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Faire travailler les finances - Social Watch

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de fruits et légumes pour <strong>les</strong> exporter au Qatar. Ces affairescommercia<strong>les</strong> augmentent la pression sur la terre, l’eau etl’infrastructure ; on court donc le risque de ne pas produiresuffisamment d’aliments pour <strong>les</strong> marchés locaux.Commerce. Les traités commerciaux au niveau régionalet international ont changé la relation des prix mondiauxsur <strong>les</strong> marchés alimentaires internes. Lorsque <strong>les</strong>obstac<strong>les</strong> commerciaux se réduisent, <strong>les</strong> prix mondiauxsont de plus en plus liés aux prix nationaux – qui ne sontpas nécessairement <strong>les</strong> mêmes, mais dont l’impact sur <strong>les</strong>prix internes est bien plus fort. Bien souvent on encouragel’accès à un fond global d’offres fourni par <strong>les</strong> marchésglobaux. Cependant, l’aspect de cette intégration, dont onne tient pas compte, c’est la création d’une concurrenceglobale entre <strong>les</strong> consommateurs. Sans protection, <strong>les</strong>consommateurs <strong>les</strong> plus pauvres perdent la bataille ; ilspermettent à la mondialisation de s’approprier de plus enplus de terres pour produire des carburants et des fourragesau lieu de <strong>les</strong> destiner à l’alimentation humaine.Causes structurel<strong>les</strong>Certaines questions qui sous-tendent la crise sontcensées être examinées en détail. Par exemple, il existeun accord généralisé sur le besoin d’investir pouraugmenter la capacité productive. La proportion del’aide officielle pour le développement, destinée à soutenirl’agriculture, a chuté de 11,5 % dans <strong>les</strong> années1980 à environ 3 % pendant <strong>les</strong> dernières années.L’investissement national a également diminué, surtoutdans <strong>les</strong> pays en développement. Cette tendancedoit être inversée et il existe des signes prometteursindiquant que cela est possible. Cependant la questiondemeure : investissement dans quel type de technologieset pour quel type de systèmes de production ?Le Gouvernement américain, la Fondation Gates, plusieursgroupes d’experts et des entreprises privéesfavorisent le développement de la biotechnologie pouraugmenter la production des pays en développement.Leur devise est la suivante : « Une nouvelle révolutionverte pour l’Afrique ». Mais la révolution verte en Afriquea déjà été tentée. Et elle a échoué. Si la question estsimplement perçue comme un problème technologiqueet de productivité, <strong>les</strong> nouveaux efforts sont alorségalement condamnés à l’échec.La Banque Mondiale, entre autres, encourage <strong>les</strong>pays à libéraliser <strong>les</strong> marchés des engrais et même à subventionnerl’accès aux engrais et aux pesticides (par le biaisdes ressources nationa<strong>les</strong> et de cel<strong>les</strong> des donateurs). Cependant,ce modèle n’est pas durable. La politique engageaussi <strong>les</strong> petits producteurs à acheter (et bien souvent àimporter) <strong>les</strong> intrants. C’est ainsi qu’ils augmentent leurdépendance à une économie basée sur l’argent comptantet, de ce fait, ils réduisent leur pouvoir sur le marché.Il existe pourtant des alternatives. Par exemple, lepotentiel pour l’agroécologie est énorme et, également, demieux en mieux documenté. En 1988, au Bangladesh, unerégion dénommée Tangail, située au nord-est de Dhâkâ, aété affectée par des inondations. L’ONG Unnayan BikalperNitinirdharoni Gobeshona (UBINIG) [Recherche sur despolitiques alternatives de développement], qui travaille déjàavec <strong>les</strong> tisseurs de la région, a proposé son aide. L’équipede l’UBINIG a interviewé des femmes ; el<strong>les</strong> se sont plaintesque <strong>les</strong> pesticides utilisés pour