut du Conseil de l’Europe l’empêchantd’exercer une telle activité. Ainsi, les négociations des conventions impulsées parles parlementaires européens ont été conduites par des experts gouvernementauxaprès l’aval du Comité des ministres, l’Assemblée essayant d’y être le plus étroitementassociée. Avec la création par le Secrétariat général d’une structure spécialisée,le Comité européen pour les problèmes criminels (C.E.P.C), l’Assemblée veutêtre un partenaire actif de ce nouveau venu et également un promoteur de nouvellesactions par le biais de sa Commission juridique, revendiquant ainsi une activitélégislative au même titre que les parlements nationaux. C’est dans cette optiquequ’elle va adopter le 23 avril 1959 la Recommandation 195 relative à la réformepénale, dans laquelle elle définit l’action qu’elle souhaite voir menée par le Conseilde l’Europe et ce, dans la ligne des recommandations du Premier Congrès mondialdes Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants,tenu à Genève en 1955.III.Le Comité européen pour les problèmes criminels (C.E.P.C):un organe de rencontres et de négociations.Le C.E.P.C. naît de la volonté d’une action programmée dans le domaine de laprévention du crime et du traitement des délinquants. Au moment de l’élaborationde la convention d’extradition, le besoin d’un programme d’action est ressenti parle Comité des Ministres et ce, pour ne plus subir «les impulsions désordonnées,d’inégale valeur et d’inégale urgence de l’Assemblée consultative». 43 Il charge leSecrétaire général en 1954 de le constituer, décision prise dans un climat de concurrenceentre les organisations européennes. En effet, l’organisation de Strasbourgse sent battue en brèche par la création de la CECA dont le dynamisme, impulsépar les pouvoirs supranationaux de la Haute Autorité, ne peut que mettre en reliefles lenteurs du Conseil de l’Europe dans l’élaboration des instruments de coopérationeuropéenne, lenteurs dont la raison principale est à rechercher dans l’intergouvernementalitéde ces méthodes. Ainsi, la CECA est comparée par les représentantsà l’Assemblée à un vaste laboratoire où les hypothèses et expériences européennesbénéficient de meilleurs instruments pour être menées à bien. Le Conseil del’Europe envie, en quelque sorte, cette organisation à champ d’action plus restreintmais qui a réussi à être perçue comme un laboratoire d’idées avant elle.43. Document du Conseil de l’Europe: CM (55) 70 définitif, p. 20.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 49La création du Comité européen pour les problèmes criminelsGrâce au constat «que les travaux (...) dans les domaines juridiques (...), ont étéjusqu’ici consacrés à un certain nombre de questions distinctes qui ont été examinéesséparément (et pour la plupart sur la suggestion de l’Assemblée) sans aucunplan général», 44 une partie du programme leur est consacrée. La consultation desEtats membres sur ce plan se situe dans une période favorable à la présence de lacoopération judiciaire en matière pénale dans un tel plan. En effet, les divers paysmembres du Conseil de l’Europe et les organisations non gouvernementales ouintergouvernementales traitant de cette matière préparaient activement la tenue dupremier congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et du traitement desdélinquants. 455 Dans ce contexte, le gouvernement turc proposa d’inscrire au programmed’action du Conseil de l’Europe la création d’un «service internationald’information pour la lutte contre la criminalité, pour la matière des peines et pourles modalités d’exécution des peines». 46 Cette formulation comprend toute l’actiondu champ pénal. d’abord, la matière des peines fait part des facteurs criminogènes,de l’étude de la délinquance et de son évolution. Ensuite, les modalités d’exécutiondes peines renvoient au champ d’action des sciences pénitentiaires. Enfin, la luttecontre la criminalité implique des éléments de recherche et de poursuite des crimeset délits. Ainsi, le gouvernement turc propose quasiment un échange d’informationet une coopération permettant de dégager les grandes lignes d’une politiquecriminelle européenne. Le même discours est tenu à l’Assemblée consultative oùdes consultations sont menées sur les propositions des gouvernements. Il y est ainsiaffirmé par le gouvernement allemand que «l’objectif commun [des Etats membresdu Conseil de l’Europe] est de combattre le crime sans relâche». 47Le Secrétariat général se lance dans une enquête auprès des ONG et des organisationsintergouvernementales afin d’étudier la viabilité et de connaître l’avis desexperts les plus qualifiés en Europe sur la suggestion turque. Des contacts ont étépris avec la Commission Internationale de Police Criminelle (Interpol), l’AssociationInternationale de Droit pénal, la Société Internationale de Criminologie et laSociété Internationale de Défense sociale, dont les dirigeants se sont accordés surl’utilité d’une action régionale européenne. Le Secrétariat général cherche surtout àprendre l’avis de l’ONU et particulièrement de sa Section de défense sociale, baséeà Genève. Le directeur politique du Secrétariat général, R. Farace, insiste sur le faitque le Comité des ministres ne veut pas d’une «décision entraînant l’institutiond’une action parallèle à celle des Nations Unies», 48 mais cherche à organiser unecollaboration entre les deux organisations, l’action éventuelle du Conseil del’Europe en étant un complément ou au plus un prolongement. Ce souhait d’uneaction commune est facilitée par le souci des deux organisations de limiter les dou-44. Document du Conseil de l’Europe: CM (54) 94, p. 38.45. Il s’est tenu en août 1955 à Genève.46. Document du Conseil de l’Europe: CM (54) 71.47. Document du Conseil de l’Europe: CM (55) 70, définitif.48. A.N. Versement 960136, volume 51: Lettre du directeur politique au sous-secrétaire adjoint auxAffaires économiques et sociales des Nations Unies, 6 janvier 1955.

50 Christophe GOUELbles emplois, de réduire les dépenses au maximum et par la politique de décentralisationdes activités onusiennes, symbolisée par la création des groupes consultatifsrégionaux chargés de l’étude de questions précises. Elle permet au Conseil del’Europe de s’insérer dans le cadre de l’ensemble mondial réalisé par l’ONU. Desmultiples contacts pris avec la Section de défense sociale, il ressort que «le Conseilserait à même (...) d’entreprendre, indépendamment, des projets ou des études deportée juridique ou pénale qui dépassent le cadre des Nations Unies dans cedomaine». 49 Des contacts fréquents sont souhaités par les deux organisations.Le Congrès mondial favorise la consultation par M. Farace de certains membresdu Groupe consultatif européen et de certains spécialistes européens sur la portéed’une action européenne dans le domaine de la défense sociale. Ceux-ci prirentclairement position en faveur d’une action du Conseil de l’Europe, action répondantà une triple préoccupation:«permettre aux gouvernements européens de recevoir directement et rapidement lesrecommandations du Groupe consultatif européen des Nations Unies, sans risqued’interventions de puissances non européennes; assurer une meilleure organisationdes travaux du Groupe consultatif européen, qui, pour des raisons tenant aux particularitésde répartition des crédits des Nations Unies, ne peut pas se permettre de convoquerentre ses sessions son groupe de travail en vue de préparer ses délibérations;rendre possible les initiatives purement européennes pour l’étude et la mise en œuvrede certains principes ou de certaines institutions d’ordre pénal ou pénitentiaire, initiativesdont la libre réalisation par l’Europe constituera dans tous les cas une acquisitiontrès avantageuse pour le reste du monde». 50Le Secrétariat général est disposé à suivre la proposition turque sans en reprendretous les éléments (comme la création des correspondants nationaux, contre lesquelsles Nations Unies s’opposent) et en envisageant l’action européenne comme complémentaireà celle onusienne.La résolution (56) 13 du Comité des ministres, adoptée le 10 juin 1956, enjoint leSecrétariat général de faire des propositions pour une action dans le domaine de ladéfense sociale, à charge «d’éviter les doubles emplois (...) et de s’abstenir des plansambitieux et coûteux». 51 Afin de tracer les grandes lignes de ce plan, une réunion estorganisée à Genève le 23 août 1956 entre les représentants des gouvernements membresdu Conseil de l’Europe auprès du Groupe consultatif européen et avec la participationdu chef de la Section de défense sociale. Les propositions de ce groupe nefurent soumises aux délégués des ministres qu’en septembre 1957, en raison de laconsultation des différents gouvernements. Il fut décidé la constitution d’un comitéd’experts pour la mise en œuvre de ce plan. Ce comité devait fonctionner selon unmécanisme de délibération et de coopération simple et cohérent afin d’assumer un49. A.N. Versement 960136, volume 51 : Lettre du sous-secrétaire adjoint aux affaires économiques etsociales des Nations Unies au directeur politique du Secrétariat général du Conseil de l’Europe, 3octobre 1955.50. A.N. Versement 960136, volume 51 : Note du Secrétariat général du Conseil de l’Europe 26 octobre1955.51. Document du Conseil de l’Europe: CM (57) 73, p. 2.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 51plan d’action modeste et pratique où est inscrit un nombre réduit de questions et ce,en limitant les frais budgétaires. Pour cela, l’organisation initiale de ce comité s’estinspirée de la Commission pénitentiaire Benelux, créée en 1950 et orientée dansl’échange d’idées et la solution de questions d’ordre pratique. La nouvelle structurese veut donc, dans l’esprit des délégués et du Secrétariat général, comme un forumd’échanges permettant de confronter les expériences des différents pays européens etd’agir dans des cas concrets de la coopération judiciaire. Le but envisagé n’est, eneffet, pas la recherche fondamentale mais la résolution de problèmes communs par denouveaux instruments internationaux et la recherche d’une harmonisation des législations.Cependant, elle ne veut pas se restreindre au seul champ pénitentiaire commela Commission Benelux. Elle doit pouvoir faire intervenir «aussi bien des fonctionnairesde l’administration pénitentiaire que des pénalistes, des médecins et parfois,des sociologues». 52 Les débuts: le premier programme d’actionLa première réunion va se tenir à Strasbourg du 30 juin au 3 juillet 1958, avecobjectif d’élaborer le plan d’action du Conseil de l’Europe et de mettre en placel’organisation administrative et technique de la nouvelle structure qui prend le nomde Comité européen pour les problèmes criminels. Cette dénomination montre lavolonté d’une action large, la terminologie «problème criminel» pouvant engloberla base de la coopération comme la définition des facteurs criminogènes maiségalement le stade ultime de la phase judiciaire, c’est-à-dire l’exécution de lapeine. l’étude de l’action programmée du Conseil de l’Europe dans ce domaine vas’appuyer sur le travail mené en 1956 par les membres présents à la réunion d’aoûtdu Groupe consultatif européen. Le souhait d’un programme ayant des répercussionsdans l’avenir immédiat plaide contre l’élaboration d’un programme ambitieuxet trop général. La porte est donc ouverte à des questions restreintes decoopération et à un plan ne faisant pas double emploi avec celui des Nations Unies.Des ouvertures sont cependant maintenues pour l’inscription d’autres questionsmais uniquement au fur et à mesure que s’amorcera «la coopération européennepour la réforme progressive des institutions pénales et pénitentiaires en Europe». 53Les questions retenues par le C.E.P.C. sont au nombre de six: la répression desinfractions routières; les droits sociaux, civils et politiques du détenu; l’entraidepost-pénale et post-pénitentiaire (problème de l’aide à fournir aux délinquants qui,après avoir été condamnés à l’étranger, regagnent leur propre pays, soit volontairement,soit à la suite d’une mesure d’expulsion); le problème de la peine de mortdans les pays européens (études de la législation, de la relation entre les évolutionsde la législation et de la criminalité, des modes d’exécutions et des mesures degrâce); l’étude de certains aspects de la délinquance juvénile; le problème de larémunération du détenu et les questions connexes.52. Document du Conseil de l’Europe: CM (57) 73, p. 3.53. Document du Conseil de l’Europe: CM (58) 87.

52 Christophe GOUELAinsi, ce premier programme est majoritairement orienté vers les problèmespénitentiaires. La criminologie n’apparaît réellement que dans la question de ladélinquance juvénile et ne constitue qu’une partie de la question pour le thème dela peine de mort. Un seul point est tourné vers une élaboration législative pouvantfaciliter la coopération judiciaire: les infractions routières. Ce domaine peut apparaîtresecondaire comparé aux travaux initiés par l’Assemblée sur l’extradition etl’entraide judiciaire en matière pénale. Il répond néanmoins à une réelle préoccupationdes pays confrontés à un phénomène de massification de ces infractions et oùest recherché un progrès, «progrès qui correspond aux réalités sociologiques desgrands mouvements de migration en Europe». 54Cette orientation pénitentiaire peut surprendre. Mais la plupart des membres duC.E.P.C. sont également membres du Groupe consultatif européen. Ainsi, les troismembres élus du bureau du C.E.P.C, à savoir Sir Lionel Fox, 55 comme président,Marc Ancel, 56 comme vice-président, et Paul Cornil, 57 comme rapporteur général,en faisaient partie et ont été consultés en 1955 sur la validité de l’élaboration de ceprogramme européen. Les Nations Unies s’étaient orientées dans les domainespénitentiaires et criminologiques en raison du plus grand consensus régnant autourde ces questions et en raison des blocages entraînés par les tensions Est-Ouest dansle domaine du droit pénal proprement dit. Il n’est donc pas étonnant de retrouverles mêmes orientations mais déjà tempérées par l’amorce de l’étude d’une coopérationen faveur de la répression des infractions routières.Ce programme n’est pas fixe et évolue selon les impulsions des différents acteurs duConseil. Ainsi, l’Assemblée consultative veut continuer à jouer un rôle dans son élaborationet dans sa mise en œuvre au sein des divers sous-comités créés à cette fin. Dans cetteoptique, la Commission juridique a créé une sous-commission chargée de la réformepénale, à l’origine de l’adoption le 23 avril 1959 de la Recommandation 195. Elledemande au Comité des ministres d’étudier la mise en œuvre de recommandations duCongrès des Nations Unies de 1955, d’étudier l’opportunité d’un système d’échange depersonnel pénitentiaire, au niveau des cadres de direction, dans le but d’organiser desstages d’études sur les méthodes d’administration pénitentiaire et de faire adopter par lesEtats membres dans leur ordre juridique interne diverses propositions concernant certainsaspects de la détention et de l’emprisonnement. Après transmission pour avis de cetterecommandation au Comité européen pour les problèmes criminels en juin 1959, lesdélégués des ministres se prononcent, en janvier 1961, en faveur du dernier point de larecommandation et chargent le C.E.P.C. de l’étude de la procédure et de la techniqued’introduction de ces principes, 58 de la préparation d’un projet de recommandation et demesurer l’impact de ces principes dans les législations nationales.54. H. GOLSONG, op. cit., p. 116.55. Président des Prison Commissioners au Home Office et président du Groupe consultatif européen.56. Conseiller à la Cour de cassation française et secrétaire général du Centre français de droit comparé.57. Secrétaire général au ministère de la Justice de Belgique.58. Enumérés au 3 a), b) et c) de la Recommandation 195 (1959): application du sursis, de la probationet des mesures analogues; détention préventive; traitement des délinquants déficients mentalementou physiquement.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 53La composition de ce programme peut être influencée par d’autres facteurs.l’un d’entre eux est la coopération menée avec les Nations Unies. Un élémentredondant de cette collaboration est la volonté d’éviter tout double emploi. Elle esttellement prégnante que la modification des structures ou des missions de l’une desdeux organisations peut modifier les missions poursuivies par l’autre. Ce scénariova prendre toute sa consistance dans le deuxième semestre 1959. Le programmed’action ne prend pas en compte la reprise d’activités des Nations Unies qui pourrontlui être dévolues à la suite de «mesures de décentralisation ou de suppressionque les Nations Unies pourront être amenées à prendre». 59 Un tel scénario est envisagéle 30 juillet 1959 avec la décision du Conseil économique et social de l’ONUde transférer en Europe certaines activités du secrétariat alors exercées à New York.Ce transfert est envisagé pour faciliter une coopération dans les problèmes dedéfense sociale. Il implique la transformation du Groupe consultatif européen en ungroupe à vocation mondiale. Cette disposition laisserait le Conseil de l’Europe seulsur la scène européenne dans ce domaine et augmenterait ainsi son champ d’action.Quelle structure pour le Comité Européen pour les problèmes criminels?Outre le plan d’action du Conseil de l’Europe, la première réunion du C.E.P.C. tenue en1958 devait s’intéresser à la question des moyens pour sa mise en œuvre. Il apparaîtrapidement aux experts que les moyens alors en place au Secrétariat général (un expertjuridique chargé des questions du domaine des problèmes criminels assisté par uncriminologue à mi-temps) sont très insuffisants. Le Comité demande comme moyensminima deux assistances: la première, extérieure au Conseil de l’Europe, consiste enl’engagement de quatre experts consultants chargés de préparer les études et rapports etde siéger aux sous-comités; la deuxième, interne au Secrétariat général, concernel’engagement de deux assistants pour l’expert juridique, le premier chargé des traductionset du secrétariat du Comité, le deuxième s’occupant des études techniques et del’aspect scientifique des recherches menées par le Conseil de l’Europe.La première réunion n’a pas tranché la question du rattachement du C.E.P.C. auxservices du Secrétariat général. Celle-ci est longtemps restée en suspens: le C.E.P.C.doit-il être directement sous la tutelle du Secrétaire général ou doit-il être lié à unedirection particulière? Dans un premier temps, le secrétariat du C.E.P.C. est rattaché àla Direction politique, rattachement plutôt budgétaire que réel. Les activités dans ledomaine de la criminologie sont, jusqu’en 1961, «traitées, avec le concours d’un personnelrétribué sur des crédits de programme, par un agent appartenant au cadre la dela Direction politique, mais travaillant en fait sous la responsabilité directe du Secrétariatgénéral». 60 Cette incertitude de placement dans l’organigramme du Conseil del’Europe montre bien la nouveauté de cette amorce de coopération européenne dansle domaine pénal. Quelle place lui attribuer au sein d’une organisation internationalealors qu’elle met en jeu plusieurs intervenants (aspects politique, social, administra-59. Document du Conseil de l’Europe: CM (58) 87.60. Document du Conseil de l’Europe: CM (61) 25, p. 13.

54 Christophe GOUELtif, juridique, ...) et que le domaine de la justice pénale illustre tout particulièrementla question sensible de la souveraineté nationale? Le premier noyau des structures duC.E.P.C, peu important en personnel et travaillant sur un programme restreint, permetde laisser en suspens cette question et de le rattacher à l’autorité directe du Secrétairegénéral. Cependant, la montée en puissance du Comité, sa volonté d’étendre sesactivités ne permettent plus de rester dans une telle situation.Cette extension est provoquée par un des points de la Recommandation 195. Enoctobre 1959, le Comité, à sa deuxième réunion, reconnaît l’intérêt d’instituer un systèmed’échange de personnel pénitentiaire permettant des confrontations entre les payseuropéens sur les méthodes de traitement des délinquants. La période de séjour doit êtrecomprise entre un et trois mois. Le C.E.P.C. ne se veut pas un simple forum d’échanges,il veut les inciter à se développer en prenant au besoin en charge les frais occasionnés.Une trentaine d’échanges annuels sont prévus. Ce système nécessite cependantl’emploi d’un agent du Secrétariat général afin d’en assurer l’exécution. La structurelégère initiale du Comité ne suffit déjà plus. Les crédits nécessaires vont être accordéespar les ministres pour le budget 1960 et seront débloqués en 1961. Les premiers échangesdébuteront lors du deuxième semestre 1961.Un autre élément va s’ajouter à la charge du C.E.P.C. Les experts se sont renduscompte, au cours des travaux des différents sous-comités, que des recherches criminologiquesorientées sur un plan européen étaient nécessaires à la bonne avancée desnégociations. La création d’un centre européen de criminologie est perçu «comme uneétape souhaitable et indispensable dans l’étude scientifique des causes de la criminalité,de la prévention de la délinquance et en vue de l’introduction de méthodes pénales plusefficaces». 61 Il permettrait d’établir un programme de recherche cohérent sur le planeuropéen, de coordonner les activités scientifiques des différents instituts nationaux decriminologie. Bref, de savoir qui fait quoi en Europe. Ainsi, les risques de doubleemploi pourraient être limités et la mise en relation grâce au centre européen, des institutsnationaux permettrait une unification des méthodes facilitant comparaison et utilisationdes résultats des recherches criminologiques.Ces quelques projets remettent en cause la structure légère adoptée pour les premierspas du Comité. Si celui-ci veut se donner les moyens de son ambition, il doitse doter de structures en conséquence et ne plus rester en marge de l’organigrammedu Secrétariat général. l’hypothèse de la création d’une division de la criminologieen 1961 va dans ce sens. Elle est initiée parallèlement à la décision du Comité desministres en janvier 1961 de transformer le service juridique en direction desAffaires juridiques en raison des «développements intervenus dans certains secteurset [rendant] caduques les structures précédemment adoptées et [appelant]impérativement et de façon urgente des changements dans [leur] organisation». 62Le Secrétariat souffre d’un manque de juristes au point qu’«il serait difficile demettre en chantier un nouveau projet de convention dans un avenir proche». 63 Le61. Document du Conseil de l’Europe: CM (60) 154, p. 7.62. Document du Conseil de l’Europe: CM (61) 25, p. 4.63. Document du Conseil de l’Europe: CM (61) 107, p. 9.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 55développement conjoint des activités juridiques et criminologiques est aussi constaté.La criminologie intéressant à la fois le droit et les sciences sociales, il estprévu dans un premier temps d’intégrer la nouvelle division de la criminologie à ladirection des Affaires économiques et sociales. Une telle création supposant deuxfois et demi le personnel s’occupant alors du C.E.P.C. va à rencontre des décisionsdu Comité des ministres concernant les réductions des dépenses au Conseil del’Europe. Ces freins à cette structure ainsi que la lenteur de l’entrée en vigueur desconventions en la matière déjà élaborées vont forcer les membres du Comité àrechercher des appuis auprès de leurs gouvernements et administrations respectifs.Ils vont se tourner pour la plupart vers leur ministère de tutelle et recommander,lors de la cinquième session du Comité du 5 au 10 décembre 1960, l’organisationd’une réunion groupant les ministres de la Justice des pays membres.La conférence des ministres européens de la Justice (C.MJ.): un soutien politiqueLa mise en place de la C.MJ.Au cours du Comité plénier de juin 1960, le représentant grec «a proposé de réunirde temps à autre en conférence les ministres de la Justice afin de discuter de la politiquecriminelle des pays membres du Conseil de l’Europe», 64 proposition adoptéeà l’unanimité lors de la cinquième session de décembre 1960. Elle fera l’objetd’une recommandation au Comité des ministres. Cette proposition, faite dans unclimat favorable, s’inscrit dans la suite de la tentative faite au sein de la CEE oùl’intensification des rapports entre les nationaux des pays membres est perçue consécutivementà la mise en place progressive du Marché commun. Cette augmentation,selon le ministère de la Justice français, «ne va pas manquer d’entraîner uneimportante recrudescence de litiges relevant de types de juridictions différentes». 65l’absence d’un droit commun et d’une juridiction suprême unique peut provoquerde multiples retards dans l’administration de la justice confrontée à des questionsde droit international, et ainsi «décourager les plaideurs de bonne foi et les inciter àse faire justice eux-mêmes». 66 Dans ce contexte, le Garde des Sceaux français,Robert Lecourt, suggère à ses homologues étrangers, en mars 1958, la réunion desministres de la Justice des Etats membres de la CEE afin de favoriser les négociationsprévues à l’article 220 et de rechercher des «solutions communes auxproblèmes juridiques et judiciaires que va poser (...) l’entrée en vigueur duTraité», 67 initiative appuyée par Maurice Faure, secrétaire d’Etat aux Affairesétrangères. Les premières réponses, comme celle du 18 avril 1958 de Fritz Schäf-64. Document du Conseil de l’Europe: CM (60) 154, p. 13.65. A.N., Versement 95 0411, volume 17, sous-dossier 666 - 0C: note sans date, vers mars 1958.66. Idem.67. A.N. Versement 950411, volume 17: Lettre de Robert Lecourt au ministre de la Justice du Royaumede Belgique, 24 mars 1958.

56 Christophe GOUELfer, ministre fédéral de la Justice de la RFA, seront favorables au principe d’unetelle réunion. Mais, les événements de mai 1958 en France stoppèrent cette initiativeet la mirent en sommeil dans le cadre de la CEE.Le projet du Conseil de l’Europe semble s’inspirer de cette initiative. Néanmoins, iln’est pas initié pour gérer une situation nouvelle mais résulte du manque d’efficacité dela mise en œuvre des réalisations du Conseil de l’Europe. Un rapport du groupe de travailsur les relations avec les parlements nationaux, sur la ratification des conventions etles votes de recommandation et de résolution présenté le 29 avril 1960 à l’Assembléeconsultative, fait apparaître que «près de 40 % du total des ratifications possibles restenten suspens», 68 retardant la mise en place d’instruments de coopération néanmoinssignés par les Etats membres. Le Comité européen pour les problèmes criminels nepouvait que se sentir concerné par un tel constat risquant de mettre en péril une actionen faveur d’une plus grande solidarité européenne dans le domaine pénal.Le cadre de la conférence des ministres doit être celui de l’action du C.E.P.C. Pourles membres à la recherche d’un soutien à leur action, cette réunion est perçue comme«indispensable, pour donner plus d’efficacité aux travaux de la commission ainsi quepour établir un programme d’activités futures». 69 En cas d’accord du Comité des ministressur une telle réunion, le C.E.P.C. propose de définir son ordre du jour, mais sansvouloir s’enfermer uniquement dans le domaine pénal, puisqu’il indique que sa recommandationne concerne que la première réunion et que les ministres de la Justice prendrontensuite position pour les réunions ultérieures. Le C.E.P.C. veut donc un appuipolitique qui lui permette de concrétiser ses travaux par leur adoption dans les parlementsnationaux. En faisant définir ou plutôt approuver son plan d’action par des hommespolitiques, membres de gouvernements et logiquement représentants de la majoritépolitique de leurs pays respectifs, le C.E.P.C. augmente les chances de ratification desinstruments qu’il a élaborés, car «c’est à eux [les ministres de la Justice] qu’incomberaientla tâche de [les] faire admettre (...) par les instances compétentes de leurs paysrespectifs». 70 l’approbation de ce plan par les ministres de la Justice lui donne un soutiensupplémentaire pour les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.Les gouvernements ont rapidement été consultés sur l’opportunité d’une telle réuniontechnique qui, dans son principe, n’est pas une nouveauté, les chefs de départements techniquescomme l’agriculture, les transports, etc., se rencontrant déjà sous l’égide d’organisationsinternationales. Une majorité de délégués des ministres se sont déclarés en faveurd’une réunion ad hoc et non d’une consultation institutionnalisée. En France, le Quaid’Orsay, surtout par la voix du service juridique, se montre opposé à une telle réunion qui«ne lui paraissait pas une procédure efficace pour traiter des problèmes techniques» 71 etqui semble dépasser la seule compétence des ministres de la Justice en faisant intervenird’autres départements. Des considérations politiques interviennent par la crainte affichéed’une concurrence possible avec la CEE. Ainsi:68. In: Nouvelles du Conseil de l’Europe, mai 1960, p. 46.69. Document du Conseil de l’Europe: CM (60) 154, p. 4.70. Document du Conseil de l’Europe: CM (60) 154, p. 14.71. MAE, EU 1961 -1965, Conseil de l’Europe, volume 1984, Note pour le secrétaire général, 24 février 1961.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 57«le gouvernement français a formulé au sujet de la coopération européenne entre lesSix pays du Marché commun des propositions qui impliquent notamment des rencontresrégulières des ministres. Si des réunions analogues se multipliaient dansd’autres enceintes ou dans un cadre géographique différent, il en résulterait une confusionqui risquerait d’être préjudiciable au succès de[s] (...) propositions [françaises]et à l’impulsion politique qui les anime». 72Le service juridique du Quai d’Orsay estime que, dans l’esprit des membres duC.E.P.C, le but recherché est la création d’une conférence analogue à celle desMinistres des Transports, donc institutionnalisée et régulière. En reconnaissant toutde même qu’«aujourd’hui l’organisation d’une Conférence des Ministres de la Justiceparaît indispensable et urgente», 73 la crainte d’une extension de ces réunionsest présente, excluant les négociations par la voie traditionnelle, donc diplomatique.Une autre crainte est de ne pouvoir contrôler les décisions prises lors d’unetelle réunion de ministres techniques.La première conférence des ministres européens de la Justicel’affirmation du caractère ad hoc de la réunion, l’accord de la plupart des délégationsdu Conseil de l’Europe et la volonté affichée et affirmée d’Edmond Michelet,Garde des Sceaux français, d’inviter lui-même les ministres de la Justice à Parisvont permettre de passer outre les réticences du ministère des Affaires étrangèresfrançais. Outre son impulsion et sa participation par le biais de l’ordre du jour, leComité européen pour les problèmes criminels est également chargé d’assurerl’organisation matérielle du secrétariat de la conférence. Son caractère ad hoc estillustré par la seule possibilité d’adopter des résolutions, ensuite examinées par leComité des ministres. Mais, ces résolutions marqueront la volonté de coopérationdes premiers intéressés, les ministres de tutelle des experts, et dont il est difficile dene pas en tenir compte.Cinq points, issus du plan d’action du C.E.P.C., sont à l’ordre du jour de la conférence:examen du projet de recommandation relative aux droits électoraux, civils etsociaux des détenus; examen des principes contenus dans le projet de Convention européennepour la répression des infractions routières; échange de vues sur les travaux duComité d’experts dans le domaine de la délinquance juvénile; examen du problème del’extension des activités dans le domaine de la recherche criminologique; examen duprogramme des travaux futurs du C.E.P.C. Cet ordre du jour correspond parfaitementaux objectifs ayant motivé sa convocation: approbation des instruments élaborés, décisionsur les moyens à mettre en œuvre pour l’activité du C.E.P.C., consultation sur lestravaux à programmer.72. MAE, EU 1961 - 1965, Conseil de l’Europe, volume 1984, Note pour le cabinet du Ministre, 7janvier 1961.73. MAE, EU 1961 - 1965, Conseil de l’Europe, volume 1984, Note pour la Direction d’Europe, 17février 1961.

58 Christophe GOUELLa première C.M.J. a réuni, du 5 au 7 juin 1961 à Paris, les ministres des seize paysmembres et le ministre fédéral suisse, pays non-membre du Conseil de l’Europe. Lesplus importantes résolutions concernent la convention européenne pour la répressioneuropéenne des infractions routières que les ministres désirent voir soumise aux gouvernements,la recherche criminologique et le programme des travaux futurs. La conventioneuropéenne se limite à la répression des infractions à la loi pénale et ne traitepas de la réparation des dommages qui en résultent. Mais, la volonté de lutter contre cetype d’infraction se manifeste «par l’adjonction d’une compétence européenne à lacompétence nationale» 74 en reconnaissant que peuvent être compétents, pour connaîtrel’infraction, aussi bien l’Etat d’infraction que l’Etat de résidence.La question de l’extension des activités du Secrétariat général dans le domainecriminologique est abordée ainsi que la structure à leur donner. Les ministresexaminèrent les projets du Secrétariat et les demandes du C.E.P.C. et approuvèrentl’extension dans les sciences criminelles par «un élargissement du Secrétariatgénéral dans les domaine médical et statistique, et la création d’un Conseil scientifiqueconsultatif». 75 Les participants à la C.M.J. ne pouvaient prendre aucun engagement,particulièrement en raison des incidences financières. Ils laissèrent doncentière liberté au Comité des ministres sur la suite à donner. Ce dernier suivra laproposition en intégrant ces activités nouvelles au sein d’une division criminellerenforcée. Ses tâches principales seront d’assurer le secrétariat du C.E.P.C. et duConseil scientifique criminologique, de recueillir des informations sur les recherchescriminologiques existantes dans les pays membres et de les diffuser au moyend’un bulletin de recherche, d’inviter à une coordination des recherches, de suggérerdes sujets de recherche et d’en promouvoir l’accomplissement. Cette nouvelleDivision des problèmes criminels sera rattachée à la direction des Affaires juridiques.Le programme des travaux futurs est exposé par Marc Ancel, président du C.E.P.C.Y figurent les questions suivantes: valeur internationale des jugements répressifs; rapatriementdes mineurs qui ont été ou se sont soustraits à l’autorité à laquelle ils sont légalementsoumis; action sociale dans les établissements pénitentiaires; conception de lapeine privative de liberté; attaques à main armée (manifestation, prévention, répression);problème des publications obscènes ; influence des mass media sur la criminalitéet de leur possible utilisation dans la prévention de la délinquance, particulièrement dela délinquance juvénile; étude des problèmes d’ordre pénal soulevés par le régime de lapresse dans les pays européens. Les thèmes des travaux projetés entrent donc dans lesdifférents domaines où le C.E.P.C. veut intervenir: droit pénal, coopération judiciaire,sciences pénitentiaires et criminologie, avec une légère prépondérance des sujets enfaveur du droit pénal et de la coopération judiciaire qui sont, il faut le rappeler, les premierspiliers de l’action du Conseil de l’Europe dans le domaine des problèmes criminels.l’inscription de la question de la valeur internationale des jugements est un grand74. P. CORNEL Essais de collaboration, sur le plan européen, dans le domaine des infractions routières,in: Droit pénal européen, ULB, PUB, 1970, p 539.75. Document du Conseil de l’Europe: CM (61) 132, p. 5.

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 59pas en avant. En effet, il implique une forte atteinte à la souveraineté nationale en étendantl’efficacité d’une sentence pénale sur un territoire autre que celui où elle a été prononcée.Cette question est tellement sensible que, dans le courant des années soixante,le ministère de la Justice français est prêt à accorder l’extradition de ses nationaux plutôtque de reconnaître une telle valeur aux jugements étrangers. Ce programme consacreégalement, avec les études programmées en criminologie, l’extension des activitésdu Conseil. Il faut néanmoins nuancer l’approbation des ministres de la Justice sur ceprogramme: aucun délai n’est fixé pour le commencement des études, ni le temps quileur est imparti; les moyens mis en œuvre pour les réaliser ne sont pas abordés quoiquela création d’une Division des problèmes criminels puisse en constituer une réponse.Le but recherché par les membres du C.E.P.C. a bien été atteint. Les ministresde la Justice ont consacré son action et lui ont ainsi apporté un appui pour la réalisationde ses objectifs. Ils reconnaissent «l’intérêt des travaux déjà entrepris (...)par le Comité (...) [et] estiment souhaitable qu’il accroisse ses efforts (...) en vued’assurer la protection de la société dans le respect des droits essentiels de la personnehumaine». 76 Marc Ancel estime que le C.E.P.C. «n’existe que par la décision[des ministres de la Justice] et pour lequel [leur présence] aujourd’hui constitue lemeilleur et le plus précieux encouragement». 77 La conférence a permis de mettreen contact des ministres peu appelés à siéger dans des organisations internationales.La nouveauté de cet événement a provoqué l’enthousiasme des ministreseuropéens. Ils veulent réitérer une telle expérience permettant une meilleure perceptiondes évolutions juridiques européennes. Ainsi, «dans le cadre de la coopérationeuropéenne dont la nécessité est bien apparente, cet échange de vues desMinistres de la Justice a été une contribution aussi nécessaire que les réunions [desministres] des Finances et de l’Economie». 78 l’option d’une deuxième conférenceest donc prise, non plus limitée aux problèmes criminels mais ouverte à toute autrequestion de droit civil ou commercial.Un appareil européen, un forum destiné à la coopération dans les domainespénal, pénitentiaire et criminologique s’est développé au long des années cinquante.Cette nouvelle forme de solidarité n’avait pas été envisagée en tant que telledans l’organisation où elle s’est épanouie.Elle n’a, en fait, débuté que consécutivement à d’autres avancées de la constructioneuropéenne. Le mouvement en faveur des droits de l’homme répondant aux crimes dela Seconde Guerre mondiale a débouché sur une harmonisation des procédures pénalesdes Etats contractants, formant un minimum de garanties judiciaires pour le citoyeneuropéen. Cette incursion dans le droit pénal n’est pas la conséquence de la consubstantialitédes droits de l’homme et du droit pénal. Le premier mouvement volontaire estattribuée à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe et résulte des différents76. Document du Conseil de l’Europe: CM (61) 132, p. 23, Résolution 5 de la Conférence.77. Conseil de l’Europe, Conférence des ministres européens de la Justice, Strasbourg, 1961, p. 5.78. Archives du Centre Edmond Michelet: Dossier: Garde des Sceaux, questions particulières. Lettredu ministre de la Justice des Pays-Bas, A. Beerman, à Edmond Michelet. 9 juin 1961.

60 Christophe GOUELmouvements en faveur d’une plus grande liberté de déplacement à l’intérieur del’Europe. l’assembléepolitique lance l’action vers les domaines de la coopération judiciaireclassique. Cependant, l’adoption de conventions multilatérales d’extradition etd’entraide judiciaire en matière pénale permettent de créer un fond commun européende coopération et d’actualiser les instruments juridiques en fonction des plus récentesavancées dans le domaine du droit international.l’initiative ne sera pas laissée longtemps à la seule Assemblée consultative. LeSecrétariat général et le Comité des ministres vont œuvrer en faveur d’un pland’action dans le domaine de la prévention du crime et du traitement des délinquants.Cette action suppose que des structures adéquates et des collaborationsavec d’autres organisations internationales, comme l’ONU ou Interpol, soientcréées. Ce sera chose faite en 1958 avec la première réunion du Comité européenpour les problèmes criminels. Ce Comité représente la première enceinte européenneoù des experts peuvent envisager une véritable concrétisation de leurs travaux.Des nouveaux instruments juridiques voient le jour, comme la Conventioneuropéenne pour la répression des infractions routières, mettant en application lavolonté d’une solidarité européenne contre la délinquance et la criminalité. Ces instrumentspermettent des avancées juridiques, comme la possibilité d’étendre lacompétence à l’Etat de résidence, plus faciles dans un cadre de civilisation et decultures voisines. A défaut de conclusion de nouveaux instruments, le C.E.P.C. permetla confrontation des différentes expériences judiciaires, pénitentiaires, criminologiquesdes experts européens et donc favorise l’harmonisation des législations.Cette nouvelle enceinte de la construction européenne va voir son champd’action augmenter dès ses premières années de fonctionnement, illustrant parfaitementainsi les attentes et espérances déclenchées par cette coopération. Malheureusement,les structures nécessaires à ces ambitions sont bloquées par la politique derestriction budgétaire imposée au Conseil de l’Europe par ses contributeurs. Afind’appuyer cette extension et de relayer leur action au niveau national, les experts duC.E.P.C. vont solliciter la réunion de leurs ministres de tutelle, les ministres de laJustice. La première conférence des ministres européens de la Justice va remplirparfaitement ces objectifs. Elle va préconiser l’institution d’une Division des problèmescriminels et approuver un programme de travaux à accomplir dans ledomaine. Cette première rencontre ne se veut pas non plus la dernière. Les ministresde la Justice, auparavant plutôt cantonnés dans les affaires intérieures de leurspays, veulent conserver ce forum de discussion, permettant également aux hautsfonctionnaires de ces administrations de nouer des contacts à travers l’Europe.Néanmoins, le champ pénal et ses corollaires ne doit plus être le seul objet de leursréunions qui vont s’étendre aux diverses questions entrant dans la compétence d’unministère de la Justice.Ainsi, l’année 1961 peut être considérée comme marquant l’officialisationd’une organisation européenne, et surtout comme sa finalisation. En effet, on peutconsidérer qu’il existe une structure de négociations et de coopération, le C.E.P.C,supervisée par une structure politique, la C.M.J. Cette année marque égalementl’entrée d’une autre organisation dans l’arène de la coopération judiciaire en

Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquante 61matière pénale, à savoir, la Communauté Economique Européenne. En effet, laCommission veut entreprendre, à la fin de cette année, une étude sur le rapprochementdes dispositions pénales présentant un intérêt pour le Marché commun. Cetteinitiative part du même constat que celui du Conseil de l’Europe: l’émergence denouvelles formes de solidarité entre les Etats. C’est pour cela que «la collaborationéconomique entre les Etats membres de la CEE rend nécessaire une solidarité car lafixation d’un but commun a pour conséquence que les infractions aux prescriptionséconomiques d’un Etat portent atteinte aux intérêts de tous les autres Etats». 79Malgré cette première tentative de la CEE., tentative malheureusement nonaboutie, le Conseil de l’Europe va rester en pointe dans les années soixante etsoixante-dix dans le rôle de producteur de normes internationales. Ce rôle est confirmépar Heribert Golsong, directeur des Affaires juridiques au Conseil del’Europe, lors d’un colloque organisé à Bruxelles en 1968. Il reconnaît que:«les textes du Conseil de l’Europerelatifs à l’administrationde la justice répressive,soit déjà en vigueur, soit en élaboration, comptent sans aucun doute parmi les réalisationsles plus satisfaisantes de notre Organisation». 80Cependant, les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de cette action dansles années cinquante, liées principalement à l’hétérogénéité des positions des membreset qui avaient été résolues par l’appui des ministres européens de la Justice,vont être aggravées par l’apparition d’arènes plus restreintes de coopérationcomme le groupe Trévi, chargé initialement des problèmes liés au terrorisme.Durant les années quatre-vingt, cette concurrence provoquera «une hémorragie depersonnel, les fonctionnaires quittant le Conseil de l’Europe pour les Communautéset particulièrement la Commission ou par un retour dans la fonction publiquenationale, en relation avec la scène européenne. Il ne restera plus alors au Conseilque des fonctionnaires sans réel pouvoir d’influence et peu reliés aux enjeux politiquesnationaux, contrairement à leurs collègues de la Commission». 81Christophe GouelInstitut Pierre Renouvin, Université Paris 179. A.N. Versement 95 0412, volume 136 : Rapport de M. Mulder. C.E.E. IV/4527/62-F.80. H. GOLSONG, l’amélioration de la justice répressive, op. cit., p. 107.81. D. BIGO, Polices en réseaux. l’expérience européenne, Paris, Presses de sciences po, 1996, p. 80et 81.

Erweiterung und Vertiefungder Europäischen UnionIn vielen Bereichen steht die EU vor dem Dilemma,sich selbst, insbesondere ihre Institutionen und Politiken,reformieren bzw. vertiefen und gleichzeitig mitBeitrittskandidaten verhandeln zu müssen. An dieBeitrittskandidaten werden hohe Ansprüche gestellt:zum einen sollen sie die Transformation zur Marktwirtschaftbeschleunigen, darüber hinaus den »acquiscommunautaire« übernehmen und auch umsetzen.Viele der damit umschriebenen »sensiblen« Verhandlungsgegenständebetreffen innerhalb der Gemeinschaftseit längerem reformbedürftige, aber konzeptionellnoch umstrittene Problembereiche.Der Band informiert über die Verhandlungsgegenständesowie die Hauptproblemfelder und läßt dabeiFachleute beider Seiten zu Wort kommen. Ergänztwerden diese Beiträge durch länderspezifischeUntersuchungen zu den Engpässen und Perspektivenin den einzelnen Beitrittsländern.Der Band richtet sich an politische Entscheidungsträger,Vertreter aus Wirtschaft und Verwaltung sowieWissenschaftler.Die Herausgeber sind oder waren in verantwortlichenPositionen am Europa-Kolleg Hamburg bzw.an dessen Institut für Integrationsforschung.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la constructionde maisons ouvrières63Lorenzo MECHILa proposition de Robert Schuman du 9 mai 1950, d’instituer une Haute Autorité européennepour contrôler l’entière production franco-allemande de charbon et d’acier trouvaitses motivations dans les exigences des plans de reconstruction du gouvernement de Paris etdans le besoin de contrôler la puissance économique et militaire allemande, dont le cœurétait l’industrie sidérurgique de la Ruhr. Le projet, qui fut nommé «Plan Schuman», défendaitdonc littéralement l’intérêt national français, en visant à assurer les sources d’approvisionnementdes matières premières nécessaires au développement du Plan de Modernisationet d’Equipement dirigé depuis 1946 par Jean Monnet, et à relancer la production industrielleallemande, moteur irremplaçable pour la renaissance économique de l’Europe entière, en leplaçant néanmoins sous contrôle d’une autorité supranationale, pour en empêcher les possibilitésde reconversion au service de l’industrie de guerre de la nouvelle République Fédérale.1 Le lien entre le Plan Schuman et le Plan de Modernisation n’était pas fortuit, car lesdeux projets étaient nés dans la tête de la même personne: Jean Monnet. C’est pour cela quecelui-ci fut nommé chef de la délégation française aux négociations pour l’élaboration dutraité CECA, et que la nouvelle institution internationale adopta quelques-uns des principespropres du plan français de reconstruction intérieure. 2Un de ces principes les plus caractéristiques prévoyait la participation des forces socialesdans les organismes de gestion du plan, certes dans un sens différent de la concertation actuelle,mais tout de même avec un rôle actif à l’intérieur des organes décisionnels. Ainsi des membresdes principaux syndicats non-communistes furent invités aux réunions de certaines commissionsde la négociation et, après l’entrée en vigueur du Traité, ils participèrent de façon permanente auxinstitutions communautaires. La présence des représentants syndicaux aux pourparlers de laConférence de Paris et dans les principaux organes de la CECA contribua à attirer l’attentionsurles problèmes de la main-d’œuvre des industries du charbon et de l’acier de la Communauté, àcôté des questions de nature purement économique. En conséquence certains des articles duTraité constitutif furent dédiés aux questions à caractère social, comme par exemple l’article 56qui garantissait l’aide financière de la Communauté pour la réadaptation des travailleurs licen-. Sur les origines du Plan Schuman et la création de la Communauté du Charbon et de l’Acier, voir,par exemple: W. DIEBOLD, The Schuman Plan, F.A.Praeger, New York, 1959; J. GILLIN-GHAM, Coal, steel, and the rebirth of Europe, 1945-1955 (The Germans and the French fromRuhr conflict to economic community), Cambridge University Press, 1991 ; A.S. MILWARD, Thereconstruction of Western Europe 1945-1951. Methuen & Co. Ltd., London, 1984; R. POIDEVIN.Robert Schuman, homme d’Etat, Imprimerie Nationale, Paris, 1986; K. SCHWABE (Hrsg.), DieAnfänge des Schuman-Plans, 1950-1951, Nomos Verlag, Baden-Baden, 1988; R. POIDEVIN, D.SPIERENBURG, Histoire de la Haute Autorité de la CECA, Bruylant, Bruxelles, 1993.. Sur la vie de Jean Monnet: J. MONNET, Mémoires, Fayard, Paris, 1976; E. ROUSSEL, Jean Monnet1888-1979, Fayard, Paris, 1996; F. DUCHENE, Jean Monnet: the First Statesman of Interdependence,Norton, New York, 1994; G. BOSSUAT, A. WILKENS (éds.), Jean Monnet, l’Europeet les chemins de la paix, Publications de la Sorbonne, Paris, 1999.

64 Lorenzo MECH1ciés, l’article68 qui interdisait la pratique de la baisse des salaires comme moyen de concurrenceou l’article 69 qui établissait la liberté de circulation de la main-d’œuvre sur tout le territoire dessix pays membres. Plus importante encore - au moins symboliquement - fut l’insertion, dansl’article 3 du Traité, de l’objectif d’une amélioration des niveaux de vie de la main-d’œuvre quifigure de la sorte parmi les buts fondamentaux recherchés par l’action de la Haute Autorité.Dès les premiers mois de sa vie, la Haute Autorité de la CECA voua donc son attentionaux problèmes sociaux en engageant l’étude des diverses questions du ressort de la Communauté.Sur la base des dispositions du Traité, au cours des années suivantes, furent mises àexécution de nombreuses actions importantes pour la protection de l’emploi, pour l’améliorationdes conditions d’hygiène et de sécurité au travail, pour la réadaptation de lamain-d’œuvre licenciée et le développement de la formation professionnelle. En mêmetemps furent étudiées en détail les structures salariales et les horaires de travail en vigueurdans les industries charbonnières et sidérurgiques des Etats membres. D peut donc paraîtresurprenant que, parmi les actions à caractère social qui atteignirent le plus grand succès etqui apportèrent une réelle amélioration des conditions de vie de la main-d’œuvre, ne figuraientpas celles explicitement prévues par le Traité, mais, bien au contraire, celles qui furentréalisées grâce à une interprétation extensive du susdit article 3 et des autres dispositions dudocument: il s’agissait en l’occurrence des financements communautaires pour la constructionde logements affectés aux travailleurs du charbon et de l’acier.Les problèmes de l’habitat étaient particulièrement urgents et délicats. Pour s’en rendrecompte, il suffit de rappeler qu’en vertu des estimations d’antan, la guerre avait détruitenviron 5-6% des bâtiments français et italiens, 8% des constructions belges et hollandaiset 20% des habitations allemandes. De plus, entre 1939 et 1945 les constructions nouvellesavaient été rares, tandis qu’au lendemain du conflit mondial elles se faisaient aucompte-gouttes, faute de capitaux. 3 Du reste l’amélioration des conditions de logementdes travailleurs pouvait aider la nouvelle organisation internationale à augmenter sa popularitédans une situation politique caractérisée par le fort pouvoir d’attraction exercé surles masses par les mouvements communistes, les plus grands adversaires de la Communautédepuis la proposition de Schuman. d’ailleurs, une réelle disponibilité de logementreprésentait la condition nécessaire pour réaliser la liberté de circulation de lamain-d’œuvre et aurait facilité les opérations de réadaptation des travailleurs licenciésconformément aux susdits articles 69 et 56. 4 Des arguments purement économiques aussipoussaient Jean Monnet et ses collaborateurs à s’occuper de la question: en effet, dans lecas des travailleurs habitant très loin de leur lieu de travail, les frais de transport souvent àla charge des entreprises, entraînaient une sensible hausse des coûts de production.Partant, quelques semaines après l’installationde la Haute Autorité à Luxembourg, fut créée àl’intérieur de la Division des Investissements (une des sections opérationnelles de l’organe centralde la Communauté) une Commission pour les Maisons Ouvrières. Réunie pour la première fois le3. Le problème des logements pour les travailleurs dans la perspective d’action de la Communauté,2 décembre 1952, in: Archives Historiques des Communautés Européennes (AHCE) - HauteAutorité et Comité Consultatif (CEAB) 11/1631.4. Par exemple: L. MECHI, Una vocazione sociale? l’azione dell’Alta Autorità della CECA a favoredei lavoratori sotto le Presidenze di Jean Monnet e di René Mayer, in: Storia delle Relazioni Internazionali,année X-XI, 1994-1995/2, juin, pp. 147-183.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 6528 octobre 1952, elle se composait de représentants des syndicats, des entreprises et des organismesnationaux en charge des bâtiments à loyer modéré, des fonctionnaires des gouvernements desEtats membres et de deux représentants de la Haute Autorité: le belge Paul Finet, responsable desproblèmes sociaux, et l’italien Giuseppe Glisenti, Directeur de la Division des Problèmes du Travail.A la réunion du 28 octobre participa aussi le Président de la Haute Autorité Jean Monnet, quiannonça l’intention de réaliser un programme de financements pour la construction de maisonsdestinées à la main-d’œuvre des mines et de la sidérurgie, dans le but de répondre aux nécessitésprésentes et futures, en prévision de l’augmentation du nombre d’ouvriers des deux secteursindustriels par suite de la réalisation des programmes d’investissement. 5On décida donc d’établir un inventaire des habitations existantes dans la Communautéafin d’estimer l’état réel des besoins (logements manquants, logements qui présentent desconditions sanitaires insuffisantes ou constructions trop à l’écart des lieux de travail). 6 A la finde l’année 1952, les premières estimations sont disponibles: elles chiffrent, pour l’ensemblede la Communauté, à plus de 300.000 le nombre des logements manquants! 7 Le tableau 1montre les évaluations, encore provisoires, pour la fin de 1953, calculées au mois de juin dela même année; les tableaux 2a et 2b renferment les estimations relatives à l’Italie, subdiviséespar secteur industriel et par région: la grande différence par rapport aux donnés dutableau 1 est due au fait que les tableaux 2a et 2b sont basés sur les prévisions d’expansionde l’industrie sidérurgique, et tiennent même compte des nécessités futures. Le tableau 2bmontre aussi le nombre d’ouvriers employés: bien que les données relatives aux bassins etaux régions ne soient pas homogènes par rapport à celles sur les besoins de logements, en seréférant à des périodes différentes, elles nous offrent quand même un terme de comparaisonpour évaluer l’importance des interventions prévues par la Haute Autorité.A base des estimations précitées la Commission établit les lignes d’un programme quadriennald’intervention.Celui-ci prévoyait, entre la fin 1953 et 1956, la construction de tous les logementsclassés «manquants», de 80% des logements répertoriés sous la rubrique des insuffisancessanitaires et de 50% de ceux reconnus trop éloignés des entreprises, soit au total environ250.000 habitations. 8 Jean Monnet lui-même exposa l’objectif d’édifier entre 50.000 et 60.000nouveaux logements par année. 9 Naturellement la Haute Autorité ne disposait pas de la totalitédes fonds financiers nécessaires: à partir de janvier 1953 fut donc lancée une enquête pour étudiertous les aspects relatifs aux coûts de construction; l’attention fut portée, en particulier, sur1. la structure des coûts de construction;2. les techniques de construction suivies dans les divers pays;3. les techniques administratives et financières.5. Première séance de la Commission pour les maisons ouvrières, 28 octobre 1952, in: AHCE/CEAB 13/6.6. Compte-rendu de la Sous-commission pour les maisons ouvrières concernant la situation actuelle des locauxd’habitation construits et à construire pour les travailleurs des industriesrelevant de la Communauté Européennedu Charbon et de l’Acier, 4 décembre 1952, in: AHCE CEAB 11/1631.7. Rapport de la Sous-commission pour les maisons pour les travailleurs, 9 décembre 1952, in:AHCE CEAB 11/1631.8. Rapport de la Sous-commission pour les maisons pour les travailleurs ..., op.cit.9. B. LEUVREY, Quelle politique sociale pour l’Europe du Plan Schuman? Critiques et propositionsde l’Assemblée Commune de la CECA (1952-1955), in: Lettre d’information des historiensde l’Europe contemporaine, t.5, juin 1990

66 Lorenzo MECHITableau 1:Besoins en nouveaux logements dans la Communauté à la fin de 1953LogementsmanquantsLogements auxconditionssanitairesinsuffisantesLogementséloignés del’entrepriseTotalTravailleursrelevant dela CECAAllemagne55.00064.10045.100164.200598.001Belgique11.3009.2008.20028.700199.768France62.00048.000300110.300388.941Sarre900900...1.80085.872Italie3.3001.7008005.80061.484Luxembourg800—...80018.734Pays-Bas1.9002.4002.0006.30061.214Total135.200126.30056.400317.9001.414.014Source: Réponses de la Haute Autorité à la Commission des Affaires Sociales de l’AssembléeCommune, juin 1953, in: AHCE CEAB 1/1625, et Division Statistique, Aspects communs à lamain-d’œuvre des charbonnages et de la sidérurgie, in: ASCE CEAB 1/1620Tableau 2a:Besoins en logements en Italie, par secteur - 1953Au 1/1/1953CharbonnagesSidérurgieTotalLogementsmanquants1.1711.6502.821Logementsinsuffisants5108.0008.510Logements éloignés2304.7504.980Total1.91114.40016.311Source: Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier: Equipement et travaux neufs,juillet 1953, in: AHCE CEAB 11/1637-1638

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 67Tableau 2b:Besoins en logements en Italie, par région et bassin minier - 1953Nécessités satisfaitesen 1953 (prévisions)Nécessités restantesau 31/12/1953Nombre d’ouvriersemployés*Sulcis781.4008.860La Thuile--70560Cokeries15348n.d.Total charbonnages931.81810.400PiemonteLombardia4001.0152.4006.10028.054 **Liguria148809.729Tre Venezie452704.265ToscanaUmbria1601009706206.658 ***Campania1358005.560 ****Autres régions50310Total sidérurgie2.05012.35048.751Source: Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier: Equipement et travaux neufs,juillet 1953, in: AHCE CEAB 11/1637-1638; Division Statistique, Aspects communs à lamain-d’œuvre des charbonnages et de la sidérurgie; Division des Problèmes du Travail,l’emploi dans les industries de la Communauté au cours du 1 er semestre 1955 et l’emploi dansles industries de la Communauté au cours du I er semestre 1956, in: AHCE CEAB 1/1620* Les données relatives au Sulcis et à La Thuile correspondent au 31/12/1954; celles relativesaux régions, à mars 1956; les données totales par industrie datent du 31/12/1953.** Total Nord-Ouest, y compris Valle d’Aosta et Emilia Romagna.*** Total Centre, y compris Marche et Lazio.**** Donnée totale relative à toutes les régions du Sud.Après deux mois, on obtint les premiers résultats, qui témoignèrent que les écarts parmiles coûts de construction des divers pays variaient plus en fonction des différentesméthodes d’organisation du travail que par les techniques de construction. Il en résultaclairement aussi la forte incidence des dépenses administratives (jusqu’à 10% du coûttotal). 10 En outre des considérations relatives aux économies d’échelle montrèrent lanécessité d’utiliser des chantiers de grande dimension: chacun d’eux aurait été destiné à10. Division des Problèmes du Travail: Note communiquée aux membres de la Commission des AffairesSociales de l’Assemblée Commune, 4 avril 1953, in: AHCE CEAB 11/27; en outre. ECSC-HA,1st General report of the High Authority on the activities of the Community.

