10.07.2015 Views

2ème partie (pdf) - Master Arbitrage & Commerce International

2ème partie (pdf) - Master Arbitrage & Commerce International

2ème partie (pdf) - Master Arbitrage & Commerce International

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

CHRONIQUEDROIT DEL’ARBITRAGECHRONIQUE DE DROIT DE L’ARBITRAGE N O 2Par le master <strong>Arbitrage</strong> et commerce internationalde l’Université de Versailles-Saint-QuentinSous la direction de Thomas Clay, directeur du master etdoyen de la faculté de droit et de science politique deVersailles-Saint-QuentinPLAN :I. <strong>Arbitrage</strong> pour les personnes morales de droit public: le grand bazar!, parThomas ClayII. Précisions sur l’étendue des pouvoirs du juge d’appui en présence d’une transaction,par Gaétan DmytrovIII. Quand les arbitres reçoivent une mission impossible, par Olivier DarcqIV. Vers une présomption de la bonne exécution de la mission d’amiable compositeur?,par Laurent JaegerV. Le laxisme des juridictions belges en matière d’indépendance et d’impartialitéde l’arbitre, par Tammam KaïssiVI. Variations sur le principe de l’estoppel dans l’arbitrage international, parSandrine ClavelVII. La responsabilité des institutions d’arbitrage et ses limites, par Éric LoquinI. ARBITRAGE POUR LES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC :LE GRAND BAZAR !Le 22 novembre dernier, la Chancelleriea diffusé un communiquépar lequel elle annonçait une réformedestinée à transposer lesconclusions du rapport Labetoulle permettantaux personnes morales de droitpublic de recourir à l’arbitrage.Qui ne connaît ce rapport ne peut que seréjouir de ce progrès annoncé et de cetteouverture vers de nouvelles contrées pourl’arbitrage. Il n’y a en effet aucune raisonque, dans le monde globalisé qui est lenôtre, avec cette économie mondialiséedans laquelle nous vivons, les personnesmorales de droit public continuent pluslongtemps à être tenues à l’écart de cettejustice si efficace que constitue désormaisl’arbitrage. Longtemps perçue comme unejustice concurrente, donc suspecte, l’arbitrageest désormais partout reconnu commele mode privilégié de résolution deslitiges internationaux, sinon internes. Deconcurrent, il est devenu modèle, et lesNOTEpersonnes morales de droit public veulenten profiter. C’est logique.Mais alors qu’il eut été simple pour celad’abroger l’article 2060 du Code civil quiénonce que les collectivités publiques etles établissements publics ne peuvent compromettre,prohibition déjà très largementcontournée par de multiples exceptionslégales ponctuelles, ainsi que, depuisl’ordonnance de 2004, pour les touscontrats de partenariats publics-privés, lespouvoirs publics ont décidé de procéderautrement en compliquant les choses etfinalement en les rendant confuses pourne pas dire inintelligibles.On se souvient que le gouvernement précédentavait installé un groupe de travail,présidé par le conseiller d’État DanielLabetoulle. Avant même que ses conclusionssoient rendues publiques, le précédentgouvernement tenta de faire passeren catimini une loi qui permettait de légiférerpar ordonnance pour autoriser lesEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 1


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(1) Cons. const. 1 er mars 2007, déc. n o 2007-552 DC,RFD const. 2007. 580, note O. Le Bot ; AJDA 2007. 502,note Z. Ait-El-Kadi ; D. 2007.645, note A. Astaix ; Gaz.Pal. des 2-3 mars 2007, p. 5 ; D. 2008, Cahier n o 3, pan.,obs. Th. Clay.(2) Rapport du groupe de travail sur l’arbitrage enmatière administrative, Rev. arb. 2007.651, avec obs.J.-L. Delvolvé p. 373 et S. Lemaire p. 407 ; JCP A 2007.2093, entretien avec D. Labetoulle ; publié aussi in JCPG 2007, act. 143 ; D. 2008, pan. 180, obs. Th. Clay ; Gaz.Pal., cah. arb. 2008/1, obs. S. Lajareff ;http ://www.avocats.fr/space, obs. E. Bertrand ; JCP A2007, act. 305 et 322 ; JCP G 2007. I. 149.........................................................................................................................................................................personnes morales de droit publicà recourir à l’arbitrage. Plus précisément,il utilisa la techniquebien peu démocratique du cavalierlégislatif, procédé discret par lequel oninsère dans une loi en cours de discussionau Parlement un texte qui n’a rien à voiravec son objet et souvent en dernière minute.C’est ainsi que la grande loi sur laprotection des incapables majeures se vitsoudainement lestée d’un article 40 parasitesur l’arbitrage pour les personnes moralesde droit public. Pis : le texte ne secontentait pas d’autoriser ce type d’arbitrage,il prévoyait que le gouvernementpourrait légiférer sur ce sujet par voied’ordonnance. Il y avait donc bien undouble contournement démocratique : lecavalier d’abord, l’ordonnance ensuite. Laficelle fut tellement grosse que même leConseil constitutionnel s’en émut et censuracette disposition réellement cavalière(1).Mais on ne comprit que plus tard pourquoile gouvernement était si empressé etsi peu fier. Moins de quinze jours aprèsce malheureux épisode, le groupe de travailLabetoulle rendait son rapport (2).Une fois n’est pas coutume, celui-ci s’achevaitpar un projet de texte de loi, déjàrédigé, prêt à l’emploi, que le gouvernementn’avait plus qu’à faire adopter parvoie d’ordonnance. Sans la vigilance duConseil constitutionnel, sans doute avivéepar le contexte politique de fin delégislature, l’annexe du rapport Labetoulleconstituerait aujourd’hui le droitpositif.C’eut été une bien mauvaise chose car ceprojet ne se contente pas de permettreaux personnes morales de droit public derecourir à l’arbitrage, il érige un nouveautype d’arbitrage qui risque d’entraînerune confusion non seulement à son égard,mais aussi, par contamination, à l’égardde l’arbitrage classique qui fonctionnepourtant bien.Sans pouvoir détailler ici l’ensemble durégime juridique de ce nouvel arbitragequi se caractérise notamment par le faitqu’il n’est pas confidentiel, qu’il interditl’amiable composition et qu’il ne prévoitni appel ni recours en annulation, le pointqui créé le plus de difficultés, et qui, à luiseul, suscite le rejet unanime par les spécialisteset les praticiens de l’arbitrage,concerne la confiscation par la juridictionadministrative de l’encadrement de la procédurearbitrale, y compris internationale.Juge d’appui, juge du recours, jugede l’exequatur, tout relèverait désormaisde la juridiction administrative et mêmeessentiellement du Conseil d’État. Seraitdonc érigé un second ordre juridictionnelcompétent pour statuer en matière d’arbitrage.D’une jurisprudence homogèneet cohérente, minutieusement élaborée,patiemment construite, année après année,depuis le début des années 1960, onpasserait à deux jurisprudences dont personnene saurait dire si elles seraient enrivalité ou en complémentarité et si lessolutions de l’une seraient transposables àl’autres. D’un arbitrage unique, on arriveà deux, dont l’un sous la tutelle du Conseild’État.Et le vrai problème est encore ailleurs : lecritère de distinction entre ces deux arbitragesparallèles est mystérieux. En effet,si le projet devait être adopté en l’état, ladétermination de la juridiction compétentepour encadrer l’arbitrage tiendraitde l’art divinatoire. Qu’on en juge.On sait que la jurisprudence a décidé dès1965 que l’arbitrage est encadré par lajuridiction juridiciaire pour un contrat dedroit privé international, même lorsqu’ilest conclu par une personne morale dedroit public. En l’état du droit positif,cela n’implique nullement que si le contratconclu est de droit public, l’arbitrage relèverade la juridiction administrative puisquetoute une série d’exceptions prévoitmême que c’est le juge judiciaire qui estcompétent. Le rapport Labetoulle a doncprécisément pour objet de s’intéresser auxcontrats qui ne sont visés par aucune exception.Aussi, pour que les arbitragesnés de ces contrats relèvent de la juridictionadministrative, encore faut-il que le2 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................contrat soit conclu non pas seulementen droit public, mais bienen droit administratif, qu’il n’entrepas dans le champ d’une desnombreuses exceptions légales déjà existantes,qu’il ne soit pas concerné par uneconvention internationale multilatéraleou bilatérale renvoyant à l’ordre juridiciaire,qu’il ne s’agisse pas d’un contratde partenariat public-privé, et qu’il neprévoit pas l’application d’un droit administratifétranger.En outre, une fois ces différentes exceptionsécartées, on n’en a pas terminé carle projet Labetoulle semble ne pas limiterpas son champ d’application au seul arbitrageinterne et entend viser aussi les arbitragesadministratifs internationaux.Pour ceux-là, l’affaire tourne même à lafarce puisque le juge administratif raisonneen fonction de l’objet du contrat,administratif ou non, alors que le jugejudiciaire raisonne surtout selon la naturede la procédure en jeu, arbitrage interneou international. Or le croisement de cesdeux critères laisse une zone grise pourl’arbitrage en droit administratif international: les juridictions administratives yverront avant tout un arbitrage administratifet se reconnaîtront compétentes,alors que les juridictions judiciaires l’analyserontprincipalement comme un arbitrageinternational, en vertu de l’article1492 du Code de procédure civile, etse déclareront compétentes. Le vainqueursera donc la première juridiction saisie.Si le texte devait prospérer c’est sans doutel’activité du Tribunal des conflits qui s’entrouverait renforcée : il lui faudra déterminerduquel des deux ordres juridictionnelsrelève le procès sur le procès arbitral,avant même que celui-ci débute parfoispuisqu’il pourra s’agir par exemple de déterminerle juge d’appui compétent pouraider à la constitution du Tribunal arbitral.Singulier paradoxe que de commencerpar saisir le Tribunal des conflits, puisse perdre dans les interstices de ces deuxordres juridictionnels, alors même que lechoix de l’arbitrage comme mode de résolutiondes litiges a précisément pour find’éviter les juridictions étatiques.On imagine combien la perspective de cetype de procédures est alléchante pour lesopérateurs étrangers, et plus encore pourceux qui viennent de pays ne connaissantpas la dualité des ordres juridictionnels.À l’heure où la concurrence entre les différentesplaces d’arbitrage n’a jamais étéaussi vive, il est tout de même regrettableque les coups les plus durs viennent del’intérieur. Ainsi on sait déjà que, d’unpoint de vue purement économique,l’adoption d’un tel projet éloignerait deParis, encore capitale mondiale de l’arbitrageinternational, la plupart des grandslitiges internationaux. Il n’est d’ailleurspas inintéressant d’observer l’accueil enthousiaste,voire euphorique, qui est réservéau rapport Labetoulle à Genève ouà Londres, là où n’ont pas encore été perçusles infinis délices de la dualité juridictionnelleen matière d’arbitrage.Bref, la dénaturation de l’arbitrage est enroute, et les raisons pour lesquelles elleprend cette forme restent mystérieuses.On ne veut pas croire que ce soit uniquementpour que certains magistrats administratifspuissent se familiariser avecl’arbitrage afin de pouvoir ensuite connaîtreles joies et les bienfaits des missionsd’arbitre. Comme on ne veut pas croireque le fait que le rapport Labetoulle soitresté silencieux sur l’extentions aux magistratsadministratifs de la prohibitiondu cumul des fonctions d’arbitre et demagistrats judiciaires soit autre chosequ’un regrettable oubli.L’oubli, c’est précisément le meilleur destinque l’on peut souhaiter à ce texte.Thomas CLAYProfesseur à l’Université deVersailles-Saint-QuentinDirecteur du master arbitrage et vommerceinternationalLaboratoire DanteEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 3