l’agriculture nuisaient à leursanté et à celle de leurs enfants, qu’ils tuaient aussi bien <strong>les</strong>plantes sauvages que le poisson, base de leur alimentation.Les villageois ont commencé à <strong>travailler</strong> sur un projet pourdévelopper un système de production agricole n’utilisantpas de produits chimiques. Le projet a avancé ; il s’appelle« Nayakrishi Andolon », ce qui signifie Nouveau Mouvementd’Agriculture au Bengale. Le mouvement comprendplus de 170.000 foyers ruraux sur 15 districts dans tout lepays. Certaines administrations municipa<strong>les</strong> ont déclaréque leurs juridictions sont libres de pesticides 6 .L’Evaluation internationale des sciences et des technologiesagrico<strong>les</strong> pour le développement (IAASTD), unprojet sur quatre ans auquel ont participé plus de 400 expertset ayant été ratifié par 58 gouvernements, affirme :« La connaissance, la science et la technologie agrico<strong>les</strong>(AKST) doivent aborder <strong>les</strong> besoins des petits établissementsagrico<strong>les</strong> de divers écosystèmes et créer égalementdes opportunités réalistes pour leur développement où lepotentiel pour améliorer la productivité du secteur soitfaible et où le changement climatique puisse avoir desconséquences défavorab<strong>les</strong> ».Pétrole et biocarburantsSi l’on comprend l’importance du pétrole en tant quecomposant central de l’agriculture industrielle, cela aideà comprendre <strong>les</strong> causes structurel<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus profondesde la crise alimentaire. En effet, la révolution verte a utiliséla culture des plantes et la technologie pour augmenter laphotosynthèse – le système agricole basé sur l’énergie solairequi a nourri, depuis toujours, l’humanité et toutes <strong>les</strong>créatures de la planète – avec des combustib<strong>les</strong> fossi<strong>les</strong>.La révolution verte s’est basée sur la culture des semencespour pouvoir répondre aux niveaux plus importants d’engraisinorganiques et d’eau. Et des résultats extraordinairesont été obtenus, avec une augmentation considérabledu rendement par plante. Une révolution technologiqueantérieure avait déjà substitué le travail rural, humain etanimal, par des machines fonctionnant au pétrole. Avecla révolution verte, <strong>les</strong> combustib<strong>les</strong> fossi<strong>les</strong> ont égalementcommencé à fournir des engrais, des pesticides etde l’électricité pour <strong>les</strong> bombes d’irrigation.La première conséquence de l’augmentation du pétroleen tant qu’ingrédient vital de la production de denréesalimentaires est, sans doute, que l’agriculture est devenuel’une des sources principa<strong>les</strong> des émissions de gaz à effetde serre. La deuxième : l’agriculture est devenue dépendanted’une ressource non renouvelable. Troisièmement,l’économie des établissements agrico<strong>les</strong> a été transforméepar le remplacement des intrants générés par l’établissement(énergie, semences, engrais, fumigation) avec desintrants qu’il faut acheter. Pour beaucoup d’agriculteurs,tant au Nord qu’au Sud, <strong>les</strong> intrants achetés sont importés ;leur prix est donc moins prévisible.Des chiffres récents aux États-Unis montrent que<strong>les</strong> augmentations des coûts agrico<strong>les</strong> en 2007 et 2008ont été <strong>les</strong> plus importantes ayant été enregistrées d’uneannée sur l’autre : 20,5 milliards d’USD en 2007 et 36,2milliards d’USD en 2008. Une diminution de 22,7 milliardsd’USD est prévue en 2009 ; mais, même dans ce cas, il yaura 9 % de plus qu’en 2007 7 . Les prix des carburants, du6 Voir : Mazhar, F. et autres Food Sovereignty and UncultivatedBiodiversity in South Asia, Academic Foundation: New Delhi;International Development Research Centre: Ottawa, 2007pp. 3-4. Disponible sur : .7 Voir : . Consulté le 7 mai 2009. Les chiffressont mises à jour