68 Lorenzo MECHIla construction d’au moins 25 logements. 11 Il fallait donc trouver des méthodes standardiséeset les appliquer à toutes les interventions effectuées par la Haute Autorité sur leterritoire communautaire. La question des avantages économiques préconisait aussil’uniformisation, pour autant que possible, des matériaux à utiliser. Les recherches suivantes,commencées au mois de mars en collaboration avec les institutions spécialiséesdes pays membres, cherchaient à déterminer«... deux ou trois catégories de maisons ouvrières et de projeter, à titre expérimental,la construction d’un certain nombre de maisons-type à utiliser comme modèle pourla construction future de logements ouvriers». 12En même temps on commença une enquête détaillée pour recueillir les éléments statistiquesparticuliers, bassin par bassin, nécessaires à l’élaboration d’un programme à longueéchéance. 13 Comme pour d’autres activités de la Communauté, beaucoup d’études etd’échanges d’informations s’effectuèrent avec les représentants britanniques: des liensparticulièrement serrés furent instaurés avec les membres de l’industrie et les syndicatsdes mineurs ainsi qu’avec des experts du gouvernement de Londres. 14 A la fin du mois demai on décida de constituer, dans chaque Etat membre, un Comité National chargé des’occuper du programme de construction et des méthodes de financement, soutenu pardes Commissions régionales ayant les mêmes fonctions. Chacun de ces organismes, composéde représentants des travailleurs, des entrepreneurs et des pouvoirs publics, et avec laparticipation d’un membre de la Haute Autorité, aurait eu la responsabilité, envers cettedernière, de garantir le respect du programme de construction. 15Pendant que se poursuivaient les études sur la réduction des coûts, 16 la CECA commençaità rendre public son travail: en juillet, dans la ville allemande de Recklinghausen,fut inaugurée une exposition ayant pour titre «Nous construisons pour toi», danslaquelle, après une description de la situation des logements dans les pays membres, laHaute Autorité annonçait son objectif d’«... offrir des logements meilleurs et plus nombreuxaux ouvriers mineurs et à ceux des aciéries». 17 Evidemment, on entendait11.E. MASSACESI, Un aspetto della politica sociale dell’Alta Autorità della CECA: la costruzionedi case operaie; en L’ingegnere, organo ufficiale dell’Associazione Nazionale Ingegneri e ArchitettiItaliani, année XXXII, n° 112. Division des Problèmes du Travail, Note aux membres de la Haute Autorité, 23 mars 1953, inAHCE CEAB 13/7.13. Division des Problèmes du Travail, Note communiquée aux membres ..., op.cit.14. Secrétariat, Note pour MM. Monnet, Etzel, Spierenburg ..., 15 mai 1953, in: AHCE CEAB 13/7.La collaboration avec la Grande Bretagne dans plusieurs secteurs fut une ligne constamment suiviepar la Haute Autorité et obtint sa consécration avec la signature, en janvier 1954, d’un Traité d’associationentre la CECA et le Royaume-Uni.15. Division des Problèmes du Travail, Action de la Haute Autorité dans le domaine des maisonsouvrières, in: AHCE CEAB 1/1817.16. Les études, en collaboration avec des organisations internationales comme l’ECE de Genève, à lafin de l’année furent ouvertes en privé grâce à l’institution d’un concours pour architectes et entreprises;un prix fut offert aux projets qui permettaient la plus grande utilisation possible des matériauxen acier et une réduction des coûts ou une amélioration de la qualité. Humblet à Fallon, 9novembre 1953, in: AHCE CEAB 11/4806.17. Esquisse de l’exposé de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier à l’exposition «Nousconstruisons pour toi», Röchlinghausen, 4-26 juillet 1953, in: AHCE CEAB 13/7.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 69recueillir le fruit, en termes d’approbation populaire, d’une action qui ne pourraitqu’apparaître positive aux yeux de la majorité des travailleurs. En même temps ondétermina la base juridique pour l’affectation des financements communautaires auxprogrammes de construction: en effet l’article 54 prévoyait la possibilité, pour l’Autoritéde Luxembourg, de «... faciliter la réalisation des programmes d’investissements enconsentant des prêts aux entreprises ou en donnant sa garantie aux autres empruntsqu’elles contractent». 18 Tableau 3:Distribution par région des logementsdu 1 er programme expérimental.RégionNombre de logementsRuhr (Allemagne) 350Aachen (Allemagne) 50Lorraine (France) 149Nord/Pas de Calais (France) 76France Centrale 25Campine (Belgique) 50Charleroi (Belgique) 50Liège (Belgique) 50Limburg Hollandais 54Lombardia (Italie) 50Campania (Italie) 18Luxembourg 50Sarre 50Total 1.022Source: ECSC: H.A., 2 nd General report of the High Authority onthe activities of the CommunityLes nouvelles techniques de construction, issues des susdites études, demandaientalors d’être expérimentées. Donc, tandis qu’était encore en cours la mise au pointdes méthodes de financement, la Haute Autorité décida de lancer, à titre expérimen-18. Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. 18 avril 1951.

70 Lorenzo MECHItal, son propre programme de construction à dimensions réduites. l’initiative sebasait sur l’article 55 du Traité, qui assignait à la Communauté le devoir d’«encouragerla recherche technique et économique intéressant la production et le développementde la consommation du charbon et de l’acier. (...) Après consultation duComité consultatif, la Commission peut susciter et faciliter le développement deces recherches, (...) après avis conforme du Conseil, en y affectant des fonds provenantdes prélèvements ...». 19Le programme prévoyait une subvention de 1.000.000 de dollars pour la constructionde mille nouveaux logements. Dans le projet définitif cependant, après quedes considérations sur les facteurs climatiques et sociaux avaient convaincu lesexperts de la Haute Autorité à ouvrir un chantier aussi dans la zone de Bagnoli pourla construction de 18 logements, et après la décision d’augmenter de 50 à 54 ceuxprévus pour le Limbourg hollandais, le nombre initial fut porté à 1.022 unités. 20Leur distribution sur le territoire communautaire est reportée dans le tableau 3. LeConseil Spécial des Ministres de la CECA approuva l’ensemble au cours de la quatorzièmesession qui eût lieu à Luxembourg les 9 et 10 avril 1954. 21Tableau 4:Composition des Commissions de Naples e de MilanSecrétaireMembresCommission de NaplesM.Origo: Président 1ACP de NaplesG.Gattamorta: Secrétaire UILF.Mastrovito: Directeur UfficioRegionale del Lavoro e dellaMassima OccupazioneG.Bonanno: ILVA s.p.a.,établissement de BagnoliCommission de MilanM.d’Onofrio: membre AssiderR.Purpura: Ministero delLavoro e della PrevidenzaSocialeC.Ripamonti: Président IACPMilanF.Volonté: Secrétaire FIMExperts nommés par la Haute Autorité: C.F.Guala, L.Beretta, E.Rogers.Source: Composition des Commissions Régionales, in ASCE CEAB 11/2166l’occasion fut saisie pour instituer les Commissions régionales de contrôle susmentionnées:en plus des devoirs de supervision des travaux, celles-ci auraient dû repérersur le marché des capitaux la part des fonds non financée par la Communauté (on19. Ibid.20. ECSC-HA, 3rd General report of the High Authority on the activities of the Community, 12/4/1954-10/4/1955.21. Comitato di Coordinamento della CECA a Jean Monnet, 16 avril 1954, in: AHCE CEAB 1/1837.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 71estimait que 1.000 dollars par habitation devraient couvrir entre 1/4 et 1/6 des dépenses).A titre d’exemple se trouve reportée, dans le tableau 4, la composition des Commissionsde Naples et de Milan, dans lesquelles on peut facilement remarquer la tentativede garantir à toutes les parties intéressées une représentation équilibrée, selonune méthode déjà utilisée à d’autres occasions par l’équipe de Monnet.Les habitations à édifier consistaient en des maisons individuelles à deux étages,destinées à des familles composées de cinq personnes (un couple avec troisenfants des deux sexes). 22 Un groupe d’architectes des six pays membres avait étéprécédemment chargé par la Haute Autorité d’établir les caractéristiques généralesqui auraient dû être appliquées à tous les logements à édifier, tout en gardant lesdifférences de construction imposées par les diverses traditions, respectivement lesconditions climatiques. Selon les critères retenus par le groupe, chaque maisonétait censée se composer:dans la partie «jour»:• 1 salle de séjour avec coin repas;• 1 cuisine laboratoire en communication directe avec le coin repas;• 1 espace fermé assez vaste pouvant servir de remise et buanderie selon leshabitudes locales;• 1 hall d’entrée donnant accès à la salle de séjour ou à la cuisine. Cette entréecomprenait un petit vestiaire;• 1 sortie de service;• 1 accès à l’étage avec escalier droit de préférence (en cas de sous-sol un escalierfacilement accessible de la cuisine ou de la remise);• 1 espace disponible pour le charbon et les provisions;dans la partie «nuit”:• 3 chambres à coucher ayant chacune un accès indépendant;• 1 salle d’eau;• 1 W.C. séparé;• dans le cas d’un toit incliné, un grenier avec escalier escamotable.22. A. R. A. THEUNISSEN, l’action de la Haute Autorité de la CECA en matière de logements, in:Droit Social, n° 4, avril 1956.

72 Lorenzo MECHIEn sus, tous les logements seraient équipés de la façon suivante:cuisine:buanderie:un évier métallique avec égouttoir, équipé en eau chaudeet eau froide; une armoire de rangement, une table detravail et un siège; un emplacement prévu pour unecuisinière à charbon ou gaz ou mixte; un frigo (éventuel);une armoire accessible de la cuisine et du coin repas;bac à laver le linge;salle d’eau: douche ou baignoire avec chauffe-eau à gaz; un lavabo;chauffage:a) chauffage par air chaud et gaineb) utilisation dans les appareils pour l’eau chaude et lacuisine, du gaz de ville ou propane ou butane;W.C.: à chasse. 23H apparaît clairement que la qualité des logements envisagés aurait apporté une réelleamélioration des conditions de vie de la main-d’œuvre, surtout si on considère qu’unepartie des maisons existantes à l’époque ne possédait même pas l’eau courante ou lechauffage, et qu’un important contingent des travailleurs vivait carrément dans des baraques.En accord avec les désirs de l’Assemblée Commune - elle avait accueilli chaleureusementle programme expérimental 24 - la Haute Autorité se préoccupa d’assurer auxtravailleurs l’accès à la propriété par des paiements échelonnés. On considérait en faitcomme fondamental que les logements ne devinssent la propriété des entreprises danslesquelles étaient employés les futurs habitants des maisons. 25Depuis le début des constructions fut mis en évidence un aspect d’importanceremarquable: l’utilisation de l’acier sur les chantiers dans des proportions particulièrementélevées (jusqu’à trois fois la normale) montrait que l’emploi de ce matériau n’avaitpas d’incidence considérable sur le coût. 26 Cela fut accueilli de façon très positive parles experts communautaires, soit parce que l’ample disponibilité d’acier ouvrait de nouvellesperspectives pour les constructions futures, soit parce que les ambitieux programmesde travaux de construction de la CECA stimuleraient le développement de l’industriesidérurgique en général. Un autre aspect important qui apparût avec l’achèvementdu programme en 1957, fut la grande différence au niveau de la composition des coûtsde construction: le prix des matériaux, mais surtout les structures salariales et les chargessociales grevaient en effet de façon très variable le coût dans les six pays. 27 Ladépense finale se solda à 6.575.955 dollars. 2823. Groupe de travail des architectes: principes organiques, 15 avril 1954, in: AHCE CEAB 11/2157.24. Assemblée Commune, Proposition de résolution relative à la politique à suivre par la Communautéen matière de logement des travailleurs, 16 janvier 1954, in: AHCE CEAB 11/1630.25. ECSC-HA, 3rd General report..., op.cit.26. ECSC-HA, 3rd General report..., op.cit.27. ECSC-HA, 6th General report of the High Authority on the activities of the Community, 14/4/1957-13/4/1958.28. ECSC-HA, 5th General report of the High Authority on the activities of the Community, 9/4/1956-13/4/1957.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 73Parallèlement à la préparation du programme expérimental, la Haute Autoritéavait négocié, en avril 1954, l’obtention d’un prêt de 100 millions de dollars auxEtats-Unis d’Amérique, et avait décidé d’en attribuer 1/4 au financement de maisonsouvrières dans les zones minières de la CECA. 29 Les crédits devaient êtreaccordés soit à des entreprises de la Communauté qui se seraient chargées de laconstruction de logements pour leurs propres employés, soit à des organisationsspécialisées dans la construction de maisons ouvrières. Dans les deux cas, la HauteAutorité cherchait là encore à éviter que la propriété des immeubles ne tombe entreles mains des entreprises donnant le travail. Elle voulait au contraire encouragerl’acquisition des maisons par ses locataires, tout en sachant cependant que les conditionsmatérielles de certaines catégories de travailleurs ne permettaient guère àceux-ci de faire pareille acquisition. 30Une fois le programme lancé, il se posait la question de la répartition des 25 millionsde dollars entre les différents bassins miniers. Deux critères possibles se profilaient: d’unepart, une distribution en vertu de la proportion des mineurs du charbon et du fer dans chaquezone (dans ce cas, l’Allemagne aurait par exemple obtenu 45,6% du crédit,c’est-à-dire 11,4 millions de dollars; la France aurait touché 26%, soit 6,5 millions); 31d’autre part, un partage à base des besoins en logements selon les enquêtes de la CECA(l’Allemagne aurait obtenu 14,3 millions, la France 5,6 millions). 32 La Division des Problèmesdu Travail décida de prendre en considération les deux modes et avança une propositionprévoyant de réserver 12 millions à l’Allemagne, 7 à la France, 4 à la Belgique, 1à la Sarre, 0,6 aux Pays-Bas, 0,3 à l’Italie et 0,1 au Luxembourg. Mais, étant donné la conditionparticulièrement favorable des marchés financiers des Pays-Bas, qui présentaientdes taux d’intérêt sur les capitaux encore plus bas que ceux offerts par la CECA, le gouvernementde La Haye renonça à son quota de financement; ce dernier fut en partie attribuéà l’Italie dont le quota fut porté de 300.000 à 500.000 dollars, en partie à la Belgiquedont les attributions passèrent de 4 à 4,4 millions, là où la tranche supplémentaire de400.000 dollars aurait été destinée à la construction de foyers pour les nombreux travailleursétrangers célibataires qui vivaient encore dans des baraques. 33 La Haute Autoritéchangea néanmoins bien vite ses idées à propos de ces 400.000 dollars. Elle décida finalementde les conserver dans un fond de réserve pour d’éventuelles organisations quiauraient tout de même voulu construire des logements pour la main-d’œuvre immigrée. 34La répartition définitivement arrêtée est représentée au tableau 5.Un second problème résultait du risque de dévaluation du dollar: dans cette éventualité,pourtant peu probable, le change des 25 millions en monnaies européennes auraitrongé les ressources financières disponibles, et donc aussi le nombre des logements que la29. A. R. A. THEUNISSEN: l’action de la Haute Autorité de la CECA ..., op.cit.30. ECSC-HA, 3rd General report..., op.cit.31. Division des Problèmes du Travail, Division des Finances, Note aux membres de la Haute Autorité;Objet: répartition par pays et par bassin de la tranche de 25 millions de dollars destinée à laconstruction de maisons ouvrières, 10 novembre 1954, in: AHCE CEAB 1/1819.32. Ibid.33. Ibid.34. ECSC-HA, 3rd General report ..., op.cit.

74 Lorenzo MECHIHaute Autorité escomptait cofinancer grâce au prêt américain (15.000 à 20.000 habitations).35 Pour contrecarrer le danger, on décida de contracter directement le prêt en deviseseuropéennes. Cependant les Américains ne voulaient pas céder une telle somme souscette forme. Les deux partenaires tombèrent alors d’accord pour changer les 25 millionsen monnaies européennes en utilisant les fonds de garantie de la Haute Autorité; ces fondsauraient été transformés ensuite en dollars et laissés en dépôt aux Etats-Unis: avec ceux-cion aurait remboursé le prêt au gouvernement de Washington. Restait le problème des intérêtsfixés à 3,875% et à payer en dollars: ils seraient remboursés en partie avec les intérêtsrapportés par le dépôt aux Etats-Unis, et la partie restante, chiffrée à environ 1 à 1,5 %, pardes versements provenant des pays destinataires des fonds. On estima dès lors que le risqued’une dévaluation des devises européennes par rapport au dollar pouvait être couru. 36En considérant que la contribution de la Haute Autorité n’aurait couvert qu’unquota compris entre 25 et 50% des coûts de construction, les commissions régionalesfurent chargées de repérer les fonds même pour le programme des crédits. 37Dans certaines régions le problème de la pénurie avait déjà été affronté: en Lorraine,par exemple, avait été constituée, depuis 1953, sous les pressions des entrepriseset des autorités locales, une association fédérant diverses sociétés immobilières.l’Union pour la Construction dans le Bassin Lorrain (UCBL), ayant pour but decoordonner le programme de construction du département. 38 Peu après sa créationelle avait lancé un programme pour l’édification de 900 logements financés par descrédits à moyen terme accordés par un consortium de banques. 39 Dans un cascomme celui-là, le programme de la CECA se greffa ainsi sur des structuresd’organisation déjà actives dans le secteur tout en s’insérant dans un contexte politico-économiquedéjà fortement sensibilisé à ces mêmes problèmes.35. Rapport de l’Assemblée Commune sur les problèmes particuliers liés à la construction d’habitationsouvrières ainsi qu’à l’amélioration et à l’égalisation des conditions de vie et de travail; adoptéà l’unanimité, mars 1955, in: AHCE CEAB 11/31.36. Les Groupes de Travail «Finances-Investissements-Production» et «Questions Sociales» calculèrentque, même en considérant une dévaluation moyenne des devises européennes de 20%, soitde très grande envergure, la Haute Autorité n’aurait dû payer d’intérêts en plus, qu’un montant de50.000 dollars par année, chose qu’elle pouvait très bien se permettre. Groupes de Travail «Finances-Investissements-Production»et «Questions Sociales“, Note pour MM. les membres de la HauteAutorité; Objet: prêts maisons ouvrières - $ 25 millions, in: AHCE CEAB 1/1819.37. Rapport de l’Assemblée Commune sur les problèmes liés à la construction ..., op.cit.; en outre:Division des Problèmes du Travail, Division des Finances, Note aux membres de la Haute Autorité,10 novembre 1954, in: AHCE CEAB 1/1819.38. Assemblée Commune. Commission des Affaires Sociales, Mission d’étude et d’information relativeaux problèmes du logement ouvrier et de la recherche scientifique en matière de maladies professionnelles.1* février 1954. in: AHCE CEAB 11/28.39. Les banques étaient: la Société Générale Alsacienne de Banque, le Crédit Industriel d’Alsace et deLorraine, la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Banque Populaire, la Banque Nationale pour leCommerce et l’Industrie, le Crédit Lyonnais, le Comptoir National d’Escompte de Paris et l’UnionIndustrielle de Crédit. Note sur le financement du programme de construction de l’Union pour laConstruction dans le Bassin Lorrain. 1954. in: AHCE CEAB 1/1834.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 75Tableau 5:Répartition par pays et par bassin minier du crédit de 25 millions de dollarsPays et bassin minierFinancement concédé (en millions de dollars)Ruhr 9,8Aachen 1Mines de fer 1,2Total Allemagne 12Campine 1Hainaut 2Liège 1Total Belgique 4Centre/Midi 0,5Lorraine 2,5Nord/Pas-de-Calais 3,3Mines de fer 0,7Total France 7Sulcis 0,35Mines de fer 0,15Total Italie 0,5Sarre 1Luxembourg 0,1Tranche additionnelle 0,4Total 25Source: ECSC-HA: 3rd General report of the High Authority on the activities of theCommunity, 12/4/1954-10/4/1955

76 Lorenzo MECHITableau 6:1 er programme de financement: Contribution de la Haute Autorité par unitéd’habitation et par pays; 1/4/1958Nombre delogementsCoût total(en$)Contributionde la HA(en$)Coûtunitairemoyen(en$)Contribution de laHA par unité(en $) (en %)Allemagne9.78544.172.50011.515.5004.5141.17526Sarre2782.103.5001.000.0007.5663.66147Belgique1.7709.995.5004.200.0005.6472.37342France1.82317.781.5006.769.6709.7543.71338Luxembourg25232.500100.0009.3004.00043CECA13.68174.285.50023.585.1705.4241.72432Source: ECSC-HA: 6th General report of the High Authority on the activities of theCommunity, 14/4/1957-13/4/1958l’allocation finale, basée sur les premières estimations concrètes des coûts, voyaitpresque inchangées les prévisions de financement de la Haute Autorité (cellesreportées dans le tableau 5), sauf de légères modifications. Ainsi le quota destinépar exemple à l’Allemagne passa de 12 à 11,9 millions de dollars, celui de laFrance de 7 millions à 7.150.000, celui de la Belgique de 4 à 4,4 et celui de l’Italie,à la suite d’une demande du 22 décembre 1954 du Ministère de l’Industrie et duCommerce, 40 de 500.000 à 800.000 dollars. La somme totale se solda donc à25.350.000 dollars 41 pour la construction de 14.875 logements répartis à raison de10.000 unités en Allemagne (8.200 dans la Ruhr, 800 dans le bassin d’Aachen et1.000 pour les mines de fer), 1.600 en Belgique (400 dans chacun des bassins deCampine et de Liège, 800 dans le bassin du Hainault), 400 en Italie (60 pour lesmines de charbon, 60 pour celles de fer et 280 pour l’industrie sidérurgique), 350en Sarre, 25 au Luxembourg et 2.500 en France. 42La grande différence entre les coûts de construction relevée au cours du programmeexpérimental se manifesta aussi dans le cas du programme de financements;on en a un exemple en confrontant les chiffres relatifs à l’Allemagne et à la40. Il Ministre dell’Industria e del Commercio all’Alta Autorità, 22 décembre 1954, in: AHCE CEAB1/1837.41. ECSC-HA, 4th General report of the High Authority on the activities of the Community, 11/4/1955-8/4/1956 et 6th General report..., op.cit.42. Ibid.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 77Belgique, qui montrent le fort écart de la part des fonds de la Haute Autorité sur letotal des dépenses. Au 15 mars 1956 il avait été déjà versé à la République Fédéraleenviron 11.100.000 dollars (soit plus de 46 millions de marks au taux d’intérêt de3,75%) pour la construction de 8.979 logements dont la dépense finale était évaluéeà environ 42.300.000 dollars (à peu près 177.700.000 marks). La somme allouéepar l’institution de Luxembourg représentait donc environ 26,2% du coût total. Aumême moment la Haute Autorité avait destiné à la construction des premiers 589logements belges environ 1.300.000 dollars (soit 65.000.000 de francs belges; à untaux de 3,5%), qui représentaient 47% de la dépense totale estimée à 2.872.000dollars (environ 139.200.000 FB). 43 En comparant les chiffres relatifs deux ansaprès, reproduits dans le tableau 6, on note des écarts semblables, soit pour lescoûts de construction, soit pour les quotas de contribution de la Haute Autorité.Tableau 7:1 er programme de financement de la Haute AutoritéEtat des travaux au 1 er avril 1958Nombre de logementsPrévusFinancésEn préparationEn constructionAchevésAllemagne10.0009.7851131.1498.523Sarre350278—278—Belgique1.6001.770161818791France2.5001.823684985154Italie400————Luxembourg2525—25—Total14.87513.6819583.2559.468Source: ECSC-HA: 6th General report of the High Authority on the activities of theCommunity, 14/4/1957-13/4/1958Au 1er avril 1958 presque la totalité des logements prévus par le 1er programme decrédits avaient été financés (voir tableau 7). Restaient encore à entamer, à cause dedifficultés d’organisation, les 400 unités italienne, quelques centaines de maisonsen France et environ soixante-dix des logements sarrois. En Belgique les prévisionsavaient été même dépassées, car le Royaume arrivait en fin de compte à financer1.770 logements (contre 1.600 prévus). 44 Pour les responsables de Luxembourg,43. ECSC-HA, 4th General report ..., op.cit.44. ECSC-HA, 6th General report ..., op.cit.

78 Lorenzo MECHIparmi les 13.681 maisons qui avaient déjà été financées, environ la moitié aurait dûêtre louée, l’autre moitié devenant directement la propriété des travailleurs. 45Le 19 mars 1956, la Division des Finances et la Division des Problèmes du Travailproposèrent à la Haute Autorité, sur la base de l’article 55 du Traité, de lancerun deuxième programme expérimental, plus vaste encore que le précédent et prévoyantune aide de la Communauté de 4 millions de dollars. Un million aurait dûêtre versé à fonds perdu et 3 millions à titre de prêts. 46 Entendu l’avis du ComitéConsultatif, et après approbation par le Conseil des Ministres, la Haute Autoritédécida, le 12 septembre, de mettre ce nouveau projet en œuvre. 47 Il prévoyait laconstruction de 2.000 logements supplémentaires, toujours avec des objectifs derecherche technique, et en particulier pour étudier les «... méthodes de standardisationet de coordination dans l’usage des éléments de construction de type traditionnelet non». Une nouvelle fois on attribuait une particulière attention aux «élémentsen acier». 48 Au prêt de 3 millions de dollars se serait appliqué un taux d’intérêt de3%, remboursable dans un délai maximum de 35 ans. 49En accord avec la section des recherches du Conseil International pour laRecherche, les Etudes et la Documentation sur les Constructions, un groupe de travailcomposé par des experts d’instituts de recherche sur les constructions des sixpays prépara les lignes techniques du programme et en suivit la mise en œuvre. Lesentreprises de bâtiment, désignées par la Haute Autorité en collaboration avec lesCommissions régionales, rédigèrent les projets: en avril 1958, la majorité des chantiersfonctionnaient. 50 (Le tableau 8 reproduit la répartition des fonds de la HauteAutorité et le nombre de logements prévus pour chaque pays).Le même 19 mars 1956, la Division des Finances et la Division des Problèmesdu Travail proposèrent à la Haute Autorité de lancer, à partir du 1er janvier 1957, unnouveau programme de crédits, qui aurait dû être achevé dans deux ans. Il auraitdemandé une aide financière, de la part de la Haute Autorité, d’au moins 25 millionsde dollars, à obtenir grâce à des emprunts en monnaies nationales et à l’utilisationdes recettes de la Haute Autorité issues de l’investissement de ses fonds. 51Les deux Divisions demandaient en outre à l’organe central de la Communauté delancer immédiatement son action, c’est-à-dire la négociation des nouveaux prêts, laréunion des Commissions, l’établissement des projets concrets de construction. Defait, les expériences précédentes avaient démontré «...combien de temps exigel’ensemble de ces opérations qu’un nombre très réduit de fonctionnaires doit exécuterdans cinq ou six pays simultanément». 52 On soulignait, enfin l’opportunité45. Ibid.46. Division des Finances, Note a MM. les membres de la Haute Autorité, 19 mars 1956, in: AHCECEAB 1/1821.47. ECSC-HA, 5th et 6th General report ..., op.cit.48. ECSC-HA, 6th General report ..., op.cit.49. Ibid.50. Ibid.51. Division des Finances, Note à MM. les membres de la Haute Autorité ..., op.cit.52. Ibid.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 79d’une approbation par l’Assemblée Commune (tout en n’étant pas indispensable,un acquiescement de l’assemblée aurait eu une valeur politique très importante),ainsi que la nécessité de l’avis de conformité du Conseil Spécial des Ministres «...pour pouvoir concéder des prêts aux entreprises qui ne font pas partie de la Communauté,comme est souvent le cas des entreprises qui construisent les logementspour les mineurs ou pour les ouvriers sidérurgiques». 53Tableau 8:Répartition des fonds et du nombre des logements prévus par le 2 èprogramme expérimentalUnités d’habitationEmprunts (en $)Aides nonremboursables (en$)Allemagne8251.237.500412.500Belgique300450.000150.000France525787.500262.500Italie150225.00075.000Luxembourg5075.00025.000Pays-Bas150225.00075.000Total2.0003.000.0001.000.000Source: ECSC-HA: 6th General report of the High Authorityon the activities of the Community, 14/4/1957-13/4/1958La demande d’autorisation au Conseil, rédigée sur la base de celle relative au 1erprogramme de crédit, fut présentée le 29 mars; 54 la discussion se passa surtout àl’intérieur de la Commission de Coordination du Conseil réunie le 12 avril. Aprèsl’exposé des membres de la Haute Autorité, les six délégations donnèrent leursavis: celles de l’Italie, de la Belgique et du Luxembourg se déclarèrent immédiatementprêtes à recommander à leurs propres membres du Conseil des Ministres dedonner un avis favorable. La délégation hollandaise par contre, et surtout celle desFrançais, avançaient quelques réserves. La dernière, en particulier, déclara que, touten reconnaissant les avantages apportés par la mise en chantier du programme susmentionné,la concession d’une autorisation générale sans limitation du montantfinancier aurait pu apparaître comme une modification substantielle des dispositionsde l’article 54 du Traité, et ainsi être facilement attaquée près de la Cour de53. Ibid.54. Haute Autorité, Mémorandum au Conseil des Ministres, 29 mars 1956, in: AHCE CEAB 1/1821.

80 Lorenzo MECHIJustice. Il s’agissait donc d’une réserve à caractère formel. La délégation italienney répondit que «... la demande d’avis conforme ne visait qu’à alléger le travail desentreprises de la Communauté ...» et que «si des scrupules à caractère juridiquepeuvent subsister (...), ceux (...), qui n’intéressent que la forme, devront tout demême tomber devant l’intérêt social et les considérations pratiques». 55La solution du problème arriva de la délégation allemande qui, entendu lesdiverses observations, conseilla de donner un accord de principe provisoire, pourdonner ensuite une approbation formelle à une nouvelle demande que la HauteAutorité aurait présentée après la définition détaillée du programme (surtout enrelation avec le montant total du financement). Les autres cinq délégations acceptèrentcet arrangement, même si les membres de la Haute Autorité continuèrent à préférerleur propre proposition initiale, qui ne représentait pas, à leur avis, une violationdu Traité. 56A la fin de l’année le programme commençait à prendre forme: la Haute Autoritése proposait de verser, à titre de financement, 15 millions de dollars tirés desses fonds et, en même temps, un montant variable entre 10 et 15 millions récupérésur les marchés nationaux des capitaux. Dès novembre, les programmes de constructionde l’Allemagne et des Pays-Bas étaient déjà en voie de préparation. 57l’année suivante on pensa augmenter le quota des capitaux réunis sur les marchésnationaux, en le portant à 20-25 millions, pour un financement total d’environ 35 à40 millions de dollars. Selon les prévisions de la Haute Autorité, ce montant auraitpermis de construire à peu près 20.000 logements. 58 La somme réellement affectéefut de 37,4 millions de dollars. A la fin 1957 furent versés les premiers financementsà l’Allemagne et aux Pays-Bas, immédiatement après à l’Italie; au 1er avril1958 les plans de construction pour la France, la Belgique et le Luxembourgn’avaient pas encore été préparés. 5955. Conseil Spécial de Ministres, 32ème session - 3 mai 1956; Note introductive du Secrétariat, 24avril 1956, in: AHCE CEAB 1/1821.56. Ibid.57. Haute Autorité, Note aux membres de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Commune,6 novembre 1956, in: AHCE CEAB 11/35.58. La Haute Autorité et la construction de logements ouvriers, par A. R. A. THEUNISSEN, Divisiondes Problèmes du Travail de la Haute Autorité de la CECA, septembre 1957, in: AHCE CEAB 11/4782.59. ECSC-HA, 6th General report ..., op.cit.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 81Tableau 9:2 ème programme de financement de la Haute Autorité -Etat des travaux au 1 er avril 1958LogementsPrévusFinancésEn préparationEn constructionAchevésAllemagne12.30012.8703.4197.3022.149Sarre700————Italie2.5002.0002.000——Pays-Bas1.2501.017501516—Total16.75015.8875.9207.8182.149Source: ECSC-HA: 6th General report of the High Authority on the activities of theCommunity, 14/4/1957-13/4/1958Comme pour le premier programme le pays qui fit la «part du lion» était celui dontle nombre de travailleurs des secteurs charbonnier et sidérurgique était le plusélevé, et dans lequel la pénurie de logements était la plus forte: l’Allemagne. LaHaute Autorité lui versa 75 millions de marks, soit 17.850.000 dollars, pour laconstruction de 12.300 maisons. 60 Au 1er avril 1958 on avait déjà dépassé lesobjectifs prévus pour la République Fédérale où, avec un versement de 72.936.905marks (17.366.000 dollars) on avait financé la construction de 12.870 habitations.Le quota de la Haute Autorité représentait les 26% du coût total de l’opération (soitplus de 67 millions de dollars), tandis que les autres fonds nécessaires furent verséspar les gouvernements des Länder (37% du total), par les entreprises (27%) et pard’autres sujets (10%). 61 En Italie, on avait prévu la construction de 2.500 logements:pour les premiers 500, la Haute Autorité et la Banca Nazionale del Lavoroversèrent 350 millions de lires chacune (2.400.000 dollars au total) aux IstitutiAutonomi per le Case Popolari, qui couvraient environ 50% de la dépense totale;pour les autres 2.000 constructions, le Luxembourg affecta des crédits à moyenterme, venant de plusieurs sources, pour environ 3.400.000 dollars. 62Le tableau 9 exprime l’état des travaux du deuxième programme de crédits au1er avril 1958, quand les plans français, belges et luxembourgeois n’étaient pasencore disponibles. A ce moment là, parmi les quelque 38.000 logements prévus autotal par les quatre programmes dont on a parlé jusqu’ici (les deux programmes60. Ibid.61. Ibid.62. Ibid.

82 Lorenzo MECHIexpérimentaux et les deux programmes de crédits), un peu moins de 12.000 unitésétaient déjà achevées, et presque 19.000 autres avaient été financés et se trouvaienten phase de préparation ou de construction. Bien que cela ne pût pas représenter lasolution du problème de logement de la Communauté, il s’agissait tout de mêmed’un résultat important qui constituait, peut être, le meilleur exemple de l’engagementsocial de la Haute Autorité et, par conséquent, un excellent moyen pour rallierles travailleurs à l’idée européenne. On cherchait donc de donner à ces réalisationsde la CECA la plus grande publicité possible, en utilisant les formes les plus diverses:par exemple, en octobre 1957, avait été transmise en «Eurovision» la fêted’inauguration de la dix millième maison ouvrière. 63Il est intéressant, en relation avec l’action de la CECA dans le secteur du bâtimentpopulaire, d’insister sur l’empressement de l’organe consultatif de la Communauté,l’Assemblée Commune, à prendre les devants dans tous les domaines d’unecertaine importance sociale, soit en poussant la Haute Autorité à entreprendre desactions toujours plus incisives, soit en exerçant des pressions sur les hommes deLuxembourg pour leur faire mettre en œuvre, au plus tôt, les grands programmes deconstruction. Les membres de la Commission pour les Affaires Sociales del’Assemblée estimaient en effet que la réalisation de logements pour les travailleursrevêtait une grande importance à tous les point de vue, et ils en exprimèrent lesmotivations dans plusieurs déclarations officielles. Ces motivations, en rappelant eten étendant ce qu’on a déjà dit au début de cet article, pouvaient être résumées parles points suivants:1. l’aspect économique: la construction des maisons ouvrières avait un effetpositif car elle contribuait à la stabilisation de la main-d’œuvre et, par conséquent,à l’augmentation de la productivité. Dans l’industrie minière allemande,par exemple, le taux de rechange de la main-d’œuvre était très élevé,et entraînait parfois de graves difficultés pour les entreprises, soit en matièred’élaboration des programmes de développement, soit par la pure et simplepénurie de personnel. La syndicat de la Deutsche Gewerkschaftsbund(DGB), ayant compris que la cause des fréquents abandons résidait essentiellementdans le faible niveau de vie des mineurs, et en particulier dans lemanque de logements, demandait sans cesse aux autorités d’intervenir pouraméliorer la situation; 642. l’aspect social: évidemment, étant donnée la grave pénurie de logements,l’amélioration générale des conditions d’habitation entraînerait un effet destabilisation sociale;3. l’aspect juridique: la Haute Autorité aurait respecté le but qui lui était assignéà l’article 3 du Traité;4. l’aspect moral: selon certains membres de la Commission des AffairesSociales il s’agissait de «résoudre un problème surtout humain»;63. Service d’information, Note pour Messieurs Moons et Danis, 15 avril 1957, in: AHCE CEAB 11/4782.64. Note à l’attention du Secrétariat du Conseil Spécial des Ministres, 19 juin 1954, in: AHCE CEAB1/1650.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 835. l’aspect politique: comme il a déjà été dit, on pensait qu’une politique activeen matière de maisons ouvrières, permettrait de convaincre l’opinion publiquede l’importance de la Communauté, et contribuerait ainsi à diffuser unsentiment favorable à l’intégration européenne. 65l’Assemblée accueillit donc avec plaisir toutes les initiatives de la Haute Autorité, etsouvent arriva même à en critiquer l’étroitesse des objectifs. On peut par exemple citerl’épisode consécutif à la conclusion du prêt américain d’avril 1954, lorsque les disponibilitésfinancières obligèrent Monnet de procéder à une réduction à 20.000-25.000 maisonspar année (ce nombre fut encore comprimé par la suite), alors que son projet initialavait parlé de 50.000 à 60.000 unités. Or, à cette occasion, la Commission des AffairesSociales attaqua la Haute Autorité avec une grande aigreur. 66 Aussi la prise de positionde l’Assemblée produisit-elle de l’effet: en mars 1955, la Commission, avec un rapportrédigé par le représentant social-démocrate allemand Birkelbach, talonna la HauteAutorité de mettre en route un nouveau programme expérimental 67 (le premier étantencore en cours). A cette occasion il répéta son invitation avec une résolution officiellele 13 mai; 68 8 le programme, comme nous savons déjà, ne fut proposé par les Divisionsdes Finances et des Problèmes du Travail qu’une année plus tard, et il ne fut commencéqu’en 1957. Les membres de la Haute Autorité, qui à plusieurs reprises exprimèrentleur propre orgueil pour les œuvres achevées dans les secteur d’importance sociale,endossaient donc un rôle «conservateur» à l’intérieur des relations entre les institutionscommunautaires, et étaient obligés, parfois, de retenir les «enthousiasmes» del’Assemblée Commune. Les représentants de cette dernière se montraient en effet trèsintransigeants sur chaque détail: dans un rapport présenté par le socialiste français Vanrullenen avril 1956, la Commission des Affaires Sociales, tout en se déclarant satisfaitede l’état des travaux du 1er programme expérimental et de la décision de l’Autorité d’enmettre en œuvre un deuxième, exprima des critiques sur l’absence d’informations surles plans de construction en cours dans chaque Etat et, par conséquent, sur l’impossibilitéd’arriver à connaître avec précision les besoins réels de la Communauté. La Commissiondemanda donc à la Haute Autorité d’établir, en collaboration avec les gouvernementsdes six pays, un programme pour l’élimination de toutes les baraques oùrésidaient encore des travailleurs du fer et du charbon, et pour leur substitution, dans lesplus brefs délais, par des habitations de bonne qualité. 69 Les mêmes demandes furentconfirmées par une résolution adoptée en juin de la même année. 7065. B. LEUVREY, Quelle politique sociale pour l’Europe du Plan Schuman? ..., op.cit.66. Ibid.67. Assemblée Commune, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires Sociales sur les problèmesparticuliers liés à la construction d’habitations ouvrières ainsi qu’à l’amélioration et à l’égalisationdes conditions de vie et de travail; par M.W. Birkelbach rapporteur, mars 1955, in: AHCECEAB 11/31.68. Résolution relative aux questions sociales adoptée par l’Assemblée Commune en sa séance du 13mai 1955, in: AHCE CEAB 1/1820.69. Relazione presentata dall’On. E. Vanrullen sul capitolo VII della Quarta Relazione generalesull’attività della Comunità (11 aprile 1955- 8 aprile 1956), in: AHCE CEAB 11/34.70. Assemblée Commune, Résolution sur les questions sociales, 22 juin 1956, in: AHCE CEAB 1/1828.

84 Lorenzo MECH1Tableau 10:Les programmes de construction de la CECA de 1954 à1979Année de lancementProgramme1954: 1 er programme expérimental1954: 1 er programme de crédits1956: 2 ème programme expérimental1956: 2 ème programme de crédits1958: 3*me programme de crédits1961: 4 ème programme de crédits1962: 5 ème programme de crédits1965: 6 ème programme de crédits1969: 7 ème programme de crédits1969: 3 ème programme expérimental1974: 8 ème programme de crédits1976: Programme extraordinaire pour leFriuli

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 85Tableau 11:Financement des 8 programmes de crédits de la CECA - Etat au 31/12/1979 (en %)Moyens de la CommunautéMoyenscomplémntairesAidetotaleAutressourcesCoûttotalPaysRessourcesFondsd’empruntAllemagne5,970,9711,8218,7681,24100Belgique10,4722,202,2234,8965,11100Danemark14,76—6,2421,0079,00100France10,950,106,0017,0582,95100Irlande26,20—21,6947,8952,11100Italie19,7419,838,9748,5451,46100Luxembourg15,726,1412,1434,0165,99100Pays-Bas11,482,7310,7824,9975,01100Royaume Uni24,52—18,4142,9357,07100CECA8,783,0210,2122,0177,99100Source: CECA, CEE, CEEA: Commission: Exposé sur l’évolution socialedans les Communautés en 1979Les programmes de construction continuèrent sans interruption au cours des annéessuivantes: à la fin des années 1970 on en avait achevé huit, en sus des 3 programmesexpérimentaux et d’un programme à caractère extraordinaire déclenché en1976 pour la réparation et la reconstruction des logements des ouvriers sidérurgiquesdu Friuli qui avaient été endommagés par le tremblement de terre. La chronologiedes programmes jusqu’en 1979, année pendant laquelle fut entamé le neuvième,est reproduite au tableau 10. Relevons à ce propos quelques aspectsintéressants qui montrent une évolution dans l’action de la Haute Autorité, surtout àpartir de 1969, l’année du 3e programme expérimental. Dans ce cadre, l’attentionportait en particulier sur la modernisation des logements existants, une question quis’était révélée importante depuis les premières études, mais qui n’avait jamais étéabordée faute de moyens financiers quasi intégralement absorbés par les constructionsnouvelles. Par analogie avec les premières expériences des années ’50, le butdu programme recherchait «des procédés nouveaux et industrialisés visant à améliorerla productivité, à réduire les temps des travaux de modernisation, à économiserla main-d’œuvre qualifiée et à baisser le coût du travail». Un autre aspect de la

86 Lorenzo MECHInouvelle méthode fut le début, à l’intérieur du 7e programme de crédits, de l’achat,de la part de la Communauté, de bâtiments déjà édifiés. 71En ce qui concerne la composition des coûts, et en particulier le quota de financementde la Haute Autorité, il est reproduit au tableau 11, qui montre comment lesgrands écarts relevés au cours des premiers programmes se retrouvent égalementpour les années suivantes, et se révèlent même encore plus vastes. La colonne relativeau quota total d’aide communautaire apparaît particulièrement intéressante, carl’incidence varie de 17-18% des dépenses pour les constructions en Allemagne eten France, jusqu’à presque le 50% pour celles en Italie et en Irlande, fait qui dénoteprobablement les conditions très diverses des marchés intérieurs des capitaux. Sansvouloir s’aventurer dans des explications techniques, on peut tout de même affirmerque les susdites différences sont un signe de flexibilité de la Haute Autorité et de sacapacité, respectivement de sa volonté à s’adapter aux situations les plus disparates.Tableau 12:Situation générale au 31/12/1979 (Nombre de logements)PaysFinancésEn préparationEn constructionAchevésAllemagne97.1452.2961.37293.477Belgique8.3501452157.990Danemark5353510490France34.1452.06472131.360Irlande21124—187Italie8.3152517897.275Luxembourg1.28321521.210Pays-Bas5.9731311065.736Royaume Uni9.5541.5872797.688CECA165.5116.5543.544155.413Source: CECA, CEE, CEEA: Commission: Exposé sur l’évolution sociale dansles Communautés en 1979Le tableau 12 reproduit enfin la situation globale des constructions de la CECA fin1979 (les huit programmes de crédits et les trois programmes expérimentaux). Acette date, on avait déjà achevé environ 155.000 logements dont - abstraction faite71. CECA, CEE, CEEA, Commissioner 4a Relazione Generale sull’attività della Comunità nel 1970,février 1971.

l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrières 87des variations d’un programme à l’autre - plus du tiers en moyenne étaient devenuspropriété des travailleurs. La distribution par pays reflétait environ les proportionsrelevées pour les premières expériences, et voyait environ 60% des constructionsachevées en Allemagne et 20% en France. Le quota de l’Italie s’avère, tout comptefait, supérieur à celui relevé au cours des premiers programmes des années ’50, cequi probablement reflète la croissance de l’industrie sidérurgique dans les périodessuivantes. l’autre fait qui apparaît tout de même surprenant est celui que les réalisationsen Italie égalent plus ou moins celles du Royaume-Uni, alors que ce dernierpays est devenu membre de la Communauté en 1973 seulement. Il est vrai que lesdimensions de son industrie lourde donnaient à la Grande Bretagne le droit de jouirdes financements de la CECA, dans une mesure à peine inférieure à celle de l’Allemagne,mais il est possible que les différentes capacités «contractuelles» des deuxpays aient contribué à créer une telle situation. Du reste, si on examine à nouveaul’état des travaux en 1958 du premier programme de crédits, reproduit dans letableau 7, on voit bien que, depuis lors, les autorités italiennes trouvaient des difficultéspour profiter des occasions offertes par la CECA, fait qui, éventuellement,peut en expliquer la faiblesse même au stade décisionnel, au moment de la répartitiondes fonds. La triste «tradition» qui voit dans la péninsule le pire utilisateur desaides communautaires, commence peut-être, exactement, avec les premières expériencesde la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier; cette considérationest, du reste, confirmée même par les vicissitudes relatives à d’autres aspects,comme les opérations de réadaptation des travailleurs et de reconversion industrielle.72 Si pour le cas du premier programme de financements le délai est en partiejustifié par les difficultés du marché intérieur des capitaux, dont les hauts tauxd’intérêt les plus élevés de toute l’Europe Occidentale, obligèrent les autorités àutiliser les fonds d’institutions para-étatiques, il est tout de même symptomatique,de façon plus générale, que les membres de la Haute Autorité eux-mêmes se soientplaints du «degré d’anarchie qui existe dans l’administration publique italienne». 73De ce point de vue, l’expérience des maisons ouvrières ne fait que souligner,comme dans tous les autres cas de mise à disposition de fonds par les institutionseuropéennes, que de telles opportunités ne signifiaient aucunement une réalisationautomatique des projets, mais elles exigeaient aussi la présence de rouages administratifscapables de profiter des occasions offertes. La cause des grandes différencesentre les réalisations dans les six pays n’est donc pas à rechercher dans les critèresde répartition des fonds, mais, probablement, dans les divers niveauxd’efficacité des bureaucraties nationales!72. L. MECHI, Una vocazione sociale? l’azione dell’Alta Autorità della CECA a favore dei lavoratori..., op.cit.73. Haute Autorité, Division Finances, Note a Monsieur Delouvrier; Objet: Prêts maisons ouvrières enItalie, 16 septembre 1955, AHCE CEAB 11/2351.