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEII. PRÉCISIONS SUR L’ÉTENDUE DES POUVOIRS DU JUGE D’APPUI ENPRÉSENCE D’UNE TRANSACTIONCA Paris, 14 novembre 2007 : M. de Villeneuve (RG n o 07/52714)La transaction conclue entre les <strong>partie</strong>s s’impose au juge comme àl’arbitre mais ne concerne pas l’office du juge d’appui dont lamission consiste à aider à la constitution du collège arbitral.MOTS-CLÉSClause compromissoire. Transaction. Juge d’appui.La Cour :(...)Par acte du 28 août 1992, M. de Villeneuveet le GIE Les sucreries de Bourbon (plusloin « les Sucreries »), aux droits duquel vientla SA Bourbon (plus loin « Bourbon ») ontconclu un protocole d’accord en vertu duquelM. de Villeneuve devant être embauché,la participation de ce dernier au développementde la présence des Sucreries àMadagascar était prévue.Ce protocole mentionnait le pourcentage desprofits « holding » et celui de la part d’intérêtsauxquels avait droit M. de Villeneuveen renvoyant, en cas de désaccord, à l’applicationde son article 7, qui disposait queles désaccords qui pourraient naître de l’applicationdu dit protocole seraient réglés parune procédure arbitrale, chaque <strong>partie</strong> désignantun arbitre et ces deux arbitres endésignant un troisième pour former le collèged’arbitres. Ce collège devait juger lesdifférents qui pourraient naître de l’applicationdes contrats de travail et du protocole.Le même jour, M. de Villeneuve a été embauchépar les Sucreries, en qualité de directeurgénéral, en vertu d’un contrat de travailà durée indéterminée de droit français,et par les Sucreries de Bourbon Madagascar,en qualité de président directeur général, envertu d’un second contrat de travail malgache.Le 25 octobre 1999, une transaction a misfin aimablement au contrat de travail françaisde M. de Villeneuve, précisant que cedernier se déclarait rempli de l’intégralité desdroits pouvant résulter de l’exécution commede la rupture de son contrat de travail etajoutant « les <strong>partie</strong>s renoncent, sous réservede l’exécution du présent accord, àtoute action ou instance de quelque natureque ce soit qui pourrait résulter de l’exécutionou de la rupture du contrat les ayantliées »M. de Villeneuve a poursuivi sa collaborationavec Bourbon, une convention de représentationet d’assistance technique avecune société Compagnie de la Baie SaintAugustin (Cobasa) qu’il a créée à cette fin,se substituant à son contrat de travail.Les relations entre M. de Chateauvieux, présidentdes Sucreries et M. de Villeneuves’étant dégradées, ce dernier a réclamé, le8 mars 2006, qu’il soit procédé à l’évaluationdes profits « holding » et à la valorisationde la part d’intérêts du groupe Bourbon àMadagascar, aux fins d’application du protocolede 1992. Il a désigné un arbitre et afait injonction à Bourbon d’en désigner unpour sa part, ce que cette dernière a, d’abord,envisagé en lui transmettant une <strong>partie</strong> descomptes réclamés, avant de refuser de lefaire, estimant que la transaction conclue le25 octobre 1999 avait mis fin à tout litige.M. de Villeneuve a, alors saisi le présidentdu tribunal de grande instance de Paris statuantcomme en matière de référé, sur lefondement de l’article 1444 du nouveauCode de procédure civile, afin qu’il désigneun arbitre pour Bourbon.Par ordonnance du 27 avril 2007, le présidentdu Tribunal de grande instance de Paris,« tenant l’audience des référés », aux motifs:4 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


— que le litige invoqué avait été réglé parla transaction du 25 octobre 1999 ;— que c’était à tort que le demandeur soutenaitque l’objet de la transaction de 1999était différent de celui du protocole de 1992 ;— que les salaires prévus au contrat de travailet les sommes évoquées dans ce protocoleétaient prévus pour rémunérer l’exécutiond’une seule et même prestation ;— que l’indemnité transactionnelle fixée paraccord du 25 octobre 1999 comprenait lescréances salariales et les sommes des comptesde la société Bourbon, incluant les profits« holding »;— que M. de Villeneuve ne justifiait pas del’existence d’un litige l’opposant à son ancienemployeur, la transaction conclue entreeux ayant autorité de la chose jugée endernier ressort ;— a débouté M. de Villeneuve de ses demandes;— a condamné ce dernier aux dépens ;— a condamné M. de Villeneuve à verser àBourbon la somme de 1.000 Q au titre del’article 700 du nouveau Code de procédurecivile ;— a rejeté toutes autres demandes.Le 10 mai 2007, M. de Villeneuve a remis augreffe du tribunal de grande instance de Parisune « déclaration d’appel nullité forméecomme en matière de contredit ».Dans ses dernières conclusions en date du16 octobre 2007, auxquelles il convient dese référer, M. de Villeneuve fait valoir que lepremier juge a manifestement outrepassé lespouvoirs que lui confère l’article 1444 dunouveau Code de procédure civile et ceuxqui étaient les siens dans le cadre d’une demandede désignation d’arbitre ; qu’il a statué,en réalité, sur les droits et obligationsdes <strong>partie</strong>s par un examen au fond, opéréen violation des dispositions de l’article 1458du nouveau Code de procédure civile ; quece juge ne pouvait refuser son concours quedans le cas où la clause était manifestementnulle ou insuffisante pour constituer le tribunalarbitral, sans avoir à se prononcer surle fond du litige ; qu’il ne devait examinerque cette seule clause, sans interpréter laconvention qui la contenait ; qu’il ne pouvait,non plus, se prononcer sur l’existencedu litige qu’une <strong>partie</strong> entendait soumettreà l’arbitrage en vertu d’une clausecompromissoire ; que l’existence du litigen’est pas une condition préalable à la constitutiond’un tribunal arbitral ; qu’en tout étatde cause, le litige s’entendant de tout désaccord,le président de Bourbon a reconnul’existence d’un tel désaccord et lui a faitadresser des comptes, avant d’invoquer larupture du protocole d’accord par l’effet dela transaction ; qu’un litige était, donc, bien« né » ; qu’en refusant d’appliquer la clauserésolutoire, le président du Tribunal degrande instance de Paris a commis un excèsde pouvoir constitué par la violation du principede l’autonomie juridique de la clausecompromissoire ; que la juridiction étatiquedoit se déclarer incompétente, sauf nullitéou inapplicabilité manifeste de la conventiond’arbitrage ; que le premier juge a violé,en outre, le principe de « compétence-compétence» ; que la difficulté de constitutiondu tribunal arbitral instaurée par l’article 7du protocole du 28 août 1992 est caractérisée; que Bourbon ayant sollicité larécusation de l’arbitre qu’il a désigné, il sepropose de désigner M. Calloud, présidentde chambre honoraire du Tribunal de commercede Paris.Il demande à la Cour :— de déclarer recevable et bien fondé sonappel ;— de prononcer la nullité de l’ordonnanceentreprise, pour excès de pouvoir ;Statuant à nouveau,— de constater la désignation, par lui deM. Marion, en qualité d’arbitre ;— de lui donner acte de ce qu’il proposede désigner M. Calloud en qualité d’arbitreen substitution de M. Marion ;— de désigner, en tant que de besoin, M.Calloud en tant que son arbitre,— de désigner tel arbitre de son choix, pourle compte de Bourbon ;— de dire qu’à compter de l’accord, par l’arbitre,de ladite désignation, il sera procédé,dans le délai d’un mois, à la désignation parles deux arbitres désignés, d’un troisièmearbitre, afin de constituer le tribunal arbitral ;En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 5


