à plusieurs voix. ce que les entretiens collectifs in situ peuvent ...

Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_montp1 - - 193.51.157.40 - 12/03/2012 10h32. © OphrysCéline BRACONNIERdans tout ce que l’exercice implique d’écriture, de mise en scène de sonhistoire, de silences et de non-dits aussi, voire de mensonges.Ainsi, très nombreux sont les enquêtés qui déclarent, par questionnaire ouen face à face, toujours voter. La confrontation de leurs dires avec les listesd’émargement permet pourtant d’établir que, conformément à ce quemontrent les études publiées par l’Insee depuis quelques années, les votantsconstants constituent aujourd’hui une espèce de plus en plus rare (Clanché,2003). Cela ne signifie pas forcément que ceux que nous interrogeons cherchentà nous tromper, en proposant une image d’eux-mêmes qu’ils pressentiraientplus conforme à la norme civique socialement dominante que celle quedonnerait une estimation plus précise de leur parcours de vote. Parfois, lesenquêtés ne prennent en compte, dans l’estimation qu’ils fournissent de leurpropre participation électorale, que les scrutins auxquels ils confèrent unecertaine importance, qui sont donc aussi ceux auxquels ils ont le plus dechances d’avoir participé. Plus qu’un signe de tromperie, le décalage entre lesdéclarations et les pratiques réelles renvoie plutôt, dans ce cas, à l’ignoranceet/ou à l’oubli rapide des scrutins de faible ou moyenne intensité. Dans lesmilieux où l’on ne s’intéresse pas du tout à la politique mais où le sentimentdu devoir civique est fort, il n’est pas rare de recueillir aussi des déclarationsde vote constant auprès d’électeurs qui ne participent pourtant qu’aux présidentielles.Ce sont les seuls scrutins, en effet, pour lesquels la mobilisationélectorale a été suffisamment forte pour qu’ils en aient été affectés et sesoient, en conséquence, déplacés. Les autres n’ont, en quelque sorte, pasexisté pour eux. Identifier ce type de processus relevant de la surévaluation desa propre participation suppose que l’on puisse confronter les déclarationsque les acteurs font de leur comportement à d’autres sources. Quand laconsultation des listes d’émargement n’est pas possible – elle est particulièrementchronophage et suppose, de toute façon, un dispositif d’enquête localisédans l’espace résidentiel des enquêtés (21) –, la présence d’un tiers met sur lavoie de ces estimations très subjectives, par les individus, du niveau de leurengagement électoral. Résidant dans le centre de Paris, Loïc, haut fonctionnairetrentenaire, rappelle ainsi à son colocataire et ami Stéphane que, contrairementà ce qu’il vient de nous dire, il ne vote pas à toutes les élections. Pluspolitisé que son ami, Loïc dispose d’une mémoire très précise des scrutinsauxquels non seulement lui-même, mais aussi son ami a participé. Sur le tonde la plaisanterie destinée à rétablir la vérité tout en évitant de faire perdre laface à un proche, il lui rappelle qu’il ne s’est pas déplacé pour les législativesde 2007. Mais la mémoire de Loïc s’étend aussi à la production des votes deson ami, qui éprouve des difficultés à reconstituer ses propres choix électorauxpour les scrutins de faible intensité. Prompt à soutenir qu’il vote toujoursen faveur du même camp, Stéphane est ainsi démenti par son colocataire, quilui rappelle la volatilité dont il a fait preuve au cours des derniers scrutins.(21) Seul l’Insee dispose de la faculté de reconstituer des trajectoires de vote individuelles àl’échelle nationale à partir des listes d’émargement.73Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_montp1 - - 193.51.157.40 - 12/03/2012 10h32. © Ophrys