88 Lorenzo MECHIConclusionEn essayant de donner une évaluation générale, on doit attribuer au travail fait parla Haute Autorité dans le secteur des maisons ouvrières une importance considérable:si, comme il a déjà été dit, il ne constitua pas la solution du problème des logementsdont l’Europe souffrait depuis la fin de la guerre, il démontra, peut-être plusque toutes les autres actions, les possibilités que la Communauté pouvait offrir pouraméliorer réellement les conditions de vie de la main-d’œuvre. Il faut en outre rappelerque les programmes de construction de l’Autorité, et en particulier ceux àcaractère expérimental, constituèrent un important moyen pour l’étude des techniquesde construction et, surtout, sur les possibilités de réduction des coûts, unaspect très important dans les pays où les dépenses d’édification des logementsétaient fort élevées. Ces recherches eurent aussi une importance remarquable car,étant conduites par les six pays en collaboration avec une institution supranationale,elles donnèrent des résultats sans doute plus rapides par rapport aux étudesfaites par les Etats individuellement, pour qui les possibilités de comparaisonauraient été déficientes. Même la diffusion des résultats fut décidément plus rapideet efficace par rapport à d’éventuelles situations d’«autarcie». Donc, si on considèreque certains des objectifs initiaux de la Communauté, surtout en matière purementéconomique, furent abandonnés peu de temps après sa création, 74 et quemême dans certains secteurs d’importance sociale les faillites alternaient avec lessuccès, la constance des résultats positifs obtenus dans la construction des maisonsouvrières nous pousse à la considérer comme une des expériences plus réussiesparmi les activités de la CECA.Lorenzo MechiUniversité de Florence74. Voir, par exemple, les vicissitudes relatives à la décartellisation de la Ruhr: W. DIEBOLD, op.cit.;J. GILLINGHAM, op.cit.; R. POIDEVIN, D. SPIERENBURG, op.cit.

Geburtshelfer Europas?Der Einfluß der USA auf die Entwicklung des europäischenIntegrationsprozesses wird oft als gering eingeschätzt.Die Studie setzt sich kritisch mit dieser Annahme auseinanderund präsentiert neue Erkenntnisse zur Rolleder Vereinigten Staaten bei der Schaffung eines geeinten,wirtschaftlich starken Westeuropas. Demzufolgewirkte die amerikanische Europapolitik nicht nur alsKatalysator für die europäischen Integrationsbestrebungen,sondern spielten die USA im Hintergrund derVerhandlungen zu EGKS, EVG, EWG und Euratomeine entscheidende Rolle als Moderator und Makler.Darüber hinaus zeigt die Verfasserin, daß nicht, wie oftvermutet, in erster Linie wirtschaftliche, sondernsicherheitspolitische Interessen die US-amerikanischePolitik bestimmten. Herausragendes Interesse war dieSchaffung einer dauerhaften Friedensordnung undeines gleichgewichtigen Partners in Weltpolitik undWeltwirtschaft. Für diese Ziele war Washington sogarbereit, wirtschaftliche Nachteile in Kauf zu nehmen.Die Arbeit richtet sich an alle an Fragen dereuropäisch-atlantischen Beziehungen und der europäischenIntegration Interessierte.Die Verfasserin ist Professorin für InternationalePolitik an der Technischen Universität Chemnitz.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

50 Jahre EuroparatDer Straßburger Europarat symbolisiert mit seinen41 Mitgliedstaaten das »Größere Europa«. Seit 1949hat er wichtige Beiträge zur Einigung Europas undzur internationalen Verständigung geleistet.Dieser praxisbezogene Sammelband verdeutlicht,daß der Europarat mit den über 170 Konventioneneine differenzierte Integration ermöglicht hat undauch zukünftig das europäische Haus mitgestaltenwird.Die Beiträge der ersten beiden Teile betrachten denEuroparat insgesamt, verbinden Geschichte und Perspektiveund arbeiten die Bedeutung seiner ParlamentarischenVersammlung als treibende Kraft undMotor heraus. Der dritte Teil widmet sich dem zentralenArbeitsbereich des Europarats »Demokratieund Menschenrechte«. Im vierten Teil wird dieBedeutung des Europarats für Mitgliedsländer undseine Rolle als internationaler Akteur analysiert.Im Anhang finden sich wichtige Dokumente - so dieBeschlüsse der zwei Gipfelkonferenzen des Europarats- und eine Zeittafel.Zu den Autorinnen und Autoren zählen hochrangigeAbgeordnete und Mitglieder der Europaratsadministration,der ständige Vertreter Deutschlands inStraßburg sowie Wissenschaftler der UniversitätBonn.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

91Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitiknach dem Scheitern der EVGRalf MAGAGNOLIAls am 30. August das „Drama der EVG“ mit der Abstimmung in der französischen Nationalversammlungendete, war man in Rom keineswegs überrascht. Nach dem Scheitern derBrüsseler Konferenz infolge der Ablehnung des französischen Anwendungsprotokollsdurch die anderen EVG-Signatarstaaten 1 hatte sich innerhalb der außenpolitischen FührungItaliens die Überzeugung durchgesetzt, daß damit keine Realisierungschancen mehr für dieEVG bestünden. Obwohl die EVG nach dem Mißlingen der Verhandlungen über eine EuropäischePolitische Gemeinschaft 2 zumindest aus italienischer Sicht ihren integrationspolitischenSinn weitgehend eingebüßt hatte, wurde das Scheitern der EVG als schwerer Rückschlagfür die Einigungspolitik betrachtet. Hinzu kam, daß mit der EVG das Forum beseitigtwar, das einen deutschen Wehrbeitrag für den Westen ermöglichen sollte. Nicht nur diemaßgeblichen italienischen Politiker und Diplomaten befürchteten Gefahren für denZusammenhalt des westlichen Bündnisses. 3 Italien, das den EVG-Vertrag nicht ratifizierthatte, befand sich in einer besonders schwierigen Lage und sah sich möglichen StrafmaßnahmenWashingtons ausgesetzt. 4 Daher hatten die italienischen Verantwortlichen größtesInteresse an der schnellen Beilegung 1. der Krise im westlichen Bündnis durch eine Lösungder wieder offen gewordenen Frage der deutschen Wiederbewaffhung; 2. der Krise in derEuropäischen Einigungspolitik. Kurzfristig beschränkte sich Rom auf ein Krisenmanagement,das darauf abzielte, eine Beeinträchtigung der bestehenden Integrationsforen zu verhindern.Mittel- und langfristig aber stellte sich die Frage, wie der durch das Scheitern derEPG und der EVG unterbrochene Einigungsprozeß wieder in Gang gesetzt werden konnte.Dabei konnte sich Italien aufgrund der ausgebliebenen Ratifizierung des EVG-Vertragswerksweder erlauben, eigene Initiativen zu entwickeln noch sich Initiativen anderer Regierungengegenüber zu verschließen. 51. Zur Geschichte der EVG siehe E. FURSDON, The European Defence Community: A History.London 1980; A. CLESSE, Le projet de C.E.D. du Plan Pleven au „crime“ du 30 août: histoired’un malentendu européen, Baden-Baden 1989.2. Zum EPG-Projekt siehe vor allem D. PREDA, Sulla Soglia dell’Unione. La vicenda della Comunità Politica Europea(1952-1954). Mailand 1994; dazu auch A. VARSORI, l’azione diplomatica italiana dal fallimento della CED all’islituzjonedella UEO (1954-1955), in: P. GUILLEN (Hrsg.), La France et l’Italie dans les années cinquante, Grenoble,1988, S. 63-94 ; R T. GRIFFITHS, Europe’s First Constitution. The European Political Community, 1952-1954, in:S. MARVIN (Hrsg.), The Construction of Europe. Essays in Honour of Emile Noel London 1994, S. 3-31; ders. undA. S. MILWARD, The Beyen Plan and the European Political Community, in:W. MAIHOFER (Hrsg.), Noi si mura.Florenz 1986, S. 596-621; R. CARDOZO, The Project for a Political Community (1952-54), in: R. PRYCE (Hrsg.),The Dynamics of European Union, London/New York/Sidney 1987. S. 49-77.3. ASMAE, Fondo Versamento CED (im folgenden abgekürzt Fondo V.C.), Bd.28, Telespr. Nr. 10/543, Bombassei an MAE; 1. September 1954.4. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 27, Telegr. Nr. 10545, Tarchiani an MAE; 24. August 1954.5. Zur Problematik der italienischen Ratifizierungsdebatte siehe R. MAGAGNOLI, Italien und dieEuropäische Verteidigungsgemeinschaft. Zwischen europäischem Credo und nationaler Machtpolitik,Frankfurt a.M./Berlin/ Bern/New York/Paris/Wien 1999, S. 149-175 und S. 263-278.

92 Ralf MAGAGNOLII. Der ungeliebte Eden-PlanDer britische Vorschlag zur Einberufung einer Neun-Mächte-Konferenz, an der neben densechs Signatarstaaten des EVG-Vertrages auch Großbritannien, die USA und Kanada teilnehmensollten, wurde von der italienischen Regierung „ohne großen Enthusiasmus“ angenommen.6 Obwohl der Vorschlag eine italienische Beteiligung an der Lösung der bestehendenProbleme zumindest formell gewährleistete, befürchtete Rom wegen desursprünglichen britischen Zeitplans eine ungenügende Vorbereitung und ein daraus resultierendesScheitern der Konferenz. 7 Entscheidender für den mangelnden Enthusiasmus aberwar das Mißtrauen gegenüber den Intentionen der britischen Regierung. Diese bestandennach britischer Auffassung darin, „die Initiative in die Hand zu nehmen, um die eigene Führungin Europa auszubauen, die durch die Entwicklung in der Europapolitik geschwächtworden war“. 8 Außerdem gingen die Verantwortlichen von einer britisch-französischen Kollusionaus, die durch das Treffen von Chartwell 9 und das anschließende Verhalten des französischenRegierungschefs Mendès-France bestätigt zu sein schien. Dem Eden-Plan (EintrittDeutschlands und Italiens in einen reaktivierten Brüsseler Pakt, in dessen Rahmen dieKontrolle des deutschen Militärpotentials erfolgen sollte, und gleichzeitiger BeitrittDeutschlands zur NATO), 10 als Grundlage der Regierungsberatungen, stand man italienischerseitsablehnend gegenüber. Außenminister Piccioni hatte bereits drei Tage nach demdefinitiven Ende der EVG hervorgehoben, daß Italien an einer „kleinen NATO“ (der sechsEVG-Staaten plus Großbritannien) innerhalb der NATO nicht interessiert sei; VerteidigungsministerTaviani hatte während seines London-Aufenthalts den britischen Gesprächspartnernseine Abneigung gegen eine „Militärallianz ohne Supranationalität“ gezeigt 11Für den Widerwillen Roms gegenüber einer Siebener-Gemeinschaft unter EinschlußGroßbritanniens waren mehrere Faktoren ausschlaggebend. Die Anhänger derEVG innerhalb der italienischen Führung hielten eine Beeinträchtigung des weiterenIntegrationsprozesses für wahrscheinlich und hielten die Verlagerung des politischenAkzents auf den militärischen für bedenklich. In militärischen Kreisen befürchtete mandie Entwicklung einer britisch-französischen Standing Group innerhalb der neuen Allianz.Diese, so die Erwartung, werde eine Erweiterung bestehenden Standing Group derNATO um Italien und Deutschland verhindern, während die neue Organisation als6. Vgl. A. VARSORI, l’ltalia fra Alleanza atlantica e CED (1949-1955), in: E. Di NOLFO u.a. (Hrsg.),l’Italia e la politica di potenza in Europa (1950-60), Settimo Milanese 1992, S. 587-623, hier S. 615.7. Ähnlich war auch die Einschätzung der amerikanischen Regierung. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 24,Nr. 13247, Tarchiani an Piccioni; 9. September 1954.8. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Vermerk der DGCI; 6. September 1954.9. Vgl. A. CANNATA, Dalla CED all’UEO, in: E. Di NOLFO u.a. (Hrsg.), Politica di potenza(1950-60), a.a.O., S. 755-773.10. Zum Eden-Plan grundlegend B. THOß, Der Beitritt der Bundesrepublik Deutschland zur WEU undNATO im Spannungsfeld von Blockbildung und Entspannung (1954-1956); in: MilitärgeschichtlichesForschungsamt (Hrsg.), Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956, Bd.3, München 1993, S.1-234, hier S. 19ff.11. Vgl. P. E. TAVIANI, I giorni di Trieste. Diario. 15 agosto 1953 - 4 novembre 1954, in: Civitas.Anno 1993 (IV), n. 4, S. 106-107.

Der schwierige Wee zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 93überflüssiges Duplikat der NATO deren Funktionieren behindern. 12 Schließlich verwiesRom darauf, daß die Verteidigung Italiens bereits durch die NATO sichergestellt sei. 13Staatssekretär Benvenuti vom Außenministerium, ein Anhänger des EVG-Projekts, sahim britischen Plan zwei Hauptgefahren:„... a) die Renaissance einer ‚Entente cordiale‘ als wesentlicher Bestandteil einer Siebener-Allianz,in der wir nichts als eine Zugabe sind. Eine Achse Paris - London wäre versucht(...), die Funktion einer Dritten Kraft zwischen Amerika und dem Sowjetblock auszuüben(...); b) (...) die Schaffung einer Trennwand zwischen uns und den VereinigtenStaaten, die dazu führt, daß wir unsere Handlungsfreiheit auf bilateraler italienisch-amerikanischerEbene den Erfordernissen des neuen europäischen Systems unter anglo-französischerVorherrschaft unterordnen müssen“. 14Eine Arbeitsgruppe des Außenministeriums unter Leitung hochrangiger Diplomaten bekräftigtedie Ablehnung einer Siebener-Gemeinschaft, sprach sich gegen die Errichtung neuerOrganisationen zur Kontrolle des militärischen Potentials Deutschlands aus und plädierte füreinen deutschen NATO-Beitritt sowie für eine Stärkung der bestehenden europäischenOrganisationen EGKS und Europarat. Die Lösung des deutschen Problems dürfe keine Elementeumfassen, die eine sine die Verschiebung der Wiederbewaffnung Deutschlands, eineAushöhlung des Atiantikpakts oder eine de facto Diskriminierung Italiens und Deutschlands.15 Dennoch sah sich die italienische Führung gezwungen, den mit wenig Sympathiegesehenen Eden-Plan als Verhandlungsgrundlage anzunehmen. Schließlich lag nach allgemeinemDafürhalten der „Schlüssel für eine Lösung bei England“. So begrüßten MinisterpräsidentScelba und sein Außenminister Piccioni gegenüber dem britischen AußenministerEden die „glückliche Initiative der britischen Regierung“. Während Scelba eine diskreteUnterstützung des britischen Plans durch ein Einwirken auf die Christdemokraten in Frankreichversprach, 16 zeigte sich Piccioni weniger entgegenkommend und verlangte für die italienischeUnterstützung den Ausbau der bestehenden europäischen Institutionen sowie dieEingliederung des Brüsseler Pakts in den Rahmen dieser Institutionen. 17Auf noch größere Vorbehalte stießen die Vorschläge des französischen Memorandumsvom 18. September. 18 Kritisiert wurde vor allem der Vorschlag einer faktischen supranationalenRüstungsagentur. 19 Eine solche Rüstungsagentur bedeutete nach italienischer12. ASMAE. Fondo V.C., Bd. 24, Segr.. Nr. 21/2271, Vermerk Magistratis an den Minister: „Conferenzadi Londra e Conferenza Atlantica“; 8. September 1954.13. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 24, Ris., Nr. 15490/1967, Babuscio Rizzo an Außenministen 9. September 1954.14. ASMAE, Fondo DG AP. Bd. 331. Memorandum Benvenutis: „Circa la soluzione di ricambio“: 13.September 1954.15. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 24. Segr.. Nr. 21/2298, Protokoll der Sitzung vom 10. September 1954:11. September 1954.16. ASMAE. Fondo V.C., Bd. 26, Vermerk: „Colloquio del Presidente del Consiglio on. Scelba con ilMinistre per gli Affari Esteri di Gran Bretagna, Signor Eden“, undatiert.17. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 26, Segr., Nr. 21/2320, Protokoll der englisch-italienischen Gesprächevon Rom (Villa Madama, 14 settembre 1954); 14. September 1954.18. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 24, Nr. 2377, Vermerk: „Conversazione fra il Presidente del Consiglioe l’ambasciatore francese“; 18. September 1954.19. Zur Rüstungsagentur siehe grundlegend E. Calandri, The Western European Armaments Pool:France’s Quest for Security and European Cooperation in Transition 1951-1955, in: Journal ofEuropean Integration History, Nr. 1, 1995, S. 37-63, besonders S.43ff.

94 Ralf MAGAGNOLIEinschätzung eine Verstärkung der Rüstungskontrollen gegenüber dem EVG-Konzept,ohne daß es dabei einen konkreten Anfangstermin für eine reale Integration gegebenhätte. Des weiteren wären durch das Kriterium der geographisch exponierten ZonenFrankreich und Großbritannien aus dem Kontrollsystem ausgeklammert. 20 Eine Nichteinbeziehungder Vereinigten Staaten aus den Kontrollorganen wurde wegen der Möglichkeiteiner „fortgesetzten französischen Erpressung“ und eines eventuellen Wiederauflebensdes Gedankens der „Dritten Kraft“ in Italien abgelehnt, 21 während in eventuellenRüstungsbeschränkungen für Italien vor allem die politische und psychologische Gefahreiner Gleichbehandlung mit Deutschland gesehen wurde. 22Anders als die Abteilungen des italienischen Außenministeriums nahmen die meisten italienischenBotschafter in den westlichen Hauptstädten eine offenere Haltung gegenüber Eden-Planund französischem Memorandum ein. 23 Der italienische Botschafter in Frankreich, Quaroni,hatte nach der Präsentation des französischen Memorandums schon dafür plädiert, „für alle aufVersöhnung und Adjustierung ausgerichteten Initiativen offen zu sein, aber beim Fällen radikalerEntscheidungen die Verantwortung anderen zu überlassen“. 24 Nach einem Gespräch mit demGeneralsekretär des Quai d’Orsay, Parodi, wandte er sich gegen etwaige italienische Versuche,die französischen Vorschläge zurückzuweisen oder abzumildern. 25 Die Botschafter in Brüssel undLondon, Grazzi und Brosio hielten eine Weiterentwicklung des Brüsseler Pakts und der Rüstungsagenturzu Elementen der europäischen Integration für möglich. Brosio zufolge „befriedigte derPlan Mendès-France wichtige und besondere Interessen unsererseits und verletzte einige wenigerwichtige“. 26 Grazzi wollte den „kooperativen Charakter“ des EVG-Vertrages auch auf die künftigenVerträge ausgedehntwissen. Es liege an Italien, „darüber zu wachen, daß ein solcher Inhaltmit einer Betonung der wirtschaftlichen und sozialen Dimension mit der Zeit (...) eine Realitätwird, anstatt zu den Akten gelegt zu werden “ 27 Die Überlegungen der beiden Botschafter fandenim Palazzo Chigi, dem Sitz des italienischen Außenministeriums, Gehör. Dort wollte man mittlerweile „auf diplomatischer Ebene Druck auszuüben, um die europäische Sache am Leben zuerhalten“. Zugleich erwog man sogar, die französischen Pläne im Gegenzug für eine französischeUnterstützung beim Ausbau des Brüsseler Pakts zu einer auch wirtschaftlichen, sozialen undkulturellen Organisation zu unterstützen20. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 30, Segr., Vermerk der DGCI: „Alcune osservazioni critiche circa ilprogetto francese presentato il 18 settembre 1954“; undatiert.21. Der Generalsekretär des italienischen Außenministeriums Graf Zoppi brachte das italienische Desinteressean einem Kontrollorgan ohne Mitwirkung der Vereinigten Staaten gegenüber BotschafterFouques-Duparc klar zum Ausdruck. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 28, Vermerk Zoppis an S.E. denMinister: „Colloquio con l’Ambasciatore di Francia“; 22. September 1954.22. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Vermerk: „Osservazioni sul Piano Eden e sul Memorandum diMendès-France“; 22. September 1954.23. Eine Ausnahme war Botschafter Babuscio Rizzo in Bonn, der seine negative Einstellung zumEden-Plan bekräftigte, aber zugab, daß Italien eine nur unzureichende Handlungsfreiheit besitzeund zur grundsätzlichen Annahme des Plans gezwungen sei. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Nr.12112, Babuscio Rizzo an MAE; 23. September 1954.24. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 24, Ris., Nr. 1313, Quaroni an MAE; 18. September 1954.25. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, 865-866-867, „Copia del telegramma pervenuto dall’Ambasciata inParigi in data 18 Settembre 1954“; segreto non diramare.26. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Segr., Nr. 4020/2047, Brosio an Martino; 21. September 1954.27. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Nr. 3914/1909, Grazzi an Martino; 23. September 1954.

Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 95Im Vorfeld der Londoner Konferenz legte Ministerpräsident Scelba am 25. September1954 im Senat die grundlegenden Prinzipien für die Strategie des Westens nach dem Fehlschlagbei der EVG dar: 1. Gleichheit zwischen Siegern und Besiegten; 2. nicht nur militärische,sondern auch politische und wirtschaftliche Solidarität; 3. Teilnahme Deutschlands ander Verteidigung des Westens; 4. Verstärkung der britischen Präsenz in Westeuropa; 5. Aufrechterhaltungder Bindung an die Vereinigten Staaten. 28 Die Verschwommenheit der Formulierungenbelegte, daß Rom keineswegs daran dachte, die Fortsetzung des Einigungsprozesseszu einer conditio sine qua non für eine italienische Zustimmung zu machen. Eine harte Haltungder Italiener wäre allerdings angesichts der schwachen Verhandlungsposition kaum möglichgewesen, zumal die Überzeugung vorherrschte, „ein Mißlingen der Londoner Konferenzum jeden Preis“ verhindern zu müssen. 29 Außerdem konzentrierte sich die italienische Diplomatieauf die parallel dazu verlaufenden Verhandlungen über eine endgültige Lösung der Triestfrage,war also auf das Entgegenkommen der Amerikaner und Briten angewiesen. 30II. Die Gründung der WEUAuf der am 28. September 1954 in London beginnenden Neun-Mächte-Konferenz spieltedie italienische Delegation unter der Leitung des neuernannten Außenministers Maitino einenur untergeordnete Rolle. Gemäß ihrer bisherigen Linie bemühten sich die Italiener in einervon Mißtrauen gegen den französischen Ministerpräsidenten Mendès-France gekennzeichnetenAtmosphäre zu Konferenzbeginn um Vermittlung und Ausgleich. 311 Die für die Italienerüberraschende britische Konzession, per Mehrheitsvotum über die britische Truppenpräsenzin Westeuropa zu befinden, wurde von den Italienern positiv aufgenommen. Ebensodie vom amerikanischen Außenminister Dulles schließlich eingeräumte Übertragung der fürdie EVG geltenden Garantien auf den Brüsseler Pakt Über die Frage der Rüstungsagenturkam es zu heftigen Auseinandersetzungen zwischen Franzosen, die für eine umfassendePlanifikation durch die Rüstungsagentur eintraten, und den Beneluxstaaten, die sich entschiedengegen die französischen Pläne verwahrten und dabei auch von den Amerikanernunterstützt wurden. 32 Die von Paris beabsichtigte Ausdehnung der Kompetenzen derRüstungsagentur auf Ausrüstung, Rüstungsproduktion und Verteilung der amerikanischenHilfen war auch für die italienische Delegation inakzeptabel. Diese nahm an, das Projekt zueiner Privilegierung der französischen Industrie führen. 33 Martino lehnte, obwohl im Tonkonzilianter, ebenso wie seine Benelux-Kollegen das französische Projekt ab. 34 Ein möglichgewordenes Scheitern der Konferenz konnte nur durch die Vertagung dieser Frage und den28. Vgl. Annuario di Politica Internazionale 1954, S.837.29. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Segr., Nr. 13973, Tarchiani an Martino: 23. September 1954.30. Zu den abschließenden Verhandlungen siehe P. E. TAVIANI, I giorni, a.a.O.. S. 106-112.31. Zur Londoner Konferenz siehe P. NOACK, Das Scheitern der Europäischen Verteidigungsgemeinschaft.Entscheidungsprozesse vor und nach dem 30. August 1954, Düsseldorf 1977, S. 112ff.32. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Vermerk: „Riassunto della Conferenza di Londra“; 4. Oktober 1954.33. Vgl. E. CALANDRI, The Armaments Pool, a.a.O.. S. 45.34. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Riservatissimo, Nr. 21/2446, Vermerk der DGCI bezüglich der Neun-Staaten-Konferenzzur Kooperation des Westens (London, Lancaster House 28. September 1954); 4. Oktober 1954.

96 Ralf MAGAGNOLIvon Bundeskanzler Adenauer erklärten Verzicht auf die Produktion bestimmter Waffentypenabgewendet werden.Die Ergebnisse der Konferenz (Übertragung der Souveränität an Deutschland undBeendigung des Besatzungsstatuts; Beitritt Italiens und Deutschlands zum BrüsselerPakt; gleichzeitiger NATO-Beitritt Deutschlands) und die britischen und amerikanischenGarantien bedeuteten, daß die letzten drei der von Scelba vor dem Senat dargelegtenDesiderata erfüllt worden waren, während eine Diskriminierung Italiens und Deutschlandszunächst hatte vermieden werden können. So vermerkten die Italiener mit Genugtuung,daß sich das französische Konzept der „strategisch exponierten Zonen“ nicht hattedurchsetzen können. Offen blieb die Frage der Verstärkung der europapolitischen Dimensiondes Zusammenschlusses. Brosio äußerte sich vorsichtig über die Resultate der Konferenz,die die Gefahr eines „amerikanischen Desinteresses entfernt, aber nicht vollständiggebannt habe“. 35 Optimistischer waren die Bewertungen Grazzis, der entsprechendseiner bisherigen Haltung die Konferenz vom europäischen Standpunkt aus begrüßte:,,Man muß sich fragen, ob die Kontinentalallianz mit England nicht den einzigen Weg darstellt,der europäischen Sache irgendeine Perspektive zu eröffnen“.Auch Grazzi hielt eine Weiterentwicklung des Brüsseler Pakts für möglich:„Wenn wir es richtig anpacken, kann der Brüsseler Pakt eine Realität werden - und nichtnur eine militärische Realität“. 36Außenminister Martino sah das britische Einverständnis, die britische Truppenpräsenz inWesteuropa einem Mehrheitsvotum zu unterwerfen, als ein erstes supranationales Elementan und berief sich vor der italienischen Öffentlichkeit auf die Schaffung einergemeinsamen Versammlung mit Konsultativfunktionen. 37Nachdem sich der deutsche NATO-Beitritt nur zusammen mit einem Beitritt zumBrüsseler Pakt hatte durchsetzen lassen, bemühten sich die Italiener darum, die von ihnenwenig geliebte Militärallianz 38 zu europäisieren und zu entmilitarisieren. Das bedeutete,den bislang kaum vorhandenen politischen und wirtschaftlich-sozialen Charakter derAllianz zu akzentuieren. Dabei war man sich der größeren Schwierigkeiten aufgrund derbritischen Teilnahme bewußt und relativierte die Zielsetzungen. Als Ansatzpunkte wurdenwiederum die Stärkung der Rolle der Versammlung, die Festlegung „einiger, wenngleichnicht zahlreicher Ausgangspunkte für eine progressive Aktion im wirtschaftlichenBereich“ und der Ausbau der kulturellen Beziehungen gesehen. 39 Den Gang der LondonerVerhandlungen über die notwendig gewordenen Veränderungen des Brüsseler Paktskonnten die Italiener kaum prägen. In diesen Verhandlungen setzten die Briten ihre35. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Segr., Nr. 4146/2114, Brosio an Martino; 5. Oktober 1954.36. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 25, Nr. 1057/1988, Grazzi an Martino; 5. Oktober 1954.37. ACS, Minute di verbali, Bd. 49, Kabinettsprotokoll vom 5. Oktober 1954.38. Die italienische Regierung hatte sich 1948 geweigert, dem Brüsseler Pakt beizutreten. Diese innen- und außenpolitischmotivierte Weigerung war später von den maßgeblichen Verantwortlichen fur die Außenpolitik alsschwerer Fehler erkannt worden, was sich auf die italienische Haltung zum Projekt einer „integrierten europäischenArmee“ auswirkte. Vgl. dazu P. PASTORELLI, La politico europeistica dell’Italia negli anni Cinquante,in: ders., Lapolitica estera italiana del Dopoguerra, Bologna 1987; A. BRECCIA, l’Italia e la difesa dell’Europa.Alle origini del „ Piano Pleven “, Rom 1991.39. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 28, Telespr.Nr. 11268/2119, Grazzi an MAE; 16. Oktober 1954.

Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 97restriktiven europapolitischen Positionen weitestgehend durch. Von wenigen Ausnahmenabgesehen sollten alle Entscheidungen im Rat weiterhin einstimmig erfolgen. Damit warjeder supranationale Ansatz im Keim erstickt worden. Die von Rom gewünschte Stärkungder Versammlung scheiterte ebenso. Als Kompromiß wurde ein jährlicher Bericht an dieVersammlung vereinbart, wobei sich die Parteien zunächst nicht einmal darauf verständigenkonnten, um welche Versammlung es sich handeln sollte. Noch vor der Unterzeichnungder Pariser Verträge am 23. Oktober 1954 war somit eine europapolitische Weiterentwicklungder unter dem Namen „Westeuropäische Union“ (WEU) firmierendenOrganisation auf absehbare Zeit unwahrscheinlich geworden. Sogar der notorisch optimistischeLeiter der Abteilung für politische Angelegenheiten im Palazzo Chigi, Magistrati,räumte ein, der „auf eine Allianz orientierte Weg habe Vorrang gegenüber dem gemeinschaftlichenWeg erhalten“. 40Obwohl eine europäische Weiterentwicklung der WEU vorerst nicht zu erwarten war,plante die italienische Regierung, die Pariser Verträge sehr schnell zu ratifizieren, um keineReminiszenzen an die Ratifizierung des EVG-Vertrages wachzurufen. 41 Daher entschied sichdie Regierung in Rom für die sofortige Vorlage des Vertrages vor das Parlament und für einbeschleunigtes Ratifizierungsverfahren. Die Diskussion um den Etat des Außenministeriumshatte gezeigt, daß der Widerstand der Linksparteien gegen jegliche Militärallianz nach wie vorbeträchtlich war und daß die antibritisch eingestellten Rechtsparteien massive Vorbehaltegegen eine „britische Präponderanz in Westeuropa“ hegten. 42 Auch die EVG-Befürworter, zuderen Sprecher nach dem Tod De Gasperis im August 1954 der frühere VerteidigungsministerPacciardi avancierte, bekundeten wegen deren fehlender europapolitischer Dimension Zweifelam Sinn der WEU. 43 Diese Zweifel kamen in der Debatte über die Ratifizierung der Verträgezum Ausdruck, 44 wenngleich die WEU-Kritiker in den Regierungsparteien schließlich dochfür die Ratifizierung stimmten. Am 23. Dezember billigte die Abgeordnetenkammer die Verträge;am 11. März 1955 folgte der Senat. Martino, der die Pariser Verträge vor dem Parlamentvehement verteidigte, hatte vorher auf einem Treffen mit italienischen Parlamentariern derStraßburger Konsultativversammlung zugegeben, die WEU „bei einer realistischen Lagebeurteilungzum gegenwärtigen Zeitpunkt kein geeignetes Mittel zum Vorantreiben der horizontalenIntegration“ sei. 4540. ASMAE, Fondo DGAP, Bd. 409, Vermerk Magistratis an den Minister bezüglich der Konferenzenvon Paris vom 20.- 23. Oktober 1954; 25. Oktober 1954.41. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 29, Segr., Nr. 15786, Luciolli an Martino; 28. Oktober 1954.42. Vgl. Annuario 1954, S. 838-839.43. Pacciardi hatte nach dem Scheitern der EVG ein Projekt vorgeschlagen, das einen gemeinsamenGeneralstab und einen Rüstungspool vorsah und nicht weniger supranational als die EVG angelegtsein sollte. „Voce Repubblicana“ vom 1. September 1954.44. Vgl. Annuario 1954, S. 840-842.45. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 29, Telespr. Nr. 8/8737, MAE an alle diplomatischen Vertretungen Italiens;Rom, den 25. November 1954. Dieses Urteil Martinos widerlegt m. E. die Darstellung Serras.Serra zufolge hielt Martino noch zu diesem Zeitpunkt an der Vorstellung fest, die WEU zu einempotentiellen Instrument im Integrationsprozeß ausbauen zu können. Vgl. E. SERRA, l’Italiae la Conferenza di Messina, in: ders. (Hrsg.), Il rilancio dell’Europa e i trattati di Roma, Mailand1989, S. 93-124, hier S. 98-101.

98 Ralf MAGAGNOLIIII. Das Scheitern des RüstungspoolsNach dem europapolitischen Fehlschlag bei der WEU blieb als Ansatzpunkt fürden europäischen Einigungsprozeß nur das von Mendès-France lancierte Projekteiner Rüstungsagentur übrig, über das auf einer Sonderkonferenz im Januar entschiedenwerden sollte. Italienische Diplomaten hatten mehrfach mit Beunruhigungkonstatiert, der französische Regierungschef habe mit seinem Projekt eine Arteuropapolitische Führerschaft inne. Aus diesem Grunde hatten sie des öfteren italienischeKonzessionen an Frankreich angemahnt. 46 Dennoch hatte Italien die Positionder Beneluxstaaten unterstützt, die die als Organ zur Industriespionage bewertetenOrganisation weitestgehend abgeschwächt wissen wollten. 47Die verstärkte deutsch-französische Zusammenarbeit auf wirtschaftlichem Gebiet veranlaßteRom zu einem Kurswechsel in dieser Frage. Im Palazzo Chigi hatten sich die führendenDiplomaten gefragt, welche Mittel Italien habe, um „sich in den Komplex der französisch-deutschenÜbereinkünfte einzuschalten - speziell im Hinblick auf eventuelleKapitalflüsse zur Entwicklung von Produktionsanlagen in dafür geeigneten europäischenoder afrikanischen Zonen“. 48 Das Industrie- und Handelsministerium schlug Alarm. Ineinem Bericht an das Außen-, Haushalts- und Schatzministerium bezeichneten die Verfasserdie vereinbarte enge Zusammenarbeit zwischen Paris und Bonn als Gefahr für die italienischeIndustrie. Aus ihr könne ein „großes französisch-deutsches Kartell für die Schwerindustrie“erwachsen. Um diese Negativfolgen abzuwenden, empfahlen sie, die italienischeZustimmung zum Rüstungspool an drei Bedingungen zu knüpfen: 1. einen finanziellen Beitragder USA, der Wettbewerbsvorteile der wirtschaftlich stärkeren Staaten abschwächensollte; 2. die Stärkstmögliche Auslastung der bestehenden Produktionseinrichtungen; 3. dieErrichtung von Produktionsanlagen auf Sizilien und Sardinien, die die wirtschaftliche Entwicklungdieser Regionen vorantreiben sollte. 49 Auch der italienische Industriellenverbandschätzte die deutsch-französischen Initiativen als Bedrohung ein. Die Industriellen hielteneinen Ausschluß eines gesamten italienischen Industriesektors mit nicht kalkulierbarenKonsequenzen auf die Wirtschaft und die innere Stabilität unseres Landes“ für möglich undforderten die Regierung auf zu „energischen Initiativen zur Bewältigung einer solchenBedrohung und zur Eingliederung Italiens in das System“. 50Nicht allein wirtschaftliche Befürchtungen veranlaßte Rom zu einem Kurswechsel inder Frage der Rüstungsagentur. Ein Ausschluß Italiens aus einem engen deutsch-französischenVerbund wurde auch aus außenpolitischen Gründen als nicht opportun angesehen.Botschafter Quaroni schrieb dazu exemplarisch:46. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 28, Telespr. Nr. 11268/2119, Grazzi an MAE; 16. Oktober 1954.47. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 35, Nr. 21/2575, Vermerk der DGCI an den Minister: „Preparazioneprossima Conferenza a Nove e Riunione Atlantica“; 15. Oktober 1954.48. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 29, Ris., Nr. 20/2704, Vermerk an den Minister: „Conversazione italo-francese“;2. November 1954.49. ASMAE, Fondo Ambasciata Parigi (danach Fondo A.P.), Bd. 55, Urgentissimo-segreto,Prot.Nr.23170/30/9, Villabruna an verschiedene Ministerien; 19. November 1954.50. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 55, Vermerk: „Pool degli armamenti“; undatiert, aber vor dem 25. November1954 verfaßt.

Der schwierige Wee zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 99”Wir haben bei mehreren Gelegenheiten bekräftigt, daß der Pariser Pakt nicht Zielpunkt,sondern Ausgangspunkt sein muß, und die These aufrechterhalten, daß durch ihn wichtigeWeiterentwicklungen auf dem Felde der europäischen Integration möglich sind. Nun ist dieeinzige und ausschließliche Möglichkeit einer integrativen Weiterentwicklung derRüstungspool“. 51Zugleich blieb das Mißtrauen gegenüber der französischen Politik bestehen. Insbesonderemußte nach italienischer Auffassung verhindert werden, daß sich das Land an Bündnissenbeteiligte, die die europäischen Staaten sicherheitspolitisch von den Vereinigten Staatenabkoppelten. 52 Die Weisungen des Außenministeriums an den Pariser Botschafter ließenerkennen, daß Rom grundsätzlich zu einer Unterstützung der französischen Positionbereit war, dafür aber neben dem Verzicht auf neutralistische Manöver eine stärkereBerücksichtigung der wirtschaftlichen und politischen Interessen Italiens forderte. 53In der Tat war die französische Regierung an einer aktiveren italienischen Mitwirkunginteressiert. Sie ging davon aus, diese werde die Widerstände der Beneluxstaatenabschwächen. Ein hoher Beamter des Quai d’Orsay versicherte Quaroni, die „französisch-deutscheVereinigung (sei) niemals ohne die größtmögliche italienische Beteiligungkonzipiert worden sei“. 54 Mendès-France signalisierte den Italienern vor Beginn dergeplanten Sonderkonferenz, die noch geheimen französischen Pläne zum Rüstungspooloffenzulegen. 55 Außerdem stellten die Franzosen den Italienern eine Begrenzung derKompetenzen des Rüstungspools in Aussicht. 56 Schließlich regte Paris sogar an, einemItaliener den Posten des Direktors der zu gründenden Organisation zu übertragen. 57 DieAnnahme italienischer Diplomaten, Paris sei zu einem fundamentalen Entgegenkommenbei der Rüstungsagentur bereit, um sich die Unterstützung Italiens zu sichern, erwies sichaber als zu optimistisch. Letzten Endes war Paris nicht bereit, das Projekt eines Rüstungspoolsvon einem der Partner konditionieren zu lassen. Der Anfang Januar 1955 vorgelegtefranzösische Entwurf trug den italienischen Wünschen nur bedingt Rechnung. 588 Bei seinemRom-Besuch hielt Mendès-France an der Forderung fest, die Verteilung der amerikanischenHilfen ausschließlich in die Kompetenz der neuen Organisation fallen zu lassen;gleichzeitig lehnte er auch die von Martino kurzfristig ins Spiel gebrachte Idee einer Verschmelzungder Rüstungsagentur mit der EGKS ab. 5951. Zitiert nach B. VIGEZZI, I problem) delta „politica di potenza“. Dalla crisi della CED alla crisidi Suez, in: E. Di NOLFO u.a. (Hrsg.), Politica di potenza (1950-60), a.a.O., S. 3-29, hier S. 8.52. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 55, Nr. Ris., Quaroni an Martino; 10. Dezember 1954.53. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 55, Martino an italienische Botschaft (Paris); 3. Dezember 1955.54. ASMAE, Fondo V.C.. Bd. 29, Telespr. Nr. 1590/953, Quaroni an MAE; 27. November 1954.55. ASMAE, Fondo A.P., Nr. Ris. 1655, Quaroni an Martino; 10. Dezember 1954.56. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 55, Ris., Nr. 11/19-2, Vermerk Bombasseis; 16. Dezember 1954.57. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 29, Nr. 20/3023, Magistrati an Theodoli; 23. Dezember 1954.58. Vgl. E. CALANDRI, The Armaments Pool, a.a.O., S. 53-54.59. ACS, Minute di verbali, Bd. 49, Kabinettsprotokoll vom 17. Januar 1955. Vgl. zum Rom-Besuchdes französischen Regierungschefs P. GUILLEN, Les questions européennes dans les rapportsfranco-italiens de la rencontre de Santa Margherita (fevr. 1951) au voyage de Pierre Mendés-Franceà Rome (jan. 1955), in: E. SERRA und J. B. DUROSELLE (Hrsg.), Italia e Francia(1946-1954), Mailand 1948, S. 31-48, hier S. 46-48.

100 Ralf MAGAGNOLITrotz der vergleichsweise geringen Kompromißbereitschaft der Franzosen stimmteItalien den französischen Entwurf auf der Sonderkonferenz am 17. Januar 1955 alsDiskussionsgrundlage zu. Die italienische Delegation erklärte, sie glaube, daß„eine konkrete Verwirklichung auf dem Sektor der Rüstungsstandardisierung und -produktionmit supranationalem Charakter geeignet ist, der Integration Europas einen neuenImpuls zu geben“.Dennoch beharrte sie auf einer Sonderstellung Italiens bei der Verteilung der amerikanischenHilfen und hielt die Forderung aufrecht, die italienischen Inseln bei der Errichtungvon Produktionsanlagen besonders zu berücksichtigen. 60 Mit der grundsätzlichen Zustimmungzum französischen Entwurf standen die Italiener allein. Die Beneluxstaaten und dieUSA hatten ihre ablehnende Haltung nicht aufgegeben. Großbritannien sah die französischenPläne mit größtem Widerwillen, da diese als Hemmnisse für eine Handelsliberalisierungbewertet wurden. 61 In Deutschland hatte sich die ablehnende Position desWirtschaftsministeriums und des Amtes Blank durchgesetzt, nachdem Adenauer anfänglichmit Unterstützung des Auswärtigen Amtes Zustimmung signalisiert hatte. 62 An einenErfolg der Verhandlungen war unter solchen Umständen nicht zu denken. Tatsächlichendeten diese faktisch schon nach vierzehn Tagen. 63 Das EVG-Debakel vor Augen, fürchtetendie Verhandlungspartner ein Scheitern der WEU-Verträge in der französischenNationalversammlung und bemühten sich, den Eindruck des Zurückweisens der französischenVorschläge zu vermeiden. Nach dem Sturz der Regierung Mendès-France am 5.Februar 1955 verringerte sich das französische Interesse am Rüstungspool. 64 Am 28.März billigte der Ministerrat der WEU am 7. Mai einen stark verwässerten Abschlußbericht,der die Errichtung eines „Ständigen Rüstungsausschusses“ mit der Aufgabe der„Förderung der Kooperation“ vorsah. Dieser hatte mit dem ursprünglichen französischenProjekt nicht mehr viel gemeinsam. 65IV. Der Beginn der Relance EuropéenneDie in den Pariser Verträgen gefundene Lösung bedeutete zwar keinen Impuls für dennach wie vor unterbrochenen politischen Einigungsprozeß, brachte aber jene sicherheitspolitischeStabilisierung mit sich, die als Grundlage für neue Einigungsprojekte nötig war.Am stärksten waren die Niederlande und Belgien von der Notwendigkeit überzeugt, dieEinigungspolitik fortzusetzen. In Den Haag war man schon früh zur Überzeugunggelangt, die WEU sei als Instrument zum Ingangsetzen des Einigungsprozesses untauglich,ja sogar kontraproduktiv. Als vorrangiges Forum für europäische Initiativen sahen60. ASMAE, Fondo A.P., Bd.55, Telespr. Nr. 245, italienische Vertretung beim Atlantikrat an MAE;20. Januar 1955.61. Vgl. E. CALANDRI, The Armaments Pool, a.a.O., S. 51.62. Vgl. P. NOACK, Das Scheitern, a.a.O., S. 156.63. Vgl. ders., S. 160.64. Vgl. E. CALANDRI, The Armaments Pool, a.a.O., S. 60.65. Vgl. dazu W. LOTH, Die Teilung der Welt, a.a.O., S. 332.

Der schwierige Wee zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 101die Niederländer die EGKS an, die als einzige Organisation über ein Mindestmaß anSupranationalität verfügte. Da eine Schädigung der EGKS befürchtet wurde, hatte sichDen Haag gegen den italienischen Wunsch gesperrt, die Verbindungen zwischen WEUund EGKS zu stärken. 66 In Brüssel, wo man anfänglich den Ausbau des Brüsseler Paktszu einem neuen Element im Einigungsprozeß erwartet hatte, 67 trat nach kurzer Zeit einUmschwung ein. 68 Außenminister Spaak 69 wurde zum eifrigsten Fürsprecher eines Ausbausder EGKS. Dabei griff er auf Pläne der Hohen Behörde und Monnets zurück, dieeinen Ausbau der Zuständigkeiten der auf den Feldern (Atom)Energie und Transport vorsahen.70 Unmittelbar nach der Ratifizierung der Pariser Verträge durch Frankreich, verfaßteer - ohne seine Kollegen aus den Beneluxstaaten vorher konsultiert zu haben 71 - einSchreiben an die Außenminister Deutschlands, Frankreichs und Italiens. In diesem schluger eine gemeinsame Erklärung der sechs Außenminister, die den Willen der Sechs zurFortsetzung des Integrationsprozesses bekräftigen sollte. Die Fortsetzung des Integrationsprozessessollte durch die Schaffung einer neuen Organisation für die Atomenergiesowie durch die Erweiterung der Zuständigkeitsbereiche der EGKS auf die besagten FelderTransport und übrige Energiequellen erfolgen. Im Hinblick auf das Prozedere schlugSpaak die Einsetzung einer internationalen Konferenz unter Leitung Monnets vor, der ausProtest gegen die Stagnation des Integrationsprozesses auf eine erneute Kandidatur alsPräsident der Hohen Behörde verzichtet hatte. 72Die Reaktion auf den Spaak-Brief war verhalten bis ablehnend. In Bonn sah man dieSpaak-Initiative als verfrüht an und sprach sich für eine Verschiebung der geplantenAußenministerkonferenz aus. 73 Die neue französische Mitte-Rechts-Regierung Faure warnicht gewillt, ihre knappe parlamentarische Mehrheit durch ein Wiederaufleben der Integrationsdiskussionin der Nationalversammlung zu gefährden. Die britische Regierung,die nicht Adressat des Spaak-Briefs gewesen war, zeigte sich überrascht und verwies aufdie Bemühungen der OEEC in den Bereichen Energie und Transport. 74 AußenministerMartino war der einzige, der ein gewisses Interesse an den Vorschlägen Spaaks bekundete.Dennoch ließ das vage formulierte Antwortschreiben erkennen, daß Rom eine Festlegungvermeiden wollte. 75 Diese Zurückhaltung war Resultat einer weitverbreitetenSkepsis, ob die von Spaak gewünschte Verpflichtungserklärung der Regierungen überhauptzustande kommen könne. So hegte selbst der italienische Gesandte in Luxemburg,Cavalletti, ansonsten ein energischer Verfechter EGKS, 76 ernste Zweifel, ob angesichts66. ASMAE. Fondo V.C., Bd. 29, Telespr. Nr. 2686, Brosio an MAE; 9. Dezember 1954.67. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 28, Telespr. Nr. 4268/2119, Grazzi an MAE; 16. Oktober 1954.68. ASMAE, Fondo V.C., Bd. 29, Telespr. Nr. 4990/2503, Grazzi an MAE; 6. Dezember 1954.69. M. DUMOULIN, Spaak, Bruxelles, 199970. Vgl. W. LOTH, Der Weg nach Europa. Geschichte der europäischen Integration 1939-1957, 2.Aufl., München 1989, S. 113-114.71. Vgl. A. G. HARRYVAN und A. E. KERSTEN, The Netherlands, Benelux and the Relance Européenne1954-1955; in: E. SERRA (Hrsg.), Il rilancio, a.a.O., S. 125-157; hier S. 147.72. Vgl. H. J. KÜSTERS, Die Gründung, a.a.O., S. 96-97.73. Vgl. ders., S. 98.74. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Telespr. Nr. 1976/922, Zoppi an MAE; 18. April 1955.75. Vgl. P. H. SPAAK, Combats inachevés, 2 Bde., Paris 1969, S.62-63.76. Vgl. E. SERRA, La Conferenza di Messina, a.a.O., S. 99.

102 Ralf MAGAGNOLIder Haltung der Regierungen und der zu erwartenden Ablehnung des Atomenergieprojektsdurch die Amerikaner mehr möglich sei als eine „unverbindliche Erklärung desguten Willens“. 77 Problematischer jedoch war die den Vorschlägen Spaaks zugrundeliegendeRückkehr zur sektoralen Integration, in der dieser und Monnet zum damaligenZeitpunkt die einzige Chance sahen, integrationspolitisch etwas zu bewirken. Obwohl dieEGKS im Palazzo Chigi mittlerweile positiver als in der Vergangenheit beurteilt wurde, 78erschien den italienischen Verantwortlichen der Weg der sektoralen Integration immernoch als wünschenswert, da er als wenig geeignet angesehen wurde, die strukturellen Problemedes Landes zu lösen. Im Zuge der von italienischer Seite beabsichtigten Stärkungder EGKS machte man sich auch in Rom Gedanken über eine Ausweitung ihrer Zuständigkeiten.Diese sollten nach den Vorstellungen der Abteilung für wirtschaftliche Angelegenheitendes Außenministeriums (DGAE) aber eher im Bereich der allgemeinen Handelspolitikliegen, wodurch der EGKS eine größere Rolle bei der Realisierung einerimmer „umfassenderen europäischen Wirtschaftskooperation“ zugewiesen wurde. 79 DieSchaffung neuer sektoraler Integrationsformen und -organe wurde abgelehnt.Die abwartende Haltung Roms wurde von Quaroni gefördert, der bereits Ende Januarwegen der Situation in Frankreich von einer Ausweitung der EGKS-Zuständigkeitenabgeraten hatte. 80 Der italienische Botschafter in Paris sprach sich nach Bekanntwerdendes Spaak-Briefs für eine sehr vorsichtige Position aus:”Die Rückkehr als einer der Motoren eines Europas zu Sechst bedeutet, so furchte ich, dieRückkehr zu einer Position ausgeprägt unterkühlter Beziehungen zu England. Sollte es einereale Möglichkeit geben, ein integriertes Europa zu schaffen, würde es sich meines Erachtenslohnen, dies in Kauf zu nehmen. Aber es scheint mir nicht lohnenswert, die nach vielenSchwierigkeiten ins Lot gebrachten Beziehungen zu England zu beeinträchtigen, solangewir nicht eine glaubhafte Garantie haben, dieses Europa zu erreichen“.Gegen ein zu eilfertiges Aufgreifen der neuen Vorschläge sprach nach Ansicht Quaronisauch die Tatsache, daß sich die Franzosen keinesfalls mit einer wirtschaftlichen Integrationabfinden würden, wohl aber mit einer „graduellen, ruhigen und realistischen Wiederaufnahme“der politischen Integration. 81 Diese Anregungen des italienischenBotschafters in Paris wurden trotz der Desillusionierungen in der Vergangenheit aufgegriffen.Bei seinem Deutschland-Besuch im April 1955 erörterte Staatssekretär Benvenutidie Möglichkeit eines Reaktivierens der Politischen Gemeinschaft. 82 Das vorsichtige Eruiereneiner Wiederaufnahme des politischen Integrationsprozesses verlief aber enttäuschend,nachdem nur der neue französische Außenminister Pinay mit dem nach ihmbenannten Plan den von den Italienern als „vage und unklar“ bezeichneten Versuch unternommenhatte, eine politische Integration auf konföderaler Basis zustande zu bringen. 8377. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Telegr. Nr. 220, italienische Vertretung an MAE; 3. April 1955.78. ASMAE, Fondo Gab., Bd. 132, Nr. 12268/2523, DGAE an Prato; 26. August 1954.79. ASMAE, Fondo Gab., Bd. 132, Vermerk der DGAE; 23. März 1955.80. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Riservatissimo, Nr. 163, Quaroni an Martino; 31. Januar 1955.81. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 56, Nr. Ris. 566, Quaroni an Martino; 5. April 1955.82. Vgl. Annuario 1955, S. 281.83. Zum Pinay-Plan siehe H. J. KÜSTERS, Die Gründung, a.a.O., S. 103ff.

Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 103Erfolgreicher als Pinay war der niederländische Außenminister Beyen. Er hatte schonim Anschluß an das Außenministertreffen der Beneluxstaaten vom 10. März an einerNeuauflage des Beyen-Plans 84 gearbeitet hatte, war damit aber zunächst selbst innerhalbder eigenen Regierung auf Widerstand gestoßen war. Nachdem Beyen seine Positionkabinettsintern hatte durchsetzen können, übermittelte er Spaak ein Memorandum, indem er das Prinzip der sektoralen Integration als verbraucherfeindlich verurteilte und anseiner Stelle die Bildung einer supranationalen Gemeinschaft anregte, „mit der Aufgabe,die wirtschaftliche Integration Europas im allgemeinen Sinne über den Weg einer Zollunionzu realisieren“. 85 Das niederländische Memorandum stellte eine wirkliche konzeptionelleAlternative zu den Plänen über eine Ausweitung der sektoralen Integration darund stimmte mit dem belgischen Snoy-Plan zur Errichtung einer europäischen Freihandelszonedurch die progressive Beseitigung der Zollbarrieren überein. In der Tat konnteSpaak, der der sektoralen Integration wegen ihrer größeren Realisierungschancen denVorzug gab, 86 seinem Kollegen während eines Besuchs in den Niederlanden überzeugen,den Widerstand gegenüber der sektoralen Integration fallenzulassen. Dafür erreichteBeyen im Gegenzug, daß sein Plan zusammen mit den Teilintegrationsplänen als Grundlagefür ein gemeinsames Memorandum der Beneluxstaaten an die anderen drei Regierungender EGKS-Staaten dienen sollte. 87Nachdem sich die Regierungen der Beneluxstaaten auf ein gemeinsames Vorgehenverständigt hatten, wurde am Rande der Sitzung des Atlantikrats und des Direktivrats derWEU in Paris ein erstes Dokument über die Wiederaufnahme der Integrationspolitik inAussicht gestellt. 88 Da die Reaktionen auf den Vorstoß nicht negativ waren, 89 übermitteltendie Beneluxstaaten den Regierung Frankreichs, Deutschlands und Italiens ein gemeinsamesMemorandum. Dieses Memorandum ließ offen, welche Integrationsmethodegewählt werden sollte. Es faßte eine sektorale Integration in den Bereichen Transport,Atomenergie und übrige Energiequellen ins Auge und schlug für die Atomenergie dieEinsetzung einer neuen supranationalen Behörde vor. Daneben hielt es auch am Ziel desGemeinsamen Marktes fest, für den die Errichtung einer „gemeinsamen Behörde mit dendafür notwendigen Vollmachten“ als notwendig erachtet wurde. Konkret vorgeschlagenwurden eine Fixierung des Verfahrens über die Beseitigung der Handelsrestriktionen, eineHarmonisierung der Finanz-, Wirtschafts- und Sozialpolitiken der Mitgliedstaaten, einSystem von Schutzklauseln und die Schaffung eines Readaptationsfonds. 90Ein gemeinsames Vorgehen der EGKS-Staaten bei der Wirtschaftsintegration, waraber immer noch äußerst unwahrscheinlich, da die Differenzen der Regierungen in dieser84. Zum Beyen-Plan siehe grundsätzlich R. T. GRIFFITHS und A. S. MILWARD, The Beyen Plan,a.a.O..85. Zitiert nach A. G. HARRYVAN und A. E. KERSTEN, The Netherlands, a.a.O., S. 141ff.86. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Telespr. Nr. 21/0770, DGAP an italienische Botschaften und Gesandtschaften;l. Mai 1955.87. Vgl. H. J. KÜSTERS, Die Gründung, a.a.O., S. 101f.88. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 55, Ris., Vermerk der DGAP bezüglich des Treffens des AtlantischenRats und des Direktivrats der Westeuropäischen Union (Paris. 9.-11. Mai 1955); 13. Mai 1955.89. Vgl. W. LOTH, Der Weg nach Europa, a.a.O., S. 118.90. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Ris., Telespr. Nr.44/07388, DGAE an italienische Botschaften undGesandtschaften; 20. Mai 1955.

104 Ralf MAGAGNOLIFrage fortbestanden. Besonders groß waren die Widerstände auf französischer Seite. Derfranzösische Botschafter in London, Massigli, hatte Quaroni mitgeteilt, seine Regierungsei für eine Prüfung der Möglichkeiten der sektoralen Integration auf den Feldern Energieund Transport, schließe aber eine Unterstellung dieser Bereiche unter die EGKS definitivaus. Ähnlich ablehnend hatten sich auch Außenminister Pinay und Regierungschef Fauregeäußert. 91 Die Reaktionen aus Paris zeigten, daß man dort eine horizontale Integrationablehnte und bei der sektoralen Integration an die Bildung voneinander unabhängigerGemeinschaften dachte. Auch in Deutschland gab es beträchtliche Widerstände gegeneine sektorale Integration bei der Atomenergie und eine horizontale Integration mit demZiel eines Gemeinsamen Marktes. 92Wenngleich die von Beyen wieder ins Spiel gebrachte Idee der horizontalen Integrationin Rom positiver beurteilt wurde als die Teilintegrationsprojekte Monnets, bliebenVorbehalte sowohl politischer als auch wirtschaftlicher Art bestehen. Quaroni sah einerseitsdie Gefahr einer Isolierung Großbritanniens mit negativen Folgen für den Zusammenhaltder OEEC und der EZU, andererseits das Risiko einer erneuten ÜberforderungFrankreichs. 93 Tassoni von der italienischen Botschaft in Paris war aber in seiner Ablehnungdes Memorandums noch entschiedener. In einem Brief an den neuen italienischenBotschafter in Brüssel, Scammacca, bezeichnete er die Integrationsbemühungen als kontraproduktivfür die beabsichtigte enge außenpolitische Anbindung Italiens an die VereinigtenStaaten, die im übrigen keinerlei Anzeichen eines Akzeptierens der Beneluxlnitiativegegeben hätten. 94 Außerdem verurteilte er die „doktrinären Versuche“ in Richtungstärkere Supranationalität, die der europäischen Idee „mehr schaden als nutzen würden“.95 Der italienische Vertreter bei der OEEC, Vitetti, berichtete ausführlich über dieschlechte Aufnahme des Spaak-Projekts seitens der OEEC. 96 In einem Bericht an AußenministerMartino ließ er durchblicken, daß er die Vorbehalte der OEEC gegen das Projektmit seinen unzähligen Schwierigkeiten technischer Natur teile. 97 Die Bedenken Quaronisund Vitettis wurden in der Abteilung für wirtschaftliche Fragen im Palazzo Chigi, DGAE,geteilt. Dort gab man einer graduellen wirtschaftlichen Integration auf breiter Ebene imRahmen der OEEC den Vorzug vor einer horizontalen Integration im Rahmen der Sechs.Noch vor Bekanntwerden der Details des Benelux-Memorandums hatte die Abteilung fürwirtschaftliche Angelegenheiten unter Leitung Cattanis ein Memorandum erstellt, dassich gegen das Benelux-Projekt aussprach. Vor dem Hintergrund dreier Alternativen inder Integrationspolitik (sektorale Integration, horizontale Integration und allgemeine wirtschaftlicheund politische Zusammenarbeit) bezogen die Autoren deutlich gegen diesupranationale sektorale Integration Stellung. Die horizontale Integration wurde befür-91. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Segr., Telespr.Nr.(unleserlich), Quaroni an MAE; 22. April 1955.92. Vgl. W. LOTH, Der Weg nach Europa, a.a.O., S. 116-117.93. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 57, Nr. Ris. 655, Quaroni an Martino; 22. April 1955.94. Zur Haltung der amerikanischen Regierung, die die Realisierungschancen anfänglich nicht hochbewertete und äußerste Zurückhaltung übte, siehe E. Di NOLFO, Gli Stati Uniti e le origini dellaComunità Economica Europea; in: E. SERRA (Hrsg.), Il rilancio, a.a.O., S. 339-349.95. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Nr. 0672, Tassoni an Scammacca; 25. April 1955.96. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Telegr. Nr. 129, Vitetti an MAE; 22. April 1955; ASMAE, FondoA.P., Bd. 58, Nr. Ris. 1845, Vitetti an Rossi Longhi; 25. April 1955.97. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, Nr. Ris, 12/129, Vitetti an Martino; 19. April 1955.

Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 105wortet, der Hinweis auf den Gemeinsamen Markt aber fehlte, während der Vorschlageiner Freihandelszone (Snoy-Plan) positiv aufgenommen wurde. Außerdem postuliertensie eine ,,Inkrementierung des europäischen Integrationsprozesses auf dem geographischgrößtmöglichen Gebiet“ und befürworteten die Stärkung der OEEC. Zur Festlegung deritalienischen Position empfahlen sie: 1. eine Erklärung, daß Italien zur Verwirklichungseines Entwicklungsprogramms an Initiativen interessiert sei, die die Teilnahme dergrößtmöglichen Anzahl europäischer Staaten sicherstellten; 2. eine Bekundung, daß sichdie neuen Initiativen aller bestehenden Organisationen bedienen und zu deren Stärkungbeitragen sollten; 3. eine Bejahung aller „globalen Integrationsformen“; 4. eine Bejahungder Prüfung von Vorschlägen über Teilintegrationen ,,im Kontext der bestehenden Organisationenunter der Voraussetzung, daß diese Teilintegrationen die Ungleichgewichte imglobalen Integrationsprozeß nicht erhöhen“; 5. eine eingehende technische und politischePrüfung, ob die Zuständigkeiten der EGKS ausgeweitet werden sollten.Scelba und Martino hingegen sahen die Benelux-Initiative positiver als ihre Diplomaten.Nach der Niederlage des Regierungskandidaten Merzagora gegen den christdemokratischenParteilinken und EVG-Gegner, Gronchi, bei den Präsidentschaftswahlen imApril 1955 war die Regierung Scelba unübersehbar in der Krise. 98 Diese gedachten derMinisterpräsident und sein Außenminister durch einen Erfolg in der Europapolitik abzuwenden.“Martino griff den Konferenzvorschlag der Beneluxstaaten auf und lud dieAußenminister zu einer Konferenz in seine Heimatstadt Messina ein. Nachdem die anderenRegierungen Messina als Konferenzort zur Prüfung des Benelux-Memorandumsakzeptiert hatten, war es Aufgabe der italienischen Diplomaten und Spitzenbeamten, Vorschlägefür eine Präzisierung der italienischen Position zur sektoralen und horizontalenIntegration zu unterbreiten.Am 24. Mai 1955 fand unter Leitung Cattanis eine Sitzung im Außenministeriumstatt, an der neben Vertretern des Außenministeriums die Repräsentanten Ministerien teilnahmen.Auf diesem sollte die Prüfung der technischen Aspekte des Benelux-Memorandumserfolgen. Die sektorale Integration in den Bereichen Elektrizität, Öl und Gas stießauf einhellige Ablehnung, da das Prinzip einer supranationalen Integration bei den Energiequellena priori als negativ beurteilt und intergouvernementalen Organisationen Vorranggegenüber der EGKS eingeräumt wurde. Im Bereich Transport sprachen sich die Sitzungsteilnehmergegen eine ausschließliche Integration im Rahmen der Montanunionund für eine Initiative der OEEC aus, an der sich auch die Schweiz und Österreich beteiligenkönnten. Möglichkeiten für eine supranationale Teilintegration sahen sie bei derAtomenergie. Positiver als die Teilintegration wurde die horizontale Integration bewertet.Cattani hatte seine ursprünglich negative Einschätzung modifiziert und plädierte nun füreine sektorale Integration, wenn es ernsthafte Garantien gäbe, „daß eine horizontale Integrationexistiert, und man diese eines Tages graduell, aber sicher realisieren kann“. In98. Vgl. G. MAMMARELLA, l’Italia contemporanea (1943-1989), Bologna 1990, S. 219-220.99. Vgl. P. CACACE, Venti anni di politica estera italiana (1943-1963), Rom 1986, S. 467. Die Relancehalf dem innenpolitisch schwer angeschlagenen Kabinett Scelba wenig. Knapp drei Wochennach der Messina-Konferenz stürzte die Regierung. Nachfolger Scelbas wurde der ChristdemokratSegni; Außenminister blieb Martino, was sich vorteilhaft auf die italienische Europapolitik und aufdie italienische Haltung in den EWG- und Euratomverhandlungen auswirkte.

106 Ralf MAGAGNOLIbezug auf die Supranationalität riet er zu einer „Zwischenform, einer schwierigen Konfiguration“,die nach langer und geduldiger Arbeit erreicht werden könnte. Eine supranationaleIntegration sei zum Scheitern verurteilt, während ein ausschließlich intergouvernementalerAnsatz die bestehenden Schwierigkeiten nicht ausräumen werde. 100Zwei Tage nach dieser ersten Sitzung fand ebenfalls im Außenministerium ein vorbereitendesTreffen zur Messina-Konferenz statt, an dem zahlreiche Minister und Staatssekretäreteilnahmen. Die Mehrzahl der Beteiligten stand einer Fortsetzung der sektoralenIntegration im supranationalen Rahmen reserviert gegenüber. Nur Cavalletti trat energischfür die Stärkung der EGKS ein, während sich Cattani für die Ausweitung der Zuständigkeitenim Rahmen des ursprünglichen EGKS-Vertrages aussprach, was auf eine faktischeAblehnung der Benelux-Vorschläge hinauslief. Auf größeres Interesse stießen die Vorschlägeüber eine horizontale Integration, bei der nicht wenige Teilnehmer an die Errichtungeiner neuen Behörde dachten, die im Hinblick auf die Supranationalität eben jene„Zwischenform“ zwischen EGKS auf der einen und OEEC auf der anderen Seite habensollte. Die Minister Vanoni und Martinelli ließen ihre Präferenz für die OEEC deutlicherkennen: Vanoni verwies auf die Erfolge bei der Handelsliberalisierung durch die OEEC,die seiner Ansicht nach den Vorteil finanzieller Hilfen bot; Martinelli sah die OEEC fürden Fall der Realisierung der Vorschläge der Beneluxstaaten in ihrer Funktionalitätbedroht. Nach anderthalbstündigen Beratungen einigten sich die Beteiligten auf einenKompromiß: so sollte ein Dokument erstellt werden, das die europapolitische Führerschaftder Sechs stärken, gleichzeitig den anderen Staaten und Organisationen aber dieMöglichkeit einer Beteiligung eröffnen sollte. 101 Damit waren weder die Fortsetzung dersupranationalen Teilintegration noch eine reale Erweiterung der Zuständigkeiten derEGKS oder eine neue supranationale Behörde zur Verwirklichung des GemeinsamenMarktes prinzipiell akzeptiert worden. Dementsprechend negativ beurteilte Cavalletti deneingeschlagenen Kurs. Gegenüber amerikanischen Diplomaten äußerte er sich besorgtüber die italienische Haltung, die „für eine lange Zeit Fortschritte in Richtung einer tatsächlicheneuropäischen Integration auf EGKS-Basis versperren könne“. 102Eilig erstellten die Beamten im Palazzo Chigi ein Dokument, das auf der Konferenzals italienisches Memorandum präsentiert werden sollte. Entsprechend der vereinbartenLinie signalisierte es grundsätzliche Gesprächsbereitschaft. Eine sektorale Integrationwurde nicht von vorne herein ausgeschlossen: Italien erklärte sich mit einer Prüfung derBenelux-Vorschläge über Transport und Energiequellen einverstanden und zeigte Interessean einer Integration bei der Atomenergie. Jedoch räumte es nach eigenem Bekundender horizontalen Integration Vorrang gegenüber der sektoralen ein. Bei der horizontalenIntegration wurden wie zuvor schon bei den EPG-Verhandlungen 103 eine stärkereBerücksichtigung der sozialen Dimension, der Freizügigkeit der Arbeitskräfte und eineHarmonisierung der Finanzpolitik der Mitgliedstaaten gefordert. Großer Wert wurde aufden im Benelux-Memorandum vorgeschlagenen Readaptationsfonds gelegt, der nach ita-100. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, „Sitzungsprotokoll vom 24. Mai 1955“.101. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, „Sitzungsprotokoll vom 26. Mai 1955“.102. FRUS, 1952-1954, Bd. V, Durbrow an State Department; 29. Mai 1955.103. Zu den EPG-Verhandlungen siehe R. MAGAGNOLI, Italien und die Europäische Verteidigungsgemeinschaft,a.a.O., S. 149-236.

Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVG 107Herrischer Ansicht nicht nur die notwendigen Anpassungen finanzieren, sondern auch diekapitalschwachen Staaten mit Geld versorgen sollte. Eine Beteiligung anderer Staaten,speziell Großbritanniens, an den Beratungen sei von Anfang an erforderlich, allerdingssollten die Regierungen der Sechs die Führung beim Lancieren von Ideen besitzen. Wederdie Stärkung bestehender noch die Errichtung neuer Institutionen wurden ausgeschlossen.104 Gemeinsam mit dem Benelux-Memorandum und einem Memorandum der Bundesregierung105 bildete das italienische Memorandum die Grundlage für die Regierungsberatungenin Messina. 106 Nur die französische Regierung hatte aufgrund der Unfähigkeitder Regierungsparteien, sich auf eine einheitliche Position zu verständigen, darauf verzichtet,ein eigenes Memorandum vorzulegen.Auf der Konferenz von Messina verweigerte sich der französische Außenminister Pinay einerhorizontalen Integration ebenso wie einer Ausweitung der Kompetenzen der EGKS, während derdeutsche Staatssekretär Hallstein in Vertretung Adenauers die Errichtung neuer europäischerInstitutionen ablehnte. Das sich anbahnende Scheitern der Konferenz konnte schließlich durchKonzessionen an Paris bei der Harmonisierung der Sozialpolitik, vor allem aber bei der horizontalenIntegration und dem Erreichen eines Gemeinsamen Marktes verhindert werden. Martinohatte als Gastgeber und Vorsitzender einen nicht unwesentlichen Anteil am relativen Erfolg derKonferenz. 107 Ihm gelang es mit deutscher Hilfe, seine sozialpolitischen Positionen bezüglich derFreizügigkeit der Arbeitskräfte durchzusetzen. Wie von den Beneluxstaaten und Italien vorgeschlagen,wurde die Einsetzung einer Expertengruppe unter der Leitung einer prominenten politischenPersönlichkeit beschlossen. Die Messina-Entschließung lehnte sich im Wortlaut eng an dasdeutsche Memorandum und teils auch an das Benelux-Memorandum an, führte die dort genanntenIntegrationsziele aber als Gegenstand weiterer Prüfungen auf. 108 Messina bedeutete eineBekräftigung der Absicht der Regierungen der Sechs zu einer europäischen Relance über einenfunktionalistischen Ansatz zu gelangen. Dabei wurden sowohl eine sektorale als auch eine horizontaleIntegration ins Auge gefaßt. Obwohl von Öffentlichkeit wenig beachtet, war Messina Ausgangspunktfür die weitere Integrationspolitik der sechs Staaten. Es dauerte noch fast zwei Jahrewechselvoller, dramatischer und teilweise vom Scheitern bedrohter Verhandlungen, bis dieAußenminister die Verträge über eine Europäische Wirtschaftsgemeinschaft und eine EuropäischeAtomgemeinschqft unterzeichneten.Ralf Magagnoli104. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58. „Memorandum du Gouvernement italien sur la poursuite de l’intégration“.105. ASMAE, Fondo Gabinetto, Bd. 132. „Memorandum der Bundesregierung über die Fortführungder Integration“. Zum deutschen Memorandum siehe auch H. J. KÜSTERS. Die Gründung. a.a.O..S. 112-119.106. Daneben lag ein Memorandum des MFE vor, in dem erklärt wurde, daß „nur die Errichtung einertatsächlichen supranationalen politischen Autorität die Erweiterung der EGKS-Kompetenzen unddie Schaffung eines dauerhaften Gemeinsamen Marktes bewerkstelligen“ könnte. Das Memorandumder Föderalisten spielte bei der Festlegung der italienischen Position in Messina keine Rolle.ASMAE, Fondo Gab., Bd. 132, „Promemoria per i sei Ministri degli Esteri della CECA riuniti aMessina il 1 Giugno 1955“.107. Zur Messina-Konferenz siehe H. J. KÜSTERS, Die Gründung. a.a.O., S. 119-127.108. ASMAE, Fondo A.P., Bd. 58, „Résolution adoptée par les Ministres des Affaires Etrangères desEtats membres de la CECA réunis a Messine les 1 er et 2 juin 1955“.

Europapolitik undBundesstaatsprinzipDie deutschen Länder gelten inzwischen als etablierteAkteure auf dem Feld europäischer Politik. DieFrage nach ihrer Europafähigkeit wird heute in demSinne gestellt, ob sie mit ihren Aktivitäten und denihnen zugrundeliegenden Motiven und Begründungennicht retardierende oder gar blockierende Faktorenin den Integrationsprozeß einbringen, indemdadurch z.B. die deutsche Europapolitik an Handlungsspielräumeneinbüßt.An diese Beobachtung anknüpfend wird in diesemBand untersucht, wie sich die konkrete Ausformungdes Bundesstaatsprinzips in Deutschland auf dieeuropapolitischen Aktivitäten der Länder sowie ihrVerhältnis zum Bund auswirkt. Die Bundesrepublikwird dabei mit anderen Föderalstaaten (Belgien,Österreich und die Schweiz) und auch Staaten wieFrankreich und Großbritannien verglichen.Bei den Autoren des Tagungsbandes handelt es sichum ausgewiesene Experten aus Wissenschaft und(europa-)politischer Praxis der untersuchten Staaten.Die Publikation wendet sich vor allem an europapolitischeEntscheidungsträger auf regionaler undnationaler Ebene, an Politikwissenschaftler, Staats-,Verfassungs- und Europarechtler sowie Integrationsforscherverschiedener Fachdisziplinen.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent?French Nuclear Independence and European Integration duringthe Mollet Government (1956)109Ginevra ANDREINIThe aim of this study is to analyse the close interaction among those factors which wereat the origin of an independent French nuclear deterrent and, in a long term perspective,of de Gaulle’s “force de frappe” 1 It is not my intention to focus this study either on thepolitical and diplomatic process which led, between early 1955 and late 1957, to thecreation of EURATOM, nor on the role the French government had in the negotiationsof the atomic European community. 2 Furthermore, I do not wish to repeat the analysisof scholars such as Gérard Bossuat and François Duchene on the role of Jean Monnet inthe European integration process. 3This essay would like to demonstrate that the concurrence of national and internationalevents enhanced the process for the creation of a French nuclear deterrent. On theone hand, the influence of French politicians and military leaders, both keen on nuclearmatters, and the role played by the scientific quarters, paved the way for such a process;on the other hand, the implication of “relaunching” Europe in the context of the Franco-Germanrelationship and the “débâcle” of Suez, concurred to the shaping of aFrench nuclear deterrent.1. On the origins of the French nuclear deterrent, see P. GALLOIS, Stratégie de l’âge nucléaire, Paris,Calman-Lévy, 1960; B. GOLDSCHMIDT, L’aventure atomique, Paris, Fayard, 1962; C.AILLERET, L’aventure atomique française, Paris, Grasset, 1968; C. DELMAS, Histoire politiquede la bombe atomique, Paris, Albin Michel, 1967 and, of the same author, Armements nucléaireset guerre froide, Paris, Flammarion, 1971; M. DUVAL, Y. LE BAUT, L’arme nucléaire française:pourquoi et comment?, SPM. coll. Chronos, 1992; M. DUVAL, D. MONGIN, Histoire des forcesnucléaires françaises depuis 1945, Que sais-je?, Paris, PUF, 1993; M. VAISSE, La France etl’Atome, études d’histoire nucléaire, Bruxelles, Bruylant, 1994; D. MONGIN, La bombe atomiquefrançaise, 1945-1958, Bruxelles, Bruylant, 1997.2. See for example, P. GUILLEN, La France et la négociation du Traité d’Euratom, in: RelationsInternationales, n.° 44, 1985, pp. 391-412 and Europe as a Cure for French Impotence? The GuyMollet Government and the Negotiations of the Treaties of Rome, in: E. DI NOLFO (ed. by),Power in Europe? Great Britain, France, Germany and Italy and the Origins of the EEC1952-1957, Berlin/New York, W. de Gruyter, 1992, pp. 505-516. For a recent contribution on theEURATOM negotiations, see M. DUMOULIN, P. GUILLEN, M. VAISSE, L’énergie nucléaireen Europe. Des origines à EURATOM, Berne, Coll. Euroclio, Peter Lang, 1994.3. F. DUCHENE, Jean Monnet. The first StateSman of Interdependence, New York, London, W.W.Norton & Co., 1994; G. BOSSUAT, L’Europe des Français 1943-1959. La IVe République auxsources de l’Europe communautaire, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996 and R. GIRAULT,G. BOSSUAT (sous la dir. de), Europe brisée, Europe retrouvée. Nouvelles réflexions sur l’unitéeuropéenne au XXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994. On the role Jean Monnetplayed through the “Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe”, see the contribution of A.VARSORI, Jean Monnet e il Comitato d’Azione per gli Stati Uniti d’Europa dalle origini ai trattatidi Roma 1955-1957, in: A. CIAMPANI, L’altra via per I’Europa. Forze sociali e organizzazionedegli interessi nell’integrazione europea, Milano, Angeli, 1995, pp. 139-170.

110 Ginevra ANDREINIIn late 1954, after the Geneva agreements on Indochina and the collapse of the “EuropeanDefence Community” (EDC), the French Premier Pierre Mendès France laidthe foundations for the creation of a French nuclear deterrent. 4Although France lacked the economic and technological resources to produce theatom bomb, it nevertheless had the scientific know-how to foster the research for themilitary exploitations of nuclear energy. Since the early fifties, the “Commissariat àl’énergie atomique” (CEA), created by Charles de Gaulle in 1945, detained the scientificmonopoly in the nuclear domain. 5 Co-operation between the CEA and a selectnumber of politicians deeply interested in atomic issues, such as Félix Gaillard andJacques Chaban-Delmas - the former very close to Jean Monnet and the father ofFrance’s first five-year plan for the development of atomic energy, the latter member ofthe Mendès France’s government in 1954 - paved the way for the development of a nuclearprogramme in the military field. The following decision-making process wouldlead to the creation of a French nuclear project, backed by a small group of politiciansand supported by a few scientists and strategists, such as colonel Pierre Gallois andcolonel Charles Ailleret.In 1956, the Mollet government, influenced by the CEA and politicians such as theMinister of National Defence Maurice Bourgès-Maunoury, took decisive steps in thedevelopment of a French atomic programme.The national context.Mollet and the military exploitation of nuclear energy:from rejection to consentOur analysis will focus first on the fundamental role played by the President of theCouncil Guy Mollet. 6 In this connection, it might be rather surprising to see how Molletreversed his position on the creation of a national nuclear deterrent during the 1956.In January 1956, a few days after his appointment as President of the Council leadinga centre-left government, the French leader expressed his view on the “EuropeanAtomic Energy Community” project (EURATOM) in front of the National Assembly.That was an opportunity to deal also with the issue of a nuclear deterrent. Mollet pointedout:4. For the role Mendès France played in the nuclear domain, see D. MONGIN, La bombe atomiquefrançaise, pp. 308-343; G.-H. SOUTOU, La politique nucléaire de Pierre Mendès France, in: RelationsInternationales, n.° 59, automne 1989, pp. 317-330; A. COUTROT, La politique atomiquesous le gouvernement de Mendès France, in: F. BEDARIDA, J.-P. RIOUX, Pierre Mendès Franceet le mendéisme, Paris, Fayard, 1985, pp. 309-314.5. On the origins of the CEA, see D. MONGIN, op cit., pp. 36-62.6. For a broad assessment of the Mollet Government, see G. BOSSUAT, l’Europe des Français ...,op.cit., Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, in which the author points out Mollet’s attitudetowards the European integration process.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 111“Faut-il créer une industrie nucléaire européenne pour permettre la fabrication de bombesatomiques, fabrication qui serait pratiquement irréalisable sur le plan national danschacun des pays en cause? Ma réponse sera claire: Non. [He then went on adding] Ceque nous voulons, entreprise déjà considérable, c’est doter l’Europe d’un potentiel énergétiqueéquivalent à celui des grandes puissances du monde, et cela à des fins exclusivementciviles”. 7In that same period, Mollet had been a founding member of the “Comité d’Action pourles Etats-Unis d’Europe” (CAEUE) and a pacifist in the tradition of the SectionFrançaise de l’Internationale Ouvrière (SFIO). His position supported Monnet’sproject for a future supranational atomic community. The community was supposed tohave the exclusive rights over fissile materials, along with the control of nuclear plantsand it had to pursue strictly non-military goals. According to this project the governmentsof the “Six” were supposed to give up any ambitions for the creation of independentnuclear deterrents. 8 Therefore, the French Premier’s speech of January 1956 castserious doubts over the development of any national nuclear programme. Was he awareof the obvious consequence of such a speech?A few months later, in July 1956, on the occasion of a parliamentary debate, whichaimed at confirming France’s commitment to the “relaunching” of Europe, Molletstressed the need of keeping separated two different issues: the EURATOM project onthe one hand and the French nuclear deterrent on the other, the latter being a topicwhich should be the domain of national defence authorities only. His speech clearlyshowed the different attitude the French government now held towards the hypothesisof a “nuclear bomb”. Mollet informed the Parliament about the agreement worked outwith France’s European partners for a four year moratorium on the production of nucleararmaments. Then the French President of the Council added:“Rien n’empêchera non plus la France d’orienter, au moment qu’elle jugerait opportun,avant même la fin du moratoire, une partie de son plan national d’équipement atomiquevers des réalisations susceptibles d’être affectées ultérieurement à des fins militaires enentreprenant, par exemple, la construction d’une usine en vue de la production de combustiblesà haute concentration en Uranium 235. (...) EURATOM ne diminuera donc enrien, quelles que soient les circonstances, les possibilités d’approvisionnement d’unéventuel programme militaire”. 9Actually, Mollet’s speech left no doubts on the intentions of the French government. Bythen, the Socialist Premier seemed persuaded that France had to achieve the “status” ofa nuclear power, regardless of the reactions of the United States and whatever theresults of the European integration process might have been. In a nutshell, France wasready to exploit the EURATOM project to fulfil its own goals - that is the creation of anindependent nuclear deterrent -, relying on the economic, financial and technological7. D. MONGIN, op. cit., p. 398.8. The origins of the EURATOM project as sketched out by the “Comité d’Action pour les Etats-Unisd’Europe” have been recently analysed by A. VARSORI, EURATOM: une organisation quiéchappe à Jean Monnet?, a paper presented on the occasion of the Conference on Jean Monnet,held in Paris in May 1997. to be published.9. Office Universitaire de Recherches Socialistes, (OURS), AGM 114. Speech given by the FrenchPremier Guy Mollet during the parliamentary debate on the EURATOM project, 11 July 1956.

112 Ginevra ANDREINIresources the atomic community could provide. From a political point of view, thelikely membership of West Germany could be a guarantee against a military (nuclear)awakening of the German military might and, last but not least, a means for creating asort of Franco-German strategic pole, which would give Europe a much stronger role inthe context of the Atlantic Alliance. 10Several factors influenced the Mollet government, especially the President of theCouncil, to keep on fostering France’s military nuclear programme. Powerful “nuclearlobbies” had played a paramount role since the early Fifties: military experts such asAilleret and Gallois, and influential politicians such as Chaban-Delmas,Bourgès-Maunoury and Gaillard, represented a sort of “pathfinders” of nuclear issues,both in the civil and military fields. In co-operation with the CEA - the scientific institutionwhich contributed most to the field of atomic research - they exerted strong pressureson various French governments in order to develop an independent nuclear deterrent.11 Notwithstanding French political instability, the advocates of a French nucleardeterrent never gave up the will to pursue their aim. During the Mollet government,their influence on the policy-making process in the nuclear domain steadily grew: actually,in an early stage they feared the pacifist traditions of the Socialist French Premier,as well as the limits the EURATOM project could bring to French nuclear ambitions.Both these fears persuaded the “nuclear lobbies” to keep on demanding for a more definitecommitment on the part of the French government in the development of a militarynuclear programme.On the other hand, these lobbies were deeply influenced by the perception of internationalevents which took place in those years. The growing lack of confidence in theAmerican strategy based on the concept of massive retaliation, and the fear of a US retreatto isolationism - which would leave the continent without a nuclear guaranteeagainst a Soviet attack - convinced France to look for a political and strategic alternativewhich was represented by West Germany. Both countries considered the hypothesisof a US abandonment as the main threat Western Europe could face. 12 Therefore, the“relaunching” of the European integration process on the one hand, and their commonnuclear ambitions on the other, represented the means through which France and Germanycould provide for their own defence, with or without US support. Last but notleast, the enhancement of Franco-German “détente” helped France to pursue two aimswhich were tightly connected: to control Germany’s economic and industrial strengthand to avoid an exclusive nuclear co-operation between the United States and the FederalRepublic of Germany.10. For a complete study of Franco-German relations, see G.-H. SOUTOU, l’alliance incertaine. Lesrapports politico-stratégiques franco-allemands 1954-1996, Paris, Fayard, 1996.11. The role played by the scientific and political quarters on the creation of a national nuclear deterrenthave been thoroughly examined by D. MONGIN, op. cit.12. For a broad and thoughtful assessment on American foreign policy during the fifties, see G. BIS-CHOF, S.E. AMBROSE, Eisenhower. A Centenary Assessment, Baton Rouge, London, LouisianaUniversity Press, 1995; D. DOCKRILL, Eisenhower’s New Look. National Security Policy1953-1961, London, Macmillan, 1996.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 113After the President of the Council’s speech in front of the National Assembly in January1956, it was quite clear to the advocates of the nuclear bomb that the French Premiercould hardly know about the development of a national nuclear programme. The mainduty was therefore to make the French Premier aware of the importance of the “newweapons”. The Defence Minister Bourgès-Maunoury, the general director of the CEAPierre Guillaumat, the Ministre des Anciens Combattants Chaban-Delmas and colonelPierre Gallois, a specialist in nuclear strategy, exerted strong pressures on the French Presidentof the Council in order to preserve France’s right to develop a French atomic bomb.As it was worked out by the Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe (CAEUE)and by Jean Monnet, the EURATOM project did concern the peaceful use of nuclear energyonly. Nevertheless, French advocates of nuclear armaments feared that Monnet’s projectcould affect the military aspects as well, preventing France to rely on an independent nucleardeterrence. Moreover, they dreaded the hypothesis of a close economic and military co-operationbetween Germany and both the United States and Great Britain, which would leaveFrance alone to cope with Germany’s military and economic strengthening.In spring 1956, two memorandums written by the members of the CEA clearlysketched out these fears. In a first memorandum addressed to the French President ofthe Council, the CEA pointed out the consequences that the future supranational atomiccommunity could bring to France’s nuclear ambitions. The memorandum stated:“Les membres du Commissariat à l’énergie atomique s’inquiètent de la condition politique(renonciation à la fabrication d’armes atomiques) ajoutée par Monnet et reproduitepar la déclaration ministérielle - cette condition soulevant des oppositions capables defaire échec au projet”. 13A brief note of March 1956 concerning the EURATOM project stated:“l’intérêt essentiel d’Euratom est surtout d’éviter une prépondérance allemande excessive.C’est-à-dire qu’à notre avis la France ne doit pas redouter une coopération, voireune intégration efficace. l’avance française, très réelle, paraît relative et susceptibled’être rattrapée soit par un effort allemand autonome, soit par des accords bilatéraux germano-anglaisou germano-américains”. 14Pierre Guillaumat and Félix Gaillard, the ones who contributed most to the creation ofthe national nuclear deterrent, would never accept any limitations to its civil and militarydevelopment. 15 That is the reason why the Commissariat à l’énergie atomique did13. PMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique. Note pour le Président, a/s l’EURATOM, 4 February1956.14. Institut Pierre Mendès France, (IPMF). Dossier EURATOM-Programme Atomique, Pour l’information personnelledu Secrétaire d’Etat, Note de synthèse sur la structure d’EURATOM. 25 March 1956. The same opinionwas shared by the members of the CEA. who wrote: “l’Allemagne a un potentiel scientifique et industrielqui peut permettre de progresser assez vite. En outre, l’avance française, indéniable, est très relative. Lacoopération bilatérale germano-américaine ou germano-britannique pourrait aider l’Allemagne à comblertrès rapidement son retard. Or cette coopération est recherchée non seulement par les milieux industriels allemands,mais par les milieux industriels américains ou anglais ...”, IPMF, Dossier EURATOM-ProgrammeAtomique, Rapport sur l’état de la question de l’EURATOM, 26 April 1956, n.° 4691.15. Pierre Guillaumat was one of the main supporters of the “French bomb”. For a thoughtful study onhis figure, see A. BELTRAN, G.-H. SOUTOU, Pierre Guillaumat. La passion des grands projets,Paris, éd. Rive Droite, 1995.

114 Ginevra ANDREINInot support at first the idea of an European atomic community: the CEA feared to losethe scientific monopoly it had over nuclear issues.The military authorities shared similar fears. In April 1956, the Director of the Constructionset Armes Navales Balland, wrote a memorandum to the Secretary of State forthe Navy. After a broad assessment of the EURATOM project, he clearly stated that anyabandonment of the nuclear programme would lead to the abdication of the national independence.He significantly added:“Il en résulte qu’il ne faut pas s’interdire par principe la recherche d’un armement atomiqueet qu’il convient au contraire de faire l’effort voulu pour réaliser et essayer dans lesmoindres délais des charges atomiques tactiques (...). Une telle recherche ne comprometpas les recherches civiles et même les favorise par une prise de possession plus complètedes problèmes de l’utilisationde l’énergie nucléaire”. 16The pressures exerted by the scientific and the military quarters did have some consequenceson the attitude the Mollet government developed towards the creation of a“French bomb”.On the aftermath of the President’s speech in January 1956, Pierre Gallois, supportedby Chaban-Delmas, Bourgès-Maunoury, Pierre Guillaumat and Michel Debré, the latterPresident of the Républicains sociaux and very close to General de Gaulle, undertook asort of “nuclear campaign”, in order to make the President of the Council aware of the importanceof the development of the military atom. On the occasion of a private meeting inApril 1956, colonel Gallois informed Mollet of the advantages a military nuclear strategycould have on France’s national security policy, pointing out that NATO military policyrelied upon a nuclear and thermo-nuclear strategy. The emphasis put on the “Atlantic strategy”- the French President being actually a strong supporter of the Atlantic Alliance -had some positive effects on Mollet’s attitude towards the fostering of the military atom. 17The socialist leader eventually agreed to let the national nuclear programme go on, althoughhe clearly asked his interlocutors to keep this decision secret.Nevertheless, secrecy was no longer possible. A few days after the meeting a groupof MPs tabled a bill which clearly aimed at the creation of a French national nuclear deterrent.18 Political and strategic considerations were at the core of the legislative act: thepossession of the “new weapon” would grant the political independence of France; itwould give France a chance to achieve the status of nuclear power, giving her a say inthe context of the Atlantic Alliance. Last but not least, the bill stated a key theme ofFrench nuclear policy: the deterrence of a stronger power by a weaker power based on16. Service Historique de la Marine (SHM), Château de Vincennes, III BB8-132, Note pour le Secrétaired’Etat à la Marine E.M.P., de la part de M. Balland, Ingénieur Général de Génie Maritime,Directeur Central des Constructions et Armes Navales, 17 April 1956, n.° 45087-CAN/o, secretconfidentiel. Hereafter SHM.17. The “Atlanticism” of the French premier has been thoroughly studied by P. BUFFOTOT, GuyMollet et la défense: du socialisme patriotique au socialisme atlantique, in: GUY MOLLET, Uncamarade en République, ouvrage collectif, Presses Universitaires de Lille, 1987, p. 512.18. The senators who tabled the bill in front of the “Conseil de la République” came from differentpolitical backgrounds. Among them there were: Jacques de Maupéou (“Républicain indépendant”),the General Béthouart (MRP), Edgar Pisani (“Gauche démocratique”), Yvon Coudé du Foresto(MRP), Michel Debré (President of the “Républicains sociaux”).

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 115nuclear sufficiency. In a nutshell, the possession of the smallest nuclear arsenal wouldprovide for the defence of the country. This would become known as the “dissuasion dufaible au fort”, preceding the similar British concept of “minimum deterrence”. 19For the first time France’s public opinion learnt about the existence of a national nuclearprogramme. Was there any link between Mollet’s decision to support the “militaryatom” and the speed-up the bill gave to French nuclear ambitions? Actually, the militaryauthorities, the representatives of the CEA and the experts who have been working onthe nuclear programme since the early fifties, felt threatened by the limits which couldarise from the negotiations on the EURATOM project. The bill tabled in April 1956 wasthe answer to such a threat: the claim for a nuclear bomb could be no longer concealed.In a nutshell, the French “grandeur” had to be achieved.In the meantime, the “Spaak Committee” had worked out a document which was tobe examined by the Foreign Ministers of the “Six” on the occasion of a Conference tobe held in Venice. In that document a “moratorium” on the military exploitations of nuclearenergy was envisaged: for a short period of time, the “Six” were supposed to renounceto the manufacture of atomic bombs, meaning that the research in the fields ofmilitary nuclear applications would come to an end, at least for the following years. TheFrench Minister for Foreign Affairs Christian Pineau seemed to back the moratoriumintroduced by the Spaak Committee. 20In front of the National Assembly, Pineau pointed out that EURATOM could representan obstacle to the military exploitations of nuclear energy. France, not Germany,could be the “victim” of the peaceful use of atomic energy. 21The reactions of the members of the CEA were strong enough to compel Pineauto revise his position. In June 1956, a meeting held by the Minister of National DefenceBourgès-Maunoury compelled the Minister of Foreign Affairs to amend the nuclearmoratorium to the advantage of French freedom in the atomic field. AlthoughFrance accepted a moratorium on nuclear experiments for the following four years,French authorities were strongly committed to the hypothesis to create a nuclearbomb. It was stated therefore that France would go on developing research in the nuclearfields, both civil and military, until the moratorium came to an end. From thattime onwards, France would feel free to manufacture the atomic weapon. As it wasstated during the meeting: “Aucune entrave diplomatique ou technique ne doitempêcher la France de faire usage de cette liberté”. 2219. French and British nuclear strategies have been largely discussed by B. HEUSER, NATO. Britain, Franceand the FRG. Nuclear Strategies and Forces for Europe, 1949-2000, London, Macmillan, 1997.20. G. BOSSUAT, Jean Monnet, le Déparlement d’Etat et l’intégration européenne (1952-1959), in:R. GIRAULT, G. BOSSUAT, Europe brisée, Europe retrouvée ..., op. cit., pp. 328-329. Theauthor points out that: “Le Conseil des Ministres des Six réuni à Bruxelles en février 1956 refusade renoncer aux armes atomiques. Christian Pineau avait déclaré qu’il faisait une réserve sur la formulede Spaak favorable à une renonciation unilatérale à l’usage de l’énergie nucléaire à des finsmilitaires.”, p. 329.21. D. MONGIN, op. cit., p. 421. Christian Pineau is supposed to have asserted: “Ce pays, bien entendu,ne saurait être l’Allemagne, puisque celle-ci, par le traité de Paris, est liée et ne peut fabriquerdes engins atomiques. Mais ce pourrait être le cas de Paris”.22. P. GUILLEN, La France et la négociation du Traité d’Euratom, op. cit., p. 121.

116 Ginevra ANDREINIThe French Premier could not but take into consideration the claim for the creation of anational nuclear deterrent. Before the speech Mollet held in front of the National Assembly,George Boris - chargé de mission during the Mendès-France Government in 1954 - wrote aletter to the French Premier, suggesting to Mollet the attitude he should hold:“Dans ces conditions, j’ai pensé que vous avez peut-être intérêt, du point de vue même dela situation intérieure dans le Parti Radical, à demander à Gaillard son opinion, ce qui leflatterait naturellement, mais ce qui pourrait également servir pour couvrir la position quevous auriez à prendre (vu qu’il est bien inutile que vous adoptiez une position en flèchesur ce problème)”. 23Whether Mollet liked it or not, the pressures exerted by some politicians and by thescientific and military quarters implied the accomplishment of the national nucleardeterrent. Neither the EURATOM project, nor the Premiers positive attitude towardsthe issue of international disarmament, nor the United States’ critical view of France’snuclear ambitions could hamper the creation of the national nuclear deterrent. Furthermore,the international context seemed to back France’s hopes.The international context.The United States’ Refusal to Support France’s Nuclear Ambitions and theBeginning of a Franco-German RapprochementAs we have already pointed out, not only the national scene but also the internationalsituation played a paramount role in the creation of France’s nuclear deterrent. The radicalchanges which characterised the international relations in the mid-1950’s rapidlyled to the creation of a bi-polar system, where the “cold war” gradually changed intothe so-called “détente”. Economic and technological competitiveness was now at thecore of the struggle between the two super-powers, while the Old Continent was desperatelytrying to catch up with these international changes. 24Although the growing economic development could not but please the Western Europeangovernments, Western Europe could hardly find a role in the bi-polar dialoguebetween the Kremlin and the White House. Moreover, the decolonisation process wasgaining momentum, therefore implying a weakening of the political and economic “status”of the two main colonial powers, Great Britain and France. From a military pointof view, the Europeans dreaded the retreat of the United States to a “nuclear isolationism”,which would leave Europe without an effective military guarantee against a Sovietattack.23. IPMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique, Note pour le Président de la part de Boris, a/sl’EURATOM, 4 February 1956.24. For a broad assessment of the “détente”, see J. VAN OUDENAREN, Détente in Europe: the SovietUnion and the West since 1953, Durham and London, Duke University Press, 1991; S.R. ASH-TON, In Search of Détente: the Politics of East-West Relations since 1945, London, Macmillan,1989.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 117France and West Germany shared similar fears. The attitude of the United States onthe one hand, and the need (or the interest) to relaunch Europe as a main actor in the internationalscene on the other, represented a link between the two countries. The issueof the European integration process and, more precisely, the EURATOM project,through which the two countries hoped to affirm their “nuclear status”, enhanced the relationshipbetween Paris and Bonn.It could be rightly argued that the decreasing tension between France and West Germanysaw its origins in 1954, during the Pierre Mendès France government. Actually, thethen French Premier pursued the aims both of a “détente” towards the Kremlin and ofmilitary co-operation with the Bonn government. 25 From a political point of view, the internationalsituation could not yet allow a more definite rapprochement between Paris andBonn, also because West Germany still had to become officially a member of the AtlanticAlliance. However, Mendès France, supported by the members of the CEA, fostered therelationship between Paris and Bonn, enhancing at first the co-operation in the militaryand scientific fields, then focussing on the harmonisation of their strategic policies. 26 Thecreation of an isotope isolation plant became the means through which the French governmentpaved the way for the revival of the Franco-German relationship.In January 1955, colonel Charles Ailleret, an expert in nuclear strategy, in a letteraddressed to colonel Binoche, one of Mendès France’s close military advisers, hadpointed out the need for an economic and industrial co-operation between France andWest Germany, in order to lay the foundation of an European nuclear plant:“La somme des moyens de la France et de l’Allemagne, et d’une manière plus largeeuropéens, serait semble-t-il suffisante pour permettre le développement d’une grandeindustrie nucléaire. Aux ressources en uranium de l’Union Française et à la profondeurstratégique de celle-ci viendrait s’ajouter la puissance de l’industrie lourde et de la scienceallemande; toutes les conditions de la création d’une grande puissance nucléaireseraient ainsi réalisées”. 27The nuclear co-operation between France and the Federal Republic of Germany (FRG)would foster the civil development of atomic energy, as well as its military exploitations.The boundary between the civil and the military use of nuclear energy was sovague that it was hardly impossible to mark a definite line between the two aspects. Asa consequence, that ambiguity helped the French authorities to conceal the developmentof the military nuclear programme, giving the impression that the peaceful use ofatomic energy was central to France’s interest. In March 1955, a memorandum of the25. The French foreign policy during 1954-1955 has been thoroughly discussed in: A. VARSORI, Alleorigini della prima distensione: la Francia di Pierre Mendès France e la ripresa del dialogo conMosca (1954-1955). in: Storia delle Relazioni Internazionali, VIII. 1992/1-2, pp. 63-97. See also.P. GUILLEN, Le problème allemand dans le rapport Est-Ouest d’après les documents diplomatiquesfrançais, in: Relations Internationales, n.° 71, automne 1992, pp. 299-309.26. G.-H. SOUTOU, l’alliance incertaine .... op. cit. The author points out that in January 1956 theSecretary general for the National Defence stressed the need for a Franco-German co-operation inthe field of military research and armaments production, as well as for the “harmonisation des conceptionsmilitaires sur l’organisation et l’emploi des forces.”, p. 46.27. PMF, Dossier Défense Nationale, Note à l’attention du Colonel Binoche au sujet d’une éventuellepolitique atomique militaire européenne, 22 January 1955.