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE— de condamner Bourbon à lui verser lasomme de 5.000 Q, au titre des fraisirrépétibles qu’il a exposés en première instanceet celle de 5.000 Q, au titre des fraisirrépétibles exposés en appel ;— de condamner Bourbon à lui restituer lasomme de 1.000 Q perçue par elle en exécutionde l’ordonnance entreprise ;— de condamner Bourbon aux dépens.Dans ses dernières conclusions en date du15 octobre 2007, auxquelles il convient dese référer, Bourbon fait valoir que l’existenced’un litige est la condition préalable àtoute demande de constitution d’un tribunalarbitral ; que le premier juge n’a ni interprétéles conventions conclues entre les<strong>partie</strong>s, ni jugé du bien fondé de la demandede M. de Villeneuve relative au règlementde profits « holdings », mais constatéque cette demande avait été définitivementréglée par voie de transaction etqu’aucun litige n’étant né entre les <strong>partie</strong>s,la constitution du tribunal arbitral n’était pasjustifiée ; que le litige né auquel fait référencel’article 1444 du nouveau Code de procédurecivile se distingue du différend sur laconstitution du tribunal arbitral qui relèvebien de la compétence du président du Tribunalde grande instance ; que ce derniern’a fait qu’user des pouvoirs que lui confèrel’article susvisé ; que le premier juge n’allègueni l’inefficacité du protocole conclu entreles <strong>partie</strong>s, ni celle de la clausecompromissoire pour dire n’y avoir lieu àconstitution du tribunal arbitral ; qu’en prétendantque le principe de « compétencecompétence» a été violé, l’appelant entretientune confusion entre le litige justifiantla constitution du tribunal arbitral et celui néde cette constitution.Il demande à la Cour :— de confirmer l’ordonnance entreprise ;— de débouter M. de Villeneuve de ses demandes;— de condamner ce dernier à lui verser lasomme de 3.000 Q au titre de l’article 700 dunouveau Code de procédure civile.Sur quoi, la Cour :Considérant qu’en vertu des dispositions del’article 1444 du nouveau Code de procédurecivile, si, le litige né, la constitution dutribunal arbitral se heurte à une difficulté dufait de l’une des <strong>partie</strong>s ou dans la mise enœuvre des modalités de désignation, le présidentdu Tribunal de grande instance désignele ou les arbitres ; qu’en vertu des mêmesdispositions, si la clause compromissoireest soit manifestement nulle, soit insuffisantepour permettre de constituer le tribunalarbitral, le président le constate et déclaren’y avoir lieu à désignation ;Considérant qu’en l’espèce, la décision entreprisen’est pas fondée sur un constat denullité ou d’insuffisance de la clausecompromissoire, mais sur l’absence, affirmée,de litige opposant les <strong>partie</strong>s, à raisonde l’effet d’une transaction préalable conclueentre elles ;Qu’un litige oppose, cependant, les <strong>partie</strong>ss’agissant, précisément, de la portée de cettetransaction et de la faculté qu’à encore, ounon, M. de Villeneuve de réclamer d’autressommes que celles prévues par voie de transaction;Qu’à ce sens, il est manifeste qu’un litige estné et qu’à ce sujet, une difficulté de constitutiondu tribunal arbitral est apparue, en ceque Bourbon a refusé d’y contribuer ;Qu’en recherchant quelle était la portée descontrats et protocole liant les <strong>partie</strong>s et cellede la transaction conclue entre elles, pouren déduire, en fait, que le périmètre de latransaction conclue entre les <strong>partie</strong>s recouvraitcelui de l’ensemble de leurs conventionset que toute possibilité de litige entreelles avait disparu, le premier juge a usé depouvoirs excédant ceux prévus par l’article1444 du nouveau Code de procédure civileprécité ;Qu’il a, ainsi, procédé à une interprétationqui relevait de la seule compétence du tribunalarbitral qu’il se devait de contribuer àconstituer, à raison du litige né entre les <strong>partie</strong>sau sujet de la portée de la transactionconclue entre elles, de l’existence d’uneclause compromissoire régulière et suffisanteet d’une difficulté manifeste de constitutiondu tribunal arbitral ;Qu’il y a lieu, en conséquence, d’annulerl’ordonnance entreprise et de statuer à nouveau;6 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


Qu’il y a lieu de constater la désignation,par M. de Villeneuve de M. Marion, en qualitéd’arbitre et de lui donner acte de ce qu’ilpropose de désigner M. Calloud en qualitéd’arbitre en substitution de M. Marion ;Qu’il n’y a lieu à désignation d’un arbitreaux lieu et place de celui choisi par M. deVilleneuve, aucune récusation n’étant soumise,fut-ce subsidiairement, à la Cour parBourbon ;Que la Cour désignera, pour Bourbon, Men qualité d’arbitre ;Que la Cour ne pouvant que constater quela désignation d’un troisième a été prévuepar la clause arbitrale conclue entre les <strong>partie</strong>s,il n’y a lieu, pour elle, de définir plusavant les conditions de cette désignation ;Que M. de Villeneuve est fondé à réclamerremboursement de la somme de 1.000 Q qu’ila versée à Bourbon en vertu de la décisionannulée par le présent arrêt ;Considérant qu’il serait inéquitable de laisserà la charge de M. de Villeneuve les fraisirrépétibles qu’il a exposés en première instanceet en appel ;Que Bourbon, qui succombe, devra supporterla charge des dépens de première instanceet d’appel, qui seront recouvrés selonles dispositions de l’article 699 du nouveauCode de procédure civile ;Par ces motifs :Annule l’ordonnance entreprise ;Statuant à nouveau ;Constate la désignation, par M. de Villeneuvede M. Marion, en qualité d’arbitre ;Donne acte à M. de Villeneuve de ce qu’ilpropose de désigner M. Calloud en qualitéd’arbitre en substitution de M. Marion ;Dit n’y avoir lieu à désignation d’un arbitreaux lieu et place de celui choisi par M. deVilleneuve ;(...)NOTERendu à l’occasion d’un recoursintenté à l’encontre d’une ordonnancedu juge d’appui, l’arrêt dela Cour d’appel de Paris ci-dessusreproduit et encore inédit, consacre uneinterprétation littérale des dispositions del’article 1444 du Code de procédure civileet rappelle ainsi l’étendue de la missiondu juge d’appui.Les faits, un peu compliqués, peuventêtre présentés ainsi : le 28 août 1992, M.Villeneuve et le GIE les Sucreries, auxdroits duquel vient la SA Bourbon,concluaient un protocole d’accord en vertuduquel M. Villeneuve percevrait une participationdans le développement des sucreriesà Madagascar. Une clause compromissoireétait insérée dans ce contrat.Le même jour, M. Villeneuve était embauchépar les Sucreries en vertu d’uncontrat de travail de droit français et parles Sucreries de Madagascar en vertu d’unsecond contrat de travail de droit malgache.Le 25 octobre 1999, une transactionmettait fin au contrat de travail françaisde M. Villeneuve, mais celui-ci poursuivaitsa collaboration avec la SA Bourbonpar le biais d’une convention de représentationet d’assistance technique se substituantau contrat de travail français.Suite à la dégradation des relations entreles <strong>partie</strong>s, M. Villeneuve réclama qu’ilsoit procédé à l’évaluation de sa participationdans le groupe Bourbon à Madagascarconformément aux dispositions duprotocole. Confronté au refus de la SABourbon, M. Villeneuve désigna un arbitreen application de la clause compromissoirestipulée dans le protocole. La SABourbon, estimant que la transaction de1999 avait mis fin à tout litige entre les<strong>partie</strong>s, refusa alors de procéder à la constitutiondu tribunal arbitral. C’est ainsique M. Villeneuve saisit le juge d’appuiafin que ce dernier désigne un arbitrepour le compte de la SA Bourbon.Le président du Tribunal de grande instancede Paris débouta M. Villeneuve desa demande aux motifs notamment que« Le litige invoqué avait été réglé par latransaction du 25 octobre 1999 » et que« c’était à tort que le demandeur soute-En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 7


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(3) Exemples : CA Paris, 26 septembre 2003, D. 2004.1042, note H. Kenfack ; CA Aix-en-Provence, 24 février2005, D. 2005. 3068, note L. Weiller ; CA Paris 19 janvier2006, Rép. gén. 04/14896, inédit ; CA Paris, 27 octobre2005, D. 2006.687, note Th. Clay ; JCP G 2006. I. 148, §4, obs. J. Ortscheidt.(4) Cass. civ. 1 re , 16 avril 1985, JCP G 1985. II. 20504,concl. avocat général P. Gulphe. Adde Ph. Malaurie, L.Aynès et P.-Y. Gautier, Droit civil. Les contratsspéciaux. Defrénois, 3 e éd., 2007, spéc. n o 1128.(5) C. civ., art. 2052 et CPC, art. 122.........................................................................................................................................................................nait que l’objet de la transactionde 1999 était différent de celui duprotocole de 1992 ». En outre, ladécision relevait que M. Villeneuve« ne justifiait pas de l’existenced’un litige l’opposant à son ancien employeurdu fait de la transaction conclueentre eux et ayant autorité de la chosejugée ».Cette ordonnance est annulée par la Courd’appel de Paris aux motifs notammentque « la décision entreprise n’était pasfondée sur un constat de nullité ou d’insuffisancede la clause compromissoirecomme le prévoit l’article 1444 du Codede procédure civile mais sur l’absence,affirmée, de litige opposant les <strong>partie</strong>s àraison de l’effet d’une transaction conclueentre elles ». Bien plus, la Cour relevaqu’« un litige » opposait « les <strong>partie</strong>s s’agissantprécisément de la portée de cettetransaction et qu’en recherchant quelleétait la portée des contrats et protocolesliant les <strong>partie</strong>s et celle de la transactionconclue entre elles pour en déduire enfait que le périmètre de la transactionrecouvrait l’ensemble de leurs conventionset que toute possibilité de litige entreelles avaient disparues, le juge d’appuiavait usé de ses pouvoirs excédant ceuxprévus par l’article 1444 du Code de procédurecivile précité ».Le juge d’appui, saisi sur le fondement del’article 1444 du Code de procédure civile,est, en effet, compétent pour tranchertoute « difficulté » née « du fait del’une des <strong>partie</strong>s ou dans la mise en œuvredes modalités de désignation » relative àla « constitution du tribunal arbitral ».En l’espèce, la mission du juge d’appui selimitait donc à la désignation d’un arbitreen lieu et place de la SA Bourbon.Or contrairement à ce que soutenaient lepremier juge et la SA Bourbon, l’existenced’un litige entre les <strong>partie</strong>s n’est pasune condition de saisine du juge d’appui.D’une part, les dispositions de l’article1444 du Code de procédure civile nefont nullement état d’une telle exigence.D’autre part, il n’ap<strong>partie</strong>nt qu’aux <strong>partie</strong>sde délimiter le périmètre du litige lesopposant, le juge se bornant à trancher ledifférend qui lui est soumis et qui porteexclusivement sur la désignation d’un arbitre.On relèvera d’ailleurs que la Courd’appel reproche au premier juge d’avoirmotivé sa décision sur la base de « l’absence,affirmée, de litige opposant les <strong>partie</strong>s», soulignant d’une part, que seulesles <strong>partie</strong>s déterminent leurs prétentionset ainsi l’existence du litige et, d’autrepart, que les contestations relatives à laportée de la transaction constituent entant que telles un litige. La question estcompliquée car elle combine plusieurscontrats relatifs aux litiges, la conventiond’arbitrage et la transaction, et il est deplus en plus fréquent que ces contrats semêlent de manière inextricable, notammentquand une transaction contient uneclause compromissoire (3).En réalité, l’existence d’une action recevableau sens procédural était susceptiblede faire défaut devant le tribunal arbitral.En effet, la transaction dresse un obstacleinsurmontable à l’exercice d’une action(4). Cet obstacle prend la forme d’uneexception d’irrecevabilité s’imposant aujuge comme à l’arbitre (5). Il appartenaitdès lors au juge d’appui de constituer letribunal arbitral afin que ce dernier décidede la recevabilité de l’action et tranche,le cas échéant, le litige.Toutefois, le juge d’appui ne pourrait-ilpas constater l’absence de litige et déclarern’y avoir lieu à désignation de l’arbitreen cas d’irrecevabilité manifeste del’action ? L’article 1444, alinéa 2, du Codede procédure civile prévoit cette hypothèselorsque « la clause compromissoireest manifestement nulle » ou « insuffisantepour permettre de constituer le tribunalarbitral ». Étendre cette solution aucas de l’irrecevabilité manifeste de l’actionpermettrait de décider utilement deréaliser l’économie d’une procédure sanslendemain.En l’espèce, il n’était toutefois pas acquisque la transaction eût éteint tout litigeopposant les <strong>partie</strong>s au regard des divers8 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................contrats conclus entre elles. Latransaction avait pour objet le seulcontrat de travail de droit françaisde sorte qu’en raison de l’effet extinctifet limité de celle-ci, le protocole, lecontrat de travail malgache, et encore laconvention de représentation ne se trouvaientpas affectés par ledit accord.En définitive, la transaction ne limite pasl’office du juge d’appui dont la missionétroite et légale se cantonne à assister età coopérer à la constitution du tribunalarbitral, seul juge de la recevabilité de lademande dès lors que la clause compromissoiren’est pas manifestement nulle.Gaétan DMYTROVAvocat au Barreau de ParisAncien étudiant du master professionnelarbitrage et commerce internationalIII. QUAND LES ARBITRES REÇOIVENT UNE MISSION IMPOSSIBLECA Paris, 11 octobre 2007 : Société MTN (RG n o 07/01353)Considérant que les arbitres dont la mission comprenait à la fois lepouvoir de statuer en amiables compositeurs et de déterminer ledroit applicable, ont valablement statué en équité.MOTS-CLÉSArbitre. Amiable compositeur. Contrôle de sa mission. Mission confuse.Mention expresse du recours à l’équité.La Cour :(...)La société MTN, société de droit italien, aformé un recours en annulation à l’encontred’une sentence arbitrale rendue à Parisle 21 avril 2005 par MM. Mario Stasi, PhilippeLaye et Sadreddine Rachid qui statuant enamiable compositeur ont :— considéré bien fondée la résiliation parPoly-Tech de la convention du 8 juillet 2002 ;— condamné MTN au paiement de492.184,32 Q en deniers ou quittance commeexpliqué ci-dessus ;— condamné MTN aux intérêts au taux légalsur la somme de 166.077 Q à compter du17 février 2004 et sur le solde dû, comprenantéventuellement la somme de42.246,48 Q ci-dessus visée, à compter du31 août 2004, jusqu’à parfait paiement dessommes ;— débouté Poly-Tech de sa demande dedommages-intérêts pour résiliation aux tortsde MTN ;— débouté Poly-Tech de ses demandes relativesà la violation de l’obligation de nonconcurrenceainsi qu’au titre de la restitutionde la documentation se rapportant authermofoil ;— condamné MTN à verser à Poly-Tech lasomme de 10.000 Q à titre d’indemnité pourles procédures de saisies et pour la procédured’arbitrage ;— débouté MTN de l’intégralité de ses demandes;— condamné MTN aux entiers dépens etdonc à rembourser à Poly-Tech la sommede 45.000 Q avancés par cette dernière autitre des frais et honoraires d’arbitrage.La société MTN et son liquidateur amiable,M. Freschi, soulèvent trois moyens au soutiendu recours : les arbitres ont violé le principed’égalité des <strong>partie</strong>s et de la contradiction(NCPC, art. 1502-4°), et leur mission(NCPC, art. 1502-3°).Ils prient ainsi la Cour d’annuler la sentence.La société Poly-Tech, société de droit canadien,conclut au rejet du recours et à lacondamnation de MTN à lui payer 5.000 Q(motivation des conclusions) ou 7.000 Q (dis-En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 9