régulièrement.fourrage et des engrais ont contribué considérablement àl’augmentation des coûts.A ce jour, il existe toujours un débat qui fait rage surle rôle des biocarburants dans la crise alimentaire. Le rôlejoué par la demande de biocarburants sur l’augmentationdu prix des aliments n’est pas en discussion ; il fautcependant évaluer quelle a été son importance et quelsont été ses effets. Les prix plus élevés pour la plupart desagriculteurs sont une nécessité. Dans le même temps, ilfaut protéger <strong>les</strong> intérêts des consommateurs pauvres ;parmi eux, <strong>les</strong> petits agriculteurs qui, souvent, sont desconsommateurs nets de denrées alimentaires. Mais <strong>les</strong>prix plus élevés pour <strong>les</strong> agriculteurs ne sont qu’une partiede la réponse. Le défi consiste à assurer une distributionplus équitable de la valeur des matières premières entre<strong>les</strong> agriculteurs, <strong>les</strong> intermédiaires et <strong>les</strong> détaillants. Lesdécideurs des politiques mises en oeuvre doivent redresserle pouvoir disproportionné sur le marché des grandesentreprises agroalimentaires.Investissements en terres situées à l’étrangerLa crise alimentaire a provoqué un phénomène inquiétant: une explosion d’intérêt parmi <strong>les</strong> investisseurs pouracheter ou louer des terres à l’étranger. La presse a qualifiéce phénomène comme une usurpation des terres. En octobre2008, l’ONG GRAIN, située à Barcelone, a publiédans sa revue en ligne, une liste de près de 180 affairesimmobilières offertes intitulée : “Ils se sont approprié <strong>les</strong>terres ! La saisie des terres au nom de la sécurité alimentaireet financière en 2008”. Un rapport concernant cetteaffaire, publié par l’Institut International de Recherche sur<strong>les</strong> Politiques Alimentaires (IFPRI) en avril 2009 estimeque, depuis 2006, 20 millions d’hectares ont été venduescomme conséquence d’environ 50 accords économiques,notamment en Afrique 8 .Les deux grands moteurs sont <strong>les</strong> préoccupationssur la sécurité alimentaire et sur la demande de biocarburants.Les pays importateurs nets de denrées alimentaires,comme l’Arabie Saoudite et la Corée du Sud, ne croient pasque <strong>les</strong> marchés mondiaux puissent garantir suffisammentl’approvisionnement en denrées alimentaires. Enattendant, <strong>les</strong> mandats et <strong>les</strong> objectifs pour incorporer <strong>les</strong>biocarburants aux politiques énergétiques – notammentdans l’Union Européenne et aux États-Unis, mais aussidans d’autres pays – ont éveillé un énorme intérêt chez <strong>les</strong>investisseurs privés pour la culture des matières premièresdestinées à la fabrication de biocarburants (soja, huilede palme et jatrophe pour le biodiesel et canne à sucre etmaïs pour le bioéthanol).Les accords préoccupent à plusieurs niveaux. Lesrelations de pouvoir son asymétriques ; <strong>les</strong> grandes entrepriseset (notamment) <strong>les</strong> pays <strong>les</strong> plus riches établissentdes rapports avec des pays plus petits et souventappauvris ; pas mal d’entre eux ayant une gouvernanceet des institutions faib<strong>les</strong> 9 . Parmi ces pays nous pouvonssignaler le Soudan, le Pakistan, l’Ethiopie, Madagascaret le Zimbabwe. Certains pays de grand intérêt pour <strong>les</strong>investisseurs reçoivent l’aide alimentaire du Programme8 Van Braun, J. y Meinzen-Dick, R. “Land Grabbing by ForeignInvestors in Developing Countries: Risks and Opportunities”,IFPRI Policy Brief, 13 avril 2009.9 Cotula, L., Dyer, N. y Vermeulen, S. Bioenergy And LandTenure: The Implications Of Biofuels For Land Tenure AndLand Policy. International Institute for Environment andDevelopment (IIED) y FAO: Londres et Rome, 2008.<strong>Social</strong> <strong>Watch</strong>23La crise mondiale et le prix des aliments

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