118 Ginevra ANDREINIInstitut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN) concerning the developmentof nuclear energy, clearly stated:“Les problèmes de la réalisation de centrales et de moteurs atomiques et de la réalisationde l’arme nucléaire, sont liés sur le plan technique - il y a, à cet égard, une véritable identitédes besoins de notre expansion industrielle et des besoins de notre Défense Nationale- et sur le plan budgétaire - une partie importante des investissements nécessaires dans ledomaine des applications pratiques serviront aux deux fins”. 28The following year, in a note on the isotope isolation plant, the Chief of Staff of theFrench Navy, Admiral Nomy, wrote:“On peut remarquer qu’il n’existe pratiquement aucun cas où une installation industriellesoit aussi parfaitement rentable, aussi parfaitement ambivalente, c’est-à-dire susceptiblede procurer la puissance économique ou la puissance militaire. Ceux qui contrôlent unetelle usine, commandent l’avenir. (...) Les conséquences stratégiques et économiques aubénéfice de la France seraient considérables. Sur le plan militaire, usines et piles produisantles matières fissiles deviendraient nos arsenaux les plus importants”. 29Although the production of enriched fissile material did actually foster the civil use ofnuclear energy, it cannot nevertheless be forgotten that France needed the Uranium 235to manufacture the H bomb. However, the strain in the relations between Paris andWashington hampered the development of a French nuclear programme; at the sametime, the United States’ refusal to support France’s atomic ambitions furthered the rapprochementbetween France and West Germany.Between 1954 and 1956 the French government exerted strong pressures on theWhite House in order to reach an agreement on the purchase of American enriched uraniumagainst French plutonium. The US authorities, and among them the President ofthe “Atomic Energy Commission”, Admiral Lewis Strauss, were extremely worriedabout the hypothesis of a French nuclear bomb. 30 The presence of one of the most powerfulCommunist Parties of Western Europe did not contribute to ease the relations betweenthe two countries. Furthermore, the memory of the EDC failure and of the Indochinawar, together with the American dissent over French policy towards theAlgerian question, could not but strain the Franco-American relationship. 31 Last but notleast, the relaxation of American legislation on the sharing of nuclear information in thesecond half of the Fifties favoured only Great Britain. France’s attempt to obtain informationon nuclear energy and its military applications seemed doomed to failure.28. IPMF, Dossier Défense Nationale, Travail en Comité, Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale,l’énergie nucléaire en France, n.° 353/DE, 9 March 1955.29. SHM, III BB 8-150, Usine de séparation des isotopes, Position de l’Amiral Nomy, 1956.30. For a broad assessment of Franco-American relations, see also M. VAISSE, La filière sans issue:l’histoire du premier sous-marin atomique français 1954-1959, in: M. VAISSE (ed.by), La Franceet l’atome. Etudes d’histoire nucléaire, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 105-106; P. GUILLEN, LaFrance et la négociation du traité d’Euratom, op. cit., pp. 391-412.31. The United States’ attitude towards French foreign policy during the fifties has been thoroughlyexamined by I. WALL, The United States and the making of Postwar France, 1945-1954, Cambridge,Cambridge University Press, 1991 ; M.M. HARRISON, The Reluctant Ally: France and AtlanticSecurity, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1981.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 119Nevertheless, an agreement on the purchase of US enriched uranium was finallyachieved in 1956. At the insistence of the Pentagon, of the US Congress and of the Presidentof the AEC, Lewis Strauss, however, the amount of fissile material was very smalland the degree of enrichment too low to ensure the military applications of nuclear energy.The United States, therefore, persisted in their reluctance towards France’s nuclearambitions. 32The French authorities were well aware that the US government could hamper thecreation of a national nuclear deterrent. In January 1956, the French Ambassador inLondon Jean Chauvel, in a memorandum on the US attitude towards the EURATOMproject and the use of nuclear energy, pointed out:“Sans parler du levier que constitue son influence politique à Bonn, le Gouvernementaméricain dispose d’un puissant moyen de favoriser le projet: ses disponibilités en U235sont immenses. Mais les fournitures s’accompagneraient d’un contrôle américain trèsétroit de la matière fissile. Surtout, elles impliquent que les pays ou l’organisation bénéficiairerenonce expressément et totalement à tout usage de l’atome à des fins militaires”. 33The French Ambassador showed a similar fear in a note sent to Paris the followingmonth. As in his previous document, Chauvel stated that the US government, althoughsupporting the EURATOM project, strongly opposed the idea of European nucleardeterrent, that is, in other words, the creation of a French nuclear arsenal.“On ne reviendra pas sur les arguments [added Chauvel] qui ont été développés pourmontrer qu’une grande puissance ne peut renoncer à la faculté de fabriquer des armes etdes engins atomiques. Ces armes sont, par excellence, les armes modernes. Faute d’unaccord international les interdisant et les éliminant, et jusqu’à ce qu’un accord soit concluou soit en vue, l’importance et le rôle de ces armes ne pourraient que croître”. 34France seemed determined to ensure her nuclear freedom notwithstanding US opposition.The members of the CEA, once reluctant to support the project of a supranationalatomic organisation, were now interested in developing such European institution. Severalreasons contributed to make the CEA change its mind, first of all the decrease of itsfinancial resources due to the intensifying of the Algerian conflict and to the economicand social development of the French Union countries. Moreover, the attitude theUnited States had showed towards French nuclear ambitions made the members of theCEA look at the EURATOM project as the means to foster the development of anational nuclear deterrent. 3532. M. VAISSE, La filière sans issue, pp. 105-106.33. PMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique, Note au sujet d’EURATOM, Conversationavec Sir Edwin Plowden. Londres, 31 January 1956.34. PMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique, Note. Londres, 9 February 1956. The note clearlypointed out the fear the French authorities had of the EURATOM project hampering the military developmentof nuclear strategy: “Si l’on reconnaît l’étendue du sacrifice irrévocable qu’entraînerait unerenonciation aux utilisations militaires de l’atome et les dangers qu’il y a pour nous à opter pour uneformule d’intégration qui pose automatiquement le problème de cette renonciation (...) on est tenté depréférer les formules de coopération intergouvernementale à celle de l’intégration”.35. On the CEA attitude towards the EURATOM project, see P. GUILLEN, La France et la négociationdu traité d’Euratom, op. cit., pp. 395-396.

120 Ginevra ANDREINIGeorges Boris, in a note to Guy Mollet in April 1956, clearly pointed out the link betweenthe United States’ coolness towards France’s nuclear programme and the decisionof the CEA to support the EURATOM project. The members of the CEA agreed that:“La France peut se donner une industrie atomique. Une coopération économiqueeuropéenne n’y peut pas changer grand-chose à court terme, sauf que le progrès qualitatifpeut être accéléré. A plus long terme la coopération devrait aider à assurer l’indépendancetechnique vis-à-vis des Etats-Unis. Dans le commentaire sur l’aide américaine, leCommissariat s’élève contre l’idée d’abandonner la construction en Europe d’une usinede séparation isotopique parce que ‘nous ne savons pas dans quelles conditions serontassurées dans 10 ou 15 ans les fournitures américaines’”. 36Therefore, the creation of a Franco-German isotope separation plant became the goal ofthe CEA. The EURATOM community would represent the context for the developmentand the implementation of such a project.The attitude the French government and the CEA were going to develop towards thenuclear issue, both in its military and civil aspects, was clearly stated in a letter Boriswrote to the French Premier. In that note, Mollet’s advisor pointed out Francis Perrin’sopinion on the EURATOM project. Since he had become High Commissioner of theCEA in 1951, Perrin had strongly supported the peaceful use of the atom, because hedreaded that the military exploitations of nuclear energy would hamper the economicand industrial development of France. 37 Nevertheless, the document seemed to showthat Perrin was quite aware of the need of a Franco-German nuclear co-operation, in orderto enhance French industrial development and to find an alternative to the US refusalto support France’s military programme:“Acceptant en principe l’idée de l’EURATOM, il [Perrin] tient avant tout à ce que laFrance, qui a une avance de 5 ans sur l’Allemagne (de 2 ou 3 ans sur la Suède qui vientimmédiatement après la France) conserve la gestion d’un programme civil national, ledanger étant qu’un organisme supra-national ralentisse le progrès français par une sortede nivellement. En fait, d’ici 5 ans, la France dans l’Euratom, ne recevra pratiquementrien mais donnera. (...) Il y aura intérêt pour la France à ce que se soit construite en communune usine de séparation isotopique, laquelle nécessite encore 1 an d’études et 4 ansde construction. La technologie allemande pourra également, dans l’avenir, notammentdans le domaine de la métallurgie, constituer un apport utile pour la France”.[As for the relationship between France and the United States, Perrin believed that]:36. IPMF, Dossier EURATOM - Programme Atomique, Note de M. Boris au Président au sujet desréponses du CEA aux questions posées sur les utilisations de l’énergie atomique, 27 April 1956.37. In a letter to Mendès France in December 1954, Perrin fairly stated: “Il ne paraît pas possible de commenceravec efficacité les études préparant spécifiquement la fabrication du ou des premiers modèlesd’armes atomiques avant de disposer des premiers kilogrammes de plutonium, c’est-à-dire avant la finde 1957, et on ne peut pas raisonnablement espérer réussir une première explosion atomique avant cinqans. Par ailleurs, il serait grave de compromettre le progrès vers l’utilisation industrielle de l’énergie atomiqueen France.(...) La France peut atteindre dans ce domaine une position de premier plan si elle continueson effort vers les réalisations industrielles. Mais si elle restreint ou relâche cet effort, elle risqued’être trop distancée, par l’Angleterre notamment, et de perdre ainsi l’essentiel du bénéfice possible.”,IPMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique, Perrin to Mendès France, Note relative au programmede Défense Nationale, 29 December 1954, personnelle.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 121traduire par quelques avantages pour nous, mais le seul bénéfice vraiment digne d’unsacrifice, serait l’engagement des Etats-Unis de nous doter d’armes atomiques tactiques.Il est douteux que l’Amérique y consente”. 38The European context seemed the only way left to satisfy French nuclear ambitions.Was West Germany ready to live up to France’s expectations?The “Entente Cordiale” between Mollet and Adenauer withinthe EURATOM Project in the Autumn 1956:a Community of Political Fears and Nuclear Interests?During the first half of the fifties, the concept of “double sécurité” was at the core ofFrance’s security policy: on the one hand, thanks to the Kremlin’s attitude towards theGerman question, the division of Germany represented a guarantee to the integrity ofthe French territory; on the other hand, the integration of West Germany into the AtlanticAlliance strengthened France’s security vis-à-vis a Soviet attack. 39 As a consequence,a policy of “détente” towards the Soviet Union and an attitude of co-operationwith West Germany - which meant indeed a control of the latter - were the key-themesof French policy in the mid-fifties. 40During 1956, several political and military reasons contributed to the fostering ofthe process already begun during the Mendès France government. A few days beforethe compromise on the Saar question - which would link politically that territory toWest Germany, while maintaining close economic ties with France until the end of1959 41 -, the German Chancellor Konrad Adenauer appointed Franz Joseph StraussMinister of Defence. 42 Strauss, already Minister for atomic affairs and Vice-Presidentof the Defence Council, paved the way for the enhancement of the Franco-Germanrelationship. His deep interest in nuclear issues - which in Strauss’ thinking wouldrepresent the main link with the Paris government - made him aware of the need toovercome the opposition of those politicians, like the Minister for Economic Affairs38. IPMF, Dossier EURATOM-Programme Atomique, Note pour le Président de la part de M. Boris,21 February 1956.39. For a broader assessment of the concept of “double sécurité”, see G.-H. SOUTOU, l’alliance incertaine..., op. cit., pp. 37 and fgg.40. France’s policy of détente towards the Soviet Union has been thoroughly discussed in: A. VARSORI,Alle origini delta prima distensione, pp. 63-97; as for the French perception of the “German question”,see P. GUILLEN, Le problème allemand dans les rapports Est-Ouest .... op. cit., pp. 299-309.41. The “question sarroise” has been dealt with by A. GROSSER, Affaires extérieures, La politique dela France 1944-1989, Paris, Flammarion, 1989, pp. 120-121.42. F.J. STRAUSS, Mémoires, Criterion, Paris, 1991. He was appointed Minister of Defence on 16 October1956. As Strauss wrote in his memories, at that time the international situation went through several crises:viétiques l’écrasèrent dans le sang. Le 29 octobre, les Israéliens engagèrent leurs opérations contre l’Egypte.Et le 5 novembre, des parachutistes britanniques débarquèrent à proximité de Port-Said ... Ce fut donc dansun monde débordant de crises et de dangers de guerre que je pris mes fonctions.”, p. 389.

122 Ginevra ANDREINIErhard backed by the industrial quarters, who strongly tried to hamper the EURA-TOM project. Strauss’ exclusive control of the national armaments policy representedthe first step of the process leading to the affirmation of West Germany as a nuclearpower. 43 French nuclear ambitions would help the FRG to reach this aim. 44Both France and West Germany perceived the possession of a national nuclear deterrentimportant inasmuch as the United States seemed to threaten with the retreat to aNATO and the Atlantic Alliance as a whole could provide, they nevertheless feared theUS may go back to a “peripheral” strategy. The relaxation of tension between the UnitedStates and the Soviet Union, together with the growing Soviet military capabilities,led Paris and Bonn to mistrust the US strategy based on the concept of massive retaliation,whose credibility was struck at the core by the United States’ own vulnerability. 45Furthermore, the strategy of the “flexible response” - which was officially adopted bythe United States in 1962 - was not seen by the French and German authorities as avaluable and effective alternative to the former strategy. 46The worsening of the situation in Algeria, moreover, was not of little consequence forFrance’s military contribution to the NATO security system: the withdrawal of French divisionsfrom Europe to North Africa emphasised the need for an American nuclear protection,while it increased France’s eagerness of possessing nuclear weapons as a means to face exter-43. The appointment of Strauss as Minister of Defence fully showed the perception Adenauer had of the new internationalsituation. The Soviet explosion of the hydrogen bomb in autumn 1953 and the loss of Americannuclear monopoly, the nuclearization of Western defence strategy, along with the fear that the United Statescould withdraw a significant number of troops from Europe (“Radford plan”, autumn 1956), persuaded theGerman Chancellor of the need to reinforce the German role within the Atlantic alliance. Even though Adenauerwas unfamiliar with the technological questions related to atomic issues, he was aware of the politicaland diplomatic role of nuclear weapons in the international scene. The appointment of Strauss as Minister ofDefence was the answer to the changing situation. As P. FISCHER wrote: “The shifs was behind Adenauer’sdecision to appoint Franz Joseph Strauss as defence minister to succeed Theodor Blank who had never fullygrasped the significance of the new NATO military strategy. Previously Minister of Atomic Affairs, Strausshad distinguished himself as a true expert in the nuclear field, advocating an immediate adjustment of the Germandefence contribution to the changes in nuclear strategy.”, West German Rearmament and the NuclearChallenge, in: F.H. HELLER, J.R. GILLINGHAM (ed. by), NATO: The founding of the Atlantic Allianceand the Integration of Europe, London, Macmillan, 1992, p. 393.44. For a thoughtful assessment of Strauss’ policy, see M. CIOC, Pax Atomica: the Nuclear Defence Debatein West Germany during the Adenauer Era, New York, Columbia University Press, 1988, pp. 33-37; P.FISCHER, West Germany Rearmament and the Nuclear Challenge, in: F.H. HELLER, J.R. GILLING-HAM, The Founding of the Atlantic Alliance and the Integration of Europe, pp. 381-401.45. Due to the growing military capabilities of the Soviet Union, since early 1955 the US authorities perceivedthe vulnerability of the American territory. Early February 1955 the “Killian Report”warned that even ifthe United States were able to face a surprise nuclear attack from the Soviet Union, “we (the US) still remainin a position where the United States can be grievously hurt.”, Foreign Relations of the United States(FRUS), 1955-57, vol. 19, National Security Policy, Killian report, p. 44.Other documents of that time showed the United States’ perception of the changing situation in the armamentsrace: see for example National Security Council 5515/1 “Possible hostile Soviet actions”and NationalSecurity Council 5517 “Priorities relative to pre-D-day allocation of military equipment”, both inFRUS, 1955-57, vol. 19, pp. 56-57 and 71-75.46. American nuclear strategy has been thoroughly discussed in: B. HEUSER, Nato, Britain, Franceand the FRG, chap. I, II.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 123nal conflicts. 47 The need to cope with external conflicts - such as the Algerian war - and the necessityof fostering the creation of a national nuclear deterrent could not but transform France’smilitary machine. As a memorandum of the French Navy in October 1956 clearly stated:“En ce qui concerne la transformation de notre appareil militaire consécutive à la généralisationdu “fait nucléaire” et du “fait psychologique”, il semble bien qu’un élément capitalméritait d’être noté à côté des capacités de défense permanentes et de manœuvre: la capacitéde dispersion des forces et de leurs soutiens logistiques, cette capacité étant d’ailleurs utiliséepour une dispersion permanente dès le temps de paix au titre de défense préventive contre lesattaques atomiques et qu’il convient de concilier avec les mesures de sécurité à prendre contreles entreprises de subversion”. 48In December 1956, Jean Chauvel pointed out the fear of a US “nuclear isolationism”which would leave Europe without an effective military guarantee. In case of a Sovietattack against Western Europe, the United States would reserve its freedom to intervenewith massive nuclear attacks. The French Ambassador in London, therefore, stated that:“l’impérieuse nécessité pourrait être rappelée de réaffirmer la détermination américaine deconsidérer toute agression militaire russe en Europe comme un conflit majeur comportantl’emploi de l’arme atomique (...) l’importance non seulement technique, mais aussi, pourne pas dire surtout, psychologique et politique du maintien en Allemagne des forcesaméricaines, anglaises et canadiennes qui s’y trouvent, pourrait être fortement soulignée”. 49In the second half of 1956, therefore, the concurrence of international fears and nationalinterests seemed to reinforce the vision for a rapprochement between France and WestGermany. The immediate result of this process was the resumption of the EURATOMnegotiations after a temporary stalemate and the beginning of a military co-operationbetween the two European countries.The enhancement of the relations between Paris and Bonn paradoxically representeda sort of guarantee to France’s freedom in the atomic field. France was not eager tosupport Germany’s military recovery, letting alone its military nuclear development; atthe same time, however, it did not want to keep aloof from German atomic ambitions.The need both to exploit German industrial resources and to control its military developmentled France to look for a dialogue with Bonn. 50 The changes on the internationalscene could not but enhance France’s policy towards Germany.47. For an interesting study on the connection between the Algerian conflict and the creation of a nationalnuclear deterrent, see J. DELM AS. A la recherche de la puissance: l’armée entre Algérie etbombe A. 1956-1962, in: Relations Internationales, n° 57, 1989. pp. 77-87.48. SHM, III BB2/EG - 127. La politique navale française répondant à la Directive de politique militaireà long terme définie par le Ministre de la Défense Nationale le 5/10/56 sous le n° 1533/EMFA/EG/1, secret. 27 October 1956, p.4.49. Ministère des Affaires Etrangères, (MAE), série Europe 1944-1960, sous-série Grande Bretagne.Défense Nationale. Organisation et Conceptions de la Défense, tél. à l’arrivée. n° 5444/48, Chauvelà Paris, réservé, London, 7 December 1956.50. As for the beginning of the military and economic co-operation between France and the Federal Republic of Germany.Strauss pointed out in his memories: “Dès mon entrée en fonction, les Français se montrèrent particulièrement intéressésà coopérer étroitement avec nous. Es envisageaient surtout une participation à l’équipementde la Bundeswehr, objectifoù intervenaient également les intérêts tout à fait privés d’hommes politiques français. Les Français, déjà très tributairesde leurs exportations d’armement à cette époque, avaient réalisé de nombreuses innovations techniques dansce domaine, qui, faute de demande, ne débouchaient pas sur la production.”. FJ. STRAUSS, Mémoires, p. 406.

124 Ginevra ANDREINIAdenauer and Mollet first met in September 1956. Although nuclear issues were notat the core of that meeting, both leaders agreed on the need to strengthen Europe’s militaryand political role in the context of the Atlantic Alliance. As a result of the supposedweakening of US military commitment to Europe, the German Chancellor and theFrench Premier put forward the hypothesis of strengthening the defence of Europethrough a revitalised “Western European Union” (WEU). In a nutshell, they aimed atcreating a Franco-German couple, which could have a say within the Atlantic context. 51During the same month, Adenauer and von Brentano, the German Minister of ForeignAffairs, on the occasion of a meeting with the French Secretary of State for Foreign AffairsMaurice Faure, agreed to co-operate with France in the armaments field, both inthe domain of research and of production. 52In November 1956 - as France and Great Britain were ordered a cease-fire by theUnited Nations in the Suez crisis - the German Chancellor and the French Premier metonce again. Mollet submitted to Adenauer a memorandum drafted by the Quai d’Orsayand by the Minister of Defence, in which the French Government proposed a militaryco-operation in the strategic field, as well as in the domain of armaments production. 53Although the German Chancellor did not seem to accept the French proposal, he neverthelesstook into consideration France’s nuclear ambitions. As Adenauer stated duringthe meeting with Mollet, the EURATOM project could not control the fissile materialused by each member of the atomic community for the military exploitations of nuclearenergy. In a nutshell, Adenauer paved the way for France’s freedom in the militaryatomic field, legitimising at the same time the military nuclear effort each of the “Six”ty could then be resumed.51. See G.-H. SOUTOU, Les problèmes de sécurité dans les rapports franco-allemands de 1956 à1963, in: Relations Internationales, n.° 58, 1989, p. 228.52. In April 1956, a French memorandum had proposed to the German Government a co-operation inthe armament field, in its industrial, operational and strategic aspects. The next month, during ameeting of the Franco-German economic committee, the French diplomats put forward the sameproposal, but the Bonn Government was not yet ready to accept it (It must be remembered that theSarre question still had to be settled). In January 1957, during Strauss’ visit in Algeria, an agreementwas signed between Paris and Bonn. The agreement of Sidi-bel-Abbès, as Strauss recalled inhis memoirs, was “le premier accord de coopération technico-militaire entre la France et la Républiquefédérale d’Allemagne - sans éléments nucléaires. Dans cet accord, il s’agissait plus de délimiterles secteurs de coopération éventuelle que de définir des projets concrets.”, F.J. STRAUSS,Mémoires, p. 407.53. G.-H. SOUTOU, l’alliance incertaine ..., op. cit., pp. 71 and fgg. As for the French memorandumof November 1956, the author also pointed out that: “Un comité militaire, formé de représentantsdes ministères de la Défense et des Affaires étrangères respectifs, serait chargé de mettre en œuvrecet accord aussi bien pour développer des doctrines communes que pour les études et la fabricationde matériel. On le voit, ce projet reprenait, en les précisant, les propositions faites aux Allemandsdès le printemps 1956.”, p. 72.54. For a broad assessment of the military co-operation between Paris and Bonn in the nuclear domain,see C. BARBIER, Les négociations franco-germano-italiennes en vue de l’établissement d’unecoopération militaire nucléaire au cours des années 1956-58, in: Revue d’Histoire Diplomatique,n.° 104, 1990, pp. 81-113.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 125The Development of the French Military Nuclear Programme between Septemberand December 1956:a Concurrence of National and International Events?Further developments in the international context led both Adenauer and Mollet to hastenthe rapprochement between their countries. As the Suez crisis was coming to anend, the German Chancellor realised that in the long-run the Franco-British “débâcle”within the Atlantic Alliance. 55 At the same time, the strain in the relations between Parisand Washington, together with the growing coolness in the Franco-British relationship,could not but draw France and Germany to look for a more definite rapprochement.Last but not least, the French concept of double sécurité seemed now doomed to failure.The growing support the Soviet Union was giving to the Algerian “Front de LibérationNational” (FLN) hampered the search for a dialogue between Paris and Moscow andstressed the need for a rapprochement between France and West Germany. 56Although the concurrence of international events allowed France to hasten the creationof a national nuclear deterrent, it cannot be forgotten that the Mollet governmenthad already laid the foundations for a French nuclear strength, regardless of the developmentin the international scene.Towards the end of 1956, the French political and military authorities, supportedby the scientific quarters, agreed on the need to preserve France’s freedom inthe nuclear domain. In November 1956, a few days after the meeting between Adenauerand Mollet, the Minister of National Defence Bourgès-Maunoury and theSecretary of State for the Présidence, Georges Guille, reached an agreement on thedevelopment of a French nuclear programme. 57 At the core of the present agreementwas a sharing of tasks in the atomic field between the CEA and the Ministryof Defence. The former was supposed to carry out the project for an atomic submarine(Q-244), to keep on studying the implementation of nuclear tests and the realisationof a separation isotope plant. The Ministry of Defence, on the other hand,was requested to support the CEA both economically and through the supply ofqualified personnel; furthermore, it had to provide for the realisation of nucleartests. The following month, an agreement between Bourgès-Maunoury, Georges55. F.J. STRAUSS, Mémoires. The author wrote: “A la suite du conflit de Suez de 1956, l’Allianceavait connu une crise profonde. Les Allemands eurent de plus en plus de poids du fait que les Américainsavaient pris leurs distances vis-à-vis des Britanniques et des Français et leur avaient refuséla solidarité nucléaire.”, p. 405.56. As for the evolution of the French concept of “double sécurité”, see G.-H. SOUTOU, l’allianceincertaine .... op. cit., pp. 58 and fgg.57. D. MONGIN, La bombe atomique française, op. cit., pp. 437-438. The author points out that thisagreement allowed the French Government to play an overwhelming role in the process which ledto the military exploitations of nuclear energy. As far as the production of fissile enriched materialwas concerned, Mongin stated that it was “soumis aux seules restrictions d’emploi que pourraitédicter le Gouvernement français”. Furthermore, the French Government controlled the productionof plutonium “qui serait nécessaire, en exécution des décisions éventuelles du Gouvernement,à la confection de prototypes et à la réalisation d’explosions atomiques expérimentales”.

126 Ginevra ANDREINIGuille and the Minister for Economic affairs, Paul Ramadier, fixed the amount offunds for the development of atomic research and the making of nuclear tests.Scientific and economic co-operation was therefore at the core of the agreement betweenthe Ministry of Defence and the CEA. On 5 December 1956, the French governmentcreated within the CEA the “Comité des applications militaires de l’énergie atomique”(CAMEA), which was supposed to supervise the nuclear co-operation betweenpolitical and scientific quarters. Actually, the CAMEA, a sort of military branch of theCommissariat à l’énergie atomique, was charged of preserving the scientific and technicalmonopoly of the CEA from any external interference, that is, in other terms, fromthe military quarters. 58 General Ely, the general Chief of Staff of the National Defence,Pierre Guillaumat and Francis Perrin, the more authoritative representatives of theCEA, the Chiefs of Staff of the “Forces Armées” and General Lavaud, the director ofthe “Cabinet Armament”, a body of the Ministry of Defence charged with nuclear issues,were the members of the CAMEA.Last but not least, between September and December 1956, the CEA worked out thesecond five-years plan for the development of nuclear energy, which was to be approvedby the French government in July 1957. The plan provided for the creation of an isotopeseparation plant, in order to produce enriched fissile material (Uranium 235), needed forthe peaceful use of nuclear energy as well as for its military exploitations, that is for thecreation of atomic submarines and other nuclear and thermo-nuclear weapons. 59ConclusionsLooking back to the question which stirred our analysis - that is the Mollet government’sdecision to further scientific and technological research in the atomic field in order tocreate a French nuclear deterrent - it could be rightly argued that national and internationalfactors influenced the development of France’s military nuclear programme.58. Since the early fifties, the scientific and technical monopoly on atomic issues strained the relationsbetween the CEA and the “sections atomiques”of the military quarters, such as the “Section Atomiquede l’Armée” (STA) ou le “groupement y”, a body created by General Blanc within the STAand charged with nuclear issues. In 1956, the Minister of Defence Bourgès-Maunoury fostered thenuclear co-operation between the scientific and military quarters creating the CAMEA and abolishingthe CSAMEA (“Commission supérieure des applications militaires de l’énergie atomique”)and the CEN (“Comité des explosifs nucléaires”). The CAMEA’s official aim was to supervise thatco-operation, although its principal aim was to preserve the CEA’s role in nuclear affairs. Furthermore,the agreements between the CEA and the Minister of Defence in the automn 1956 clearlyshowed the growing economic and political role of the Government in the atomic domain.59. G.-H. SOUTOU, l’alliance incertaine ..., op. cit., pp. 72 fgg. As for the content of the secondfive-year nuclear plan, the author remarks that: “En effet, outre certains usages civiles (réacteurs àl’uranium enrichi), il était déjà admis que l’uranium 235 était indispensable pour les moteurs desous-marins et pour certains explosifs nucléaires, c’est-à-dire, semble-t-il, pour les engins thermonucléaires,dont il était entendu depuis 1954 que leur réalisation suivrait celle de la bombe A. Maisl’usine isotopique était un très gros morceau (on prévoyait une dépense de 60 milliards de francs)et le CEA envisageait la possibilité de la construire dans un cadre européen.”, p. 73.

EURATOM: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent 127On the one hand, we may wonder to what extent international events influenced theMollet government’s attitude towards the creation of a national atomic programme. Asfar as the Suez crisis was concerned, France’s claim for a nuclear deterrent must not beseen as a direct consequence of that event. Towards the end of 1956, France needed toreaffirm its status of great power and the possession of an “A” bomb would stronglyserve this purpose. The Paris government exploited the Suez crisis to justify the existenceof a national nuclear programme, which would serve several purposes: it wouldmake France a nuclear power, enhancing its political and diplomatic role in the internationalscene and giving her a say within the Atlantic Alliance; it would strengthenFrance’s military capabilities, allowing France to face the Soviet threat and to cope withany conflict which would arise in the French Union; in this connection, France’s crisisas a colonial power implied in the long-run the loss of direct control on raw materials aswell as on the most important source of energy, oil, as the Suez crisis had just showed.In a nutshell, the Middle Eastern crisis legitimised the existence of a French nuclear deterrentin front of the public opinion and Parliament.Therefore, the need to exploit nuclear energy, both in its peaceful and military aspects,was seen as an imperative France could not give up easily. In this connection, theMollet government envisaged the EURATOM project as an instrument to achieve twopurposes which were tightly connected: on the one hand, to safeguard the developmentof the French nuclear deterrent and therefore France’s status as a great power; on theother hand, to create an entente cordiale between Paris and Bonn, which would giveFrance the economic and political support to keep on fostering its nuclear ambitions.The European integration process, therefore, represented the instrument through whichFrance tried to strengthen its role in the Old Continent at a time when French colonialempire seemed doomed to an inevitable end.In this connection, one question eventually arises: was France aware thatEURATOM - apart from being an instrument through which to achieve the statusof a nuclear power - could be a political means for playing a major role in a newEuropean order? France’s eagerness to have an atom bomb, thereby creating itsown nuclear deterrent, seemed to be a short-term goal which the Paris government- regardless of US opposition and Great Britain’s aloofness - wanted to achieve.We have the impression that the achievement of short-term national interests overlookedlong-term political and strategic goals. The rapprochement between Franceand West Germany - which would become a prevailing motive of the Europeanscene by the early sixties - was seen as another, though fundamental, instrument tosatisfy France’s nuclear ambitions. Was any political and strategic “Grand Design”behind France’s search for a dialogue with West Germany? Was de Gaulle’s ideafor a Franco-German European lead already in the plans of the political and militaryquarters? The answer is not immediate, even though we cannot forget thatsome of de Gaulle’s closest advisers and friends, such as Bourgès-Maunoury,Chaban-Delmas, Debré and colonel Gallois, played a paramount role in determiningMollet’s nuclear policy and in supporting the rapprochement between Franceand West Germany; at the same time, as de Gaulle came back to power in 1958,those same politicians and advisers were to become the main supporters of de

128 Ginevra ANDREINIGaulle’s long-term political goals: the creation of an independent force de frappeand the shaping of a new European order, based on an entente cordiale betweenFrance and West Germany.On the other hand, influential representatives of political and scientific quarters,such as Bourgès-Maunoury, Gaillard and Guillaumat, pushed for a more definite role ofthe government in the atomic domain. Although the production of a French nuclear deterrenthad remained secret until 1956, the concurrence of international events (i.e., theSuez canal crisis and the “relaunching” of the European integration process) made thatsecrecy no longer necessary. The French “nuclear lobbies” realised that the time hadcome for France to show its political and military strength: the possession of the atombomb would hide - although temporarily - France’s weaknesses in other domains, suchas the colonial one. However, it cannot be forgotten that since the early fifties, regardlessof the political instability and of the economic and technological difficulties, the advocatesof a national nuclear deterrent had never abandoned their aim. Although theykept their programme secret for years, since the mid-fifties the concurrence of internationalevents legitimised the existence of a French nuclear programme.Ginevra AndreiniUnversity of Florence

129La politique nucléaire de la Communauté européenne(1956-1968)Une tentative de définition, à travers les archives de laCommission européenneLaurence HUBERTAujourd’hui, plusieurs pays de l’Union européenne remettent en cause leur politiquenucléaire. Pourtant, quarante années auparavant, cette énergie suscitait l’euphorie et ce,à tel point qu’une Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) fut misesur pied. Dans ce cadre, il nous a paru intéressant de cerner les conditions danslesquelles les Etats membres de la Communauté européenne se sont engagés, dès 1957,dans la voie de l’atome et ont tenté d’élaborer une politique nucléaire. 1Ce sont essentiellement les enjeux économiques qui retiendront notre attention.Après avoir défini le rôle joué par les différents exécutifs - Haute Autorité, Commissionsde la C.E.E. et de l’Euratom - dans la définition d’une politique communede l’énergie, nous envisagerons les différentes phases dans l’élaboration de cettepolitique. Il nous faudra également mettre en évidence les difficultés auxquelles laCommunauté de l’atome a été confrontée dès le départ.l’année 1956 a été choisie comme date charnière: les répercussions de la crisede Suez sur le développement de l’énergie nucléaire ne sont pas sans intérêt. Notreétude se clôture en 1968. Les archives de la Commission européenne 2 ne sontactuellement accessibles que jusqu’à cette date. 3I. Le problème énergétiqueLa construction européenne a débuté sur le problème de l’énergie. Au cours desannées cinquante, les importations, en provenance de pays extérieurs à la Communauté,s’accentuent. C’est dans cet esprit qu’est rédigée la résolution adoptée àMessine, en 1955, par les ministres des Affaires étrangères des pays de la C.E.C.A.:1. Cet article est issu d’un mémoire de licence: L. HUBERT, De 1957 à 1997: quarante ans de traitéEuratom. Le développement de la production d’électricité nucléaire, mémoire inédit de l’U.Lg.(Histoire), 1998, 183 p.2. Pour réaliser cet article, nous avons essentiellement utilisé les données de l’Office statistique des Communautéseuropéennes - Eurostat, les études de la collection «COM» émanant de la Commission européenne, ainsi queles archives de la Commission européenne (Bruxelles). Pour ces dernières, nous avons exploité deux fonds: lefonds CEAB (Commission européenne Archives historiques Bruxelles) relatif à la Communauté européenne ducharbon et de l’acier, et le fonds BAC (Bruxelles Archives Commission) qui se rapporte à Euratom.3. Règlement (CEE/Euratom) n° 354/83 du Conseil du 1 er février 1983 concernant l’ouverture au public des archiveshistoriques de la Communauté économique européenne et de la Communauté de l’énergie atomique.in: Journal officiel des Communautés européennes (JOCE), Luxembourg, n°L43, 15 février 1983, pp. 1-3.

130 Laurence HUBERT«La mise à la disposition des économies européennes d’énergie plus abondante àmeilleur marché constitue un élément fondamental de progrès économique. C’est pourquoitoutes les dispositions devront être prises pour développer les échanges de gaz et decourant électrique propres à augmenter la rentabilité des investissements et à réduire lecoût des fournitures. Des méthodes seront étudiées pour coordonner les perspectivescommunes de développement de la production et de la consommation d’énergie et pourdresser les lignes générales d’une politique d’ensemble». 4Le rapport Spaak, rapport qui servira notamment de base à l’élaboration du traitéEuratom, témoigne de la même préoccupation quand il consacre, dans sa section«Secteurs d’action d’urgence», le premier chapitre à l’énergie.Ce n’est qu’avec la crise de Suez que les Européens réalisent qu’il est impératif de s’unir.l’interruption des livraisons de pétrole du Proche-Orient leur fait brutalement prendre consciencede leur dépendance énergétique vis-à-vis de ce combustible et de la nécessité poureux de s’associer; elle favorise l’élaboration du traité Euratom. C’est dans cette optiquequ’en octobre 1956, les ministres européens chargent trois personnalités - Louis Armand,Franz Etzel et Francesco Giordani - d’établir un rapport sur les besoins et les possibilités del’Europe de produire de l’électricité à partir de l’énergie nucléaire. En mai 1957, le rapportdes «Trois Sages» rappelle un élément alors connu de tous les pays de la C.E.C.A.: leMoyen-Orient seul peut couvrir les besoins européens. Au fur et à mesure que les importationspétrolières se développeront, le danger est grand de voir le pétrole devenir un moyen depression politique. En ce sens, ce document met déjà en garde contre les futures crises pétrolièresde 1973 et 1979. De plus, il établit que les importations d’énergie vont doubler durantles six prochaines années et tripler durant les deux décennies suivantes. 5Pour les «Trois Sages», seule l’énergie nucléaire peut permettre à l’Europe delimiter cet état de dépendance. En 1957, comme à l’heure actuelle, la principalefinalité de l’énergie nucléaire est la production d’électricité. Celle-ci est appelée àjouer un rôle sans cesse croissant dans l’économie énergétique des Six. Afin defaire face à l’augmentation des besoins, les «Trois Sages» recommandent de faireappel aux sources d’énergie communautaires transformées de préférence en électricitéà savoir: l’énergie hydraulique et géothermique, le lignite, les charbons dequalité inférieure, certaines productions, à grand débit, de gaz naturel. Toutefois, ilsestiment qu’elles ne pourront combler qu’un tiers des besoins. La solution préconiséeest la construction de centrales nucléaires qui remplaceront progressivementcelles fonctionnant au charbon 6 et au pétrole. 7 Néanmoins, il faut compter4. Résolution adoptée par les Ministres des Affaires Etrangères des Etats membres de la CECA (Messine,les 1 er et 2 juin 1955), in: A. BOERGER-DE SMEDT, Aux origines de l’Union européenne: La genèsedes institutions communautaires (CECA, CED et Euratom). Un équilibre fragile entre l’idéal européenet les intérêts nationaux. T.3: Du prototype supranational de la C. E. C.A. et de l’Euratom, Thèse de doctoratde l’U.Lg. (Histoire), 1996, p.726.5. Un objectif pour Euratom. Rapport présenté par Louis Armand, Franz Etzel et Francesco Giordanisur la demande des gouvernements de la République Fédérale d’Allemagne, de la Belgique, dela France, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, s.l., mai 1957, p. 19.6. De 1957 à 1967, le charbon transformé en électricité provient essentiellement des Etats-Unis.7. Il s’agit de substituer l’énergie nucléaire aux sources d’énergie importées et non à la productioneuropéenne d’énergie.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 131jusqu’à quatre années pour la construction d’une centrale. Cela signifie que certainesd’entre elles ne commenceront à fonctionner qu’en 1961 et 1962. Toujoursd’après les experts, l’électricité nucléaire devrait enfin être concurrentielle par rapportà celle d’origine thermique, aux alentours de l’année 1965.l’objectif alors assigné à Euratom est de mettre en place, pour 1967, des installationsnucléaires d’une puissance totale de 15 millions de KWe 8 , ce qui permettrait,non pas de diminuer, mais de stabiliser les importations de charbon et depétrole pour la production d’électricité. 9Les recommandations émises par Armand, Etzel et Giordani seront cependantvite oubliées. l’attitude adoptée par les Etats membres va préparer le «secondSuez», la crise pétrolière de 1973.II. Définition d’une politique commune de l’énergieLa notion de politique énergétique coordonnée peut être comprise sous deux acceptions:coordination entre les différentes sources d’énergie ou entre les politiques énergétiquesnationales. 10 Nous constaterons malheureusement que les exécutifs s’en sont tenus à uneharmonisation des politiques nationales. Peu de place est accordée à l’énergie nucléairedans l’élaboration d’une telle politique. Elle ne sera envisagée avec attention dans les étudescommunautaires qu’à partir du moment où elle commencera à être compétitive.Lors de la signature des traités de Rome, les ministres des Affaires étrangères demandentà la Haute Autorité de présenter au Conseil des Ministres de la C.E.C.A. des propositionsvisant à assurer une politique coordonnée dans le domaine de l’énergie. 11 Ainsi, lorsde la session du Conseil du 8 octobre 1957, est adopté un «Protocole sur les moyensd’assurer une politique coordonnée dans le domaine de l’énergie». Il stipule que la HauteAutorité doit, en collaboration avec les Commissions de la Communauté économiqueeuropéenne et de l’Euratom et sur base des rapports du Comité mixte, 12 «soumettre auConseil des Ministres des orientations générales sur la politique de l’énergie, des proposi-8. KWe: Kilowatt électrique9. Un objectif pour Euratom, o.c., pp. 15-21. 40.10. La politique énergétique - et plus particulièrement pétrolière - a également fait l’objet d’un autremémoire de licence: J. WILSON. La politique pétrolière et énergétique dans l’Europe des Six(1957-1966). Entre économie et politique: les tergiversations d’une autruche à six têtes. Etude àtravers les archives de la Communauté européenne, mémoire inédit de l’U.C.L. (Histoire). 1997.11. Note introductive du Secrétariat au Conseil spécial de Ministres du 26 janvier 1960, Luxembourg.20 janvier 1960. in: CEAB 0002, n°1884, p. 150.12. Le Comité Mixte fut institué en application de la résolution du Conseil des Ministres du 13 octobre 1953.Il fonctionne sous la présidence d’un représentant de la Haute Autorité. Sa mission est essentiellementl’étude d’une méthode permanente d’examen et de coopération pour tout ce qui peut être considéré commeinterdépendance entre les secteurs charbonniers et le reste de l’économie. A partir de 1958, des représentantsdes Commissions de la CEE et de l’Euratom sont invités à participer à ses travaux. Cf. Déclarationdu Conseil de Ministres de la C.E.C.A. (13 octobre 1953), in: Haute Autorité de la CECA. Deuxième rapportgénéral sur l’activité de la Communauté, avril 1954, pp. 128 et 129.

132 Laurence HUBERTtions sur les conditions de réalisation d’une telle politique, l’énoncé des mesures spécifiquesqu’elle préconise». 13 Ces propositions doivent ensuite être discutées entre la HauteAutorité et le Conseil en vue de parvenir à dégager une politique commune. 14 Commeprévu dans le protocole, dès le 1 er janvier 1958, des fonctionnaires des exécutifs de laC.E.E. et d’Euratom se joignent aux travaux de la Haute Autorité.Au mois d’avril 1959, le Comité Mixte Conseil des Ministres - Haute Autorité publiele «Premier rapport sur une politique coordonnée dans le domaine de l’énergie». Ce documentconstate que la situation s’est modifiée considérablement depuis quelques années etqu’il n’est plus urgent de développer l’offre d’énergie, compte tenu des nouvelles découvertesde pétrole et de la perspective qu’offre le développement de l’énergie nucléaire. Ilconstitue un tournant dans la conception des problèmes énergétiques, dans la mesure oùce ne sont plus les difficultés d’approvisionnement qui sont mises en évidence, mais leproblème de concurrence entre les différentes sources d’énergie, en particulier le charbonet le pétrole. La demande de charbon communautaire tend à diminuer, notamment en raisondes prix faibles du pétrole et du charbon américain. La solution préconisée par le rapportconsiste à pratiquer une politique plus flexible des prix du charbon, qui permettrait defaire face aux importations charbonnières et pétrolières. 15 l’énergie nucléaire n’est évoquéeque brièvement car elle ne devrait pas affecter, «dans les prochaines années, lesaspects conjoncturels de la concurrence entre les diverses formes d’énergie». 16Ce document n’a guère eu de répercussion, dans la mesure où il a été simplementcommuniqué aux gouvernements des Etats membres qui ont décidé de ne pasen tenir compte. Il n’a pas été transmis au Conseil des Ministres. 17En mai 1959, un groupe de travail interexécutif «énergie» est créé. Il se composede trois membres de la C.E.C.A., de deux représentants 18 de la C.E.E. et del’Euratom. 19 Chacun des exécutifs va désormais participer à l’élaboration d’unepolitique commune. Dans cette optique, les Commissions de la C.E.E. et de la13. En d’autres termes, elle est chargée d’établir des bilans prévisionnels et de rechercher les moyensles plus économiques afin d’assurer l’équilibre entre les différentes sources d’énergie. Cf. Conseildes Ministres, Protocole sur les moyens d’assurer une politique coordonnée dans le domaine del’énergie, intervenu entre le Conseil de Ministres et la Haute Autorité lors de la 45” session duConseil tenue le 8 octobre 1957, in: JOCE, Luxembourg, 7 décembre 1957, pp.575 et 576.14. Parmi les exécutifs, c’est la Haute Autorité qui détient le rôle majeur en matière de coordinationdes politiques énergétiques.15. CECA - Comité Mixte Conseil de Ministres-Haute Autorité, Premier rapport sur une politique coordonnéedans le domaine de l’énergie, avril 1959, in: CEAB 0004, n°0779, pp.5, 6 et 10: Les tentatives de coordinationde la politique énergétique européenne et leurs répercussions en Belgique, in: C.R.I.S.P., Courrierhebdomadaire, Bruxelles, 25 octobre 1963, n° 2l5-216, p.4; P. O. LAPE, l’énergie atomique et lacoordination européenne de l’énergie, in: Revue politique et parlementaire, Paris, 1960, p.446.16. CECA, o.c., p.7.17. Parlement européen, Rapport fait au nom de la Commission de l’énergie sur la politique énergétiqueproposée dans le mémorandum du 25 juin 1962 par M.V. Leemans, 4 octobre 1963, in: CEAB0001,n°740, p.36.18. Cette répartition confirme la position prédominante de la Haute Autorité en ce qui concerne la définitionde la politique énergétique.19. Haute Autorité de la CECA, Commission de la CEE, Commission de la CEEA, Note sur l’activitédu Groupe Interexécutif «énergie», Luxembourg, 29 mai 1967, in: CEAB 0002, n°2792, p.28.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 133C.E.E.A. sont invitées à participer aux travaux du Conseil des Ministres de laC.E.C.A. où seront discutés les problèmes de l’énergie. 20Au cours des années 1958 à 1961, le mandat confié aux exécutifs ne sera pasexploité. Les trois Communautés décident néanmoins, devant la gravité de la crisecharbonnière, d’adopter une attitude commune. 21Les premières mesures en faveur de la coordination des politiques énergétiques,recommandées par le groupe interexécutif «énergie», font l’objet, le 20 février 1962,d’une résolution adoptée par le Parlement européen. Elles se rapportent à l’approvisionnementà bon marché, la sécurité de l’approvisionnement, la progressivité des substitutions,la stabilité à long terme dans l’approvisionnement et l’unité du marché commun. 22C’est la notion de sécurité de l’approvisionnement qui est au centre des préoccupationsde la Commission de l’énergie du Parlement européen. Pour y parvenir, différentséléments doivent être pris en considération. Tout d’abord, il est nécessaire de diversifierles zones d’approvisionnement, afin d’éviter une dépendance trop importante vis-à-visd’une seule région. Il convient également d’accepter, selon les circonstances, des prixélevés afin de permettre l’accès à des sources qui ne seraient pas toujours les pluséconomiques mais qui permettraient de réduire les risques politiques. Enfin, il est indispensablede ne pas dépendre totalement d’approvisionnements extérieurs à la Communauté.Il faut, dès lors, répondre en partie aux besoins en énergie par des ressources produitesdans l’espace communautaire. 23 Ces principes sont repris dans le mémorandum du25 juin 1962, fruit de trois années de travail de l’Interexécutif. Ce mémorandum a étéélaboré par le groupe de travail interexécutif «énergie» en application du mandat confié àla Haute Autorité de la C.E.C.A., à la Commission de la C.E.E. et à la Commission del’Euratom par les ministres des Affaires économiques des Six, réunis à Rome le 5 avril1962. 24 Il reprend les propositions communes des exécutifs des Communautéseuropéennes pour la définition d’un marché commun de l’énergie. Il opte pour un marchéouvert, afin d’obtenir les prix les plus bas. 25 Les objectifs fixés sont ceux émis précédemmentpar la résolution du Parlement européen du 20 février 1962.20. Haute Autorité, Aide-mémoire au sujet de la mise en œuvre d’une coordination des politiques énergétiques,Luxembourg. 10 octobre 1959, in: CEAB 0001, n°738, p. 1.21. P.O. LAPIE, Les institutions européennes et les problèmes énergétiques de I Europe, Communication faiteaux 13 e journées d’Etude de l’Institut économique de l’énergie à l’Université de Cologne des 25 et 26mars 1965, in: CEAB 0002, n°3759, p.219; l’année politique 1961, Paris, P.U.F., 1962, pp.176 et 177.22. Résolution du Parlement européen sur la coordination des politiques énergétiques, in: JOCE,Luxembourg, 16 mars 1962, p.352.23. Parlement européen, Rapport fait au nom de la Commission de l’énergie sur la coordination de la politiqueénergétique par M. V. Leemans, Strasbourg, 10 janvier 1962, in: CEAB 0002, n°2276. pp.64 et 65.24. Ceux-ci souhaitent que les principes de prix de l’énergie le plus bas possible, de la libre circulation,d’une politique commerciale commune, se retrouvent dans le mémorandum. Cf. Résultats des entretiensau niveau des Ministres les 5 et 6 avril à Rome, in: Secrétariat général de la Haute Autorité,Procès-verbal de la 678 e séance de la Haute Autorité tenue à Luxembourg, le 11 avril 1962,Luxembourg, 12 avril 1962, in: CEAB 0002, n°1318, pp.1039-1042.25. Il aura fallu attendre 1996 pour qu’une directive sur le marché intérieur de l’électricité organise cemarché ouvert réclamé dès 1962. Cf. Directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, in:JOCE, Luxembourg, n°L27, 30 janvier 1997, pp.20-29.

134 Laurence HUBERTLa mise en place du marché commun de l’énergie doit s’accomplir progressivement.Trois étapes sont prévues au cours desquelles les droits de douane seront peu àpeu supprimés, des aides à l’industrie charbonnière accordées et une politique commercialeélaborée. La période préparatoire, qui s’achèverait en janvier 1964, permettraitd’établir les instruments et procédures nécessaires pour la mise en œuvre de telles propositions.Ensuite, durant la période de transition, qui se terminerait le 31 décembre1969, l’harmonisation des politiques nationales serait réalisée. 26 Enfin, le régime définitifserait instauré à partir du 1 er janvier 1970, c’est-à-dire au moment où le marché commungénéral entrerait en vigueur. 27Les lignes essentielles de la politique pétrolière et charbonnière, telle qu’elledevrait se dérouler à partir de 1970, sont envisagées par l’Interexécutif. 28 Toutefois,l’énergie nucléaire n’est pas étudiée dans le cadre du régime définitif, certainementen raison de son état d’avancement qui ne permet pas encore de prévoir les méthodesà appliquer en 1970. 29La mise en œuvre du mémorandum est prévue de manière progressive, afin delaisser aux politiques nationales le temps de s’harmoniser. Malgré les examens successifsdu 17 juillet et du 4 octobre 1962, le Conseil des Ministres de la C.E.C.A.,jugeant trop libérales les propositions de l’Interexécutif, ne parvient pas à dégagerune position unanime. 30 Dès lors, la Haute Autorité reprend l’initiative. Elle estainsi chargée de rédiger un nouveau protocole relatif aux problèmes énergétiques. 31En 1964, la Haute Autorité fait enfin approuver par le Conseil un protocole d’accordénonçant en termes très généraux les bases sur lesquelles pourra être fondé un marchécommun de l’énergie. 32 Ce document énumère une série de considérations concernant26. Haute Autorité de la CECA, Commission de la CEE, Commission de la CEEA., Mémorandum suitepolitique énergétique (25 juin 1962), in: CEAB 0002, n°2279, pp. 178-183.27. Le Marché commun est progressivement établi au cours d’une période de transition de douze années.Art.8, al.1, traité CEE.28. Haute Autorité de la CECA, Commission de la CEE, Commission de la CEEA, o.c., p. 175.29. Néanmoins, le mémorandum recommande que tout soit mis en œuvre pour accélérer son développementen commun. Cf. Idem, pp. 173 et 174.30. Un accord unanime n’a pas pu se réaliser, en raison d’obstacles de fond extrêmement importants. Le principalest l’opposition entre les pays importateurs d’énergie et les pays producteurs de charbon. Les premiers souhaitentla suppression progressive de la protection du charbon, les seconds désirent une aide et une protectionrenforcée sur ce combustible. Dès lors, il est impossible d’arriver à un accord sur le rythme d’harmonisationdes régimes douaniers et sur un tarif extérieur commun définitif. Cf. Conseil de la CECA, Procès-verbal dela 83 e session du Conseil tenue le 17 juillet 1962 à Luxembourg, in: CEAB 0002, n°2280, pp.52-71.31. Conseil de la CECA, Procès verbal de la session du Conseil tenue le 4 octobre 1962, in: CEAB0002, n°2282, p.349.32. Les constatations sur lesquelles elle s’est basée pour établir ce document sont le rôle croissant dupétrole - et donc des importations - dans les besoins énergétiques de la Communauté, ainsi que laconcurrence entre une énergie à bas prix et une énergie communautaire employant une main-d’œuvreimportante. Le Conseil, Protocole d’accord relatif aux problèmes énergétiques intervenu entreles Gouvernements des Etats membres des Communautés européennes, à l’occasion de la 94 e sessiondu Conseil spécial de ministres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier tenuele 21 avril 1964 à Luxembourg, in: CEAB 0002, n°3758, p. 174; G. BRONDEL, La politique énergétiquede la Communauté européenne, in: Revue du Marché commun, Paris, 1964, pp.225-233.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 135le charbon, le pétrole et l’énergie nucléaire. 33 Il les considère donc séparément, alorsqu’ils s’influencent l’un l’autre, comme l’ont démontré les conséquences de la crise deSuez. Contrairement au mémorandum de 1962, aucun calendrier n’est préalablementfixé pour la mise en œuvre de la politique énergétique commune. Les gouvernementsdes Etats membres prennent toutefois l’engagement d’élaborer cette dernière au plustard lors de la fusion des exécutifs. Selon le service du porte-parole de la Haute Autoritéet le service d’information de la Communauté, le traité de fusion des exécutifs devraitcomporter un chapitre consacré à la politique énergétique. 34 Il n’en sera rien.Le traité instituant un Conseil et une Commission uniques des Communautéseuropéennes est signé à Bruxelles le 8 avril 1965. Suivant l’article 38, il doit entreren vigueur le 1 er janvier 1967. Un Conseil et une Commission uniques travaillent,selon les problèmes abordés, en respectant les règles de l’un ou l’autre traité. 35En fait, ce sont uniquement les dispositions institutionnelles et financières de laC.E.C.A., C.E.E. et de l’Euratom qui sont en partie modifiées. Rien n’est, en effet,prévu pour la mise en œuvre d’une politique commune de l’énergie. Or, les Sixpourraient profiter de l’élaboration du nouveau traité pour réviser les autres, aboutissantainsi à une plus grande coordination entre les différentes sources d’énergie.Faute de s’accorder sur une politique commune, les Etats membres continuent àappliquer leurs politiques nationales. 36Le premier acte posé par la Commission unique, en matière énergétique, estl’élaboration de la «Première orientation pour une politique énergétique communautaire»,présentée au Conseil le 18 décembre 1968. Malheureusement, lesmesures prescrites visent une harmonisation des différentes politiques nationales etnon une coordination entre les différentes sources d’énergie, toujours envisagéesindépendamment les unes des autres. De plus, l’objectif de ce document est defournir un panorama de la situation énergétique en 1968 et non pas d’étudier lesproblèmes de la politique commune de l’énergie. 3733. En ce qui concerne l’énergie nucléaire, le protocole signale que les gouvernements sont disposés «à promouvoiret à intensifier l’action de recherche, d’expérimentation et d’aide au développement industriel nucléaire dans laCommunauté, afin de permettre à cette nouvelle/orme d’énergie d’apporter dès que possible, toute la contributionqu’elle pourra fournir, dans des conditions économiques, à la couverture des besoins en énergie dans laCommunauté».Cf. Le Conseil, o.c., p. 175.34. l’Europe et l’énergie, Publication commune du service du porte-parole et des rapports générauxde la Haute Autorité et du service d’information de la Communauté européenne, Luxembourg,1967, p.61.35. Traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, in:JOCE, Luxembourg, 13 juillet 1967, n° 152, art. 1 et 9.36. J.NÊME, Economie européenne, Paris, P.U.F., 1970, p.359.37. [COM (68) 1040], Première orientation pour une politique énergétique communautaire (Communicationde la Commission au Conseil, le 18 décembre 1968), Bruxelles, 17 janvier 1969,avant-propos.