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEpositif des conclusions) par application del’article 700 du nouveau Code de procédurecivile.Sur quoi,Sur les moyens d’annulation tirés de laviolation du principe d’égalité des <strong>partie</strong>set du non-respect de la contradiction(NCPC, art. 1502-4°) :MTN et son liquidateur font valoir que Poly-Tech a déposé un dossier de plaidoirie sansqu’une copie de ce dossier ait été remise àMTN, ce qui violerait le principe d’égalitéentre les <strong>partie</strong>s, et que le tribunal arbitral asoulevé un moyen de droit non discuté, enl’espèce l’application au litige de la Conventiondes Nations unies sur la vente internationalede marchandises.Mais considérant, s’agissant de la remise d’undossier de plaidoirie par Poly-Tech, que pourêtre recevable le grief invoqué doit avoir étésoulevé, chaque fois qu’il est possible, devantle tribunal arbitral ; qu’il est constantque MTN n’a nullement protesté à l’occasionde cette remise ; que ce moyen est rejeté;Que s’agissant de l’application non contradictoireau litige de la Convention des Nationsunies sur la vente internationale de marchandises,il est établi que l’ordre de missioninvitait le tribunal arbitral à déterminerla loi applicable aux relations contractuellesdes <strong>partie</strong>s ; qu’en conclusion d’un raisonnementjuridique le tribunal arbitral a estimé« que les règles de droit applicables auxrelations contractuelles entre les <strong>partie</strong>s sontcelles résultant de la Convention des Nationsunies sur les contrats de vente internationalede marchandises signée à Viennele 11 avril 1980. Sur ce et compte tenu de lamission qui lui a été confiée, le Tribunalarbitral statuera en amiable compositeur » ;qu’ainsi le tribunal arbitral n’ayant pas statuéen droit le moyen est rejeté ;Sur le moyen d’annulation tiré du nonrespect par les arbitres de la mission quileur avait été conférée (NCPC, art. 1502-3°) :MTN et son liquidateur prétendent que letribunal arbitral aurait appliqué un droittransnational relatif à la seule vente alors queleur mission les obligeait à déterminer la loiapplicable aux relations contractuelles des<strong>partie</strong>s dans leur diversité et qu’ils ont prétenduagir en amiables compositeurs alorsqu’ils n’ont qu’appliqué le droit ;Mais considérant que les arbitres dont la missioncomprenait le pouvoir de statuer enamiables compositeurs ont après avoir déterminéle droit applicable statué en équitéainsi qu’il l’ont rappelé jusque dans le dispositifde la sentence ;Que ce troisième moyen et partant le recourssont rejetés ;Sur la demande de Poly-Tech au titre del’article 700 du nouveau Code de procédurecivile :Considérant que l’équité commande decondamner MTN et son liquidateur amiableès qualités à payer à Poly-Tech 5.000 Q ;Par ces motifs :Reçoit l’intervention volontaire de GuidoFreschi en qualité de liquidateur amiable dela société MTN ;Rejette le recours ;(...).Le 8 juillet 2002, les sociétés MTNet Poly-Tech ont concluent uncontrat qui, en août 2004, a suscitéune difficulté telle que la sociétéPoly-Tech a résilié ce contrat. L’affairefut alors soumise à un tribunal arbitralqui, par une sentence du 21 avril2005, a considéré que la résiliation étaitbien-fondée et qui a condamné la sociétéMTN. Cette dernière intenta alors unNOTErecours en annulation sur le fondementde l’article 1502-3 e du Code de procédurecivile. Le moyen reprochait aux arbitresde ne pas avoir respecté la missiond’amiable compositeur qui leur avait étéconfiée au motif qu’en déterminant la loiapplicable aux relations contractuelles, ilsauraient statué en droit, et non en équité.Les juges de la Cour d’appel de Parisrejettent cette argumentation en préci-10 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................sant que les arbitres avaient, dès ledébut de la sentence, indiqué qu’ilsstatueraient en équité (6). Par cetarrêt, la juridiction parisienne démontreà nouveau la redoutable efficacitédu critère formel de contrôle de la missionde l’arbitre statuant en équité.En l’espèce, les arbitres, pourtant investisdu rôle d’amiable compositeur, avaienten outre été chargés de déterminer ledroit applicable à la relation contractuelle.Comment ces arbitres pouvaientilsdès lors statuer en équité et en fonctionde la loi applicable ?Les arbitres ont su dépasser cette contradictionpatente au cœur de leur mission,et éviter soigneusement le piège qui leurétait tendu de choisir entre la déterminationdu droit applicable et l’équité, risquantsoit l’infra petita, soit l’extra petita.En effet, le tribunal arbitral, tout en énonçantque c’était bien la Convention deVienne sur la vente internationale de marchandisesqui eut été en principe applicable,précise que la sentence est rendueen amiable composition. Les arbitres ontdonc bien désigné la Convention deVienne comme droit applicable, ce quileur a permis de créer une décision primairequ’ils ont ensuite passé au tamis del’équité. Telle est d’ailleurs très exactementla méthode recommandée par laCCI aux amiables compositeurs : « l’amiablecompositeur évalue d’abord les demandesdes <strong>partie</strong>s au regard du droitapplicable. Puis si la solution qui se dégagelui parait injuste, il aménage la solutionpour satisfaire à l’équité » (7).La Cour d’appel approuve cette ingénieuseprésentation en affirmant une nouvellefois que la constatation de la mentiondu mot « équité » suffit à vérifier quel’amiable compositeur a bien respecté samission. Il est vrai que, de prime abord,il peut sembler quelque peu contradictoired’imposer à l’arbitre, via l’acte demission, de déterminer un droit applicablealors qu’il a également reçu la missionde statuer en équité. Cependant, qu’ils’agisse d’un socle normatif, de principesgénéraux ou d’usages, l’amiable compositeura besoin d’un corps de règles pourfonder sa décision. Aussi, le droit n’étantpas intrinsèquement inéquitable, « l’amiablecompositeur peut-il juger que la stricteapplication du droit satisfait à l’équité »(8) ; et le résultat d’une sentence rendueen amiable composition peut finalementrevenir à une solution de pur droit « équitable».Mais alors comment vérifier que l’amiablecompositeur s’est effectivement interrogésur une solution prenant en comptedes considérations d’équité, quand bienmême il appliquerait la règle de droitdans sa décision ?En réalité, l’amiable compositeur doitsimplement procéder à une comparaisonafin d’être certain que sa décision est lasolution la plus équitable. Et il est dejurisprudence constante, depuis un arrêtde la deuxième chambre civile de la Courde cassation du 15 février 2001, que l’arbitreamiable compositeur a effectivementle devoir de confronter sa décision à desconsidérations d’équité (9), même s’il peutintégrer ou non des considérations étrangèresau droit dans sa sentence. Une simpleexplication sur la conformité de sadécision par rapport à l’équité suffit doncà présumer que l’arbitre a rempli sa missiond’amiable compositeur, à la conditionqu’il le mentionne expressis verbis.Dès lors, quoi de plus logique sinon quede vérifier le respect de la mission del’amiable compositeur au prisme d’un critèreà la fois objectif et qui n’oblige pas àentrer dans le raisonnement de l’arbitresur lequel le juge du recours n’a aucuncontrôle ? Le meilleur critère est la présenceou non du mot « équité » ou « amiablecomposition » dans la sentence arbitrale.En effet, dès lors que l’arbitre s’estréféré à l’équité, quand bien même la solutionretiendrait finalement l’applicationd’une règle de droit, c’est qu’il a bienrespecté sa mission et statué en équité.Certains n’ont pas manqué d’exprimerleurs doutes quant au formalisme exacerbéde ce moyen de contrôle du respect(6) CA Paris, 11 octobre 2007, D. 2008, pan. 187, obs.Th. Clay.(7) L’amiable composition, Rapport du Groupe detravail du Comité français de la CCI, RDAI 2005. 753.(8) É. Loquin, L’obligation faite au tribunal arbitralinvesti des pouvoirs d’amiable compositeur de juger enéquité : pour une défense de la jurisprudence de laCour de cassation, note sous Cass. civ. 2 e , 26 juin 2003et 10 juillet 2003, RTD com. 2004. 252.(9) Cass. civ. 2 e , 15 février 2001, Bull. civ. II, n o 26 ; Rev.arb. 2001. 135 (1 re esp.), note É. Loquin ; JCP G 2002. II.10038, note G. Chabot ; D. 2003, somm. 2474, obs. Th.Clay ; Dr. et patr., mai 2001, p. 93, obs. J. Mestre ;D. 2001. 2780, note N. Rontchevsky ; Procédures 2001.78, note R. Perrot ; 10 juillet 2003, Bull. civ. II, n o 234 ;D. 2003, somm. 2474, obs. Th. Clay.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 11


Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoirrejeté le recours en annulation alors, selonle moyen, que le litige qui lui est soumissoumis l’équité ; que la circonstancequ’un arbitre ait retenu une solution quine correspondait pas à celle résultant del’exacte application des règles de droitn’implique pas, à elle seule, qu’il ait tranchéle litige qui lui était soumis selonl’équité, et non selon les règles de droit,dès lors que l’arbitre a pu commettre uneerreeur dans l’application des règles dedroit ; que, dès lors, en se fondant, pourretenir que le Bâtonnier Bernard Vatieravait jugé en équité et s’était, en conséquence,conformé à la mission de statuercomme amiable compositeur dont il avaitété investi par les <strong>partie</strong>s, sur la seule circonstanceque le Bâtonnier BernardVatier avait retenu une solution qui nes’imposait pas juridiquement, puisqu’ils’était appuyé sur les clauses du contratde cession de bail auquel les <strong>partie</strong>s à l’arbitrageétaient tiers, la Cour d’appel a violéles articles 1474 et 1484 du nouveau Codede procédure civile ;Mais attendu que l’arrêt rappelle d’abord lespouvoirs d’amiable compositeur conférés àl’arbitre tant par la clause d’arbitrage que parle procès verbal d’arbitrage du 23 août 2004 ;qu’il précise ensuite qu’en fondant sa décisionsur les clauses de la cession du contratde bail à laquelle les <strong>partie</strong>s à l’arbitrage sonttiers, l’arbitre avait entendu faire référence àl’équité, malgré l’absence de mention explicitedes pouvoirs conférés par les <strong>partie</strong>s,que la Cour d’appel a pu en déduire quel’arbitre s’était ainsi conformé à sa mission ;que le moyen n’est pas fondé ;Par ces motifs :Rejette le pourvoi ;(...)NOTEL’arbitre amiable compositeur n’estplus tenu de faire expressément référenceà l’équité. L’arrêt de lapremière chambre civile de la Courde cassation du 28 novembre 2007, poursuitl’assouplissement de son contrôle.Cette évolution tempère la rigueur d’unejurisprudence controversée.On en rappellera brièvement les principalesétapes. Le 15 février 2001, la deuxièmechambre civile de la Cour de cassationrend une décision remarquée (15).Elle affirme que les arbitres amiables compositeursqui se sont prononcés exclusivementpar application de la règle dedroit sans se prononcer sur la conformitéde celle-ci à l’équité, ne se sont pas conformésà leur mission. Deux arrêts de ladeuxième chambre, rendus le 18 octobre2001 et le 10 juillet 2003, réitèrent ceprincipe (16). La règle semble désormaisclaire : l’arbitre amiable compositeur quiapplique le droit doit, sous peine d’annulationde sa sentence, s’expliquer sur laconformité de la règle de droit à l’équité.Cette jurisprudence a immédiatement suscitéde vives critiques. Le formalisme excessifdu contrôle, le caractère inappropriéde la sanction et le risque d’une multiplicationdes recours en annulation, ontété dénoncés par les commentateurs (17).Ils semblent avoir été entendus. Le 8 juillet2004, la deuxième chambre a tempéré larigueur de son contrôle (18). L’absencede référence expresse à l’équité necondamne plus la sentence. Il suffit quela décision « témoigne » ou « révèle » lavolonté de se conformer à l’équité. Cetteévolution se confirme avec l’arrêt de lapremière chambre civile du 28 novembre2007 (19), qui tourne le dos au formalismedes premières décisions.La mise en œuvre du contrôle de la missiond’amiable compositeur suscite, toutefois,des difficultés pratiques. Il n’estpas aisé, en l’absence de mention expressede la sentence, de prouver que l’arbitre abien rempli son office d’amiable compositeur.L’arrêt du 28 novembre 2007 révèleles limites et les difficultés de cettetâche. Le litige portait sur le rachat desparts d’une SCP d’avocats à la suite dudépart de certains associés. Le Bâtonnierde Paris, investi d’une mission d’amiable(15) Cass. civ. 2 e , 15 février 2001, Halbout, Bull. civ. II,n o 26 ; Rev. arb. 2001. 135 (1 re esp.), note É. Loquin ;D. 2001.2780, note N. Rontchevsky ; Procédures 2001.78, note R. Perrot ; JCP G 2002. II. 10038, note G.Chabot ; D. 2003, somm. 2474, obs. Th. Clay ; Dr. etpatr., mai 2001, p. 93, obs. J. Mestre ; D. 2001. 978.(16) Cass. civ. 2 e , 18 octobre 2001, Rev. arb. 2002. 359,note Ch. Jarrosson ; RTD com. 2002.44, obs. É. Loquin ;D. 2001, inf. rap., p. 3327 ; 10 juillet 2003, Bull. civ. II,n o 234 ; Rev. arb. 2003. 1361, obs. J.-G. Betto ; JCP G2004. I. 119, § 4, obs. Ch. Seraglini ; D. 2003, somm.2474, obs. Th. Clay ; JCP G 2003. IV. 2573(17) Cf. supra,notes1et2.(18) Cass. civ. 2 e , 8 juill. 2004, JCP G 2004. I. 179, § 4 ;obs. Ch. Seraglini.(19) Cass. civ. 1 re , 28 novembre 2007, à paraître auBull. civ. I ; JCP G 2007, act. 612, obs. approb. J.Béguin ; D. 2008, pan. p. 187, obs. crit. Th. Clay ;D. 2008, AJ 26, obs. crit. X. Delpech ; Rev. arb. 2008,n o 1, note V. Chantebout.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 13


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE........................................................................................................................................................................compositeur, avait rendu une décisionfondée sur des clauses d’uncontrat de bail auquel les <strong>partie</strong>s àl’arbitrage étaient extérieures. LaCour d’appel de Paris a constaté que ladécision ne s’imposait pas en droit. Elleen a déduit que l’arbitre s’est conformé àsa mission d’amiable compositeur. LaCour de cassation confirme ce raisonnementet énonce : « Qu’en fondant sa décisionsur les clauses de la cession ducontrat de bail à laquelle les <strong>partie</strong>s àl’arbitrage sont tiers, l’arbitre avait entendufaire référence à l’équité, malgrél’absence de mention explicite des pouvoirsconférés par les <strong>partie</strong>s ». Cette décisioninstitue une sorte de présomption,par laquelle si l’arbitre n’a pas appliquéstrictement la règle de droit c’est parcequ’il a statué en équité.Ce raisonnement était dénoncé par lepourvoi qui faisait valoir que la non applicationde la règle de droit peut résulterd’une erreur et qu’elle n’implique pasautomatiquement que l’arbitre ait statuéen équité. Le moyen a été rejeté par laCour de cassation. Le juge étatique n’apas pour rôle de rechercher si l’arbitres’est trompé dans l’application de la règlede droit. Invoquer une possible erreur dedroit que le juge n’a pas le pouvoir deconstater est donc sans objet. Si l’arbitren’a pas statué conformément au droit, laseule conclusion possible est qu’il a voulustatuer selon les règles de l’équité.Cette approche constitue indéniablementun progrès. Elle permet de sauver les décisionsd’arbitres qui se sont bien conformésà leur mission d’amiable compositeur,même s’ils ont oublié de l’indiquerexpressément dans la sentence. Mais elleconduit aussi à un paradoxe. Lorsque l’arbitreamiable compositeur s’est trompédans l’application de la règle de droit, ilest présumé avoir statué en équité. Si parmalchance il en a fait une applicationexacte, il est présumé avoir ignoré l’équitéet sa sentence doit être annulée. Les débatsdevant le juge de l’annulation s’entrouveront curieusement renversés : la <strong>partie</strong>qui voudra attaquer la sentence stigmatiserala rigueur et le sérieux du raisonnementjuridique, tandis que son adversaires’efforcera d’y trouver quelqueserreurs de droit, dans l’espoir de sauver ladécision. La méthode est peu convaincante.Il est souhaitable que l’évolutiondu contrôle de l’amiable composition sepoursuive.La solution réside probablement dans uneprésomption générale de bon accomplissementde la mission d’amiable composition.La sentence ne devrait être annuléeque lorsqu’il est démontré que l’arbitren’a pas entendu statuer en tantqu’amiable compositeur. On peut certesobjecter que cette preuve est quasimentimpossible. Elle ne sera rapportée quedans le cas improbable où l’arbitre a expressémentrefusé d’appliquer l’équité.Mais cette solution présente l’avantagedu réalisme. L’équité est une notion mouvante,difficile à cerner et fortement teintéede subjectivité. Il est illusoire de vouloircontrôler son application par l’arbitre.Vérifier que l’arbitre n’a pas appliquéla règle de droit ne garantit pas qu’il sesoit référé à l’équité. En l’absence de critèresuffisamment fiable, le contrôle de lamission de l’arbitre perd sa légitimité.On observera pour finir que le contrôlede la mission d’amiable compositeur estparticulièrement inadapté à l’arbitrage international.Les tâtonnements de la jurisprudencefrançaise ne peuvent s’ériger enmodèle universel. Dans la confusion actuelledes débats, l’annulation de sentencesserait vouée à l’incompréhension et àla critique de la communauté internationale.La Cour de cassation ne s’est pasencore prononcée en matière d’arbitrageinternational. Sa décision sera fort attendue.Laurent JAEGERAvocat aux Barreaux de Paris et de New YorkLatham & Watkins14 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


