à plusieurs voix. ce que les entretiens collectifs in situ peuvent ...

Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_montp1 - - 193.51.157.40 - 12/03/2012 10h32. © OphrysCéline BRACONNIERpolitisée et alternerait vote en faveur d’un candidat du FN, abstention, et voteen faveur de la droite classique (12). De même, là où les données de sondagesdessinent un électorat plutôt masculin, conquis par les accents de virilismedes discours des leaders frontistes (le vote FN serait même le seul où subsisteraiten France un « gender gap »), les données ethnographiques nuancent letableau, suggérant que les électrices pourraient bien être plus sensibles auxnormes sociales dominantes, donc plus rétives à se déclarer, mais pas pourautant moins praticiennes du vote FN.Nos enquêtes localisées et de longue durée montrent aussi que ces différentescatégories d’électeurs frontistes, quand elles finissent, dans la durée,par confier à l’enquêteur leur comportement, ne le font pas dans les mêmescirconstances. Les plus politisés le font souvent sur le mode du secret révéléen face à face. Ils font sentir à l’enquêteur qu’il a bien mérité de sa persévéranceet que cette révélation qu’ils lui font finalement vaut son pesant d’or. Ilssont plutôt fiers de leur vote, et n’éprouvent manifestement aucune gêne,jusques et y compris lorsqu’ils habitent les quartiers populaires, devant l’universitairequi les interroge et dont ils ont pourtant toutes les raisons de croirequ’il ne partage pas leur point de vue. Ce n’est pas la peur qui les fait dissimulerle leur dans les premiers temps de l’enquête, mais bien plutôt le refusde se laisser dicter leur comportement par l’enquêteur. C’est finalement lerenversement du rapport ordinaire de domination entre enquêteur et enquêtéqui rend possible la prise de parole : devenus maîtres de la situation d’enquête,alors qu’ils imposent le moment, le lieu et les règles du déroulement del’entretien, ces électeurs nous parlent plus facilement de leurs choix. Ceux-làsont aussi ceux qui fréquentent les conseils de quartier, où ils font entendreleur voix discordante mais sûre, manifestement insensibles aux remarques ouregards réprobateurs qui accueillent leurs interventions dans ces arènes. C’estparmi ceux-là, on peut le supposer, que les instituts de sondages trouventaussi les électeurs qui alimentent les données brutes de leurs échantillons.Mais les autres, ceux qui ne répondent pas, les femmes notamment, à quiéchappent parfois des invectives mais qui refusent systématiquement lesquestionnaires et les entretiens en face à face, trop intrusifs, ou bien, si ellesles acceptent, résistent au point de ne rien livrer d’elles qui pourrait mettre surla voie d’une vague orientation politique, ceux-là peuvent-ils être amenés à selivrer davantage si l’on modifie les conditions de déroulement de l’enquête ?C’est en tout cas ce que suggèrent et les données écologiques et les donnéesd’entretien collectif recueillies au cours de nos différents terrains.La confrontation des données de sondages localisés et des données écologiquesmet déjà en évidence des variations locales de la sous-déclaration.Comme Linz l’a souligné dans les années 1960 (Linz, 1969), ces variations(12) Le redressement des données brutes, qui consiste à amplifier, dans un échantillon, le poidsdes électeurs ayant effectivement déclaré leur vote de façon à ce qu’il atteigne celui effectivementobtenu par ce vote au cours des derniers scrutins, revient à survaloriser les caractéristiques sociodémographiquesdes électeurs déclarant, dont on peut pourtant légitimement penser que, précisément,elles ne sont pas les mêmes que celles des électeurs dissimulant.67Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_montp1 - - 193.51.157.40 - 12/03/2012 10h32. © Ophrys