136 Laurence HUBERTIII. Développements dans le secteur de l’énergie nucléaire de 1958 à 1968A.Situation du marché de l’énergie de 1958 à 1968 38A la fin de l’année 1957 s’est opéré un bouleversement du marché de l’énergie.Jusqu’alors la conception dominante était celle d’une pénurie d’énergie appelée àse prolonger indéfiniment. Dans cette optique, les «Trois Sages» ont insisté sur lanécessité de limiter les importations d’énergie. Or, entre 1958 et 1968, le degré dedépendance énergétique à l’égard des sources importées est passé de 31,2 à 57,3%.Bien loin de diminuer, les importations pétrolières ne cessent d’augmenter. Ledegré de dépendance de la Communauté à l’égard du pétrole importé a doublé de1958 à 1968, en passant de 24,5 à 50,9%.Contrairement à ce que l’on avait imaginé, les réserves de pétrole sont largementsuffisantes, voire excédentaires, en raison de l’accroissement naturel de laproduction, de l’importance des gisements pétroliers du Sahara et de la Libye, de ladécouverte de nouveaux gisements en Iran, de l’accession du Niger et de l’Argentineau rang de pays producteurs, de l’intensification de la production soviétiqueainsi que du développement de la technique des sondages à plus grande profondeur.39 La crainte des producteurs de pétrole de ne pouvoir, face au développementde l’énergie nucléaire, vendre leurs réserves a renforcé cette situation.l’augmentation de l’offre, bien supérieure à la demande, ainsi que la baisse desfrais de son transport ont fait baisser les prix du pétrole, ce qui constitue un obstaclemajeur à la pénétration du nucléaire sur le marché. 40Or, l’énergie nucléaire a joué un rôle de régulateur sur le marché de l’énergie. Eneffet, la seule éventualité que l’on puisse disposer de grandes quantités d’électricité àdes prix favorables, par le biais de l’énergie nucléaire, a exercé une action modératricesur l’évolution des prix des sources primaires d’énergie et en particulier du pétrole, cequi a contribué à assurer un approvisionnement à un prix plus avantageux. 41l’énergie nucléaire n’est dès lors plus envisagée comme le seul remède capablede répondre à une pénurie. Son développement est toujours considéré comme une38. Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, Luxembourg, Office statistique des Communautéseuropéennes, 1969, pp.23, 33, 36-40, 270-274, 280.39. Commission de la CEEA., Perspectives de développement de l’énergie nucléaire, Bruxelles, 3 février1960, in: CEAB 0009, n°2252, p.23; Pour une politique coordonnée de l’énergie: le point de vue de laCommission de la CEE dans un exposé de M. Marjolin au Comité économique et social, dans EuropeDocuments, 20 décembre 1960, in: CEAB 0009, n°1546, p.23; [COM (60) 143], o.c., p.2.40. Hans Michaelis, directeur de l’économie de la CEEA, de 1962 à 1967 est témoin de cette situation:«l’avènement de l’énergie nucléaire a fait craindre aux producteurs de pétrole de ne pouvoirécouler leurs réserves dans des conditions rentables, même dans un délai de 50 à 100 ans. Ceciles a incités à renforcer le volume de leurs offres au delà même du niveau de l’augmentation de lademande; le niveau des prix de l’énergie a diminué, compromettant ainsi gravement les perspectivesde l’énergie nucléaire». Cf. H. MICHAELIS, Le rôle futur de l’énergie nucléaire, 1965, in:BAC 118/1986, n°2489, p. 188.41. Direction Générale «Industrie et Economie» de la Commission de l’Euratom, Les perspectives del’énergie nucléaire dans la Communauté, Bruxelles, 1 er octobre 1963, in: BAC 59/1980, n°477, p. 196.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 137nécessité, mais le caractère urgent a disparu. Le souhait des «Trois Sages» de voirl’énergie nucléaire remplacer le pétrole importé ne s’est pas réalisé. Au contraire,c’est le pétrole qui se substitue au charbon pour des raisons aussi bien techniquesqu’économiques. 42 En fait, Louis Armand, Franz Etzel et Francesco Giordani n’ontpas fait de distinction entre les différents besoins d’énergie. Or, tous ne peuventêtre satisfaits par le recours à l’électricité et par conséquent à l’énergie nucléaire. 43l’usage de l’électricité n’a cessé de s’intensifier au cours du XX e siècle et ce,pour trois raisons principales. Il y a tout d’abord l’extension de son utilisation quece soit pour le chauffage, l’éclairage, les transports, les appareils électroménagers,etc. l’augmentation de la population et l’intensification des activités économiquesont également influencé cette évolution. Enfin, la tendance à l’amélioration du rendementdes appareils électriques - ou plutôt à l’économie de consommation d’électricité- a favorisé un usage accru. 44En 1958 comme en 1968, l’électricité occupe la même importance dans la consommationfinale énergétique, 45 à savoir 23%. Son taux de croissance est légèrementsupérieur à celui de la consommation finale énergétique - 73,3% et 68,4%.Ces données doivent être interprétées en les comparant au taux de croissanceéconomique. 46 Entre 1958 et 1968, ce dernier s’élève à 65,3%. La consommationfinale d’énergie et d’électricité a donc augmenté plus vite.La production d’électricité a doublé en une décennie. Elle s’est accrue dans desproportions plus grandes que le taux de croissance industrielle. 47 l’électricité estune énergie présentant divers avantages comme sa facilité de transport, de distribution,etc. Si nous ventilons sa production à partir des différentes sources qui la composent,nous constatons cependant qu’elle n’a fait qu’accentuer la dépendanceénergétique de la Communauté à l’égard de pays tiers.42. En 1958. la part du pétrole et celle du charbon dans la consommation intérieure nette d’énergie sontrespectivement de 21,4% et 45%. En 1968, elles sont passées à 47% et 18,2%.43. P. URI, Exposé sur les travaux du Comité Mixte en vue de la coordination des politiques énergétiquesdes Etats membres devant l’Assemblée parlementaire européenne, Strasbourg, 1 er décembre1958, in: CEAB 0002, n°1572, p.251.44. En 1947, la direction des études et recherches d’Electricité de France émettait la loi du doublementde la consommation d’électricité tous les dix ans. Cette loi a été trop optimiste.45. Consommation finale énergétique: Energie livrée à la porte du consommateur pour toutes les utilisationsénergétiques. Cf. Statistiques de l’énergie. Annuaire 1969-1973, Luxembourg, Officestatistique des Communautés européennes, 1974, p.E.46. Nous avons établi ces données en fonction des indices de volume du P.N.B. Cf. Statistiques de basede la Communauté. Comparaison avec certains pays européens, le Canada, les Etats-Unis d’Amérique,le Japon et l’U.R.S.S., Luxembourg, Office statistique des Communautés européennes,1963, p.26; Statistiques de base de la Communauté. Comparaison avec certains pays européens,le Canada, les Etats-Unis d’Amérique, le Japon et l’U.R.S.S., Luxembourg, Office statistique desCommunautés européennes, 1971, p.23.47. Entre 1958 et 1968, le taux de croissance de la production industrielle est de 71,9%. Par contre,celui de la production d’électricité est de 105%. Nous avons établi ces données sur base des indicesgénéraux de la production industrielle. Cf. Statistiques de base de la Communauté. Comparaisonavec certains pays européens, le Canada, les Etats-Unis d’Amérique, le Japon et l’U.R.S.S.,Luxembourg, Office statistique des Communautés européennes, 1970, p.53.

138 Laurence HUBERTSource: Office statistique des Communautés européennes, Statistiques de base dela Communauté. Comparaison avec certains pays européens, le Canada, lesEtats-Unis d’Amérique, le Japon et l’U.R.S.S., Luxembourg, 1963.Source: Office statistique des Communautés européennes, Statistiques de l’énergie.Annuaire 1958-1968, Luxembourg, 1969, p.34.Onze ans après les avertissements des «Trois Sages», non seulement la contributionde l’énergie nucléaire est minime - 2% -, mais les importations pétrolières se substituentaux sources communautaires d’énergie. La production d’électricité à partirdu pétrole a quadruplé en dix années, tandis que la part du charbon a baissé. Lesdébouchés de ce dernier dans les centrales électriques sont néanmoins toujoursimportants. En 1958 et 1968, la production d’électricité à partir du charbon est

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 139respectivement de 119,7 et 208,8 TWh, 48 ce qui correspond à un taux de croissancede 74,4%. Face à une offre supérieure à la demande et à une réduction desdébouchés, notamment dans le secteur industriel, les producteurs de charbon setournent vers l’électricité. Ainsi, des charbons de bonne qualité servent à la productiond’électricité, alors que ceux de qualité inférieure conviennent parfaitement. 49Hormis le gaz naturel, les sources d’énergie dont la principale finalité est la productiond’électricité - c’est-à-dire l’énergie hydraulique et géothermique 50 - affichentun recul.B.Nouvelle conception du rôle de l’énergie nucléairel’enthousiasme qui prévalait à propos du développement de l’énergie nucléaire estvite retombé. Déjà au mois de juin 1957 - trois mois après la signature du traitéEuratom - Jacques Errera, 51 professeur à l’U.L.B., estimait que l’énergie atomiqueserait une source complémentaire et non concurrente aux sources d’énergie classiquespour la production d’électricité et qu’elle ne représenterait pas, du point devue de la productivité, un résultat spectaculaire immédiat. 52Pour la Commission de l’Euratom, le recours à l’énergie nucléaire ne peut résulter dela seule nécessité de faire face à un manque de combustibles fossiles. 53 Elle prévoit uneaugmentation des importations de pétrole. Le gaz naturel offre également des perspectivesconsidérables. 54 De plus, la Commission de l’Euratom est consciente que la placeoccupée par les centrales nucléaires sera essentiellement déterminée par leur rentabilité.Pour Pierre Ailleret, directeur général adjoint de l’Electricité de France, l’objectif essentielde ces premières centrales est de préparer l’avenir et non de produire de l’énergie obtenue48. TWh: Tétrawattheure (10 12 wattheure)49. Haute Autorité de la CECA, Rapport sur la situation énergétique de la Communauté et perspectivesd’approvisionnement et de consommation d’énergie dans la Communauté en 1962, janvier1962, in: CEAB 0009, n° 1196, pp. 12 et 13.50. En 1963, il n’y a qu’un seul site géothermique exploité dans la Communauté. De plus, les prévisionssont pessimistes quant à une éventuelle amélioration. Cf. Direction Générale «Economie etIndustrie» de la Commission de l’Euratom, o.c., p.l19.51. J. ERRERA, Nouveaux accroissements de la productivité par l’énergie nucléaire, juin 1957, in:CEAB 0003, n°834, p.153.52. Le bouleversement du marché, tel qu’il s’accomplira au cours des deux décennies suivantes, va confirmercette thèse. Les conclusions émises par la résolution de Messine et le rapport des «Trois Sages» sont dépassées.Le Premier rapport sur la portée et les effets des mesures prises dans le domaine de la politiqueénergétique donne le ton: «l’intervention de l’énergie nucléaire aura, dans les prochaines années, uneincidence relativement faible sur la production d’énergie. Son développement répond d’ailleurs à d’autresobjectifs, particulièrement à la volonté d’accélérer l’évolution technologique et de favoriser l’essor industrielde la Communauté». Cf. Commission de la CEEA, Commission de la CEE, Haute Autorité de la CE-CA, Premier rapport sur la portée et les effets des mesures prises dans le domaine de la politique énergétique,Luxembourg, 30 novembre 1959, in: CEAB 0001, n°738, p.63.53. Commission de la CEEA, o.c., p.19.54. De 1958à 1968, la production de gaz naturel a plus que quintuplé: elle est passée de 8.159.000à42.119.000tec, ce qui correspond à 2,5 et 13,8% de la production de sources primaires. Cf. Statistiques de l’énergie. Annuaire1958-1968, Luxembourg, Office statistique des Communautés européennes, 1969, p.34.

140 Laurence HUBERTplus facilement et à un meilleur prix en recourant aux combustibles classiques - comme lepétrole et le charbon - qui sont touchés par une crise de surproduction. 55Selon certains membres de l’Euratom, comme Krekeler, 56 l’énergie atomique aperdu sa vraie finalité:«l’une des tâches essentielles que l’énergie nucléaire devra assurer à l’avenir est demaintenir une certaine concurrence dans le domaine de l’approvisionnement énergétique.Pour ce faire, il est peut-être moins indispensable de disposer d’un grand nombred’installations effectives que de prouver que l’on est en mesure d’édifierd’importantes installations et de le faire, au besoin, dans une mesure croissante afind’exercer ainsi sur l’évolution des prix de l’énergie importée une action». 57C.Evolution dans le secteur de l’industrie nucléaireEn vertu du premier article du traité instituant la Communauté européenne de l’énergieatomique, la Commission est chargée d’établir les conditions favorables à la naissanceet au développement des industries nucléaires. Cependant, elle ne parviendra pas àcoordonner les efforts des Etats membres. La dispersion des programmes de rechercheet de développement, au sein de la Communauté, fera obstacle à la réalisation duMarché commun nucléaire. De plus, les Etats membres réserveront leurs crédits etcommandes publiques à leur industrie nationale. 58 Dans ces conditions, l’objectif dupremier article du traité Euratom ne sera que partiellement atteint.C.1. Concurrence entre les différentes filièresAu moment de la création d’Euratom, il existe déjà, dans le monde, une douzaine detypes de réacteurs faisant l’objet de recherches ou en cours de construction. 59 Au lieu decentraliser leurs efforts sur le développement d’un modèle de centrale, les Etats membresoptent pour des technologies différentes, propres à leurs intérêts. Plusieurs filièresentrent en concurrence sur le marché européen. Les filières à «eau ordinaire» 60 - dites à55. P. AILLERET, l’énergie atomique et l’approvisionnement en énergie des services publics del’électricité, 12 e congrès de l’Union internationale des producteurs et distributeurs de l’électricité(UNIPEDE), Baden-Baden, 11-18 octobre 1961, in: CEAB 0009, n°1040, p.28.56. Heinz Krekeler fut commissaire de la CEEA du 10 janvier 1962 au 5 juillet 1967. Cf. CEEA, Organisationde la Commission et de ses services, Bruxelles, 15 janvier 1962, p.3; Organigrammedes services de la Commission des Communautés européennes, dans Courrier du personnel,Bruxelles, 22 août 1968, n°30, p.II.57. Procès-verbal du Conseil spécial de Ministres du 17 juillet 1962, in: CEAB 0002, n°2280, p.90.58. ICOM (68) 800], Rapport d’ensemble sur la politique nucléaire de la Communauté, Bruxelles, 9octobre 1968, p.I.59. Un objectif pour Euratom, o.c., p.31.60. H y a deux filières appelées «à eau ordinaire». Toutes deux utilisent l’uranium enrichi comme combustibleet l’eau ordinaire comme modérateur. Dans la première à «eau pressurisée», l’eau sous pression est à lafois le modérateur et le fluide caloporteur. Dans la seconde à «eau bouillante», le générateur de vapeur estle réacteur lui-même; l’eau, servant de modérateur, bout dans le réacteur et la vapeur ainsi produite actionnela turbine. Cf. Energie nucléaire et énergie électrique, o.c., pp. 15 et 16; Y. MAINGUY, l’économie del’énergie, Paris, Dunod, 1967, pp.469 et 470.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 141«eau légère» - sont mises au point par les sociétés américaines Westinghouse et GeneralElectric. Elles se répartissent en deux catégories, celles à «eau pressurisée» et cellesà «eau bouillante». Leur spécificité est d’utiliser l’uranium enrichi - à cette époque,uniquement produit aux Etats-Unis - comme combustible. Les filières à «eau lourde» 61sont développées par les Canadiens. Le combustible qui les alimente est l’uraniumnaturel. Enfin, les réacteurs modérés au graphite et refroidis au gaz sous pression 62 sontétudiés en France et en Grande-Bretagne. 63 A l’instar de la filière canadienne, ils fonctionnentgrâce à l’uranium naturel.Dans les années cinquante, les nations avancées dans le domaine nucléaire,c’est-à-dire les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et la France, se disputentla formation de techniciens originaires de pays pouvant être des clients potentiels.Ceux-ci souhaitent disposer rapidement de spécialistes capables d’élaborer un programmenucléaire. Dès lors, les Etats «atomiquement» avancés espèrent que lechoix se portera sur leur type d’installations, qui sont familières aux techniciensqu’ils ont formés. Des cours sont organisés dans les centres atomiques desEtats-Unis, de Grande-Bretagne et de France. 64 Cette compétition entre les tenantsdes différents types de réacteurs prend le nom de «guerre des filières». 65Très vite, la technologie américaine l’emporte. Le 8 novembre 1958, un accordest signé entre Euratom et les Etats-Unis. 66 Il établit que la Communauté s’engageà mettre en service des centrales électriques utilisant les réacteurs mis au pointoutre-Atlantique. 67C.2.Situation dans les Etats membresParmi les Six, la France est le pays qui développe le plus un programmenucléaire. 68 En effet, elle ne dispose pas de ressources pétrolières ou gazières suffisantes,ni de gisements de charbon de l’importance de ceux exploités en Belgiqueet en Allemagne. 69 Par contre, elle possède des réserves d’uranium naturel. Con-61. l’eau lourde est le modérateur. Elle est également connue sous le nom d’oxyde de deuterium. Cf.Energie nucléaire et énergie électrique, o.c.. p. 16; Y. MAINGUY, o.c., p.470.62. Le combustible est l’uranium naturel, le modérateur est le graphite et le fluide caloporteur est ungaz, le dioxyde de carbone. Cf. Energie nucléaire et énergie électrique, o.c., p.15; Y. MAINGUY,o.c.63. B. GOLDSCHMIDT, Le complexe atomique. Histoire politique de l’énergie nucléaire, Paris,Fayard, 1980. p.336.64. Idem, p.321.65. Idem, p.337.66. Celui-ci sera modifié le 11 juin 1960, afin d’augmenter les fournitures d’uranium enrichi et de plutonium.Cf. Avenant à l’accord de coopération entre la Communauté européenne de l’énergie atomiqueet le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique concernant les utilisations pacifiques del’énergie atomique, in: JOCE, Luxembourg, 29 avril 1961, p.61.67. Accord de coopération entre la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) et legouvernement des Etats-Unis d’Amérique concernant les utilisations pacifiques de l’énergie atomique,in: JOCE, Luxembourg. 19 mars 1959, p.312.68. [COM (68) 800], o.c., p.32.69. Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., pp.40, 44, 56.

142 Laurence HUBERTsciente de la dépendance vis-à-vis de l’uranium enrichi américain, elle a axé, dès1953, ses efforts sur le développement de la filière «uranium naturel-gaz-graphite».70 Son intérêt pour l’uranium naturel se justifie en outre par la nécessité de seprocurer le plutonium indispensable à son programme militaire. Or, les Etats-Unisont convenu avec les pays souhaitant disposer de son uranium enrichi que le plutoniumproduit dans les réacteurs serait recyclé ou racheté outre-Atlantique. 71La France souhaite évidemment que ses partenaires développent sa filière,arguant que cela permettrait à la Communauté d’être indépendante à l’égard desAméricains, d’un point de vue technologique mais aussi en ce qui concernel’approvisionnement. Cependant, aucun de ses partenaires ne fait appel à la filièrefrançaise. Il faut dire que ces pays n’ont pas de programme militaire et, de ce fait,pas de besoins immédiats en plutonium.La création d’Euratom fait espérer que les recherches sur les réacteurs pourraientêtre concentrées sur un nombre de types judicieusement choisis. 72 Bien que la filière«gaz-graphite» soit la plus avancée, elle est développée quasi uniquement par laFrance, exception faite d’une centrale en Italie. Outre les centrales construites dans lecadre de l’accord Euratom-Etats-Unis, les Etats membres décident d’installer des réacteursappartenant à des filières différentes, en majorité américaines. La guerre des filièresjoue fortement en défaveur de la nouvelle Communauté qui, dès le départ, ne parvientpas à s’exprimer d’une seule voix. l’Allemagne, l’Italie et la Belgique optent ainsipour les filières à «eau bouillante». l’Italie fait aussi appel à celle à «eau pressurisée».Elle est également le seul partenaire de la France qui ait décidé de développer la filière«gaz-graphite». Toutefois, ce n’est pas avec le concours de la France qu’est réaliséeune centrale, mais avec celui de la Grande-Bretagne, qui a également centré ses travauxsur l’étude de cette filière. 73 Plus tard (1968), les Pays-Bas mettent en service une centralequi relève également de la technologie américaine. Enfin, deux réacteurs à «eaulourde» sont installés en Allemagne et en France, dans le cadre de l’accord Euratom-Canada,74 signé le 6 octobre 1959. 75Les partenaires de la France ont tous opté pour les filières américaines, utilisant l’uraniumenrichi. 76 Cette attitude est encouragée par le rapport «Un objectif pour Euratom».Recommandant aux Six de ne pas construire d’usine de séparation isotopique dans70. Histoire générale de l’électricité en France. T3: Une œuvre nationale: l’équipement, la croissancede la demande, le nucléaire (1946-1987), Paris, Fayard, 1996, p.712.71. Euratom: Difficultés transitoires?, in: Revue du Marché commun, Paris, 1967, p.20.72. Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Rapport sur la situation desindustries nucléaires dans la Communauté, Bruxelles, 30 juin 1958, p. 141.73. Commission de l’Euratom, Huitième rapport général sur l’activité de la Communauté (1965),Luxembourg, avril 1966, p. 16.74. Commission de l’Euratom, Troisième rapport général sur l’activité de la Communauté (mars1959-avril I960), Luxembourg, avril 1960, p.56.75. Accord de coopération entre la Communauté européenne de l’énergie atomique et le gouvernementdu Canada concernant les utilisations pacifiques de l’énergie atomique, in: JOCE, Luxembourg,n°60, 24 novembre 1959.76. Depuis 1956, les Etats-Unis mettent à la disposition des Européens de l’uranium enrichi à un prixavantageux.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 143l’immédiat, 77 celui-ci constitue un appui décisif pour la politique américaine dans lamesure où il renforce la position des Etats-Unis dans la guerre des filières. Dès le début, lemarché nucléaire européen se caractérise donc par le monopole américain.C.3.l’action de la Commission 78Dans le domaine industriel, l’action de la Commission consiste à encourager laconstruction de réacteurs d’une part en favorisant les premières réalisations aumoment où l’énergie nucléaire n’est pas encore compétitive et de l’autre, en organisantla diffusion des expériences et des résultats acquis lors de la conception, de laconstruction et de l’exploitation des centrales. Une telle action se poursuit dans lecadre de trois formes différentes d’assistance, à savoir:- le programme de participation aux réacteurs de puissance;- le statut d’Entreprise commune;- le programme commun de réacteurs de puissance Euratom-Etats-Unis.Selon le premier programme, la Commission participe financièrement, pendant untemps limité, aux frais de démarrage de la centrale et de fabrication d’éléments decombustible et de certaines parties de réacteur, dans la mesure où celles-ci sontconstruites par des entreprises de la Communauté. De plus, sont proposés des avantagesen matière de formation technique du personnel et de diffusion des connaissances.Ainsi, des ingénieurs d’Euratom sont détachés auprès des industries participantau programme. Ils collaborent ainsi aux travaux de conception, deconstruction, d’essai et de mise en service. Ensuite, sont organisées des réunionsafin d’informer les milieux industriels des expériences accomplies pendant ledéroulement des programmes. Cinq entreprises bénéficient de cette assistance:Garigliano (I), Latina (I), Chooz (B), Gundremmingen (A) et Dodewaard (PB).Le programme de l’accord Euratom-Etats-Unis a pour principal objectif defamiliariser les producteurs d’électricité et les industries de la Communauté avecles réacteurs de type uranium enrichi. Il comporte de nombreux avantages: l’approvisionnementen combustible selon des conditions financières favorables (pour unepériode de vingt ans), la garantie de rachat du plutonium produit dans le réacteur, lapossibilité de retraitement dans les installations de la United States Atomic EnergyCommission (U.S.A.E.C.) 79 et, enfin, le droit d’assurer le contrôle de l’utilisationpacifique de l’uranium enrichi. 80 Trois centrales nucléaires bénéficient de cetaccord: Garigliano (I), Chooz (B) et Gundremmingen (A).77. Un objectif pour Euratom, o.c., pp.36 et 37.78. Commission de l’Euratom, Septième rapport général sur l’activité de la Communauté (1964),Luxembourg, avril 1965, pp.33-36; Commission des Communautés européennes, Premier rapportgénéral sur l’activité des Communautés en 1967, Luxembourg, 1968, pp.352-356.79. III e congrès international des ingénieurs. Rapport préparatoire sur quelques problèmes techniques,économiques et financiers soulevés par le développement de l’énergie nucléaire dans laCommunauté présenté par J.C. Leclercq et H.J. Ydo de la Direction Générale Industrie et Economiede l’Euratom, Bruxelles, 9-12 septembre 1959, in: BAC 59/1980, n°473, p. 19.80. B. GOLDSCHMIDT, o.c., pp.324 et 325.

144 Laurence HUBERTEnfin, l’octroi du statut d’Entreprise commune constitue un autre moyen dont disposela Commission pour favoriser le développement industriel. Il confère à l’entreprisequi en bénéficie la personnalité juridique ainsi que divers avantages commel’exonération des impôts directs et des droits de douane. Quatre entreprises profitentde ce statut: Chooz (B), Gundremmingen (A), Lingen (A) et Obrigheim (A).Il y a donc sept centrales qui bénéficient, en 1968, des différentes formesd’assistance précitées. A l’exception de la centrale de la Société d’énergie nucléairefranco-belge des Ardennes (Chooz), aucune centrale française n’en jouit. Parailleurs, les filières américaines sont largement privilégiées par la Commission. Atitre de comparaison, signalons que de 1958 à 1968, la Commission d’Euratomconsacre un montant total de six millions d’unités de compte au développement dela filière «gaz-graphite» et soixante millions d’unités de compte, soit dix fois plus,pour les réacteurs à «eau ordinaire». 81 La France va dès lors progressivement sedétacher de ses partenaires et partant, de l’influence de la Communauté.C.4. Influence de la France et du général de GaulleLe retour au pouvoir du Général de Gaulle en juin 1958 82 exerce une influencedéfavorable sur le développement industriel concerté. Le fondateur de la V e Républiqueveille, en effet, à maintenir l’indépendance de la France en matière nucléairevis-à-vis des Etats-Unis, mais également à l’égard de la Communauté.Face aux réticences de ses partenaires concernant le développement, au niveaucommunautaire, de la filière à l’uranium naturel, la France tente d’imposer sonpoint de vue. Elle souhaite empêcher la pénétration massive de la technologie américainesur le marché européen, en vue de préserver l’autonomie industrielle del’Europe et de garantir les perspectives de développement de la filière française.Peu à peu, les rapports entre la France et l’Euratom se détériorent. La première posecertaines exigences, comme celle de développer sa filière à l’échelle communautaire.En 1964, elle adresse un mémorandum aux représentants des Communautés à Bruxellesdans lequel elle définit la teneur de la politique nucléaire qui devrait être menéepar Euratom. Ainsi, plutôt que d’aider au développement des différentes filières deréacteurs et notamment de financer l’implantation de centrales de type américain, Euratomdevrait favoriser la réalisation de centrales de type «gaz-graphite». Soutenir unetelle filière conférerait divers avantages à la Communauté: promotion du génie techniqueet de l’essor économique propres aux industries européennes; sécurité et stabilitéde l’approvisionnement en uranium tant du point de vue des prix que des quantités;ouverture des marchés d’exportation vers les pays tiers importateurs d’énergie classiqueà prix élevé (en particulier les pays en voie de développement). 83 De plus, le mémoran-81. [COM (68) 800], o.c., pp.52 et 53.82. Quand de Gaulle arrive au pouvoir, les choix essentiels en matière atomique sont faits. Il ne feraque donner plus de poids à cette politique. Cf. E. JOUVE, Le général de Gaulle et l’Europe(1940-1966), t.1, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1967, p.648.83. Extrait du mémorandum dans E. JOUVE, o.c., p.420.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 145dum estime que le programme de recherche mené par Euratom devrait être complémentaireà celui des différents Etats membres de la Communauté. 84Indiscutablement, la France joue la carte nationale et fait passer Euratom ausecond plan. Le Général de Gaulle n’est certes pas étranger à cette situation. Lorsdu premier Conseil de défense, le 17 juin 1958, plusieurs décisions importantessont prises. Il est notamment convenu de mettre fin au projet de coopérationnucléaire franco-germano-italienne 85 et d’accélérer le programme atomiquenational. La date de la première explosion atomique française est aussi confirmée. 86En ce qui concerne la Communauté européenne de l’énergie atomique, de Gaulle estimesacrifier la cause de la France à l’intégration européenne. 87 Pour lui, les dispositions du traiténe répondent pas à ce qui est nécessaire pour son pays. H estime qu’il y a une«opposition entre la situation de la France, déjà dotée depuis quinze ans d’un actif Commissariatà l’énergie atomique, 88 pourvue d’installationsmultiples, appliquée à mettre enœuvre des programmes précis et étendus de recherche et de développement et celle desautres pays qui - n’ayant rien fait par eux-mêmes - voudraient que des crédits d’un budgetcommun servent à leur procurer ce qui leur manque en passant les commandes auxfournisseurs américains». 89De Gaulle se méfie d’Euratom qui est susceptible, selon lui, d’intervenir dansles questions de défense nationale. Pour lui, la recherche nucléaire doit être avanttout nationale. La France ne souhaite pas faire profiter ses partenaires de son84. Idem, pp.420-422.85. A ce sujet, se reporter à: C. BARBIER, Les négociations franco-gertnano-italiennes en vue de l’établissementd’une coopération militaire nucléaire au cours des années 1956-1958, in: Revue d’histoire diplomatique,Paris, 1990, n°l-2, pp.81-113; E. CONZE, La coopération franco-germano-italienne dansle domaine nucléaire dans les années 1957-1958: un point de vue allemand, in: Revue d’histoire diplomatique,o.c., pp. 115-135; L. NUTI, o.c., pp. 133-156; M. VAÏSSE, La coopération nucléaire en Europe(1955-1958). Etat de l’historiographie, in: M. DUMOULIN, P. GUILLEN, M. VAÏSSE, l’énergienucléaire en Europe. Des origines à Euratom, Actes des journées d’études de Louvain-la-Neuve des 18et 19 novembre 1991, Berne, Peter Lang, 1994, pp.99-110.86. M. VAÏSSE, Le choix atomique de la France, dans M. VAÏSSE, La France et l’atome. Etudesd’histoire militaire, Bruxelles, Bruylant, 1994, p.56.87. De ce point de vue. l’«Affaire Hirsch» est significative. Etienne Hirsch, ancien commissaire général auPlan, avait succédé à Louis Armand - celui-ci, pour des raisons de santé, avait abandonné ses fonctions en1959 -, en tant que président de la CEEA. En 1961, concernant l’approvisionnement en uranium enrichid’un réacteur construit en collaboration, par la France et Euratom, Hirsch intervient personnellementauprès des autorités américaines afin qu’elles choisissent, contrairement aux vœux de la France, la voie del’accord Etats-Unis-Euratom à celle de l’accord bilatéral. Cette démarche heurte le général de Gaulle dansla mesure où, dans le domaine des relations internationales, elle renforce les prérogatives d’Euratom, parrapport à celles des Etats membres. Ce différend conduit de Gaulle à s’opposer au renouvellement du mandatd’Hirsch, en 1962. l’accord des représentants des autres gouvernements, nécessaire afin de valider cettedécision, fut donné car ils souhaitaient éviter une crise mais également de compromettre le renouvellementdes membres de la Commission de la CEE dont le mandat allait expirer à la fin de l’année 1961. Cf.B. GOLDSCHMIDT, Le complexe atomique, o.c., p.327; E. JOUVE, o.c., pp.414 et 415.88. Le Commissariat à l’énergie atomique est créé en 1945 sous l’impulsion du général de Gaulle. Selon lui,le nucléaire doit permettre à la France de retrouver son statut de grande puissance qui lui est contesté aulendemain de la Seconde Guerre mondiale, comme en ont témoigné Hiroshima et Nagasaki..89. C. DE GAULLE, Mémoires d’espoir. Le renouveau: 1958-1962, Evreux, Plon, 1970, p.193.

146 Laurence HUBERTavance technologique qu’elle désire renforcer, afin de ne pas être concurrencée parl’Allemagne dont la puissance économique ne cesse de s’accroître. Les sommesqu’elle consacre au Commissariat à l’énergie atomique témoignent de cette volontéd’indépendance de la France par rapport à ses partenaires. Celles-ci sont vingt foisplus importantes que sa contribution à Euratom. 90Une autre raison qui incite de Gaulle à mener une politique autonome vis-à-visde ses partenaires est la collaboration entre la Communauté et les Etats-Unis.Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le général manifeste une méfiance deplus en plus grande à l’égard des Américains.C.5.Le premier programme indicatif pour la Communautéeuropéenne de l’énergie atomiqueEn vertu de l’article 40 du traité Euratom, la Commission doit publier périodiquementdes programmes de caractère indicatif relatifs notamment aux objectifs deproduction d’énergie nucléaire et aux investissements de toute nature qu’impliqueleur réalisation. Une telle initiative vise à susciter l’initiative des personnes etentreprises et à faciliter un développement coordonné de leurs investissements dansle domaine nucléaire. 91 La publication du premier programme indicatif nucléairepour la Communauté (P.I.N.C.) consacre l’entrée de l’énergie atomique dans saphase industrielle. Désormais, il est possible d’évaluer les perspectives des différentstypes de réacteurs. 92 Ces derniers se répartissent en trois générations.d’abord, les réacteurs éprouvés, capables de produire de l’électricité à l’échelleindustrielle. Ils vont exercer, selon le P.I.N.C, un monopole jusqu’en 1975. A cettedate, les convertisseurs avancés interviendront dans la production électrique. Cedeuxième modèle de réacteur permettra d’utiliser le combustible nucléaire demanière plus économique. Enfin, à partir de 1980, les surgénérateurs viendronts’ajouter aux deux catégories précédentes. Ceux-ci possèdent la propriété d’utiliserla totalité des potentialités énergétiques de l’uranium. 93Pour les auteurs du P.I.N.C, il existe, en 1966, deux types de réacteurs éprouvés:ceux de la filière «gaz-graphite» et ceux à «eau légère». Ils sont approximativementau même degré d’avancement, tant en ce qui concerne les réalisations quele développement industriel, les perspectives de rentabilité ainsi que celles de laconsommation de matière fissile. 94 La filière de l’uranium naturel va pourtant êtrerapidement abandonnée.90. M. T. BITSCH, Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours, Bruxelles, Ed. Complexe,1996, p.157; G. BOSSUAT, Us fondateurs de l’Europe, Paris, Belin, 1994, p.222.91. Art.40, traité CEEA.92. Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique, Premier programme indicatifpour la Communauté européenne de l’énergie atomique. Production d’énergie électrique parréacteur nucléaire, Bruxelles, mars 1966, p. 11.93. O. PIROTTE, Trente ans d’expérience Euratom. La naissance d’une Europe nucléaire, Bruxelles,Bruylant, 1988, p.163.94. Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique, o.c., p.22.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 147C.6.l’échec de la filière françaiseLa construction des réacteurs expérimentaux, de type «gaz-graphite», à Marcoule,se déroule sans difficulté majeure, ce qui laisse entrevoir favorablement le passageà une étape ultérieure. Toutefois, dès la construction d’E.D.F.l, à Chinon, plusieursproblémes se posent. Electricité de France a été trop optimiste en ce qui concerneles délais de réalisation qui doivent par conséquent être revus à la hausse. La centrale,au niveau de sa conception, suscite aussi d’importantes difficultés techniques.Les obstacles rencontrés ne sont pas seulement le fait d’E.D.F.l. Ils interfèrentégalement dans la mise en œuvre des installations d’E.D.F.2 et surtout d’E.D.F.3 etd’E.D.F.4. 95En 1969, après le départ du général de Gaulle, le gouvernement français décideofficiellement d’abandonner la filière de l’uranium naturel, jugée trop coûteuse parE.D.F. 96 La guerre des filières se termine à l’avantage des Etats-Unis et du Canada.Les filières à «eau ordinaire» et à «eau lourde» s’imposent. 97La concurrence, ainsi que les avatars techniques qui touchent la filière française,ne sont pas les seules raisons de son échec. En 1967, la mise en service de l’usined’enrichissement de Pierrelatte 98 - destinée à répondre aux besoins militaires - ,restreint les craintes de la France de dépendance vis-à-vis de l’étranger et surtoutvis-à-vis des Etats-Unis. Elle débloque, en outre, la situation en ce qui concerne lesusages civils de l’uranium enrichi. 99D.Production d’électricité nucléaireTel qu’il a été défini par les «Trois Sages», l’objectif d’Euratom est d’installerdans la Communauté une puissance nucléaire de 15.000 mégawatts, à la fin del’année 1967, ce qui doit permettre de stabiliser les importations d’énergie desSix. 100Malgré d’importantes avancées, les réalisations dans ce secteur ne correspondentpas aux prévisions faites en 1957. En effet, la pénurie d’énergie classique neconstituant plus un risque imminent, les Etats membres sont partagés entre le soucid’éviter des investissements qui ne s’avéreraient pas indispensables dans l’immédiatet celui de développer l’industrie nucléaire. En conséquence, la Commission95. Histoire de I’électricité en France, o.c.,pp.713-716.96. Histoire de l’électricité en France, o.c., p.736; P. GERBET, La construction de l’Europe, o.c..p.230; G. BOSSUAT, o.c., p.222.97. B. GOLDSCHMIDT, o.c., p.337; G. DE CARMOY, Energy for Europe. Economie and politicalimplications, Washington, 1977, p.90.98. La construction de l’usine de séparation isotopique de Pierrelatte est entreprise par le CEEA dès1959.99. Il est dorénavant possible d’envisager la construction d’une usine de grande taille destinée à la productiond’uranium faiblement enrichi pour les réacteurs français. Dès lors, les efforts de la Francevont s’écarter des réacteurs à uranium naturel. Toutefois, il faudra encore attendre quelques annéesavant que la construction d’une telle installation débute.100. Un objectif pour Euratom, o.c., p.21.

148 Laurence HUBERTd’Euratom assigne, dès 1958, comme nouvel objectif, une capacité nucléaire de 4 à5.000 mégawatts pour 1965. 101 Une des causes de ce retard est la divergence entreles structures même de l’industrie de production d’électricité dans les pays de laCommunauté.D.1.Régime de propriété des moyens de production del’électricité et influence sur le développement des centrales nucléaires 102La comparaison entre les différentes structures de propriété des moyens de productionde l’électricité, au sein des Etats membres, montre que celles-ci peuvent avoirdes incidences sur le développement des centrales nucléaires.La nationalisation de ces moyens semble bénéfique à la production d’électriciténucléaire. Plusieurs éléments corroborent une telle hypothèse. Tout d’abord, dansles systèmes nationalisés, les gouvernements exercent une influence directe sur lesprogrammes d’investissement. Ils imposent le rythme de développement le plusapproprié ainsi que la gestion la plus économique des installations nucléaires. Laconstruction des centrales atomiques peut être décidée en fonction d’une politiqueindustrielle et énergétique; elle peut notamment permettre d’assurer la sécurité del’approvisionnement. l’exploitant privé retient uniquement le critère de rentabilité.De plus, les réseaux électriques nationalisés sont généralement les mieux interconnectés,grâce aux décisions prises par l’Etat. Le transport d’énergie est donc facilité.Un troisième argument est l’exemption d’impôts directs dont jouissent généralementles entreprises publiques.Le régime de propriété varie d’un pays à l’autre. Les centrales nucléaires sontsoit des entreprises à capitaux privés, soit des entreprises, organismes ou servicespublics, soit encore des entreprises d’économie mixte. 103 En France et en Italie, lesmoyens de production sont nationalisés. Aux Pays-Bas, ils sont entièrement auxmains d’entreprises privées dépendant des pouvoirs locaux. Des entreprises privéeset des entreprises à participation publique peuvent également coexister. C’est le casen Allemagne et en Belgique.Si beaucoup de centrales nucléaires assurent la production, le transport et la distributiond’électricité, certaines ne satisfont que leurs besoins propres: ce sont desindustries autoproductrices. Elles jouent également un rôle important, puisqu’ellesassurent, en 1967, 30% environ de la production nette d’électricité.101.P. URI, o.c., p.201.102. Les principales sources qui ont guidé la rédaction de ce point sont: Commission de la Communautéeuropéenne de l’énergie atomique, Premier programme indicatif pour la Communauté européennede l’énergie atomique. Production d’énergie électrique par réacteur nucléaire, o.c., pp.92-96;Commission de l’Euratom, Nécessité, rôle et objectifs d’une politique dans le domaine de l’énergienucléaire, Bruxelles, 27 octobre 1966, in: BAC 59/1980, n°478, p.269; Commission de l’Euratom,Rapport sur la situation des industries nucléaires dans la Communauté, o.c., pp. 131-140; [COM(68) 800], o.c., pp.5, 21-32; [COM (68) 1040], o.c., pp. 107-109.103. Entreprises fonctionnant grâce à des capitaux privés et publics.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 149Tab. 1 : Part des différentes catégories de producteurs dans la production nette d’énergie électrique,dans la Communauté, en 1967 (en %).Répartition en %AllemagneBelgiqueFranceItalieLuxembourgPays-BasCommunautéServicespublics64,464,377,973,541,081,470,8Autoproducteurs35,635,722,126,559,018,629,2Source: [COM (68) 1040], Première orientation pour une politique énergétique communautaire.Communication de la Commission au Conseil, Bruxelles, 17 janvier 1969, p.108.Il apparaît nettement que la diversité des structures des moyens de productioninfluence le développement des centrales nucléaires. De 1958 à 1968, la puissancenucléaire installée 104 au sein de la Communauté évolue lentement. 105Parmi les Six, la France est le pays dont la puissance nucléaire installée est laplus élevée. 106 La nationalisation du secteur de l’électricité, réalisée en 1946, 107 afavorisé cette évolution. Depuis le 8 avril 1946, Electricité de France, service public,dispose du monopole en matière de production, transport et distribution d’électricité.Jusqu’alors, ces différents domaines relevaient d’organes distincts. A cettedate, les multiples sociétés privées ont donc été remplacées par un organismeunique et efficace. 108 La France est également le seul Etat membre à produire del’électricité nucléaire depuis 1958. Ainsi, de 1958 à 1961, la production européenned’électricité nucléaire correspond à la production française.A partir de 1963, l’Italie produit de l’électricité nucléaire. 109 Le programme deconstruction de centrales nucléaires a été décidé entre les pouvoirs publics et lesindustriels, qui se partageaient la production d’électricité. Depuis 1964, l’EnteNazionale per l’Elettricità - E.N.E.L.-, entreprise publique, couvre 84% des104. La puissance nucléaire installée équivaut à la somme des puissances nominales des générateurs -appareils produisant du courant électrique à partir d’énergie fournie sous une autre forme - principauxet des générateurs auxiliaires de tous les groupes, y compris les groupes de réserve. Cf. Statistiquesde l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., p.J.105. Pour les données citées, se reporter à Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., p.300.106. Celle-ci passe de 2 à 906 MWe (Mégawatt électrique), de 1958 à 1968.107. Cette nationalisation avait été annoncée le 23 novembre 1945 par le général de Gaulle devant l’Assembléenationale. C’était pour lui une des premières réformes auquelles le gouvernement provisoiredevait s’atteler.108. Histoire de l’électricité en France, o.c., pp.35 et 36, 92.109. De 200 MWe, en 1963, la puissance nucléaire installée de l’Italie passe à 607 MWe, en 1968.

150 Laurence HUBERTbesoins en énergie électrique. Ce processus de nationalisation du secteur électriqueest bénéfique à la production d’électricité nucléaire.Bien que l’Allemagne produise de l’électricité nucléaire depuis 1961, sa productionne connaît un essor qu’à partir de 1966. 110 La cause de ce retard par rapportà la France et à l’Italie se trouve peut-être dans la structure de la propriété desmoyens de production de l’électricité. La production d’électricité allemande est eneffet assurée par des entreprises à capitaux privés (3%), par des entreprises publiques(42%) et enfin par des entreprises d’économie mixte (55%).En Belgique, la production d’électricité destinée à la distribution publique esteffectuée à 94% par des entreprises à capitaux privés. Le reste est fourni par desautoproducteurs cédant le surplus de leur consommation au réseau de distributionpublique. A cet égard, soulignons que la puissance nucléaire installée se maintientà 10 mégawatts, de 1962 à 1968, c’est-à-dire plus de 90 fois moins que pour laFrance. 111Aux Pays-Bas, la production est entièrement le monopole d’entreprises contrôléespar des collectivités publiques, provinciales et municipales. Ce n’est qu’à partirde 1968 que le premier kilowattheure nucléaire est produit.Enfin, au Luxembourg, la totalité de la production électrique est le fait desociétés à capitaux privés. Dès le départ, ce pays a refusé de s’engager dans la voiedu nucléaire. 112C’est finalement dans les Etats membres où les services publics contrôlent lesecteur électrique que les centrales nucléaires sont les plus développées. Dans cedomaine, le «dirigisme» étatique reste donc décisif.D.2.Réalisations dans le secteur électrique nucléaire 113Dans les études alors menées sur les problèmes énergétiques, l’énergie nucléairen’est pas vraiment prise en compte. Les principales références se font en terme deprévisions. De 1958 à 1968, la part du nucléaire dans la production électrique estminime. En 1968, elle ne représente toujours que 2% de la production totale netted’électricité. Si nous la ventilons entre les Six, nous remarquons que la France,l’Italie et l’Allemagne assurent respectivement 42%, 34% et 23% de cette productionnucléaire.110. De 15 MWe, en 1961, la puissance nucléaire installée allemande est de 753 MWe en 1968.111. Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., p.300.112. La communauté de l’énergie atomique représente, pour ce pays, un enjeu plus faible que la CECA.Avec la CECA, le Luxembourg a placé, sous une autorité supranationale, 85% de sa productionindustrielle et 90% de son commerce extérieur. Les résultats furent considérables: l’ouverture simultanéedes marchés français et allemand à la puissante sidérurgie luxembourgeoise. Par contre,les avantages qu’il peut retirer d’un marché commun nucléaire sont maigres. Cf. G. TRAUSCH,Le Luxembourg face aux Traités de Rome. La stratégie d’un petit pays, in: E. SERRA, La relanceeuropéenne et les Traités de Rome, Actes du Colloque de Rome (25-28 mars 1987), Bruxelles,Bruylant, 1989, p.425.113. Se reporter à Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., pp.270-272.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 151La place accordée au nucléaire dans la production électrique est la plus importanteen France et en Italie. Dans ces deux pays, elle représente 2,67 et 2,43% de laproduction totale nette d’électricité. Par contre, en Allemagne - alors plus grandproducteur d’électricité de la Communauté - elle correspond à moins de 1%. EnBelgique et aux Pays-Bas, elle est largement inférieure à 1%.Pour les «Trois Sages», l’énergie nucléaire pourrait, dès 1963, apporter unecontribution importante à la production d’électricité. 114 En 1968, cette contributionest dérisoire, ce qui résulte d’une entrée tardive 115 de la Communauté dans la phaseindustrielle de production d’électricité nucléaire.D.3.Le premier programme indicatif nucléaire pour la Communauté (P.I.N.C.)Suite au retard par rapport aux réalisations prévues, de nouveaux objectifs sontétablis, en 1966, dans le premier programme indicatif nucléaire. Le but du P.I.N.C.est d’encourager les investissements dans le secteur nucléaire. Il se présente sousforme de prévisions qui concernent les années 1970-1979. 116Le programme indicatif contribue aussi à définir une politique commune del’énergie puisqu’il inscrit en tête de ses objectifs ceux prévus par le protocoled’accord d’avril 1964. Parmi ceux-ci, les deux premiers sont les plus importants ence qui concerne l’énergie nucléaire, à savoir l’approvisionnement à bon marché etla sécurité de l’approvisionnement. Ainsi, il est établi que la consommation d’électricitédevrait continuer d’augmenter. l’énergie nucléaire pourra intervenir dèsqu’elle sera fournie à des coûts comparables à ceux de l’électricité produite dansdes centrales thermiques traditionnelles. Quant à la sécurité de l’approvisionnement,elle pourra être renforcée de trois manières: en recourant, autant que possible,à des énergies produites dans la Communauté, en différenciant les importationstant en nature que du point de vue géographique et en constituant des réserves poursurmonter les difficultés passagères d’approvisionnement. 117 l’énergie nucléairepourra contribuer à cette sécurité d’approvisionnement en limitant les besoins encombustibles importés. De plus, différents facteurs plaident pour une utilisationaccrue de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité. Tout d’abord, l’uraniumà importer n’est pas fourni par les mêmes pays que le combustible fossilepour lequel la Communauté fait appel à l’extérieur. Il provient de régions diversifiéesd’un point de vue géographique, ce qui limite le risque de pénurie en cas deconflit politique. Enfin, le coût du combustible nucléaire nécessaire pour produireune quantité déterminée d’électricité est quatre à cinq fois inférieur à celui du combustiblefossile (charbon et pétrole). Une politique de sécurité d’approvisionnementbasée sur l’énergie nucléaire contribuerait largement, selon le P.I.N.C, à limiter les114. Un objectif pour Euratom, o.c., p.20.115. En 1966 seulement.116. Le P.I.N.C. ne porte pas sur les années allant de 1965 à 1969 car les mises en service pour ces annéessont déjà connues, en 1966, et ne peuvent plus être influencées.117. Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique, Premier programme indicatifpour la Communauté européenne de l’énergie atomique. Production d’énergie électrique parréacteur nucléaire, o.c., p. 15.