V. LE LAXISME DES JURIDICTIONS BELGES EN MATIÈRE D’INDÉPENDANCEET D’IMPARTIALITÉ DE L’ARBITRECA Bruxelles, 17 e ch, 29 octobre 2007 : République de Pologne c/ EurekoBV et a. (RG n o 2007/AR/70)La constatation d’un manquement au devoir d’indépendence del’arbitre n’aurait pas d’impact sur son impartialité et enconséquence ne justifierait pas sa récusation.Le fait que l’arbitre et les membres du cabinet d’avocats d’une des<strong>partie</strong>s soient en relation d’affaires, quelle qu’elles soient, est sanspertinence.La personne choisie comme arbitre a sa propre intégritéprofessionnelle qui, lorsqu’il est arbitre, peut être considéréecomme plus importante que les sensibilités et les buts qu’ilpoursuit en tant qu’avocat, et qu’il peut partager avec les membresdu cabinet d’avocats qui défendent l’une des <strong>partie</strong>s devant letribunal arbitral dont il est membre.Il est sans importance que l’arbitre n’ait pas averti l’autre <strong>partie</strong> deses relations professionnelles avec le cabinet de son adversaire.MOTS-CLÉSArbitre. Indépendance et impartialité. Intervention antérieure de l’arbitrecomme conseil pour un tiers contre la même <strong>partie</strong> dans un litige voisin. Nonrévélation.Rôles différents. Pas de récusation.La Cour :(...)1. La Cour est saisie d’une requête d’appel,déposée le 9 janvier 2007, dirigée contre unjugement du Tribunal de première instancede Bruxelles, rendu le 22 décembre 2006.2. Par citation du 27 octobre 2005 dirigéecontre la société de droit néerlandais EurekoBV, contre M. S., contre M. F. et contre M.R., la République de Pologne demande :— à entendre dire pour droit qu’il existedes doutes légitimes quant à l’indépendanceou à l’impartialité d’un des arbitres,M. S. ;— à entendre récuser M. S. ;— entendre dire que le jugement seraopposable aux autres <strong>partie</strong>s citées.Par jugement interlocutoire du 16 juin 2006,le Tribunal de première instance de Bruxelles:— rejette l’exception de nullité de la citationintroductive d’instance soulevée parEureko BV ;— déclare recevable le déclinatoire de juridictionformée par Eureko BV, réserve àstatuer pour le surplus et fixe la cause à uneaudience ultérieure.Par jugement du 22 décembre 2006, le Tribunaldéclare la demande en récusation recevablemain non fondée.La République de Pologne interjette appelde cette dernière décision. Son appel tend :— à titre principal ;— à entendre mettre à néant le jugemententrepris en tant qu’il déclare sa demandenon fondée ;— à entendre dire pour droit qu’il existedes doutes légitimes quant à l’indépendanceet à l’impartialité de M. S. ;— à entendre récuser M. S. dans la secondeEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 15


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEphase de la procédure arbitrale opposant laRépublique de Pologne à Eureko BV et fondéesur le Traité conclu le 7 septembre 1992entre la République de Pologne et leRoyaume des Pays-Bas ;— à entendre dire que l’arrêt sera opposableàM.F.etàM.R.;— à titre subsidiaire et avant dire droit, àentendre condamner M. S. à produire sesextraits de compte en banque relatifs auxsommes versées par et au cabinet SidleyAustin ainsi que le relevé de ses prestationsqu’il transmet périodiquement à ce cabinetdepuis le début de sa collaboration avec celui-ci,et à entendre réserver à statuer pourle surplus ;— à titre infiniment subsidiaire, à entendreposer à la Cour constitutionnelle la questionpréjudicielle suivante : « L’article 8 de la loidu 12 mars 1998 modifiant le Code judiciaireet le Code d’instruction criminelle ence qui concerne la procédure endessaisissement abrogeant les articles 842 à847 du Code judiciaire et les articles 616,1050, alinéa 1 er et 1691, § 2 de ce Code,interprétés comme interdisant aux <strong>partie</strong>s àune procédure en récusation d’un arbitred’interjeter appel du jugement rendu par leTribunal de première instance sur cette question,violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitutionen ce que les dispositions légalescritiquées, dans l’interprétation envisagée,ont pour effet :1) de traiter de manière identique les <strong>partie</strong>sà une procédure en récusation d’un arbitreet les <strong>partie</strong>s à une procédure enrécusation d’un magistrat, dans la mesureoù elle interdisent à ces deux catégories depersonnes d’interjeter appel de la décisionrendue au terme de la procédure enrécusation, alors que les deux catégories depersonnes comparées se trouvent dans unesituation différente au regard de la mesureenvisagée et qu’il n’existe aucune justificationobjective et raisonnable pour les traiterde la même manière, et ;2) de traiter de manières différentes les <strong>partie</strong>sà une procédure en récusation d’un arbitreet les <strong>partie</strong>s à une procédure ordinaire,dans la mesure où elles interdisentaux premières d’interjeter appel de la décisionrendue au terme de la procédure enrécusation alors que les secondes peuvent,en règle, interjeter appel de la décision rendueau terme d’une procédure ordinaire,alors que les deux catégories de personnescomparées se trouvent dans une situationidentique au regard de la mesure envisagéeet qu’il n’existe aucune justification objectiveet raisonnable pour les traiter de manièredifférente ?Eureko BV demande :— que toute demande de la République dePologne visant à la production de documentsavant dire droit soit rejetée ;— que toute demande de la République dePologne tendant à faire poser une questionpréjudicielle à la Cour constitutionnelle soitrejetée,— la réformation du jugement entrepris ence qu’il déclare la demande de la Républiquede Pologne visant la récusation de M. S.recevable ;— la confirmation du jugement entrepris ence qu’il déclare la demande de la Républiquede Pologne visant la récusation de M. S.non fondée.3. La procédure s’inscrit dans le contexte spécifiquedu règlement de litiges portant surdes investissements internationaux par unepersonne (morale) privée dans un État étranger.Ce type de litiges s’inscrit dans le cadrejuridique d’un Traité bilatéral d’investissementconclu entre l’État dont l’investisseurest le ressortissant et l’État hôte.En l’espèce, une clause d’arbitrage prévuepar l’article 8 du Traité bilatéral d’investissementconclu le 7 septembre 1992 entre lesPays-Bas et la Pologne prévoit que lesinvestisseurs d’un des États contractants peuventsoumettre les litiges qui surgissent avecl’autre État contractant à un tribunal arbitralinternational.Suite à l’introduction de la procédurearbitrale par Eureko BV le 11 février 2003,un tribunal arbitral a été constitué. Il est composéde M. F. (président du tribunal arbitral),de M. S. et de M. R.Le siège de l’arbitrage est établi en Belgiqueet la procédure arbitrale est soumise au droitbelge.Le 19 août 2005, le tribunal arbitral a prononcéune sentence <strong>partie</strong>lle.16 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


Après un échange de courriers entre la Républiquede Pologne et l’arbitre S. le 28 septembre2005 (v. ci-après), la République dePologne a notifié le 7 octobre 2005 une demandeen récusation conformément aux dispositionsde l’article 1691, §1duCode judiciaire.L’arbitre S. a répondu par fax du 14 octobre2005 qu’il refusait de se déporter, le 17 octobre2005 M. F. a notifié le refus de M. S. àla République de Pologne qui a lancé citationen récusation de cet arbitre le 27 octobre2005.4. Même si Eureko BV ne demande pas quel’appel de la République de Pologne soit déclaréirrecevable, les <strong>partie</strong>s ont engagé undébat sur ce point.L’article 1691-2 du Code judiciaire dispose,concernant l’appel formé contre la décisiondu Tribunal de première instance : « (...) L’appelformé contre la décision du tribunal depremière instance est jugé conformémentaux dispositions des articles 843 à 847 duprésent Code ».Les articles 843 à 847 du Code judiciaire ontété abrogés par l’article 8 de la loi du 12 mars1998 modifiant le Code judiciaire et le Coded’instruction criminelle en ce qui concernela procédure en dessaisissement.Ces articles concernaient la procédure enmatière de récusation de magistrats et disposaient:« Article 843 du Code judiciaire : Celui quiveut appeler est tenu de le faire dans lescinq jours de la signification du jugement.Article 844 du Code judiciaire : Le dossierde la procédure est envoyé dans les troisjours par le greffier du tribunal au greffierde la Cour.Article 845 du Code judiciaire : Sur l’appel,le premier président fixe la cause à une prochaineaudience. Elle y est instruite, toutesaffaires cessantes. La cour peut entendre lejuge et les <strong>partie</strong>s ou statuer sur pièces. Leministère public est entendu en ses conclusions.Article 846 du Code judiciaire : Dans lesvingt-quatre heures de la prononciation del’arrêt, le greffier de la Cour renvoie le dossierau greffier du tribunal.Article 847 : Le greffier de la cour notifie l’arrêtsous pli judiciaire au juge et aux <strong>partie</strong>s ».Ces articles décrivaient la procédure d’appelcontre des décisions en matière derécusation de magistrats, procédure d’appelqui a été supprimée par la loi du 12 mars1998.En effet, l’article 7 de cette loi a modifié l’article838 du Code judiciaire comme suit :« Dans les trois jours de la réponse du jugequi refuse de s’abstenir, ou à défaut de réponsedans ce délai, l’acte de récusation etla déclaration du juge, s’il y en a, sont envoyéspar le greffier au procureur du Roi s’ils’agit d’un juge de paix ou d’un juge du tribunalde police, au procureur général prèsla Cour d’appel, s’il s’agit d’un membre duTribunal de première instance, du tribunaldu travail ou du Tribunal de commerce ; auprocureur général près la Cour de cassation,s’il s’agit d’un membre de la Cour d’appelou de la cour du travail, ou s’il s’agitd’un membre de la Cour de cassation.La récusation est jugée dans les huit joursen dernier ressort par le Tribunal de premièreinstance, par la Cour d’appel, par lacour du travail ou par la Cour de cassation,selon les cas, sur les conclusions du ministèrepublic, les <strong>partie</strong>s ayant été dûmentconvoquées pour être entendues en leursobservations ».(...)Or rien ne permet d’admettre que la possibilitéd’interjeter appel contre des décisionsen matière de récusation d’arbitres a égalementété supprimée.En effet, les articles 843 à 847 du Code judiciaireréglaient la procédure à suivre encas d’appel mais n’établissaient pas le droitd’interjeter appel et aucune disposition légalene prévoit que les jugements en matièrede récusation d’arbitres ne sont pasappelables (alors que l’article 838 du Codejudiciaire dit explicitement que la récusationest jugée en dernier ressort, v. ci-dessus), ensorte que les dispositions des articles 616 et1050 du Code judiciaire sont d’application.L’appel de la République de Pologne estdonc recevable.Il n’y a pas lieu à poser une questionpréjudicielle à la Cour constitutionnelle.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 17


