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Faire travailler les finances - Social Watch

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Une réponse à la crise financière et économiqueenvisagée sous l’angle des droits de l’hommeBien que l’héritage que laisse l’actuelle crise financière soit sombre, il y aura un autre leg : <strong>les</strong> idées capita<strong>les</strong> sur <strong>les</strong> droits del’homme ne pourront plus être rejetées. La crise offre une occasion historique – et une responsabilité générationnelle – pourrepenser <strong>les</strong> prises de décision en matière de politiques économiques. Une approche fondée sur <strong>les</strong> droits de l’homme exige uneréforme des structures de gouvernance pour assurer que toute la politique économique soit mise en œuvre en concordance avecle régime des droits de l’homme. Cela garantira la participation à tous <strong>les</strong> niveaux, de sorte que <strong>les</strong> décisions soient à chaqueétape soumises au scrutin public, à la transparence et à l’obligation de rendre des comptes.Aldo Caliari 1Center of Concern (COC)La crise qui a commencé, pendant l’été 2007, dansle secteur des crédits hypothécaires à haut risque(subprime) aux États-Unis s’est transformée en crisemondiale, considérée comme la pire crise depuis lagrande dépression.L’ampleur de la crise dévoile un aspect tout àfait nouveau sur <strong>les</strong> conséquences de l’approche traditionnelledes droits de l’homme et de la régulationde la finance. Ce modèle impose aux défenseurs desdroits de l’homme la vision que <strong>les</strong> questions de régulationfinancière sont strictement techniques etdoivent rester entre <strong>les</strong> mains des experts, et que<strong>les</strong> politiques et <strong>les</strong> inquiétudes liées aux droits del’homme doivent être envisagées indépendamnentdes questions de régulation financière ou simplementréduites au point de vue des experts de la finance surce sujet. Cependant, la crise a montré <strong>les</strong> défauts decette approche et renforce une critique de la régulationfinancière, fondée sur <strong>les</strong> droits de l’homme. Bienqu’il y ait eu beaucoup d’explications sur l’origine dela crise, il y a un accord général sur l’importance denombreux échecs dus au laxisme de la régulation etde la surveillance des marchés financiers, de leursopérateurs et des instruments qu’ils utilisent 2 .1 Une version préliminaire de cet article a servi de base pourune déclaration publiée par le Réseau international pour <strong>les</strong>droits économiques, sociaux et culturels (Réseau-DESC) enconsultation avec de nombreuses organisations de droitsde l’homme. L’auteur remercie Nicolas Lusiani, qui a aidé àcompléter la déclaration, et <strong>les</strong> nombreuses organisationsde droits de l’homme pour leurs commentaires et leurscontributions au document. La responsabilité pour d’éventuel<strong>les</strong>erreurs revient, évidemment, uniquement à l’auteur.2 Pour une étude détaillée des principa<strong>les</strong> sources officiel<strong>les</strong>(FMI, Banque des règlements internationaux, Forum destabilité financière) qui montrent <strong>les</strong> remarquab<strong>les</strong> similitudesdans la compréhension des causes de la crise financière,voir Caliari (2009), “Assessing Global Regulatory Impactsof the U.S. Subprime Mortgage Meltdown : InternationalBanking Supervision and the Regulation of Credit RatingAgencies”, document préparé pour le Symposium sur lemarché financier et le risque systémique : la répercussionmondiale de l’effondrement des crédits hypothécairessub-prime aux États-Unis, co-organisé par le Journal ofTransnational Law and Contemporary Problems à la facultéde droit de l’Université d’Iowa et le Centre pour <strong>les</strong> <strong>finances</strong>internationa<strong>les</strong> et le développement de l’Université d’Iowa.De même, il n’est pas difficile de trouver du soutienpour l’idée que, partout dans le monde, la criseaura un effet considérable sur <strong>les</strong> droits de l’homme.Par exemple, la diminution drastique de la demandemondiale accumulée a eu comme effet la propagationdu chômage partout dans le monde et, pour beaucoup,la destruction de leurs moyens de vie. Aprèsdes années de diminution du chômage, et selon <strong>les</strong>pronostics de l’OIT 3 il y aura en 2009 près de 20 millionsde chômeurs de plus qu’en 2007. Environ 50millions de personnes pourraient perdre leurs emploissi la crise atteignait la dimension du chômagedes années 90 4 . Cependant ces chiffres d’ensemblene traduisent pas le fort impact que subissent <strong>les</strong>femmes, <strong>les</strong> enfants, <strong>les</strong> pauvres, <strong>les</strong> indiens, <strong>les</strong>minorités