152 Laurence HUBERTimportations de pétrole et de charbon américain. Dans cette optique, des objectifsminimaux de production d’énergie nucléaire sont définis.Tab.2: Objectifs minimaux de production d’énergie nucléaire, dans la Communauté, selon le premierP.I.N.C.AnnéePuissance au 1 er janvier,en MWeProduction annuelle nette, enTWh1970197519804000170004000028120280Source: Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique, Premier programmeindicatif pour la Communauté européenne de l’énergie atomique. Production d’énergie électriquepar réacteur nucléaire, Bruxelles, mars 1966, p. 19.En 1966, ces chiffres doivent être considérés comme un objectif minimal, en raison dela dépendance importante de la Communauté vis-à-vis des importations. Celles-ci couvrentalors 54,3% des besoins en énergie. 118 Dans un premier temps, le rôle de l’énergienucléaire doit consister essentiellement à stabiliser ces importations.En guise de conclusionDans le «Rapport d’ensemble sur la politique nucléaire de la Communauté», 119 laCommission constate que, dix ans après la création d’Euratom, l’objectif du traitévisant à créer les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire,n’a été que très partiellement réalisé.Divers éléments expliquent le retard d’Euratom. Premièrement, le marché del’énergie est passé d’un état de pénurie à celui d’abondance. Il n’est dès lors plusnécessaire de recourir à l’énergie nucléaire pour faire face à un déficit énergétique.Deuxièmement, ne peuvent être avancés un volume insuffisant de l’effort financierni une capacité inférieure des savants européens, 120 mais plutôt une dispersion desefforts poursuivis dans un cadre et selon des buts nationaux. 121 Citons entre autres118. Statistiques de l’énergie. Annuaire 1958-1968, o.c., p.23.119. [COM (68) 800], o.c., p.l.120. [COM (69) 350], Activités futures d’Euratom. Communication de la Commission au Conseil,Bruxelles, 23 avril 1969, p.l.121. Les Etats membres étaient réticents à confier leur souveraineté à une organisation supranationale.En 1960, Etienne Hirsch déplore la tendance des gouvernements à se concerter en l’absence desExécutifs qui sont souvent traités par eux comme des puissances étrangères. Cf. l’année politique1960, Paris, P.U.F., 1961, p.479.

La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968) 153l’absence de concertation quant au choix du type de réacteur à développer, l’influencenégative de la France sur le caractère communautaire des recherches, la «loidu juste retour» relative aux contributions versées par les Etats membres ou encorela diversité des structures de la propriété des moyens de production de l’électricité.La création du Centre commun de recherches est aussi significative. Sous la pressiondes Etats membres, la Commission entreprend de répartir ses activités entrequatre établissements, à savoir Ispra (I), Geel (B), Petten (P-B) et Karlsruhe (A).Une telle dispersion entraîne des dépenses considérables, des doubles emplois etdes problèmes de gestion. Contre la logique, les arguments politiques prévalent. 122De même, les commandes passées par les producteurs d’électricité européens bénéficienttoujours soit aux constructeurs nationaux, soit, paradoxalement, à des constructeursétrangers à la Communauté. Ainsi, le développement des industriesnucléaires ne tire aucun profit de la suppression des droits de douane, intervenuedès 1959. 123Les risques d’exploitation liés à toute technologie nouvelle jouent également endéfaveur de la nouvelle Communauté. En effet, les producteurs d’électricitéhésitent à s’engager dans la voie du nucléaire, d’autant plus que les mérites des différentstypes de réacteurs ne sont pas encore établis. 124En 1968, le premier président d’Euratom, Louis Armand, formule le constat suivant:«Au lieu de jouer la personnalité atomique européenne, chaque pays a vouluconserver les connaissances et les techniques sur lesquelles il fondait le plusd’espoir, en espérant dépasser ses voisins dans la course». 125 l’absence d’une véritablepolitique commune du développement nucléaire contraint la Communauté àajouter ses propres programmes à ceux des Etats membres, justifiant ainsi le qualificatifde «septième puissance» 126 attribué à Euratom.Laurence HubertUniversité de Liège122. Vers un nouvel Euratom, dans Revue du Marché commun, Paris, 1970, p.9; l’année politique, économique,sociale et diplomatique en France 1968, Paris, P.U.F., 1969, pp.293 et 294.123. M. CARPENTIER, En commencer avec une politique européenne de l’énergie nucléaire, in: Revuedu Marché commun, Paris, 1968, p.1001.124. [COM (68) 800], o.c., pp.5 et 6.125. L. ARMAND, M. DRANCOURT, Le pari européen, Paris, Fayard, 1968, p.218.126. [COM (68)800], o.c., p.IV.

Ukraine, Europe, andthe United StatesSince the breakdown of the Soviet Union and theindependence of Ukraine in 1991, drastic steps havebeen made to overcome the past and to establish anew statehood in the second largest European country.With impressive efforts, Ukraine’s traditional Easternorientation was combined with the re-opening of itssociety, institutions and markets to the West. ThusUkraine is on the way to become a potential andimportant partner for the Euro-Atlantic securityarchitecture in the 21st century.On the eve of Ukraine’s third Presidential elections inOctober 1999, leading officials and experts fromUkraine, the United States and Germany investigatedthe challenges, possibilities and needs for the developmentof Ukrainian-U.S.-European cooperation.Their open and active debate of political, geopolitical,economic and security aspects of the partnershipoffers a deep analysis of the new established networksbetween Kyiv and the West.This publication is part of a joint project of theAtlantic Council of Ukraine, the American Institutefor Contemporary German Studies, and the Center forEuropean Integration Studies (ZEI).NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

155Book reviews - Comptes rendus - BuchbesprechungenRené GIRAULT (dir.), Gérard BOSSUAT (collab.). - Les Europe des Européens. Paris,Publications de la Sorbonne, 1993, 156 p. - ISBN 2-85944-238-3. - 100,00 FF.Edited by the late René Girault, this book aims to publish the contributions presented to the conferenceheld in Paris on May 15 th and 16 th 1992, in the framework of the international researchproject devoted to European identities through the 20 th century. Most of the contributors areinvolved in this international network. Their contributions, distributed mainly on a national basis,are to be put in relation with a questionnaire sent by Professor Girault for the meeting.What is original about these proceedings? Even though they have been thought of as ananswer to a common questionnaire, they lack the coherence the reader would be seeking.Some contributors obviously answer the questions, others seem to ignore the questionnaire.René Girault, as a challenge, tried to summarise the main characteristics of these presentations.Besides this minor remark which could be formulated about a lot of proceedings, thepanorama is very stimulating, as each “national” contributor tends to develop somethingspecific to his area. “National” should be understood as very improper to associate the historians,specialists of a specific country, and others, such as Professor Kaelble, who adoptedthe “continental” approach to European society.Some authors chose to tackle the difficulty of defining “Europe” through an analysis of atlasand other handbooks used to present the geographical components to pupils of European countries.The main conclusion: the way this country perceives itself and the other partners is basedon a national point of view. From the British point of view, there is the Continental Europe andGreat Britain and possible interpretations of the boundaries which might or might not includeGreat Britain and lead to “splendid isolation” (Bell & Morris). France has another perception ofthe mapping of Central Europe than has Germany, for whom the core lies between Germany andRussia: Bohemia, Moravia, Silesia, Hungary and Poland (Bartosek). From French materials publishedat the end of the 19 th century and the beginning of the 20 th century, a differentiationappears between a developed Europe and another Europe, poor, vast and ignored (Bossuat).Therefore, the political conception of Europe (federalism, supranationalism) could be connectedto this mental mapping of Europe. From Greek perception, Europe exists where European civilisationexists (Tsatsos quoted by Svolopoulos). And, once again, as already stressed before, whatare the grounds for such a differentiation?Another group of authors gave greater place to the decision-makers’ mental attitude and culturalbackground. Once again, we find some elements are given that help understand the Britishattitude (Warner and Deighton) whit emphasis put on two fundamental lines: sovereignty andinternational role. A certain ambiguity on the impact of European integration on national sovereigntypersisted from Edward Heath to John Major. This ambivalence could also be documentedthrough polls for the same period. For the Belgian attitude, a set of negative clichés can be collected,in which the external look tends to define what Belgians were before 1914 (Dumoulin).But, in the meantime, on the basis of a cultural Europe due to the diversity of people and cultures,cosmopolitanism suggested a potential stand on integrating Europe. Until after the Second WorldWar, Belgian politicians like Snoy, van Zeeland, Carton de Wiart or Spaak, among others, contributedto enact a pragmatic solution to the national attitude. In Italy, three points of referencemay be identified: catholic Europe, Western/lay Europe and workers’ Europe, which the greatpowers, France, Germany, Great Britain, are still part of (Varsori). These areas may overlap, butthey also exclude the Scandinavian and Balkan countries. Due to the international conjuncture(Cold War and the loss of colonies), Italy could turn towards the Mediterranean area and thenperceive herself as a pivot in the area.

156 Book reviews - Comptes rendus - BuchbesprechungenIntellectuals in Spain (Villacorta) and in Central Europe (Michel) also played a significantrole in the definition of what is Europe. From the Spanish point of view, a first levelwould consider Europe as the metaphor, the outside reference to redefine Spain for theregenerationist movement around 1900 and for the reformist movement a decade later.Europe will, at a second level, interfere with the definition of “Spanishness”. The third leveltranscends these internal debates and is symbolized by Eugenio Ors, Salvador de Madariagaand Ortega y Gasset and their thought on Europe. Considering the issue rather as ongoing,Professor Michel refers to the contribution of elites, such as the Czech writer, Vaclav Havel,to look for European consciousness. How this belonging to Europe can be sketched out as adilemma between being attracted by Europe as a political entity and rejecting somethingelse related to the past forty years. Here too, Europe tends to be instrumentalised as a referencefor institution-building, economic transition or security issues. Throughout the Continentand the century, Europe is used as a model to be imitated0 and to be joined.The contribution of Professor Kaelble deals with the representation of a European society.From the end of the 19 th century up to the 1960s, there was a blurred representation of Europeanboundaries in the definition of a European society. Great Britain and Russia were sometimesexcluded. In the meantime, there was a clear perception of a homogenous civilisation with a specificconception of family, social classes and active life that evolved, but there was no perceptibleconnection with the political thought on Europe. As other contributors already pointed out,Europe tends to define herself by contrast with outsiders, such as United States.Switzerland, as European country, but in the same time as an outsider, may provide someelements helping to define Europe (Fleury). Obviously, the geographical notion of Europe asa whole is present in diplomatic documents before 1914. In the reorganisation of the worldafter 1945, Europe will be characterised as being part of the Western and democratic world.Switzerland perceived herself as the most European country from the cultural point of view.As René Girault states in his conclusion, Europe does exist as a geographical and a dailyreality. We may agree, but the main limit can be the difficulty to compare situations whichare different from the approach, the material and time periods. Simultaneously, there is thisambiguity with the geographical reality and the integration project, which the title reflects:Europe as a common goal and Europe as a cultural kaleidoscope.Nathalie TousignantFacultés universitaires Saint-LouisInstitut d’études européennes, UCLMaria Eleonora GUASCONI, - l’altra faccia della medaglia. Guerra psicologica ediplomazia sindacale nelle relazioni Italia- Stati Uniti durante la prima fase dellaguerra fredda 1947-1955, Soveria Mannelli, Rubbettino, 1999, - ISBN 88-7284-702-8. -25.000,00 L.In spite of lip service paid to the multi-level nature of international relations, political anddiplomatic history remain the main approach to the Cold War, a limited exception being economicpolicy. After 1989, the release of new documentary sources in the former Easternbloc has reopened the debate on established bodies of knowledge on East-West relations.However, the domestic dimension of the Cold War in the European countries on both sidesof the Iron Curtain has begun to be investigated as well. Studies on the Western bloc fallunder two major keys: Americanisation on one hand, the origins and the nature of Americanhegemony on the other. Too often in the past, the forms and means of American hegemony,as well as the attitude of the West European political leaders towards the US interests, havebeen straitjacketed by a political, sometimes heavily ideological debate. In recent times aconsensus began to be attained on a balanced view of the build-up and the dynamic of the

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 157Western bloc. The imperial US influence on and their penetration in the European countriesappears to be the result of the converging nature of US post-war ideology and national interestas well as of European conditions. The subservience on the part of the European leadersappears to have been moderated by their skilful manipulation of American security andpolitical worries. An important step in the definition of bloc building in the West appears tobe Charles Maier’s isolation of productivity as the key value of the American model and ofthe American strategy to confront the ideological appeal of Communism.The ‘state of the art’ remaining rather fluid, Guasconi’s contribution intends to placethree major single pieces - psychological warfare, labour diplomacy, productivity policyintoa common framework and to discuss whether a single coherent policy encompassedsuch American initiatives to fight Communism in Western Europe. Interesting new evidencefrom freshly released American sources breathes new life into the debate. It is not new thatpsychological warfare was initiated under the Truman administration as early as 1948, thegeneral elections held in Italy in April 1948 being understood as a true turning point for thefuture orientation of Italy. The first surprise in Guasconi’s study is that no comprehensiveplan to counter Communist force by psychological warfare was drawn up, until the generalelections of 1951 showed the persistency respectively the strength of the PCI and PCF. SoItaly and France became the first ‘targets’ of full scale plans of intervention. While the existenceof such plans was more or less known, Guasconi provides the first serious study ofUnited States’ effort to consolidate from inside Italy’s attachment to the West: by corroboratingexisting loyalties, diffusing the American way of life and industrial relations modelson one hand, by suffocating Communist channels of influence and propaganda on the other.In spite of its limited implementation, the Demagnetize Plan - elaborated by the PsychologicalStrategy Board in February, implemented since June, July 1952- stands out as a revealingdocument of the fears and aims that fuelled the American attempt to reduce the Communistinfluence on the working class, by cutting the ground under the feet of the Communisttrade union CGIL. In this field the State Department strictly cooperated with the largestAmerican union, the AFL, whose well-known anti-communism predated World War II.Such a cooperation appeared particularly useful and effective for two different reasons:on one hand the ‘Italo-American connection’, strongly present inside the AFL, knew verywell the Italian political situation and was helpful for the State Department’s proposals; onthe other hand the American government used the labour channel to send covert aid to Italianpolitical parties and trade unions. Similarly Guasconi presents new evidence of the roleassigned to labour and of the effort to weaken the CGIL leading position through ‘positive’actions. Indeed, a variety of initiatives from different sources sought a comprehensiveapproach to the Italian working class. Guasconi enlightens their shortcomings, first of all theunsuccessful attempt to unify the anti-Communist trade unions in a single confederation.More than for the resistance of the Italian ‘ground’, the limited results of the Truman administrationappear to result from confusion, rivalries and inconsistency.Continuity in political aims is the clearer link between Truman and Eisenhower. Whatwas new after 1953 was the establishment of the Operations Coordinating Board, an attemptto overcome the confusion and ineffectiveness of the Truman’s period. Indeed, the policy ofoffshore procurements succeeded in its political intention to discriminate against Communisttrade unions and Mrs Clare Boothe Luce’s arrival as US Ambassador in Rome heavilyqualified the Eisenhower administration’s aggressive approach. More disparate is, accordingto the author, the outcome of the ‘constructive’ sides of American intervention, in otherwords Americanisation of Italy’s economic and social structure. The productivity drive wasoften enthusiastically adopted, but in order to adapt to local condition, ‘the Italian path toproductivity’ only vaguely resembled the American model. The outcome of the labour strategydeluded many initial hopes and intentions, although Guasconi espouses a more balancedjudgement than other authors do. Italy’s working class and public opinion were not ready to

158support a trade union free from confessional and political links and the Christian Democracywas strongly opposed to it. As for the social and technical modernisation of the workingforce, the management benefited indeed from US technical assistance initiatives, but actionsin favour of the workers were postponed and finally scarcely implemented.Elena Calandrilecturer at the University of FlorenceSylvie LEFEVRE - Les relations économiques franco-allemandes de 1945 à 1955. Del’occupation à la coopération. Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de laFrance, 1998, 527 p. - ISBN 2-11-090084-9. - 249,00 FF.This work is the outcome of a doctoral thesis prepared under the supervision of Georges-Henri Soutou,Professor at the university of Paris-Sorbonne. The study of Sylvie Lefèvre successfully continuesthe recent thesis of Sylvain Schirmann, “Franco-German economic and financial relations 1932-1939”, succeeding for its part the work of Raymond Poidevin and Jacques Bariéty on Franco-Germaneconomic relations before and after the First World War. It is an exhaustive study beginningwith the coming into force of the Potsdam agreements and ending with the return of the Saarland toGermany, extending thus over a period of ten years that were very fertile in events and problems ofall kind. Sylvie Lefèvre gathered information from various sources, such as from the French occupationarchives in Germany and Austria, the archives of the French Ministry of Finance and of theEuropean Communities as well as from some companies’ archives. She mentions aspects of theFrench-German economic relations of that period that until then have only rarely been examinedsuch as the relations between businessmen of the two countries.The predominant problem of that period concerns the transition of the French politicalline regarding Germany from a policy of weakening towards a policy of cooperation. It wasnecessary to observe the chronological order. The first part extends from the Potsdam agreementsin July 1945 to the London recommendations in June 1948: during this first phase thesuccessive French governments carry on an “excessive and vague” policy according to theexpression of Raymond Poidevin taken up by Sylvie Lefèvre. Conceived during the war bythe French Committee of National Liberation, it aims at splitting up and controlling Germany;it is not only a matter of preventing the rebirth of the German economic power butalso of using the German potential so that it contributes to an economic reorganisation ofEurope to the advantage of the French economy. Paris tries hard to reach these goals bysplitting off the Rhineland and internationalising the Ruhr. With this last measure, theFrench leaders intend to provide France with the coal its own soil can’t produce in sufficientquantities and which is essential for realising their ambitious plans of industrialisation.When and how does the rapprochement of the French and German economies occur? Is ita consequence of American pressure through the Marshall plan? Sylvie Lefèvre answersthese questions in the two subsequent parts. The second part refers to a turning point occurringbetween June 1948, with the French accepting the creation of the Deutschmark in thethree Western zones, and October 1949, with the meeting of representatives of French andGerman employers’ organisations. During that crucial period, the security problem regardingGermany is progressively eclipsed by the security risk arising from the USSR, while theaggravation of social movements in France makes the French government depend more andmore on American aid. In March 1948, the French dream of international economic controlof the industries of the Ruhr collapses. In 1949, French policy is swinging from the principleof an economic weakening of Germany towards the principle of cooperation with a reunitedWest Germany, even if the initial priority given to the creation of an economic union with

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 159the Benelux countries and Italy shows the hesitation of France to integrate Germany into aneconomic Europe. But profound forces also work in favour of French-German cooperation.They are due to the importance that the markets of the two countries represent for eachother in the eyes of their respective businessmen. The thesis of Sylvain Schirmann hadalready shown that towards the end of the twenties Germany and France were importantpartners for each other and that complementarities existed between the economies of the twocountries. Industrials, bankers and trade unionists resume talks with their German counterpartsas early as 1946, in spite of all kinds of material and administrative difficulties inherentto the immediate post-war period.The third part of the work shows how Franco-German cooperation takes its coursebetween May 1950 (the Schuman plan) and the end of 1955 (settlement of the Saar question).The official rapprochement begins in May 1950 with the Schuman plan creation of theEuropean Coal and Steel Community. Sylvie Lefèvre mentions other Franco-German cooperationprojects, less known, like that of assembling the Renault four-horsepower in theformer Messerschmitt plants of Augsburg or that of building a large Franco-German aeronauticalplant, in Agadir, Marocco, shielded from a possible Soviet invasion. The fact thatthe war takes place in the Far East and remains limited to the scenes of Korea andIndo-China will finally prevent North Africa from playing a role as a rear base for the Westin the fifties and will put an end to that project.Thus under American pressure and the Soviet threat and with the conviction shared by anincreasing number of French politicians that Europe can’t be built without Germany, thepolicy of control gives way to a policy of cooperation. Consequently European integrationremains the unique possible way for the French to continue to exert control over Germany.The results of this new policy appear quickly in the release of exchanges between the twolarge neighbouring countries. As early as 1952, Germany becomes the first supplier and thefirst trading customer of France, occupying then in the French foreign external trade theplace held between the wars by Great-Britain and after 1945 by the United States.Michel HauProf, à l’Université de StrasbourgMihàly FÜLÖP. - La paix inachevée, le Conseil des ministres des Affaires étrangèreset le traité de paix avec la Hongrie (1947). Budapest, Association des sciences historiquesde Hongrie, 1998,393 p.En 1945, la Hongrie fut le dernier allié de l’Axe à abdiquer. Le fait qu’elle soit restée auxcôtés de l’Allemagne nazie jusqu’à la capitulation fut déterminant pour l’attitude adoptée parles vainqueurs lors des négociations de paix.A travers la mise en place du traité de paix avec la Hongrie, l’auteur a retracé la genèse duConseil des ministres des Affaires étrangères. Il fait par conséquent débuter son livre en 1945,avec la conférence de Potsdam. La préparation du traité de paix avec la Hongrie a permis àMihàly Fülöp de retracer non seulement les nombreuses difficultés rencontrées par les grandespuissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Union Soviétique), mais aussi de rappeler le cheminqui, de 1945 à 1947, mena les Alliés de la coopération à la Guerre froide. La sphère géographiquedes intérêts soviétiques se dessina rapidement et l’influence américaine et anglaise ydéclina peu à peu. Le livre nous donne aussi l’occasion d’étudier - toujours à travers l’élaborationdu traité de paix - les principaux problèmes nés en 1918-1920 après la Première Guerremondiale et surtout après la mise en place du traité de Trianon du 4 juin 1920 qui décida dusort de la Hongrie pour le vingtième siècle. Il s’agit principalement des différends liés aux problèmesdes minorités nationales hongroises devenues après la signature des traités de paix de

1601919-1920, autrichiennes, tchécoslovaques, roumaines ou serbes. Dans l’élaboration du traitéde paix consécutif à la Seconde Guerre mondiale, les principales difficultés se concentrèrentsur les frontières tchécoslovaque et roumaine. La création de la nouvelle Hongrie en 1920 sousl’autorité des grandes puissances vainqueurs de la Première Guerre Mondiale, le fut surtoutdans la mémoire collective hongroise sous l’autorité de la France. Les Hongrois voulurent voirdans la paix de 1947, une occasion de corriger ce qu’ils vécurent comme une injustice flagrante,une opinion que du reste l’auteur semble apparemment partager. En partant du principeque les démocraties victorieuses ne pouvaient pas imposer une paix inique et immorale, lesHongrois tentèrent d’élaborer leur argumentation sur la base des injustices imposées à la populationmagyare lors du premier règlement de paix. Mais malheureusement pour les Hongrois,les Alliés tels les Tchécoslovaques, les Yougoslaves et même les Roumains au revirementpourtant tardif, surent une fois encore mieux défendre leurs intérêts que leur voisin magyar. Denouveau, à la fin du conflit, ceux-ci s’étaient retrouvés du bon côté et surent judicieusement entirer parti. Les avantages acquis lors des deux arbitrages de Vienne en 1939 et 1940 ne pouvaientservir de base à une modification des frontières puisque effectuée sous l’autorité allemande.Si, comme le souligne l’auteur, les Hongrois pensaient sincèrement pouvoir modifierles frontières de Trianon à leur avantage, c’est que leur apprentissage de la diplomatie n’étaitpas encore achevé. Nous profitons de cette occasion, pour préciser que l’auteur n’a peut êtrepas toujours su éviter certains pièges d’une certaine historiographie hongroise, à savoir un partipris parfois un peu trop prononcé. «Les grandes puissances victorieuses s’efforcèrent d’éviterles erreurs du règlement précédent, à savoir celui qui suivit la première guerre mondiale. Ce futau nom de la «démocratie» qu’elles menèrent leur combat antifasciste et, pour cette raison, lesvaincus purent espérer participer aux négociations aux côtés du vainqueur. Les grandes puissancesproclamèrent une paix «juste», qui supposait une délibération effective sur le «fond»des questions et, dans leurs déclarations, ils exprimèrent le souhait de promouvoir une paix«durable», ce qui pouvait signifier la prise en considération des intérêts de tous les belligérantset d’aboutir à un règlement rassurant du conflit».En fait, non seulement la Hongrie recouvra ses frontières d’avant guerre mais elle perditencore quelques lambeaux de territoire. Les dirigeants tchécoslovaques ne voulant pas revivreun nouveau Munich, firent tout ce qui était en leur pouvoir pour se débarrasser des minoritésencombrantes, c’est-à-dire de celles qui n’étaient pas satisfaites de leur sort et qui risquaientd’afficher rapidement des revendications révisionnistes. Mais dans leur volonté de sedébarrasser des minorités dangereuses, les Tchécoslovaques refusèrent évidemment leretour de la terre avec les hommes. Il y a là une ambiguïté dans la politique tchécoslovaque.Mais, c’est peut-être nous qui faisons maintenant preuve de naïveté. En accusant les Hongroisd’être en partie responsables du démembrement de la Tchécoslovaquie en 1939, lesTchécoslovaques refusèrent d’assumer leur volonté d’avoir voulu créer en 1918 un Etatmultiethnique. En ce qui concerne les Roumains, ceux-ci surent profiter du fait qu’ils furent,avant les Hongrois, libérés du joug nazi par leur voisin soviétique. Cette chronologie deslibérations s’explique par la géographie. Néanmoins et malgré cette évidence, les Roumainssurent rappeler leur revirement lors des nombreuses réunions préparatoires des traités depaix. Comme lors du premier règlement de paix vingt-cinq ans plus tôt, la diplomatie hongroisene sut et ne put pas faire valoir ses éventuels droits à une modification des frontières.Mais à cette seconde occasion, ce ne fut plus la France qui tint le premier rôle mais plutôtl’Union Soviétique et les Anglo-saxons. Dans le duel qui s’établit peu à peu entre les Américainset les Russes, les premiers ne saisirent pas immédiatement le danger de ne pas soutenirles revendications hongroises plus fermement contre les ambitions soviétiques. Quant enfin,Washington se décida à défendre les intérêts magyars au sein des réunions préparatoires -c’est-à-dire le gouvernement démocratique de Ferenc Nagy -, il était trop tard. l’emprisesoviétique était déjà installée à Budapest! A cette occasion, l’auteur ne commet pas l’erreur

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 161de croire que les Etats-Unis s’intéressent particulièrement au cas hongrois, mais précise qu’ils’agissait déjà d’une action effectuée dans le cadre de la Guerre froide.A travers la publication de sa thèse en français, Mihàly Fülöp donne au public francophonel’occasion de mieux connaître cet épisode de l’histoire hongroise. Malheureusement, le livresouffre d’une traduction trop souvent lourde et dont les nombreuses maladresses de style, lesrépétitions inélégantes, les coupures de fin de phrases peu appropriées indisposent fréquemmentle lecteur.Dr. Cécile VrainUniversity of Pécs, HongrieEric BUSSIÈRE and Michel DUMOULIN (textes réunis par).- Milieux économiques etintégration européenne en Europe occidentale au XX e siècle, ed., Artois Presses Université,Arras, 1998, 441 p. - ISBN 2-910663-19-1. - 170,00 FF.This collection raises two challenges: how ‘liberal’ has European economic integration beenand how important are ‘economic milieux’ to the integration process? The editors assertboth are true in a qualified but crucial sense, though the contributors coalesce only looselyaround this balanced but somewhat easy conclusion. Their 23 contributions cover bankers,businessmen, industrialists, agriculturalists and trade unionists, focusing on developments inBritain and the original six EC member states during various periods from the 1920s to the1990s. The book is primarily designed to spur further research in the area, offering mucharchival material and interpretation which historians in the field will not want to miss.The problems of judging a European initiative to be ‘liberal’ are in general treated morethoroughly than the roles of ‘economic milieux’ are. While in some contributions the ‘modern’,‘liberal’ direction of a unified European approach to commercial questions is unquestioned(and Milward’s work is barely mentioned), the persistent influence of old cartel andinter-company alliance strategies is fully explored in others. Here too, however, the generalconclusion is that European initiatives may have been hindered by cartel-like features intheir details - the ECSC High Authority is given as one instance - but they were still ‘on thewhole liberalizing’ in intention. This raises issues lying beyond the central focus of thebook, though important questions about constraints on the pace of liberalization imposed by‘cautious liberals’ and about the marginalisation of post-colonial relationships surelydemanded inclusion given the editors’ thesis. Similarly, one misses Milward’s discussion ofconservative rationales for a limited European bloc based on national welfare policy concerns,though parallels among cautious ‘European’ industrialists appear throughout the volume.Histories of economic integration frequently overlook the economic analyses of itsopponents, and the detrimental effects of this are also clear here. ‘Anti-Europeans’ touchedon in the collection are just ‘economically insecure’ or ‘temporarily’ unwilling to face competitionin an enlarged ‘domestic’ market, and common historicist assumptions about theinevitability of ‘liberal’ forms of integration consequently appear to be unchallenged, perhapsthe most serious flaw left unremedied.The book’s examination of the role of economic milieux in European integration highlights thebenefits to be gained from giving these circles further attention. Laurence Badel’s piece on the influenceof French trade interests between 1920 and 1950 is the most direct treatment of the difficultiesof defining the role of economic circles in the integration process, key issues generally being rathersketchily defined elsewhere. Badel’s identification of close coordination between government andbusiness in France contrasts with the more modest conclusions about the impotence of commercialpressure in other contributions, and similarly with Michel Dumoulin’s sketch of the poor coordinationbetween oil companies and the Commission which preceded the collapse of prospects for anEC oil policy in the 1970s. Beyond this, the influence of a number of interesting ‘Europeanist’

162actors - industrialist Richard Merton, ILO director Albert Thomas, and economist Robert Triffin -is recalled from the historical wilderness, their priorities and successes being sketched out and contextualised.The positions taken by a range of pressure groups supported by leading enterprises arealso helpfully dug out from the archives, and a series of chapters on currency coordination, notablythat by Gerard Bossuat, recall just how old some of the key questions in the EMU debate are.Though the significance of the long-term involvement of economic milieux in the Europeanintegration debate is perhaps minimized in some of the narrower contributions, eventhe narrowest of these may point to the impact further work on these circles could have. Justas ‘non-political’ collaboration between central bankers in the 1920s (Peter Cottrell’s chapter)developed into ‘neutral’ cooperation between ‘democrats’ and ‘fascists’ in the 1930s,broader economic policy-making also has a range of implications for discussion of ‘political’factors like resistance and cold war which the literature has often treated in isolation.Likewise, the search for intellectual origins of postwar integration may need to go furtherback than 1920. This collection at least points the way and deserves not to be overlooked.George WilkesLecturer, CJCRWesley House, CambridgeAntoine FLEURY, Mauro CERUTTI, Marc PERRENOUD (préparé par). - DocumentsDiplomatiques Suisses 1848 -1945, Volume 14(1 janvier 1941 - 8 septembre 1943),Bentelli Verlag Bern, 1997, 1400 p. - ISBN 3-7165-0849-7.Philippe MARGUERAT, Louis-Edouard ROULET (préparé sous la direction de). -Documents Diplomatiques Suisses 1848 -1945, VOLUME 15 (8 septembre 1943-8 mai1945, avec annexes 21 juin 1945 - 11 juin 1946), Bentelli Verlag Bern, 1992, 1200 p.Antoine FLEURY, Marc PERRENOUD (sous la direction de). - Documents DiplomatiquesSuisses (9 mai 1945 - 31 mai 1947), Volume 16, Chronos Verlag Zürich • ArmandoDado Locarno • Editions Zoé Genève, 1997, 428 p.Les volumes 14 et 15 des Documents Diplomatiques Suisses couvrent l’essentiel de la politiqueextérieure helvétique pendant la Seconde Guerre Mondiale.Le volume 14 (de janvier 1941 au 8 septembre 1943) s’intéresse à trois années - et quellesannées - de guerre. Si l’on songe aux événements majeurs: agression allemande contrel’URSS (juin 1941), entrée en guerre des Etats-Unis (décembre 1941), occupation intégralede la France, mais également amorce du repli de l’Axe (avec les débarquements d’Afrique duNord et de Sicile, et surtout l’impact de Stalingrad), on mesure les contraintes qui pèsent surla politique extérieure suisse. Confrontés d’abord à une Allemagne hégémonique, les dirigeantsde la Confédération sont avant tout soucieux d’éviter une occupation de leur pays.Cet objectif permet de comprendre leur extrême prudence à l’égard du Führer. Coincée entrele Reich et l’Italie, la Suisse entretient des relations de tous ordres avec «ses puissants voisins»,ce qui lui permet de conserver son indépendance. Avec les premiers succès alliés,Berne est également l’objet de sollicitations des adversaires de l’Axe. Mais la Confédérations’accroche à son statut de neutralité. Par ses services économiques, mais également par sonaction humanitaire, la Suisse a su fournir une aide à l’ensemble des belligérants. Cela luivaut de pouvoir toujours jouir de sa souveraineté à la fin de l’année 1943.Le volume 15 (septembre 1943 au 8 mai 1945) suit les événements qui accompagnent ledéclin de l’Axe jusqu’à la capitulation allemande. Trois grandes considérations dominent lapériode:

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 163- la poursuite de la guerre, avec des opérations d’envergure comme l’offensive soviétique etles débarquements de 1944;- la préparation d’un ordre d’après-guerre;- la présence dans ce volume de documents concernant la solution finale (les auteurs proposentune série de documents consacrés à l’attitude de la Suisse à l’égard des Juifs; dans levolume 14 figuraient déjà des actes relatifs à cette question).A la fin de l’année 1943 (suite aux revers allemands) la crainte de l’invasion du territoiren’habite plus les autorités suisses. Avec l’occupation de l’Italie du Nord, les pressions allemandesse multiplient cependant, avec par exemple les violations de l’espace aérien de laConfédération. Le débarquement de Normandie soulage de ce point de vue la Suisse. Dansce contexte, Berne a du mal à maintenir des relations bilatérales équilibrées. Si le poids del’Allemagne diminue à partir de 1944, tout n’est pas toujours au mieux avec les Alliés. LaGrande-Bretagne affiche ses bonnes dispositions à l’égard de Berne. Paris en revanche a despositions plus équivoques. La perspective du nouvel ordre qui se profile amène la Confédérationà vouloir établir des relations avec l’URSS. Mais cette tentative se solde par un échec.Deux domaines méritent une attention particulière. Le domaine humanitaire tout d’abord:le pays s’ouvre davantage aux réfugiés et les pouvoirs publics affichent progressivement uneattitude plus compréhensive à l’égard des Juifs. Les questions économiques ensuite, essentiellespour la Suisse: leur évolution permet de suivre le progressif glissement de l’orbiteallemande vers l’orbite alliée. La guerre a fait de la Confédération un acteur incontournabledu système financier international. Liée d’abord par clearing à l’Allemagne, la Suisse a énormémentacheté d’or à la Reichsbank. Ses organismes bancaires privés ont assuré d’importantsservices à Berlin. Berne doit ensuite subir la pression des Alliés qui réclament la rupturedes liens avec le Reich et des avances financières. Au cœur de toutes ces sollicitations,ce n’est pas un mince exploit que d’avoir su préserver jusqu’à la capitulation du Reich indépendance,souveraineté et démocratie. Cela est dû aux services économiques et humanitairesrendus à tous les belligérants ..., mais aussi au prix de quelques compromissions.Le volume 16 s’intéresse quant à lui à l’immédiat après-guerre et couvre la période qui va du 8mai 1945 au 31 mai 1947. Intéressants, les documents consacrés aux tractations en Asie montrentcomment la diplomatie suisse a été associée à la négociation de paix dans la région. En Europe,Berne affiche sa neutralité et évite de rejoindre les Alliés. La Confédération doit cependant trouversa place dans le nouvel ordre international qui prend forme. Il faut tenter de renouer le dialogue avecMoscou, malgré l’hostilité de Staline; minimiser le contentieux avec les Etats-Unis sur le sort desavoirs allemands en Suisse, car Washington et ses alliés soupçonnent Berne de cacher des ressourcesfinancières nazies. La division du monde en deux blocs (elle s’esquisse et les diplomates suissesy sont sensibles dès 1945) redonne du poids à la doctrine de la neutralité.Sur tous ces points, les Documents Diplomatiques Suisses livrent quantité de documents.Il faut remercier l’équipe de publication pour la rigueur avec laquelle ces actes ont été choisis.On dispose ainsi de plus d’un millier de textes qui permettent de comprendre les contraintesqui pèsent sur la politique extérieure helvétique, une politique dont les pointsd’ombre ne sont pas passés sous silence. Ce n’est pas là le seul mérite d’une collection indispensableà la compréhension des relations internationales contemporaines.Sylvain SchirmannUniversité de Metz

164Ralf MAGAGNOLI. - Italien und die Europäische Verteidigungsgemeinschaft. Zwischeneuropäischem Credo und nationaler Machtpolitik. Italien in Geschichte und Gegenwart.Frankfurt • Berlin • Bern • New York • Paris • Wien, Peter Lang Verlag, 1999, 356 S.- ISBN3-631-34210-1.-72,00 sFr.Italien gehört zu den Gründungsmitgliedern der europäischen Gemeinschaften der fünfzigerJahre und an der prinzipiell prointegrativen Haltung der italienischen Regierungen dieserZeit zweifelte lange Zeit niemand. Die nun publizierte Dissertation von Ralf Magagnolizeigt am Beispiel der Europäischen Verteidigungsgemeinschaft (EVG), daß die europäischeIntegrationspolitik Roms nie so bedingungslos war, wie sie oft erschien. Der Pleven-Planvom Juni 1950 löste in Italien keine Begeisterung aus. Ministerpräsident Alcide De Gasperisah zu diesem Zeitpunkt die NATO und damit die Vereinigten Staaten als Garanten für dieitalienische Sicherheitspolitik und war mit dem französischen Vorschlag, dessen anti-deutscherKern sehr wohl wahrgenommen wurde, nicht einverstanden. Man fragte sich in Rom,warum Italien seine nationale Souveränität hinsichtlich der Verteidigungspolitik aufgebensollte, obwohl das Land aus der supranationalen Einbindung der deutschen Truppen keinekonkreten politischen Vorteile zog. Auch hinsichtlich der Finanzierung der Europa-Armeesah die politische Elite des Mittelmeerlandes erhebliche Probleme vor allem bei der Ratifizierungim Parlament: „Es ist reine Phantasie, sich vorzustellen, daß ein Parlament einenVertrag ratifiziert, mit dem sich die Regierung verpflichtet, jedes Jahr hunderte von Milliardenzu überweisen, um einen Etat zu finanzieren, der mehrheitlich von einer internationalenOrganisation gebilligt worden ist“, schrieb der Botschafter Venturini am 10. Mai 1951 nachRom (Seite 63). Hinter dieser Überlegung standen grundsätzliche Widerstände gegen dieEinschränkung nationaler Souveränität durch die supranationale europäische Integration,die weit über die Dimension der Verteidigungsgemeinschaft hinausgingen.Gleichwohl kam eine offene Ablehnung der EVG nach britischem Vorbild für die italienischeRegierung nicht in Frage: „Um eine solche Politik zu betreiben, müßte man wie Großbritannienüber ein wirtschaftliches und militärisches Potential und über eine Großmachtpositionverfügen, was bei uns leider nicht der Fall ist“, faßte Außenminister Carlo Sforza dieÜberlegungen am 21. Juli 1951 zusammen (S. 77/78). Italien beteiligte sich also zunächst anden Verhandlungen über die EVG, ohne von der Gesamtkonzeption überzeugt zu sein. Diesführte zunächst zu einer dilatorischen Verhandlungsführung, die darauf abzielte, die Beratungenüber die EVG zu verschleppen, um sie irgendwann im Sande verlaufen zu lassen.Diese Strategie scheiterte, so Magagnoli, als die französische und die deutsche Regierungsich entschlossen zeigten, die EVG zu realisieren. Um nicht den Anschluß zu verlieren, warRom gezwungen, im Herbst 1951 eine neue Strategie zu entwickeln, die eine europäischepolitische Gemeinschaft zur Voraussetzung für eine Verteidigungsgemeinschaft erhob. DasEintreten Alcide De Gasperis für die Europäische Politische Gemeinschaft (EPG) und denArtikel 38 des EVG-Vertrags, so argumentiert Magagnoli überzeugend, entsprang nicht demeuropäischen Idealismus des italienischen Ministerpräsidenten, sondern war eine Fluchtnach vorn, die die aus italienischer Sicht negativen Konsequenzen einer reinen Verteidigungsgemeinschaftverhindern sollte. Gleichwohl entwickelte sich die europäische Integrationauch jetzt nicht im italienischen Sinne. Das lag zum einen daran, daß die EVG, an diedie EPG gebunden war, in Frankreich nicht ratifiziert wurde, zum anderen aber an denSchwierigkeiten, die die Krise des Centrismo auf dem innenpolitischen Feld verursachte.Diese beiden Faktoren blieben bestimmend für die italienische Europapolitik bis zumAugust 1954. Die Alternativkonzeption der Regierung Pella, eine dringend gewünschteLösung des Triest-Problems an die Ratifizierung der EVG im Parlament zu knüpfen, um aufdiese Weise europäischen und vor allem amerikanischen Druck in dieser Frage zu erzeugen,kam unter diesen Umständen nicht zum Zuge.

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 165Die Arbeit beruht hauptsächlich auf den Akten des italienischen Außenministeriums undschildert daher die Geschichte der EVG aus italienischer und im eigentlichen Sinne diplomatiegeschichtlicherSicht. Die innenpolitische Dimension der Außenpolitik wurde zwar inzwei Kapiteln eingefügt, doch kann auf diese Weise die Verflechtung von Innen- undAußenpolitik, die gerade im Fall Italiens besonders interessant ist, nur angedeutet werden.Hinzu kommt, daß der Einfluß von Interessenverbänden und gesellschaftlichen Gruppen,vor allem des Militärs, auf die Außenpolitik nur ansatzweise berücksichtigt wurde. Gleichwohlliegt nun eine gründlich recherchierte, mit Akribie erarbeitete Darstellung der italienischenEuropapolitik von 1950 bis 1955 vor, die vor allem hinsichtlich der Rolle Italiens inder Europäischen Politischen Gemeinschaft neue Erkenntnisse vermittelt.Dr. Guido ThiemeyerWissenschaftlicher AssistentUniversität KasselLehrstuhl für EuropawissenschaftenHorst MÖLLER, Klaus HILDEBRAND (editors). - Die Bundesrepublik Deutschlandund Frankreich: Dokumente 1949-1963. Band 1: Außenpolitik und Diplomatie, ed.Ulrich LAPPENKÜPER, 21*, 1002 p. - ISBN 3-598-23681-6; Band 2: Wirtschaft, ed.Andreas WILKENS, 5*, 1095 p. - ISBN 3-598-23682-4; Band 3: Parteien, Öffentlichkeit,Kultur, ed. Herbert ELZER, 6*, 1012 p. - ISBN 3-598-23683-2. - 148,- DMeach; Band 4: Materialien, Register, Bibliographie (Erschließungsband), ed. HerbertELZER in cooperation with Ulrich LAPPENKÜPER and Andreas WILKENS, 12*,672 p. - ISBN 3.598-23684-0. - 198,- DM; complete edition ISBN 3-598-23680-8. - 598,-DM. K. G. Saur, München 1997 (vols. 1-3) and 1999 (vol. 4).After the renewed British decision in the late 1940s to be „with Europe, but not of it” it wasclear that France - for political reasons - and West Germany - for economic reasons -would play a dominant role in the reconstruction of Western Europe. Whereas France wasconfronted with the problem to establish some sort of special relationship with its traditionalenemy while the power of the „new“ Germany still remained under control, the UK leadersgave priority to the commitment to the Commonwealth and a special Anglo-American relationship.So principally the French had to find the right way to integrate the Federal Republicinto a European community. This was not an easy task. How and why did theFranco-German rapprochement succeed? What were the motives and intentions of statesmen,politicians, representatives of the press and industrialists on both sides of the Rhine?These four impressive volumes do prepare the ground for answering such questions thoroughlyand in detail.Common criteria guided the selection of the 1030 documents of the first three volumes: theyhad to be representative and historically relevant, the share of unpublished material had to be ashigh as possible, and French and German documents had to be represented in approximatelyequal numbers. As regards the type of sources, one can find correspondence, memoranda, minutes,notes and resolutions. Depending on the length, some documents were printed in anabridged version. Concise annotations by the editors supply necessary explanations, referencesto other sources and the other volumes, and information concerning „technical“ details - altogetherdoing good services to researchers. At least one objection has to be raised, however: Whena Quai d’Orsay report concerning German reactions to the Schuman Plan mentions a certainassociation, the „Reichsverband der Deutschen Industrie“, one might perhaps expect that the cor-

166rect name - Ernst Hellmut Vits - and the correct office - executive member of the Reichsverband’spresidential board - should be given in the annotation.Each volume concentrates on a certain part of the Franco-German relations. The first onedeals with foreign policy and diplomacy and is organised chronologically in three chapters:the years from the foundation of the Federal Republic to the end of the occupation regime;from 1955 to 1958, when the European Economic Community (EEC) came into operationand the Fourth Republic was replaced by a Fifth Republic headed by Charles de Gaulle;finally, the period of partnership between de Gaulle and chancellor Konrad Adenauer, comingto an end with the Franco-German Treaty of Friendship and the attempts of the WestGerman Parliament to adjust Adenauer’s line to the multilateral commitments of the FederalRepublic and to the partnership with the United States. Therefore, in 1963 the relationsbetween France and Germany were far from appearing in a glorious light, as Lappenkiiperemphasises in his introduction. Within these chapters, the editor arranged his material systematically,dealing with the „German question“, European integration, the Saar problem,and armament and security policy matters. As Wilfried Loth has pointed out in his review ofLappenküper’s volume (JEIH, 5/1999, vol. 2), the documentation understandably enoughpresents only partly new insights. All in all, one gets the impression that in the foreign policysector the Franco-German relations were dominated by German problems.The second volume, edited by Andreas Wilkens, deals with the economic dimension ofthe relations between the two neighbouring countries. Wilkens decided in favour of a systematicstructure of his material, distinguishing between bilateral economic relations, economicrelations and European integration, and relations between French and German associationsand private enterprises; what strikes is that the unions hardly ever appear asprotagonists. Besides the general criteria his selection of documents was guided by theintention to take into account the political setting including international and Europeanorganisations, the economic and trade policy of the two governments including differencesof opinion for example between the ministries of foreign affairs and economy, the role ofnon-governmental organisations like industrial associations or enterprises, and, finally, thecontribution of the economic relationship to the process of Franco-German reconciliation.Wilkens consulted a multitude of public and private archives, for example those of the foreignand economic ministries, the Archives Nationales and the Bundesarchiv including theinstructive papers of permanent secretary and ambassador Herbert Blankenhorn and GünterHenle of Klöckner steel works.The documents show how politicians, officials and industrialists tried to cooperate bilaterallyand within the framework of the emerging European „clubs“. Even if the goals differed,in many cases it was possible to reach a compromise that satisfied both sides. It seemsthat Horst Möller is absolutely right by stating in his general introduction (Vol. 1, p. 19*),that the economic “backing up” of this process served as a motor and a more and more solidbasis for the cooperation between France and Germany and that the awareness that closecooperation might support national interests helped to accelerate reconciliation. Whereasinstitutionalised political or cultural contacts remained delicate till the mid-1950s, in theeconomic sphere such contacts between businessmen and associations existed since the endof the 1940s. Again, of course, the documents do not show a completely new picture. Butthe development of the bilateral economic relations or the debate on the „right“ way toEurope has rarely been documented as „thick“ as in this case.Political parties, public opinion, and the cultural sector are in the centre of the third volume;the organisation of the sources follows the model of the first one. This decision is convincingsince many documents constitute some sort of „supplement“ to those of the foreignpolicy volume. In contrast to the situation in France, the editor was able to discover a lot ofappropriate archives in the Federal Republic, especially the Archiv der sozialen Demokratie(Sozialdemokratische Partei, or SPD), the Archiv für Christlich-Demokratische Politik

Book reviews - Comptes rendus - Buchbesprechungen 167(Christlich-Demokratische Union, or CDU) the Archiv des deutschen Liberalismus (FreieDemokratische Partei, or FDP) and the Archiv für Christlich Soziale Politik (Christlich-SozialeUnion, or CSU). Unnecessary to mention that the share of published material,namely newspaper articles, is higher than in the first two volumes. Whereas the statementsand minutes of the various political parties and the press reports in many cases facilitate abetter understanding of the decision-making process on the foreign and economic policylevel, the chapters on mentalities and on the cultural sector appear to be a little bit disappointing.In view of the current debate about some sort of cultural foundation of the EuropeanUnion it might have been interesting to examine in detail the role of cultural aspects inthe Franco-German reconciliation and in the process of European integration.The edition is completed by a fourth volume containing a lot of useful information: asample of very interesting opinion polls concerning many of the topics documented in theother volumes, an index of subjects, an annotated index of names, a list of relevant archives,an excellent bibliography of more than 360 pages on the Franco-German relations, coveringcollections of sources, memoirs, diaries and literature, and a list of abbreviations. This volumeindeed contains the necessary „equipment”to open up the rich material supplied by theother three volumes and stimuli to start research of one’s own.To sum up, this edition is, to quote again Wilfried Loth’s review, an excellent tool tostudy and understand Franco-German relations after World War II. It is not only useful tostudents of History and Political Science, but to scholars and researchers, too. The HistorischeKommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften and the Munich Institutfür Zeitgeschichte, responsible for the publication, and the three editors in any casedeserve to be highly praised for this documentation.Werner BührerTechnische Universität München

Osmo Jussila, Seppo Hentilä, Jukka NevakiviVom Großfürstentum zur Europäischen UnionPolitische Geschichte Finnlands seit 1809Das Buch beruht auf neuesten Forschungen, die u.a. dank der veränderten Archivsituationin Rußland möglich wurden. Seine Autoren gehören zu den namhaftesten Vertreternder zeitgenössischen finnischen Geschichtsschreibung. Ihre Sicht auf Finnlandsgeschichtlichen Weg steht in vieler Hinsicht im Kontrast zu den überkommenen Vorstellungenüber die Geschichte eines kleinen Volkes in der Randzone Europas. Dasbetrifft vor allem die Neubewertung der Stellung des Großfürstentums Finnland imrussischen Imperium, eine differenzierte Einschätzung der oft einseitig dargestelltenVorgänge während der Jahre 1917/18, ebenso der finnischen Innenpolitik in der Zwischenkriegsperiode,der Heimsuchungen Finnlands im Zweiten Weltkrieg und derUmstände, die es Finnland ermöglichten, im Schatten der Sowjetmacht seine StaatsundRegierungsform zu behaupten, zu Wohlstand und Sicherheit zu gelangen undheute eine geachtete Position in der Europäischen Union einzunehmen.Was den Deutschen an Informationen über Finnland zur Verfügung steht, stammtmeist aus zweiter Hand. Dieses Buch, das in zahlreichen Sprachen erscheint, gehörtzu den Ausnahmen.7999, 475 5., kart., 49- DM, 358- ÖS, 45,50 SFr, ISBN 3-87061-833-7Max JakobsonFinnland im neuen Europa“Die europäischen Nationalstaaten brauchen die Union, um Aufgaben zu bewältigen,mit denen sie einzeln nicht fertig würden. Aber die Union braucht ihrerseits gut funktionierendeNationalstaaten als Mitglieder, die in der Lage sind, die gemeinsam vereinbartePolitik durchzusetzen. “So bringt Max Jakobson die politische Position Finnlandsauf den Punkt, des Landes, das am 1. Juli 1999 die Präsidentschaft desEuropäischen Rats von Deutschland übernahm. Er schlägt dabei einen faszinierendenzeitgeschichtlichen Bogen vom Beginn des Jahrhunderts über die finnischen Winterschlachtenim Zweiten Weltkrieg mit ihren wechselnden Fronten zwischen derSowjetunion und dem großdeutschen Reich bis in die unmittelbare Gegenwart der EUmit den individuellen Erwartungen und Ansprüchen ihrer Mitgliedsstaaten. Ganz überraschenderweist Finnland sich durch seine kluge Sicherheitspolitik als Gewinner imPandämonium dieses Jahrhunderts: Es ist neben Großbritannien als einzige europäischeNation im Krieg nicht besetzt worden, und es behauptet inzwischen internationaleine führende Stellung in der Technologie. Für zuverlässige Informationen über Finnlandgestern und heute ist das Buch eine unerläßliche Lektüre.1999, 154 S., kart., 39,- DM, 285,- ÖS, 36,- SFr, ISBN 3-87061-867-1BERLIN VERLAG Arno Spitz GmbHPacelliallee 5 • 14195 Berlin • Tel. 030/84 17 70-0 • Fax 030/84 17 70-21E-Mail: berlin-verlag.spitz@t-online.de • Internet: http://www.berlin-verlag.de

169Notices - Informations - MitteilungenThe Economic and Social Committee.A Note on an international conference(Florence - 29 - 30 October 1999)The negotiations which led to the signature of the Treaties of Rome were under the controlof the governments and the diplomats of the “Six». The interest and pressure groups hadscant opportunity to influence this process, although they showed an obvious interest in theproject of a European Economic Community and of an Atomic Energy Community. Only inthe final stages of the negotiations the issue of the representation of economic and socialinterests was taken into consideration by the “Six». In spite of Germany’s opposition the delegationsof the “Six” decided to create an Economic and Social Committee to be formed byrepresentatives of three groups: employers, workers and “other interests”. ECOSOC, however,had only a consultative role and till the early 1970s it was not entitled to give its opinionon its own initiative. From its creation ECOSOC struggled to obtain more room forpolitical manoeuvre and to be accepted as the forum where interest and pressure groupscould bring their influence to bear on the Community’s decision-making process. In particularthe trade unions tried to use ECOSOC as a means to make their voice heard in Brussels.During the 1970s, also as a consequence of the economic crisis which plighted the EC andof the need to rely on some consensus in order to develop “austerity” policies the “Six”1980s that ECOSOC had some chance of asserting its role and Delors chose this body as asort of starting point for the draft of a European Social Charter. Yet, attention focussed onother bodies, such as the European Parliament or the newly created committee of theRegions, and once again ECOSOC had to look for a new role and from the early 1990sonwards it is trying to become the representative of the European civil society.The history of ECOSOC, has received scant attention by scholars who focussed their attentionon the European integration process. So in 1998 the “Dipartimento di Studi sullo Stato”of the Universityof Florence, in cooperation with the Historical Archives of the EC and the support ofECOSOC, decided to launch a research project which stressed the historical approach, but wasopen to contributions from other scholars (political scientists, sociologists and jurists). The outcomeof this research project was a conference which was held in Florence on the 29 th and the 30 th ofOctober (the first day at the University of Florence under the aegis of the Jean Monnet EuropeanUniversity Pole, the second day at the European University Institute).The first session (“The origins of ECOSOC and its early activities”) was opened by a keynoteaddress, in which the author of the present note tried to sketch out the whole history of ECOSOC.Dr. Alan Hick (principal administrator at ECOSOC and a former researcher at the EUI) argued thatfrom the start most Europeanist movements had shown a keen interest in the development of Europeansocial policies and had advocated the creation of bodies which could tackle such an issue. Dr.Lorenzo Mechi (University of Florence) examined the experience of the Consultative Committee ofthe ECSC, which could be a sort of model for ECOSOC, although the Consultative Committeeappeared to have played a more relevant role. In her paper Dr. Elena Calandri (University of Florence)tried to trace back the roots of ECOSOC in the context of the negotiations for the “relaunchingof Europe” and stressed the pressures exerted by some trade unions to that end. Dr. BarbaraCurli (University of Perugia) examined the attitude of ECOSOC towards the early projects for aEuropean cooperation in the monetary field. Dr. Marilena Gala (University of Florence) dealt withECOSOC opinions about the origins of the CAP and she argued that ECOSOC advocated closerintegration.