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE5. Eureko BV invoque la nullité de la citationintroductive d’instance.Cette exception a été examinée et tranchéepar le premier juge dans le jugementinterlocutoire du 16 juin 2006 contre lequelaucune des <strong>partie</strong>s n’a interjeté appel.Partant, ce moyen est irrecevable.6. Après le prononcé en date du 19 août2005 de la décision <strong>partie</strong>lle du tribunalarbitral, le conseil de la République dePologne a adressé le 28 septembre 2005 uncourrier à l’arbitre S., précisant que son écritne constitue pas une notification au sens del’article 1691 du Code judiciaire. Elle fait valoirqu’entre le 19 août et le 28 septembre2005, elle a pris connaissance de plusieursfaits :— un article publié sur internet, sur le sitede l’American Lawyer Focus Europe Summer2005 et titre « Arbitration Scorecard : TreatyDisputes » fait mention notamment d’un arbitragequi l’oppose à la société Cargill, Inc.et précise que Cargill est représentée par D.Price et S. Alexandrov du cabinet SidleyAustin Brown and Wood à Washington DCet par M. S. Ce litige présente, selon la Républiquede Pologne, de grandes similitudesavec celui qui l’oppose à Eureko BVpuisqu’il porte également sur l’interprétationet l’application d’un Traité bilatéral d’investissementet que la République dePologne y est également défenderesse ;— le site internet du cabinet Sidley AustinBrown and Wood, que la République dePologne dit avoir consulté le 28 septembre2005, indique que le département de ce cabinetchargé des litiges internationaux inclutun ancien président de la Cour internationalede justice — ce qui parait, selon laRéepublique de Pologne, viser M. S.M. S. a répondu le même jour par courrierélectronique que les faits portés à la connaissancede la République de Pologne sont erronés.Il dit ne jamais avoir agi, à quel titre que cesoit, comme conseil ou en une autre qualitédans un arbitrage ou dans toute autre affairemenée par Cargill contre la Républiquede Pologne.Il maintient également ne pas être membre,ni d’ailleurs conseil externe du cabinet SidleyAustin Brown and Wood et précise que sonpropre bureau est indépendant de ce cabinet.La République de Pologne estime que le faitque M. S. intervient comme arbitre dans lacause qui l’oppose à Eureko BV et intervientégalement comme le conseil de sonadversaire dans une autre procédurearbitrale, qui serait similaire à l’arbitragecontre Eureko BV de surcroît, est de natureà soulever des doutes légitimes quant à l’indépendanceet l’impartialité de M. S. commearbitre dans la procédure contre Eureko BV.La République de Pologne fait égalementvaloir qu’elle est d’autant plus frappée parla découverte de ces informations qu’à aucunmoment M. S. n’a relevé dans le cadre del’arbitrage Eureko BV qu’il exercerait des activitésen collaboration avec le cabinet SidleyAustin Brown and Wood et que ce cabinetinterviendrait comme conseil de Cargill.Selon la République de Pologne, la réponsesommaire de M. S., qui ne fournit aucuneexplication quant aux informations découvertespar elle, ne suffisent pas à apaiser sesdoutes, et ce d’autant plus que d’autres élémentsles contredisent, à savoir :— Dans la revue de presse figurant sur lesite internet du cabinet Sidley Austin Brownand Wood, la République de Pologne a prisconnaissance d’un communiqué de pressedu 21 mai 2002 qui annonce l’arrivée de M.S. dans les bureaux du cabinet.Ce communiqué qui reprend les déclarationsde M. S. et de M. P. (Conseil de Cargill,v. ci-dessus), précise notamment que M. S.n’est ni salarié, ni membre du cabinet, qu’ilexercera sa nouvelle activité en donnant àla clientèle internationale du cabinet desconseils en matière de droit international etde règlement de différends et que M. S. atravaillé avec M. Price et les clients du départementdepuis son départ de la Cour internationalede justice en 2000.— Il ressort d’une visite dans les bureauxdu cabinet Sidley Austin Brown and Wooden date du 29 septembre 2005 qu’il est impossibled’accéder au bureau de M. S. sanspasser par la réception du cabinet SidleyAustin Brown and Wood (déclaration[affidavit] de M. R. Bregman, associé du cabinetSalans à New York).18 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


La République de Pologne affirme que cesdifférentes informations ont rétrospectivementravivé les doutes qu’elle avait éprouvésquant à l’impartialité de M. S. lors desaudiences précédant le prononcé du 19 août2005 lors desquelles M. S. s’était montré, selonelle, particulièrement déterminé à contrediresa position, allant même jusqu’à poseraux différents témoins et à ses conseils desquestions que l’on aurait plutôt attenduesdes conseils d’Eureko BV.La République de Pologne précise que sielle n’avait, à ce stade, pas eu de doutessuffisants pour justifier une demande enrécusation, cette attitude de M. S. l’avait cependantconduit à exprimer au tribunalarbitral son inquiétude à ce sujet à la fin desaudiences.Il apparaît à la lecture de la retranscriptiondes audiences que cette « inquiétude » a étéexprimée ainsi (traduction libre) : « Monsieurle président, puis-je vous remercierpour votre présidence équilibrée et le tribunalpour ses nombreuses questions. J’ai étéen mesure de rassurer mes clients en leurindiquant que le fait que les membres dutribunal posent des questions difficiles estun signe qu’ils sont intéressés par l’affaire.Je fais moi-même la même chose, commeM. S. a pu, je le pense, en faire l’expérienceà l’occasion de ses débuts en qualité deconseil international. Comme je l’ai dit, celanous aide à présenter nos arguments, doncje suis capable de répondre, je l’espère, auxpréoccupations qui ont été soulevées ».Par la suite, après le courrier échangé avecM. S., la République de Pologne a pu constater:— que sur le site internet du cabinet SidleyAustin Brown and Wood, le 6 octobre 2005déjà, toute référence à un ancien présidentde la Cour internationale de justice avait étésupprimée dans la description de l’équipedu cabinet Sidley Austin Brown and Woodchargée des litiges internationaux ;— que le communiqué de presse du 21 mai2002 avait été retiré de la revue de pressedu cabinet Sidley Austin Brown and Wood,alors même qu’elle n’avait pas évoqué l’existencede celui-ci auprès de M. S. ;— que depuis le 29 novembre 2005 la listedes locataires figurant à l’entrée de l’immeubleoccupé par le cabinet Sidley AustinBrown and Wood et M. S. avait été modifiée;— que la revue « American Lawyer FocusEurope » a publié une rectification concernantl’arbitrage « Cargill » selon laquelle « Cetteenquête reprenait à l’origine M. S. deWashington, DC, comme conseil du demandeurdans l’affaire Cargill, Inc. c/ Républiquede Pologne. La source qui a communiquécette information a informé TheAmerican Lawyer qu’il s’agissait d’une erreur,et que M. S. n’avait aucune implicationdans cette affaire ».La République de Pologne s’interroge surl’identité de la personne ayant demandé cetterectification et précise que ses doutes quantà l’impartialité et à l’indépendance de M. S.seront renforcés par d’autres éléments qu’ellen’a découverts qu’après l’introduction de laprocédure, voire en degré d’appel (l’affaireVivendi - conflits d’intérêts verticaux, v.infra).La République de Pologne fait égalementvaloir que les mesures prises par le cabinetSidley Austin Brown and Wood pour fairedisparaître toute trace des relations existantavec M. S., loin de dissiper ses doutes, n’ontfait que les conforter.7. Eureko BV invoque l’article 1691-1 duCode judiciaire selon lequel la récusation doitêtre notifiée aux arbitres aussitôt que le récusanta eu connaissance de la cause derécusation et soutient qu’en l’espèce la Républiquede Pologne connaissait de longuedate les éléments qu’elle invoque à l’appuide sa demande de récusation.Eureko BV en déduit que la demande enrécusation est irrecevable.Or il découle des arguments qu’Eureko BVdéveloppe sur ce point qu’elle ne prouvepas que la République de Pologne ait découvertles informations en question avantla fin du mois de septembre 2005 maisqu’elle estime que celle-ci en était nécessairementau courant puisqu’il s’agit de donnéesqui étaient dans le domaine public depuislongtemps ou que la République dePologne ou ses conseils devaient nécessairementles connaître.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 19


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEEn l’espèce, ces informations ne sont pasdes faits notoires dont il est certain qu’ilssont connus par un grand nombre de personneset les éléments invoqués par EurekoBV pour soutenir que la République dePologne ou ses conseils devaient nécessairementau courant de certains faits ne leprouvent pas à suffisance de droit.La citation du 7 octobre 2005 ne peut dèslors être considérée comme tardive.La demande en récusation est dès lors recevable.Sur ce, la Cour :8. L’article 1690-1 du Code judiciaire disposeque les arbitres peuvent être récuséss’il existe des circonstances de nature à souleverdes doutes légitimes sur leur impartialitéou leur indépendance.8.1. L’attitude de M. S. lors des audiences dutribunal arbitral, les questions posées par lui,auraient dû, si elles constituaient pour la Républiquede Pologne un motif de récusation,être invoqués immédiatement en tant quemoyen de récusation, et non pas plusieursmois plus tard dans le cadre de la procédureen récusation (C. jud., art. 1691-1).En outre, il n’apparaît pas à la lecture desextraits de la retranscription des audiences(dossier de la République de Pologne, pièce5) que M. S. aurait manifesté un parti pris.8.2. M. S. conteste être intervenu dans l’affaireCargill et l’American Lawyer Focus Europea publié une rectification quant à ce.La République de Pologne, qui a la chargede la preuve, n’établit pas le contraire. Il n’estpas démontré que M. S. serait intervenu,officiellement ou officieusement.8.3. Des membres du cabinet Sidley AustinBrown and Wood interviennent commeconseils de Cargill dans la procédure d’arbitragede cette société contre la Républiquede Pologne.M. S. est arbitre dans une autre procédured’arbitrage dans laquelle la République dePologne intervient également.Même si M. S. était associé du cabinet SidleyAustin Brown and Wood, ce qu’il contestede manière motivée, les faits susmentionnésne justifieraient pas sa récusation.Il est en effet inconcevable que l’attitude psychologiquequ’ont des membres du cabinetSidley Austin Brown and Wood, dans leurperception de la République de Polognepuisse être transférée sur M. S. en sa qualitéd’arbitre.Le fait que M. S. et certains membres ou lesmembres du cabinet Sidley Austin Brownand Wood soient en relation d’affaires, quellequ’elle soit, est sans pertinence. L’importantest qu’il s’agit de personnes différentes avecchacune sa propre psychologie.On ne peut accepter que M. S. en sa qualitéd’arbitre soit influence par le fait que desmembres du cabinet Sidley Austin Brownand Wood considèrent la République dePologne comme leur adversaire. En tantqu’arbitre, M. S. a sa propre intégrité professionnellequi, lorsqu’il est arbitre ; peutêtre considérée comme plus importante queles sensibilités et les buts qu’il poursuit entant qu’avocat, et qu’il peut partager avecles membres du cabinet Sidley Austin Brownand Wood (Bruxelles, 14 janvier 2003, RDJP2003, p. 380)Le fait que les deux litiges portent sur desquestions proches n’infirme pas ces constatations.8.4. En tout état de cause, l’on ne peut considérerque le cabinet Sidley Austin Brownand Wood est le cabinet de M. S., ni que M.S. n’est pas indépendant de ce cabinet.Preuve en est qu’aussi bien M. S. que cabinetSidley Austin Brown and Wood n’ontpas seulement un bureau à Washington, DCmais également à Londres et que ces dernierssont situés à des adresses différenteset n’ont aucun lien.Preuve en est également que dans plusieursarbitrages, M. S. et M. Price, du cabinet SidleyAustin Brown and Wood, ont siégé commecoarbitres, chacun d’eux ayant été désignépar une des <strong>partie</strong>s, ce qui implique qu’ilssont indépendants l’un de l’autre.Les faits invoqués par la République dePologne ne démontrent pas autre chose : ilexiste entre M. S. et les membres du cabinetSidley Austin Brown and Wood des relationsprofessionnelles, certes, mais le cabinetSidley Austin Brown and Wood n’est pasle cabinet de M. Schwebwl, qui garde sonindépendance à l’égard de ce cabinet.20 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