ethniques et <strong>les</strong> travailleurs immigrés. Auchômage croissant s’ajoute une sécurité sociale – quidans beaucoup de pays dépend du fait d’avoir dutravail – qui s’affaiblit. Pour ceux qui ont encore untravail, la hausse du chômage se traduit par une plusgrande pression sur leurs salaires et leur couverturesociale. La sécurité sociale des plus âgés subit aussi<strong>les</strong> effets de la crise : <strong>les</strong> systèmes de retraites sontdéficitaires, dans certains cas <strong>les</strong> pertes atteignent50 % 5 . Le passage des systèmes de retraites du secteurpublic à des systèmes du secteur privé dans<strong>les</strong> dernières décennies augmente ces effets. Pourleur part, <strong>les</strong> revenus de l’état qui devaient renforcerle soutien nécessaire à la couverture sociale et desretraites ont subi une diminution considérable quilaisse <strong>les</strong> gouvernements sans marge de manœuvre.Il est prévu que la pauvreté augmente de 53 millionsde personnes dans le monde 6 . Mais même cechiffre semble être optimiste, puisqu’il est fondé surla définition de pauvreté de la Banque mondiale quebeaucoup mettent en doute, et qui sous-estime probablementla quantité réelle de pauvres 7 . La dégra-3 OIT. “The Financial and Economic Crisis : A Decent WorkResponse”. Document de débat GB.304/ESP/2, 2009.4 Ibid.5 Banque mondiale. The Financial Crisis and MandatoryPension Systems for Developing Countries. Washington DC :Banque mondiale.6 World Bank News, le 12 février 2009.7 La classification arbitraire de la Banque mondiale danslaquelle <strong>les</strong> personnes qui vivent avec moins de 2 USD parjour sont pauvres et cel<strong>les</strong> qui vivent avec moins de 1 USDpar jour sont extrêmement pauvres a été critiquée maintesdation de l’état nutritionnel et de santé des enfantsqui ont une consommation insuffisante d’aliments(soit en moindre quantité, soit en pire qualité) peut serévéler irréversible. Les évaluations suggèrent que lacrise alimentaire a déjà augmenté de 44 millions lenombre de personnes qui souffrent de dénutrition 8 .Il est probable que <strong>les</strong> effets de la crise entraînentaussi une augmentation de l’inégalité. L’écartentre <strong>les</strong> foyers riches et <strong>les</strong> foyers pauvres, en augmentationdepuis 1990, se creusera davantage. Selonun échantillon de pays enquêtés dans un rapportde l’OIT publié en 2008, l’écart entre <strong>les</strong> revenus de10 % des salariés touchant <strong>les</strong> salaires <strong>les</strong> plus élevéset de 10 % des salariés touchant <strong>les</strong> salaires <strong>les</strong>plus faib<strong>les</strong> avait augmenté de 70 % 9 .Si le malaise social et <strong>les</strong> expressions publiquesde désespoir et de frustration se heurtent à la répressionviolente des forces de l’ordre, comme celaest déjà arrivé dans certains pays, alors <strong>les</strong> droitscivils et politiques seront aussi menacés par la crise.L’augmentation des manifestations xénophobes oud’autres sortes de sentiments discriminatoires seproduisant en différents endroits, pourraient égalementmettre en danger <strong>les</strong> droits des travailleursétrangers et des groupes minoritaires, qui sont <strong>les</strong>plus vulnérab<strong>les</strong> à la discrimination.En raison de tous ces effets et en accord avecle consensus concernant l’origine de la crise, il fautconclure que <strong>les</strong> décisions prises concernant la régulationfinancière ont des conséquences tangib<strong>les</strong> pour lajouissance des droits. Le contraire est également vrai :envisager de faire respecter <strong>les</strong> normes en matière defois parce qu’elle ne représente pas la réalité de la pauvretédans <strong>les</strong> différents pays, avec des seuils de pauvreténationale très différents, et le panier de biens que ces revenuspermettraient d’acheter dans des pays différents. En 2008,la Banque a mis à jour son calcul de la parité de pouvoird’achat (PPA) déjà très périmé ; sur cette base, le nombrede personnes que la Banque définit comme extrêmementpauvres (à présent, cel<strong>les</strong> qui vivent avec moins de 1,25 USDpar jour) a été recalculé à la hausse à 1,4 milliards, presque50 % de plus que l’estimation précédente d’1 milliard(voir le Rapport 2009 des Objectifs du millénaire pour ledéveloppement de l’ONU : 4-7).8 Banque mondiale (2009). Swimming Against the Tide : HowDeveloping Countries Are Coping with the Global Crisis.Washington DC : Banque mondiale.9 OIT. World of Work Report 2008 : Income Inequalities in theAge of Financial Globalization. Genève : OIT.<strong>Social</strong> <strong>Watch</strong>13Une réponse sous l’angle des droits de l’homme

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