170 Notices - Informations - MitteilungenThe second session (“ECOSOC: patterns, actors and partners” was opened by the paper of Dr.Elena Dundovich (University of Florence), who examined the activities of the first Chairmen ofECOSOC and she stressed their attempt to recommend this body to the attention of both theEuropean institutions and the national governments. Dr. Jean Marie Palayret (Head of the ECHistorical Archives) dealt with the important role played by ECOSOC in connection with therelations the Community developed with the associated countries and the APC nations. ProfessorBruna Bagnato (University of Florence) examined an interesting episode: the process which ledECOSOC to give its first opinion on Europe’s film industry. In his paper Professor Luciano Segreto(University of Florence) dealt with the attitude of UNICE towards ECOSOC and he arguedthat on numerous occasions the European employers’ association downplayed ECOSOC’s role.Dr. Maria Eleonora Guasconi (University of Urbino) examined the trade unions’ attitude towardsECOSOC which, especially during the early stages, was perceived as a useful instrument to furthera European social policy. Dr. Fulvia Raffaelli (FNSP - Paris) offered a wide analysis of therelationship between ECOSOC, and the European Parliament, which were often characterised bycontrasting attitudes.In the context of the third session (“ECOSOC and the European social policy”), Dr. AndreaCiampani (University of Padua) dealt with the wide issue of the social policies developedby the EC/EU and the attitude of the workers’ associations both at national and Europeanlevel. Professor Marinella Neri Gualdesi (University of Pisa) examined the attempt ofJacques Delors to create a “social Europe” and she focussed her attention on the drafting ofa European Social Charter. Professor Ilaria Poggiolini (University of Pavia) dealt with therole of regionalism and regional policies in the EU. Dr. José Magone (University of Hull)argued that through the increasing contacts between ECOSOC and national economic andsocial committees, a European social society is developing. Dr. Federiga Bindi (EUI) comparedthe influence exerted by ECOSOC and the Committee of the Regions on the EU decision-makingprocess. Dr Stijn Smismans (EUI) closely examined the more recent policiespursued by ECOSOC, in particular its attempt at being regarded as the representative of theEuropean civil society.The fourth session focussed on the personal experience of some members or formermembers of ECOSOC. In this connection Dr. Costantino Picco, former Director of theECOSOC Library and Archives, offered his personal memoirs based on more than fortyyears spent at ECOSOC. M. Jacques Genton, former first Secretary-General of ECOSOC,dealt with the origins of this body. Ms Fabrizia Baduel Glorioso, former chairwoman ofECOSOC, stressed her personal experience and Ms Giacomina Cassina, a member ofECOSOC, spoke of her everyday experience as a representative of the Group II.The conference ended with a round table, which examined the future of ECOSOC in connectionwith the European social policy pursued by the EU after the Maastricht and AmsterdamTreaties. The round table was chaired by Professor Claudia Morviducci (University ofFlorence), who stressed the juridical aspects, and contributions were given by Dr. PatrickVenturini (Secretary-General of ECOSOC) who dealt with the future goals of the Committee,by Professor Franca Alacevich (University of Florence) and Professor Valeria Fargion(University of Florence) who examined the issue of the EU social policy from the viewpointsof sociology and political science perspectives.Most of the papers were based on first-hand archival sources and it should be mentionedthat ECOSOC, contributed with its invaluable help to the success of the conference. Theproceedings are due to be published in 2000.Prof. Antonio Varsori

172land, Mikhael af Malmborg emphasised the tendency to homogenisation of the Europeansocieties. On the other hand, Hans-Otto Fr0land showed that in the last analysis the Norwegiansociety was not yet ready to enter the European Common Market.Consequently de Gaulle had no difficulty in using once again the contradictions of thepotential applicants for his goals (Gérard Bossuat).In the concluding discussion the chairman of the symposium, Wilfried Loth, underlinedthe decisive character of the sixties in the history of European integration: the different conceptsof European unification were clashing more violently than ever, however precisely theextent of the crisis led to a new basic consensus, which was to shape the structure of theEuropean Community lastingly. The vivid discussions during the three-day symposium confirmedthat the historiography of European integration has set high standards and has openedup new perspectives. The Conference volume is due to be published by NOMOS in thecourse of the year 2000.Wilfried LothLes identités européennesRéseau européen d’historiensProgramme de recherches, 2000-2004Espaces et temps de l’EuropeLes historiens intéressés par l’histoire des Europe et de l’unité européenne contemporaine sesont constitués en réseau intereuropéen depuis 1989 à l’initiative du professeur René Girault(Paris-1) et de ses amis italiens, belges, suisses, allemands, britanniques, luxembourgeois.Un premier programme a été monté sur Identités et conscience européennes au XX e siècle(1989-1993), puis un second programme sur Les identités européennes au XX e siècle:Diversités, convergences et solidarités (1994-1999). L’originalité de la recherche a consistédans la mise en place d’une dizaine de groupes thématiques, avec près de 180 chercheursmultinationaux affectés à un aspect du thème général. Chaque groupe a produit des ouvrages’et deux colloques finaux ont clôturé ces programmes, donnant lieu à la publication dedeux livres. 2 Le travail collectif des historiens de l’Europe a été fécond, tout en donnantnaissance à une Europe des historiens et contribuant ainsi à une prise de conscience de nosintérêts communs.Il a été décidé de poursuivre la recherche en créant un nouveau programme intituléEspaces et Temps de l’Europe. La problématique générale du nouveau programme derecherche doit croiser les recherches de tous les groupes dans un esprit pluridisciplinaire. Cedernier aspect est essentiel tant sur le plan scientifique que pour répondre à une certainedemande sociale. Il convient en effet d’avoir le double souci de poursuivre la recherche fondamentaleen sciences humaines et de transmettre les résultats de la recherche aux collectivitésnationales, à nos concitoyens. L’état de l’Union est tel actuellement que les médias oules acteurs de la politique européenne sont demandeurs de travaux en sciences humaines. Lanotion d’expertise et de veille historique devrait faire partie de nos objectifs. Nos productionsseront donc des publications universitaires classiques, mais aussi des rapports répon-1. Voir la liste dans2. Identité et conscience européenne au XX e siècle, Hachette, 1994, et Les identités européennes auXX e siècle, diversités, convergences et solidarités, Paris, 2000 (à paraître).

Notices — Informations - Mitteilungen 173dant à des appels d’offre communautaires, la création de bases de données (site Internet) oula rédaction de documents «grand public».Le projet de recherche Espaces et Temps de l’Europe permet de jouer sur les différentesvaleurs sémantiques de ces deux vocables. Ainsi, le terme «Espaces» doit-il être pris dansson sens géographique et territorial (les limites fluctuantes de l’Europe, les différentes spécificitésrégionales de l’Europe, l’élargissement de l’Union), mais aussi au sens figuré (espacepublic, espace démocratique, espace de l’opinion, espace «mental»). Le substantif «Temps»doit, lui, s’entendre sous trois sens différents. Il s’agit d’abord de la durée. Les questions quise posent à l’Europe d’aujourd’hui ont des racines profondes, historiques. Inversement, lamanière de résoudre les problèmes européens actuels n’est pas nécessairement celle quel’histoire a privilégiée antérieurement. Autant en prendre conscience. Une périodisation del’histoire de l’Europe s’impose donc, avec ses ruptures ou ses moments forts. Le temps c’estencore le temps perçu par les contemporains: y a-t-il une spécificité européenne à appréhenderle temps? Quelle place le temps d’entre les deux guerres, par exemple, occupe-t-il parrapport au temps d’après la seconde guerre dans la conscience des Européens? Le tempsc’est aussi le temps nécessaire pour constituer l’unité européenne, le temps d’attente enquelque sorte. Combien de temps faut-il pour passer de «l’identique» à «l’identité»,c’est-à-dire de la formation de traits identiques objectifs à la conscience subjective de leuridentité? C’est tout simplement aussi la perception du temps de «fabrication» de l’unité parles acteurs, les fondateurs de l’unité, et les citoyens. Impatience des uns, peut-être, prudencedes autres, réticences et même combat contre le temps qui donne naissance à des institutionscommunes européennes. Il faut donc s’interroger sur le dilemme de l’Europe: l’élargissementse fait-il au détriment de l’approfondissement? Faut-il faire une «Europe à plusieursvitesses»? Voilà pourquoi un certain nombre de mots-clés pourront particulièrement retenirl’attention des groupes et guider leur recherche: «gouvernance», «citoyenneté», «allégeance»,«espaces de référence», «mondialisation», «sécurité».Les groupes de recherche, interdisciplinaires, intergénérationnels (extension du réseauaux jeunes chercheurs), pan-européens (Europe communautaire et non communautaire,voire pays tiers) sont organisés de la façon suivante.1. Gouvernance économique et sociale et construction européenne (responsables: Pr. E.Bussière Paris-IV, Pr. M. Dumoulin, Louvain-la-Neuve, Pr. A. Varsori, Florence)2. Espaces de gouvernance politique et construction européenne (Pr. M-T Bitsch, Strasbourg,Pr. Wilfried Loth, Essen)3. Culture de Défense et espaces de sécurité pour l’Europe (Pr. Anne Deighton, Oxford, PrE. Du Réau, Paris-III).4. Espaces publics culturels et sociaux européens (Pr. H. Kaelble, Berlin, Dr. M. Trebitsch,IHTP-Cachan, Pr. L. Paserini, Florence)5. Europe chrétienne et non chrétienne au XX e siècle, l’Europe des espaces religieux croisés.(Pr. A. Canavero, Milan, Pr. J-D Durand, Lyon III)6. Histoire et historiens de l’Europe (Pr. B. Vigezzi, Milan, Dr. M. Benzoni, Milan).7. l’Europe orientale en transition, l’Europe post-communiste et la construction européenne(Pr. M. Fülop, Budapest, Pr. A. Marès, Prague).8. l’espace méditerranéen européen, identité culturelle et économique, porte vers le sud(Pr. A. Bachoud, Paris VII, Pr. M. Petriccioli, Florence).9. l’espace de l’Europe nordique (groupe à constituer)Ce programme est ouvert aux historiens et à d’autres disciplines (géographie, sociologie,droit, anthropologie).

174Le pilotage scientifique du programme est assuré par le Pr. Robert Frank, Université deParis-1 (responsable) et le Pr. Gérard Bossuat, Université de Cergy-Pontoise, (responsableadjoint), le secrétariat par l’Institut Pierre Renouvin de Paris-1, UFR d’Histoire, 1 rue Victor-Cousin,75231 Paris cedex 05.Mel: Robert.Frank@univ-parisl.frgbossuat®aol.combossuat@u-cergy.fr

175Abstracts - Résumés - ZusammenfassungenPierre GerbetWhat Citizenship for Europe’s Citizens?The European Economic Community gave birth to a kind of “economic citizenship”, whereby freedomof movement and establishment within the EEC countries was granted to the sole salaried orself-employed economic players, citizens of the member States. Then the concept “Europe of the citizens”was developed by implementing Community policies likely to interest the citizens directly inthe European construction and to improve their conditions of life (environment, health, consumerprotection, social and cultural actions, ...). Finally the treaty of Maastricht introduced the “Europeancitizenship”, a simple extension of the national citizenship guaranteeing all the citizens and not onlythe economic players freedom of movement and residence within the whole European Union as wellas the exercise of certain rights not confined to nationality. However the concept of European citizenshipwill only develop its meaning to the full with citizens participating increasingly in the democraticinstitutions of the Union and with the forming of a real “European civil society”.Quelle Citoyenneté Européenne?Avec la Communauté économique européenne est apparue une sorte de «citoyenneté économique»,les ressortissants des Etats membres bénéficiant de la liberté de circulation et d’établissement danstout le territoire communautaire en tant qu’opérateurs économiques salariés ou indépendants. Puiss’est développée la notion d’«Europe des citoyens» par la mise en œuvre de politiques communautairessusceptibles d’intéresser directement les citoyens à la construction européenne et d’améliorer leursconditions de vie (environnement, santé, protection des consommateurs, actions sociales et culturelles,...). Enfin a été institué par le traité de Maastricht la «citoyenneté européenne», simple prolongementdes citoyennetés nationales, qui assure à tous les ressortissants et non plus seulement auxacteurs économiques, la liberté de circulation et de séjour dans toute l’Union européenne ainsi quel’exercice de certains droits non liés à la nationalité. Toutefois la notion de citoyenneté européenne neprendra tout son sens qu’avec la participation accrue des citoyens aux institutions démocratiques del’Union et le développement d’une véritable «société civile européenne».Eine europäische Staatsbürgerschaft?Mit der Entfaltung der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft entstand eine Art „ökonomischeStaatsbürgerschaft“: allen Angehörigen der Mitgliedstaaten wurde auf dem gesamten Territorium derGemeinschaft die Bewegungsfreiheit und das Niederlassungsrecht zugesichert, sofern sie als Lohnempfängeroder Freiberufler auftraten. Später entwickelte sich dann die Idee vom „Europa der Bürger“.Der Begriff entstand im Rahmen jener gemeinschaftlichen Politik die darauf abzielte, dieBevölkerung stärker in das europäischen Gefüge einzubinden, bzw. die Lebensbedingungen derLeute zu verbessern (Umwelt, Gesundheit, Verbraucherschutz, soziale und kulturelle Aktivitäten,...). Schließlich wurde mit dem Maastrichter Vertrag eine „europäische Bürgerschaft“ eingeführt,und zwar nicht nur für Berufstätige, sondern für alle Menschen aus der Union. Diese Neuerung beschränktsich allerdings eher auf eine schlichte „Verlängerung“ der nationalen Staatszugehörigkeit,auch wenn sie mit einigen Rechten ausgestattet ist, die nicht an die Nationalität gebunden sind. Demnachwird eine echte europäische Bürgerschaft erst dann wirklich Sinn machen, wenn die Menschensich verstärkt an den demokratischen Institutionen der Union beteiligen werden und eine wahre europäischeGesellschaft entsteht.

176 Abstracts - Résumés - ZusammenfassungenWilfried LothIdentity and Statehood in the Process of European IntegrationWith the process of European integration, the identity of the Europeans is changing. The article discussesthe relationship between regional, national and European identity and its development in thecourse of the integration process. National identity is considered in connection with a social project,i.c. with statements on how to organise a social system for the people of a nation. Regional identitygains in importance in view of the challenge through globalisation. However it starts out from variousfactors and is more or less developed according to the regions. Thus regions are limited in takingpolitical action. European identity is developing on the background of European traditions and in theface of the shared experience of the nation-states’ functional deficits. It doesn’t replace regional andnational identity, but it completes it. In the same way, the nation-states aren’t abolished by the Europeanproject; they are only given a new function. It becomes apparent that people in Europe areliving with a multi-layered identity, which combines regional, national and European elements.Identité et nationalité dans le processus d’intégration européennel’identité des européens se transforme au fil du processus d’intégration. l’article discute non seulementles rapports entre l’identité régionale, nationale et européenne, mais encore, leur évolution dansla cadre du processus d’intégration. l’identité nationale se conçoit comme un projet social,c’est-à-dire qu’elle est l’expression de l’ordre et des règles auxquelles aspirent les hommes qui composentla Nation. l’identité régionale - sous l’effet de la globalisation elle gagne constamment enimportance - se rattache par contre à une grande diversité de facteurs. En outre elle n’est pas partoutdéveloppée avec la même intensité, ce qui d’ailleurs entraîne qu’elle se prête assez mal à des constructionspolitiques. Quant à l’identité européenne, elle repose sur des traditions communes et sedéveloppe au fur et à mesure que les Etats nationaux s’avèrent impuissants à résoudre des questionsqui dépassent leurs capacités. l’identité européenne ne se substitue donc pas aux identités régionaleou nationale, mais les complète. Autant dire que l’unification européenne n’abolit pas les nations; elleleur confère simplement d’autres fonctions. Il apparaît ainsi que les hommes en Europe sont porteursde plusieurs identités tissées d’éléments régionaux, nationaux et européens.Identität und Staatlichkeit im Prozeß der europäischen IntegrationMit dem Prozeß der europäischen Integration verändert sich die Identität der Europäer. Der Artikeldiskutiert die Beziehungen zwischen regionaler, nationaler und europäischer Identität und ihre Entwicklungim Zuge des Integrationsprozesses. Nationale Identität wird in Verbindung mit einemgesellschaftlichen Projekt gesehen, das heißt mit Aussagen darüber, wie die Ordnung der Menschengestaltet werden soll, die dieser Nation angehören. Regionale Identität gewinnt angesichts derHerausforderung durch die Globalisierung an Gewicht. Sie knüpft aber an sehr unterschiedlicheFaktoren an und ist nicht überall gleich stark. Regionen sind daher nur in begrenztem Maße politikfähig.Europäische Identität bildet sich auf dem Hintergrund europäischer Traditionen und angesichtsder gemeinsamen Erfahrung von Funktionsdefiziten der Nationalstaaten. Sie tritt nicht an die Stelleregionaler und nationaler Identität, sondern ergänzt sie. Ebenso werden die Nationalstaaten durch daseuropäische Projekt nicht abgeschafft; sie erhalten nur eine andere Funktion. Es zeichnet sich ab, daßdie Menschen in Europa mit einer mehrschichtigen Identität leben, die regionale, nationale undeuropäische Momente in sich vereint.

Abstracts - Résumés - Zusammenfassungen 177Christophe GouelThe Council of Europe and Judicial Cooperation in Penal Matters in the FiftiesThe fight against criminality and delinquency is a major preoccupation of our present-day societies with a concertedresponse developing in Europe. Such cooperation is generally perceived as being of recent date, goinghand-in-hand with the development and the increase in authority of the European Communities. It has only becomepossible thanks to the efforts of European organisations having introduced judicial cooperation in penal matters asan element of European construction. This is the case for the Council of Europe that ever since its creation has beenactive in the penal field and that has taken this initiative on the grounds of the consubstantiality of human rights andcriminal law, the European Convention of human rights taking up points of criminal law procedure. Then action inthis field gradually became organised, starting with initiatives of the consultative Assembly (conventions of extraditionand judicial cooperation in penal matters) and ending up in the creation of a specialised structure during the fifties:the European Committee for criminal problems. In order to support the developed European instruments andto define a scheduled action, the first Conference of European Ministers of Justice was held in Paris in June 1961.Thus within about ten years, the Europe of intergovernmental cooperation - not the Europe of integration - has investeditself with structures in order to become active in a new field of European multilateral cooperation: criminallaw, strongly marked however by the aspects of territoriality and national sovereignty.Conseil de l’Europe et coopération judiciaire pénale dans les années cinquanteLa lutte contre la criminalité et la délinquance est une préoccupation majeure de nos sociétés contemporaines, desréponses communes apparaissant en Europe. Une telle concertation est généralement perçue comme récente, COFrélativement au développement et à la montée en puissance des communautés européennes. Cette action de laC.E.E. n’a été possible que grâce aux efforts d’organisations européennes ayant intégré la coopération judiciairepénale comme élément de la construction européenne. C’est le cas du Conseil de l’Europe qui, dès sa création, aoeuvré dans le domaine pénal. Cette initiative a débuté en raison de la consubstantialité des droits de l’homme et dudroit pénal: la Convention européenne des droits de l’homme abordant des points de procédure pénale. Cette actionva être peu à peu organisée, partant d’initiatives de l’Assemblée consultative (conventions d’extradition et d’entraidejudiciaire en matière pénale) pour aboutir, au cours des années cinquante, à la mise en place d’une structurespécialisée: le Comité européen des problèmes criminels. Pour appuyer les instruments européens élaborés et définirune action programmée, la première Conférence des ministres européens de la Justice est tenue à Paris en juin1961. Ainsi en une dizaine d’années, l’Europe (de la coopération intergouvemementale et non de l’intégration) s’estdotée de structures pour œuvrer dans un champ nouveau de la coopération européenne multilatérale: le droit pénal,pourtant fortement marqué par les aspects de la territorialité et de la souveraineté nationale.Europarat und strafgeserzliche Rechtshilfe in den Fünfziger JahrenDer Kampf gegen die Kriminalität und die Delinquenz gehört zu jenen Themen die die zeitgenössische Gesellschaftstark beschäftigen. Die europäische Zusammenarbeit bietet eine Antwort auf das besorgniserregende Problem.Eine Kooperation in diesem Bereich wird generell als eine rezente Errungenschaft angesehen, die sich parallelzur Entfaltung der europäischen Gemeinschaften entwikkelt hat Sie setzt gewaltige organisatorischeAnstrengungen voraus, insbesondere auf dem Gebiet der strafrechtlichen Verfolgung, die zu einem Grundstein dereuropäischen Integration wurde. Dies trifft ganz eindeutig für den Europarat zu. Seit seiner Gründung ist er im strafrechtlichenBereich tätig. Seine Initiative ist auf die Wesensgleichheit zwischen Menschenrecht und Strafrechtzurückzuführen, wobei die europäische Menschenrechtskonvention sich stark an die strafrechtliche Prozessordnunganlehnt. Den Ausgangspunkt bildeten Beschlüsse der Beratenden Versammlung (Konventionen zur Auslieferung,bzw. zur Rechtshilfe in Straftällen), die dann weiter ausgebaut wurden und. im Laufe der Fünfziger Jahre, zurEinführung einer spezialisierten Struktur führten: dem europäischen Komitee für Probleme der Kriminalität Umdieses europäische Instrument weiter zu vertiefen und allgemeine Richtlinien festzulegen, wurde im Juni 1961 eineerste Konferenz der europäischen Justizminister in Paris anberaumt. Innerhalb von knapp zehn Jahren hat dasEuropa der zwischenstaatlichen Zusammenarbeit - nicht zu verwechseln mit dem «integrierten» Europa (!) - sichalso ein Instrumentarium geschaffen, um auf einem neuen Feld der vielseitigen europäischen Kooperation aktiv zuwerden: dem Strafrecht, das übrigens ganz besonders stark durch die Staatszugehörigkeit und die nationale Souveränitätgeprägt wird.

178 Abstracts - Résumés - ZusammenfassungenLorenzo MechiThe ECSC High Authority and the Building of Accommodation for WorkersOne of the spheres of activity the ECSC High Authority focused its attention on was the building of accommodationfor workers in the member States, although this wasn’t even explicitly provided for in the Treaty.Right from its first years of activity, the Luxembourg-based institution undertook a series of studies aiming atanalysing the technical aspects of house construction, putting the main emphasis on the development ofcost-reducing methods. It also launched experimental programs for the building of a limited number of houses,whose objective was the development of optimal construction techniques to be used in future larger programs.At the same time the High Authority decided to begin granting loans at extremely advantageousinterest rates for the construction of houses in the six ECSC member States: the first of these programs waslaunched in 1954 and concerned some 15,000 new homes all over the ECSC territory; a second program followedin 1956 and concerned the building of about 20,000 homes. Six other loan-based programs followedup to 1979. At the end of this period the total number of houses built exceeded 150,000, including those createdwithin the framework of three experimental programs. This accomplishment, especially when comparedto the failures encountered by the Community in several other sectors, leads us to consider the housing programexperience as one of the ECSC High Authority’s greatest achievements.l’action de la Haute Autorité de la CECA dans la construction de maisons ouvrièresBien qu’il ne fut même pas explicitement prévu par le traité, un des volets sociaux auxquels les représentants dela Haute Autorité vouèrent constamment leur attention, fut celui de la construction de logements destinés à lamain-d’œuvre des industries communautaires. Dès ses premières années d’activité, l’institution de Luxembourgengagea une série d’études consacrées à l’analyse des aspects techniques liés à l’édification des logements, et ce,en s’intéressant particulière à la détermination des méthodes qui autorisent une réduction maximale du coût.l’institution communautaire mit ainsi en œuvre des programmes expérimentaux. Ceux-ci concernaient un nombrelimité de logements et servaient surtout à mettre au point des techniques de construction optimales destinéesà être appliquées ensuite à des programmes de plus grande envergure. En même temps, la Haute Autoritédémarra aussi sa politique des aides financières très avantageuses. Son premier programme (1954) couvrait laconstruction d’environ 15.000 logements répartis sur l’ensemble du territoire de la CECA; le deuxième, en 1956,atteignit même 20.000 habitations environ! d’autres programmes suivirent au cours des années soixante etsoixante-dix. En tout et pour tout, l’action de la Haute Autorité dans ce domaine porta sur quelque 150.000 bâtisses!Par rapport notamment aux nombreux échecs accumulés par la CECA dans d’autres domaines, ses réalisationsau niveau des logements ouvriers constituent sans conteste une des plus belles réussites de la HauteAutorité.Die Hohe Behörde und die Wohnungsbauprogramme der EGKSObwohl der Pariser Vertrag von 1951 die Schaffung von Wohnraum für Arbeiter aus der Kohle- und Stahlindustrienicht ausdrücklich vorsieht, stand die Förderung dieser sozialpolitisch wichtigen Tätigkeit dennoch stets imVordergrund der Bemühungen des obersten EGKS-Organs. Seit ihrer Amtseinführung in Luxemburg gab dieHohe Behörde Studien in Auftrag, die die technischen Aspekte des Wohnungsbaus insbesondere mit Blick aufeine maximale Kostenreduzierung analysieren sollten. Experimentelle Programme - sie betrafen eine begrenzteAnzahl von Häusern - sollten die bestmöglichen Bautechniken ergründen, um diese dann später im Rahmengroß angelegter Bauprogramme einsetzen zu können. Gleichzeitig begann die Hohe Behörde auch kostengünstigeDarlehen auszugeben. Sie sollten die Bautätigkeit in den sechs EGKS-Ländern fördern. Ein erstes Programmaus dem Jahre 1954 betraf etwa 15.000 Wohneinheiten, verteilt über das gesamte Territorium derGemeinschaft. Das zweite Programm (1956) war noch ehrgeiziger: es sah 20.000 neue Wohnungen vor. Schlagauf Schlag folgten bis 1979 sechs weitere Aktionen. Zusammen mit den drei Experimentierprogrammen wurdeninsgesamt mehr als 150.000 Wohneinheiten fertiggestellt! Vergleicht man diese Leistung nun mit den vielenNiederlagen welche die Hohe Behörde in anderen Bereichen einstekken musste, dann kommt man nicht umhindie Förderung von Arbeiterwohnungen als eine der schönsten Errungenschaften der EGKS zu bezeichnen.

Abstracts - Résumés - Zusammenfassungen 179Ralf MaganoliThe difficult road to new beginnings: Italy and its politicalcommitment to Europe after the failure of the EDC.After the failure of the European Defence Community Italy pursued a policy aiming at limiting damageand consolidating Nato. The Eden plan and the French project to found an arms pool encountered considerablereservations in Rome because of the emphasis put on the military scope, but they were accepted asa way out of the diplomatic dilemma after the defeat of the EDC. According to their tradition however, theItalians tried to prevent both organisations from confining themselves to purely military functions and toincorporate a minimum of integrating elements into the WEU and the arms pool, but they failed. TheBenelux-memorandum about a continuation of integration in the economic field was met with scepticism,as the Italian leaders were afraid of another failure of plans that were too ambitious. In addition, Rome traditionallyrefused further integration by sectors, which was looked upon as unsuitable for resolving structuralproblems. When formulating the Italian position on economic integration, Rome took up again theposition supported during the negotiations on the political union.Vers une relance difficile: l’Italie et la politique européenne au lendemain l’échec de la CEDAprès l’échec de la Communauté Européenne de Défense, l’Italie pratique une politique de limitationdes dégâts et de consolidation du pacte atlantique. Le plan d’Antony Eden et le plan français visant laconstitution d’un pool des armements sont certes admis comme échappatoire au dilemme diplomatiqueengendré par l’avortement de la CED, mais Rome reste néanmoins réticente, notamment à causede la dimension militaire trop accentuée des deux projets. Aussi, conformément à leur politique traditionnelle,les Italiens voudraient-ils empêcher la création d’organisations purement militaires en essayantde sauver du moins un minimum d’intégration européenne au sein de l’UEO et du pool des armements.La manoeuvre échoue. Quant au mémorandum des pays Benelux relatif à la poursuite duprocessus d’unification économique, les responsables italiens se montrent plutôt sceptiques: face auxobjectifs jugés trop ambitieux, ils craignent un nouvel échec! s’y ajoute que Rome est de toute façonhostile à l’intégration sectorielle jugée inapte à résoudre les problèmes structurels. Partant, en matièred’intégration économique, l’Italie préfère finalement se rabattre sur la position qu’elle avait déjàdéfendue dans le cadre des négociations du projet d’union politique.Der schwierige Weg zur Relance: Italiens Europapolitik nach dem Scheitern der EVGNach dem Scheitern der Europäischen Verteidigungsgemeinschaft verfolgte Italien eine Politik derSchadensbegrenzung und der Konsolidierung des Atlantikpaktes. Der Eden-Plan und der französischePlan zur Gründung eines Rüstungspools stießen in Rom aufgrund ihrer Akzentuierung der militärischenDimension auf beträchtliche Vorbehalte, wurden aber als Auswege aus dem diplomatischenDilemma nach dem Ende der EVG akzeptiert. Entsprechend ihrer Tradition versuchten die Italieneraber, eine Beschränkung der beiden Organisationen auf rein militärische Funktionen zu verhindernund ein Minimum an integrativen Elementen in die WEU und den Rüstungspool einzubauen, wasallerdings misslang. Dem Benelux-Memorandum über eine Fortsetzung der Integration auf wirtschaftlichemGebiet begegneten die italienischen Verantwortlichen mit Skepsis, da sie ein erneutesScheitern zu ambitionierter Pläne befürchteten. Hinzu kam die traditionelle Ablehnung Roms weitererSektorintegrationen, die für die Lösung der Strukturprobleme als ungeeignet angesehen wurden.Bei der Formulierung der italienischen Position zur Wirtschaftsintegration griff Rom auf die in denEPG-Verhandlungen vertretenen Positionen zurück.

180 Abstracts - Résumés - ZusammenfassungenGinevra AndreiniEuratom: An Instrument to Achieve a Nuclear Deterrent?French Nuclear Independence and European Integration during the Mollet Government (1956)In late 1956, the Mollet government pushed for the development of a French nuclear deterrent. Since theearly fifties, however, a few selected politicians and scientists had already been working on an atomic militaryprogramme, whose development was first furthered during the Mendès France government. In 1956,international and national factors determined Mollet’s decision to foster the French nuclear programme:on the one hand, advocates of the A bomb - such as Bourgès-Maunoury, Chaban-Delmas, Guillaumat andcolonel Gallois - convinced the President of the Council of the importance of possessing nuclear weapons;on the other hand, the relaunching of the European integration process and the planning for the creation ofa supranational atomic community - the EURATOM - represented the instruments through which the Parisgovernment legitimised the existence of a French military programme in the atomic field. In this connection,the rapprochement between France and West Germany helped France to pursue its atomic ambitionsand, at the same time, it laid the foundations of a close political and strategic relationship between Parisand Bonn in a European context.Euratom: un instrument pour acquérir une force de frappe?l’intégration européenne et l’indépendance nucléaire française destemps du gouvernement Mollet (1956)Depuis le début des années 1950 un groupe restreint d’hommes politiques et de scientifiques travaillenten France sur un programme nucléaire militaire dont le développement est favorisé au départ parle gouvernement de Pierre Mendès France. Ce n’est cependant qu’à partir de la fin 1956 que le cabinetMollet pousse vraiment au développement d’une force nucléaire française de dissuasion. Cette décisiontrouve ses origines à la fois dans la politique nationale et internationale de l’époque: d’un côté,les avocats de la bombe atomique comme Bourgès-Maunoury, Chaban-Delmas, Guillaumat ou lecolonel Gallois parviennent à convaincre le président du conseil de l’importance à posséder des armesnucléaires; de l’autre, la relance du processus d’intégration européenne et le projet de constituer unecommunauté atomique supranationale - EURATOM - représentent les instruments au moyen desquelsParis veut légitimer l’existence d’un programme nucléaire militaire français. Le rapprochementavec la République Fédérale d’Allemagne aide ainsi la France à poursuivre ses ambitions atomiqueset, simultanément, à jeter dans un contexte européen les fondements d’une étroite coopération politiqueet stratégique entre Paris et Bonn.Euratom: ein Instrument zur Beschaffung der «force de frappe»?Die europäische Integration und Frankreichs atomar Unabhängigkeit zur Zeitder Mollet Regierung (1956)Seit dem Anfang der Fünfziger Jahre betreibt in Frankreich eine kleine Gruppe von Politikern undWissenschaftlern die Entwicklung eines militärisch ausgerichteten Atomprogramms. Unterstützungseitens der Regierung erhält dieses Unterfangen erstmals unter Pierre Mendès France. Der entscheidendeSchritt zum Bau französischer Abschreckungswaffen erfolgte aber erst 1956 unter dem Einflussinternationaler und nationaler Gesichtspunkte: zum einen gelang es den Verfechtern der Atombombe- unter ihnen Bourgès-Maunoury, Chaban-Delmas, Guillaumat und Oberst Gallois - dendamaligen Regierungspräsidenten Mollet von der Wichtigkeit des Nuklearwaffenbesitzes zu überzeugen;zum anderen bildeten die Wiederbelebung des europäischen Integrationsprozesses und dieSchaffung einer supranationalen Atombehörde (Euratom) eine einmalige Gelegenheit, Frankreichsmilitärisches Atomprogramm zu legitimieren. In diesem Zusammenhang spielt die deutsch-französischeAnnäherung eine wichtige Rolle. Sie hilft Frankreich seine atomaren Ambitionen zu verwirklichenund gleichzeitig, im europäischen Rahmen, den Grundstein zu einer engeren politischen undstrategischen Zusammenarbeit zwischen Paris und Bonn zu legen.

Abstracts - Résumés - Zusammenfassungen 181Laurence HubertThe European Community and its Nuclear Policy from 1956-1968.An Attempt at Definition, through the Archivesof the European CommissionBefore the creation of Euratom, the European nuclear industry still was in its infancy. With the Suez crisis,the European countries depending largely on oil imports from the Middle East, became aware of thenecessity of uniting: The European Atomic Energy Community treaty came into force on l st January1958. Measures were taken in order to implement a common energy policy. However, owing particularlyto the diversity of their energy structures, the Six didn’t succeed in reaching an agreement. Consequently,they continued to apply their respective national energy policy. The same diverging positionsare round back in the debates on the development of a European nuclear industry, from 1958 to 1968.The member States weren’t able to reach an agreement on the technology to be adopted. The lack of areal dialogue between the Six has led to efforts and investments being scattered in a national context andaccording to national goals, so that ten years after its creation, one cannot help but notice the delay if notthe ”failure” of Euratom.La politique nucléaire de la Communauté européenne (1956-1968)Une tentative de définition, à travers les archives de la Commission européenneAvant la création d’Euratom, l’industrie nucléaire européenne en est encore à ses balbutiements. Avec lacrise de Suez, les pays européens, largement tributaires des importations de pétrole du Moyen-Orient,prennent conscience de la nécessité de s’unir: la Communauté européenne de l’énergie atomique entreen fonction le 1 er janvier 1958. Des mesures sont prises afin de mettre en oeuvre une politique communede l’énergie. Toutefois, en raison notamment de la diversité de leurs structures énergétiques, les Six neparviennent pas à s’accorder. Par conséquent, ils continuent à appliquer leurs politiques énergétiquesnationales. Cette divergence de point de vue se retrouve lorsqu’on évoque la problématique du développementd’une industrie nucléaire européenne, de 1958 à 1968. Les Etats membres n’ont pas su s’entendresur la technologie à adopter. l’absence d’une véritable concertation entre les Six a entraîné unedispersion des efforts et des investissements dans un cadre et selon des buts nationaux, si bien que, dixannées après sa création, on ne peut que constater le retard, sinon l’«échec» d’Euratom.Die Atompolitik der Europäischen Gemeinschaft (1956-1968)Ein Definitionsversuch anhand der Archive der Europäischen KommissionVor der Einführung der Euratomgemeinschaft steckt die europäische Atomindustrie noch in den Kinderschuhen.Erst die Suezkrise führt in den westeuropäischen Staaten zu einem Gesinnungswandel:die Abhängigkeit von Rohölimporten aus dem Mittleren Osten ebnet den Weg zum Inkrafttreten derEuropäischen Atomgemeinschaft am 1. Januar 1958. Die Maßnahmen zur Schaffung einer gemeinsamenEnergiepolitik stoßen allerdings recht schnell auf große Schwierigkeiten. Die sechs können sichwegen der Vielfältigkeit ihrer Energiestrukturen kaum einigen und verfolgen daher ihre eigenen.nationalen Pläne weiter. Unterschiedliche Standpunkte finden sich auch im Rahmen der Entwicklungeiner europäischen Atomindustrie in den Jahren 1958 bis 1968. Die Gemeinschaft kann sich nicht aufeine einheitliche Technologie verständigen. Die fehlende Absprache unter den sechs tut ein übriges.Sie verursacht eine derartige Zersplitterung der Anstrengungen und Investitionen innerhalb nationalerZielsetzungen, so dass man sich fragen darf, ob Euratom nicht ein glatter Misserfolg war.

The Future of Euro-AtlanticRelationsEuro-Atlantic relations are in a state of transition.Although the United States and Europe continue toshare vital and important interests concerning security,defense, international trade and finance, thetransatlantic partners have yet to find a new frameworkfor their partnership to replace the old ColdWar paradigm.With an eye to the future, the authors assembled inthis volume discuss recent developments in foreignand security policy, economic co-operation, andcultural ties, with their likely impact on the Euro-Atlantic partnership. They identify the key elementsof this unique relationship, and make suggestions asto how the United States and Europe could improvetheir collaboration in dealing with the challenges ofregional hotspots and crises on a global scale.Published in the series Schriften des Zentrum fürEuropäische Integrationsforschung (ZEI), this bookis a timely contribution to the ongoing debate on thefuture shape of Euro-Atlantic relations.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

183Contributors - Auteurs - AutorenGinevra ANDREINI, Doctor in History of International Relations, Faculty ofPolitical Sciences, University of FlorenceAdresse professionnelle: Faculty of Political Sciences, University of Florence, viaLaura 48, 50100 Florence, ItalieAdresse personnelle: 14, via del Parione, 50123 Florence, Italie,tel.-fax. 0039 055 21 69 58e-mail: gine@dada.itPierre GERBET - Professeur émérite des universités à l’Institut d’études politiquesde Paris.Adresse personnelle, 5, rue Jacquemont, F-75017 Paris,tél: (0033) 01 42 29 93 51Christophe GOUEL, Institut Pierre Renouvin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,3 rue Victor Cousin, 75005 Paris, France.Adresse personnelle: 16 rue Mounet Solly, F-75020 Paristél.: 01.43.79.21.56Laurence HUBERT, Licenciée et agrégée en Histoire, Histoire économique etHistoire européenne, Université de Liège.Adresse personnelle, 3, rue du Trou du Moulin, 4683 Oupeye, Belgique.Wilfried LOTH, Universität Gesamthochschule Essen, Fachbereich 1, FachGeschichte, Universitätsstraße 12, D-45117 Essentel.: 0049 201 183 35 79/35 82fax.: 0049 201 183 35 91e-mail: wilfried.loth@uni-essen.dePrivatadresse: 27 Ohmweg, D-48159 Münstertel.: 0049 251 21 41 71Ralf MAGAGNOLI, Universität Gesamthochschule Essen, Fachbereich 1,Fach Geschichte, Universitätsstraße 12, D-45117 EssenPrivatadresse: Eichendorffstraße 42, D-37603 Holzminden,Tel/Fax: 05531/4313,E-mail: Rmagagnoli@online.deLorenzo MECHI - Via di Mantignano 17/d, 50142 Firenze, ItalieDocteur en Histoire des Relations Internationales,Faculté des Sciences Politiques, Université de FlorenceTel./Fax: 0039 055785204e-mail: egraziani@dada.it

185Books received - Livres reçus - Eingegangene BücherAnnales d’études européennes de l’Université catholique de Louvain 1998 -1999, Bruxelles,Bruylant, 1999, 289 p. -ISBN 2-8027-12934. - 2.500,00 BEFNicholas AYLOTT. - Swedish Social Democracy and European Integration. The people’shome on the market Hampshire, Ashgate, 1999, 217 p. - ISBN 0-7546-1028-4. -42,50 £Eberhard BERK. - Der Funktionswandel der Westeuropäischen Union (WEU) imeuropäischen Integrationsprozeß. Würzburg, Ergon Verlag. 1999, 298 p. -ISBN 3-933563-32-1. - 58,00 DM.COMMISSION EUROPÉENNE en collaboration avec le CONSEIL UNIVERSI-TAIRE EUROPÉEN POUR l’ACTION JEAN MONNET. -40 ans des Traitésde Rome ou la capacité d’assurer les avancées de la Construction Européenne. ColloqueUniversitaire organisé à la mémoire d’Emile Noël, Rome, 26 - 27 mars 1997.Bruxelles, Bruylant, 1999, 341 p. - ISBN 9-782802-710868. -1.100,00 BEF.Francis W. CARTER / David TURNOCK (edited by). - The States of Eastern Europe.Volume I: North-Eastern Europe. Volume II. South-Eastern Europe. Hampshire,Ashgate, 2000, 306 p. V.I., 325 p. VII. - ISBN 1-85521-566-7. - 55,00 £.Raymond COURBIS / Wladyslaw WELFE (eds.). - Central and Eastern Europe on itsWay to European Union. Bruxelles • Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York •Wien, Peter Lang AG, 1999, 608 p. - ISBN 0-8204-3520-1. -103,00 sFr.Michel DUMOULIN. - La Communauté Européenne de Défense, leçons pour demain?Collection Euroclio. Bruxelles • Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York • Wien,Peter Lang AG, 2000, 430 p. - ISBN 90-5201-908-8.64,00 sFr.Antoine FLEURY en collaboration avec Lubor JILEK. - Le Plan Briand d’Union fédéraleeuropéenne. Perspectives nationales et transnationales, avec documents. Bern •Berlin • Frankfurt am Main • New York • Paris • Wien, Peter Lang AG, 1998, 610 p. -ISBN 3-906760-61-8. - 82,00 sFr.William I. HITCHCOCK. - France Restored Cold War diplomacy and the Quest forLeadership in Europe 1944-1954. Chapel Hill and London, The University of NorthCarolina Press, 1998, 291 p. - ISBN 0-80784747-X. - 12,50 £ (Pbk) -ISBN 0-8078-2428-3. - 33,50 £ (Hbk)Hans-Markus JOHANNSEN. - Die ordnungspolitische Haltung Frankreichs im Prozeßder europäischen Einigung. Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York • Paris •Wien, Peter Lang AG, 1999, 363 p. - ISBN 3-631 -34468-6. - 95,00 sFr.Michael KUSCHNIK. - Integration in Staatenverbitidungen. Berlin, Walter de Gruyter,1999, 258 p. - ISBN 3-11-016461-2.228,00DM

186 Books received - Livres reçus - Eingegangene BücherAlexandre LAMFALUSSY, Luc BERNARD, António CABRAL. - The Euro-Zone:A New Economic Entity? Bruxelles, Bruylant, 1999, 153 p.-ISBN 2-8027-1302-7.-1.600,00 BEEWolfgang REINHARD. - Verstaatlichung der Welt? Europäische Staatsmodelle undaußereuropäische Machtprozesse. München, Oldenbourg, 1999, 375 p. -ISBN 3-486-56416-1. - 128,00 DM.Thomas RHEINISCH. - Europäische Integration und industrielles Interesse. Diedeutsche Industrie und die Gründung der europäischen Wirtschaftsgemeinschaft.Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1999, 276 p. - ISBN3-515-07537-2. - 98,00 DM.Dietmar ROTHERMUND. -Aneignung und Selbstbehauptung. Antworten auf die europäischeExpansion. München, Oldenbourg, 1999, 440 p. - ISBN 3-486-56432-3. -98,00 DM.Rolf SCHNEIDER. - Europas Einigung und das Problem Deutschland Vorgeschichteund Anfänge. Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York • Paris • Wien, PeterLang AG, 1999, 257 p. ISBN 3-631-34019-2.64,00 sFr.Kurt R. SPILLMANN, Andreas WENGER, Derek MÜLLER. - Between Russia andthe West: Foreign and Security Policy of Independent Ukraine. Bern • Berlin • Frankfurtam Main • New York • Paris «Wien, Peter Lang AG, 1999, 357 p. -ISBN 3-906763-82-X. - 47,00 sFr.Holm SUNDHAUSSEN (Hrsg.). - Osteuropa zwischen Integration und Differenz.Probleme europäischer Integration und kultureller Differenzierung. Bern • Berlin •Frankfurt am Main • New York • Paris »Wien, Peter Lang AG, 1999, 176 p.—ISBN 3-631-34981-5.53,00 sFr.Guido THIEMEYER. - Vom “Pool Vert” zur Europäischen WirtschaftsgemeinschaftEuropäische Integration, Kalter Krieg und die Anfänge der gemeinsamen europäischenAgrarpolitik 1950 - 1957. München, Oldenbourg, 1999, 300 p. -ISBN 3-486-56427-7. -148,00 DM.Nathalie TORDEURS. - Naissance des Mouvements Européens en Belgique (1946 -1950). Collection Euroclio. Bruxelles • Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York •Wien, Peter Lang AG, 2000, 219 p. -ISBN 90-5201-907-X. - 96,00 sFr.Caroline VERMEULEN. - Le Collège d’Europe à l’Ère des Pionniers. (1950-1960).Collection Euroclio. Bruxelles • Bern • Berlin • Frankfurt am Main • New York • Wien,Peter Lang AG, 2000, 216 p. - ISBN 90-5201-906-1.-39,00 sFr.

State sovereignty orecological sovereignty?This in-depth study places the topical “ecology sovereigntydebate” in the context of European integration.The author begins by illustrating how the “sovereign”states of Europe share common water systems and airmovements that follow natural patterns. A case studyon acid rain regulation in the EU weighs the role ofstate sovereignty in determining outcomes in the EUpolicy cycle.The case study focuses on the behaviour of fourmember states during the negotiation of the 1988Large Combustion Plant Directive. The authorexplains the impact of the eco-geographical setting,industrial interests, expert advice and political culture.A decade later, these factors remain decisive as theEU re-evaluates its acidification strategy and pursuespolicies to reduce greenhouse gas emissions.The study suggests a redefined conception of sovereigntyto facilitate the optimal allocation of publicauthority and division of responsibilities throughoutthe world.The author has done extensive research on global environmentalpolitics. Moreover, as multilateral diplomathe has gained valuable experience in environmentaldiplomacy.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

German and American Policiestowards the Baltic StatesThe three Baltic states Estonia, Latvia and Lithuaniahave come a long way in their rapprochement withthe Euro-Atlantic community since they regainedindependence in 1991. On their long journey »backto Europe« which is full of hitches, German andAmerican policies towards the three Republics play acentral role since both countries have to be regardedas principal actors in the enlargement process of EUand NATO.The volume brings together high-ranking officialsfrom the three Baltic states, Germany, the UnitedStates EU and NATO, as well as academic expertsfrom these countries and Russia. The various contributionsprovide an interesting insight into themotives and interests of Germany and the UnitedStates in the processes of EU and NATO enlargementtowards the Baltic states. In addition, theyprovide for a comprehensive overview of the progressmade by Estonia, Latvia and Lithuania ontheir way »back to Europe«.Sven Arnswald is Research Fellow at the Institut fürEuropäische Politik (IEP) in Bonn. Dr. MarcusWenig is working at the Ministry of Justice andEuropean Affairs of the Land Brandenburg.NOMOS Verlagsgesellschaft76520 Baden-Baden • Fax (07221) 2104-27

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JOURNAL OF EUROPEAN INTEGRATION HISTORYThe purpose of The Journal of European Integration History is to encourage theanalysis and understanding of different aspects of European integration, especiallysince 1945, in as wide a perspective as possible. The Journal publishes theconclusions of research on diplomatic, military, economic, technological, socialand cultural aspects of integration. Numbers devoted to single themes as well asto diverse subjects are published in English, French or German. Each numberincludes reviews of important, relevant publications.REVUE D’HISTOIRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNEl’objectif de la Revue d’histoire de l’intégration européenne est de promouvoir l’analyseet la compréhension des différents aspects de l’intégration européenneparticulièrement depuis 1945, mais sans exclusive. La Revue publie les résultats desrecherches sur les aspects diplomatiques, militaires, économiques, technologiques,sociaux et culturels de l’intégration. Les numéros à thème ou ceux ouverts à diversesperspectives sont publiés dans l’une des langues suivantes: anglais, français, allemand.Chaque numéro comprend des comptes rendus d’ouvrages importants.ZEITSCHRIFT FÜR GESCHICHTE DEREUROPÄISCHEN INTEGRATIONDie Zeitschrift für Geschichte der europäischen Integration bietet ein Forum zurErforschung des europäischen Integrationsprozesses in allen Aspekten: den politischen,militärischen, wirtschaftlichen, technologischen, sozialen und kulturellen.Ihren Schwerpunkt bilden Beiträge zu den konkreten Einigungsprojekten seit1945, doch werden auch Arbeiten zu den Vorläufern und Vorbereitungenpubliziert. Die Zeitschrift erscheint zweimal im Jahr. Neben Themenheften stehen„offene“ Ausgaben, und jedesmal werden auch Besprechungen wichtigerNeuerscheinungen veröffentlicht. Die Beiträge eines internationalenAutorenkreises erscheinen in englischer, französischer oder deutscher Sprache.2000, Volume 6, Number 1NOMOS VerlagsgesellschaftBaden-Baden