Le communiqué de presse du 21 mai 2002(v. supra) est très clair à cet égard puisqu’ily est précisé que M. S. n’est ni salarié, nimembre du cabinet Sidley Austin Brown andWood. Cette même constatation vaut égalementpour le faire-part annonçant l’installationdes bureaux de M. S. dans le bâtimentoù sont établis les bureaux du cabinetSidley Austin Brown and Wood.La circonstance, également mentionnée dansce communiqué de presse, que M. S. donnedes conseils aux clients du cabinet SidleyAustin Brown and Wood, ne met pas sonindépendance en question, même pas s’illoue ses bureaux du cabinet Sidley AustinBrown and Wood et même pas si ce faitimplique une rétribution financière puisquela République de Pologne n’établit pas qu’ilen découlerait en l’espèce une quelconquedépendance financière de M. S. à l’égard ducabinet Sidley Austin Brown and Wood.8.5. Comme il n’est pas démontré que M. S.est intervenu dans l’affaire Cargill et qu’il nepeut être admis que le cabinet Sidley AustinBrown and Wood est le cabinet de M. S., nique M. S. n’est pas indépendant de ce cabinet,il est sans importance que M. S. n’ait,en sa qualité d’arbitre, pas averti la Républiquede Pologne de ses relations professionnellesavec cabinet Sidley Austin Brownand Wood ou certains membres de ce cabinetet qu’à l’occasion du fax du 28 septembre2005 de la République de Pologne,certaines rectifications concernant les informationssur ces relations professionnelles ontété effectuées.À juste titre Eureko BV souligne que les instructionsde l’IBA (<strong>International</strong> Bar Association)indiquent que si des liens tels qu’invoquéspar la République de Républiquede Pologne existent mais ne sont pas divulgués,cette circonstance comme telle ne doitpas conduire automatiquement à unerécusation.Seul les faits ou circonstances en soi qui n’ontpas été divulgués peuvent avoir cette conséquence(v. : directives de l’IBA sur les conflitsd’intérêts dans l’arbitrage international, annexe12, p. 367-368) — ce qui n’est pas lecas en l’espèce comme il a été exposé cidevant.8.6. Il découle de ce qui précède que lesautres considérations des <strong>partie</strong>s concernantles liens professionnels entre M. S. et lecabinet Sidley Austin Brown and Wood sontsans pertinence et qu’il n’y a pas lieu decondamner M. S. à la production de certainespièces comme demandé par la Républiquede Pologne.Est également sans pertinence, le faitqu’après l’envoi du fax du 28 septembre 2005de la République de Pologne, certaines rectificationsont été effectuées (sur le siteinternet du cabinet Sidley Austin Brown andWood, dans l’American Lawyer Focus Europe,etc., v. supra). Telle circonstance nepourrait être admise comme de nature à souleverdes doutes légitimes sur l’impartialitéou l’indépendance de M. S. que s’il devaitêtre établi que les données rectifiées sontelles-mêmes de nature à soulever de telsdoutes, or il n’en est rien.9. En degré d’appel, la République dePologne invoque un nouveau motif derécusation, à savoir le fait que M. S. se trouvedans une situation de conflit d’intérêts verticauxpuisqu’il siège comme arbitre dans laprocédure Eureko et intervient commeconseil de la société Vivendi aux côtés ducabinet Sidley Austin Brown and Wood dansune procédure de cette société contre la Républiqued’Argentine.Selon la République de Pologne, M. S. auraittenté de tirer profit de sa qualité d’arbitredans le litige Eureko pour trancher, par lasentence <strong>partie</strong>lle du 19 août 2005, des questionsde droit international public controverséespour s’y référer, comme conseil, dansl’affaire Vivendi.En invoquant cette cause de récusation pourla première fois en degré d’appel, la Républiquede Pologne a méconnu le déroulementde la procédure prévu à l’article 1691-1et 2 du Code judiciaire en sorte que ce nouveaumotif de récusation ne peut être admis.Le raisonnement de la République dePologne qu’il ne s’agit pas d’un moyen derécusation à part entière mais d’un élémentétroitement lié à la question des relationsentre M. S. et le cabinet Sidley Austin Brownand Wood est inexact, le conflit d’intérêtsverticaux dont question est lié à l’interven-En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 21


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEtion de M. S. dans l’une et dans l’autre affairedans des qualités différentes.Cette observation de la République dePologne n’infirme donc pas la constatationque ce motif de récusation ne peut être admisdans le cadre du présent litige en degréd’appel.10. Il découle de ce qui précède que l’appelest recevable mais non fondé.Par ces motifs :La Cour, statuant contradictoirement ;Vu l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 surl’emploi des langues en matière judiciaire ;Déclare l’appel de la Républiqu de Polognerecevable mais non fondé.Condamne la République de Pologne auxdépens, liquidés à 186 Q + 242,94 Q dans lechef de la <strong>partie</strong> appelante et liquidés à242,94 Q R dans le chef de Eureko et M. S.(...)(20) Article 3.1.2. de la liste orange des instructions del’IBA sur les conflits d’intérêt du 22 mai 2004, Rev. arb.2004. 991, obs. Th. Clay.(21) Cass. civ. 2 e , 22 novembre 2001, D. 2003, somm.2472, obs. Th. Clay ; Cass. civ. 1 e , 6 décembre 2001,Rev. arb. É. Loquin ; D. 2003, somm. 2472, obs. préc. ;et sur renvoi : Paris 2 avr. 2003, Rev. arb. 2003.1231 (2 eesp.), note E. Gaillard ; D. 2003, somm. 2472, préc.Adde Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traitéde l’arbitrage commercial international. Litec, 1996,spéc. n o 1090-1095 ; M. Henry, Le devoird’indépendance de l’arbitre, préface de P. Mayer, LGDJ,coll. Bibliothèque de droit privé, T. 352, 2001, spéc.n o 354 ; Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard,Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 2,2001, spéc. n os 396 et s.(22) Article 1690.1 du Code judiciaire belge.(23) CA Paris, 28 avril 1988, Rev. arb. 1989. 280, note L.Idot (sur une autre question) ; CA Paris, 5 juillet 1990,Rev. arb. 1991. 359, note B. Moreau.(24) Cf. paragraphe 8.3 de la décision.NOTESi le thème de l’indépendance etde l’impartialité de l’arbitre nesemblait plus susciter l’intérêt qu’ilconnaissait naguère, l’arrêt de laCour d’appel de Bruxelles du 29 octobre2007 risque bien de le raviver.En l’espèce, la République de Polognedemandait la récusation de l’arbitre choisipar son adversaire car celui-ci avait participéà un précédent arbitrage commeconsultant ou conseil d’une autre sociétéopposée à la République de Pologne etdont le litige présentait de grande similitudesavec l’actuel puisqu’il portait surl’interprétation et l’application du mêmetraité bilatéral d’investissement. L’arbitren’ayant pas révélé ce fait que la Républiquede Pologne avait appris tardivement,il existerait des doutes légitimes sur sonindépendance.Malgré ces éléments pour le moins troublants,la Cour d’appel de Bruxelles rejetala demande de récusation, au terme d’unraisonnement atypique et en deux temps.Les juges ont considéré d’une part que lemanquement au devoir d’indépendancede l’arbitre ne remettait pas en cause sonimpartialité. D’autre part, que ce manquementn’avait pas été prouvé par la<strong>partie</strong> demanderesse.Le raisonnement et la motivation de lajuridiction bruxelloise ne sont pas exemptsde critiques. En premier lieu, le manquementà l’indépendance n’est pas retenualors qu’il aurait pu, dû l’être (I). Ensecond lieu, on relève une confusion entreles notions d’indépendance et d’impartialité(II).I Si le lien entretenu entre l’arbitre et lecabinet d’avocats ne constitue pas nécessairement,en soi, une cause de récusation,en revanche, la non divulgation decette information devrait normalementaboutir à la récusation de l’arbitre. C’estd’ailleurs ce que prévoient les Guidelinesde l’<strong>International</strong> Bar Association sur lesconflits d’intérêts (20). La jurisprudenceayant désormais décidé que l’absence derévélation devait en principe entraîner, àelle seule, l’annulation de la sentence arbitrale(21), il eût été plus pertinent derécuser l’arbitre a priori afin d’éviter quela sentence soit annulée ultérieurement.Malgré cela, les juges de la Cour d’appelde Bruxelles n’ont pas considéré le faitque l’arbitre ait celé le liens avec le cabinetd’avocats <strong>partie</strong> au précédent arbitragepuisse constituer une cause de récusation.Il semble pourtant que, au vudes éléments de fait rapportés, le doutelégitime sur l’indépendance de l’arbitre,eut pu justifier la récusation de cet arbitre.Le doute légitime étant en soi unecause de récusation suffisante en droitbelge (22) comme en droit français (23).II Concernant la confusion entre les notionsd’indépendance et d’impartialité del’arbitre, la juridiction de Bruxelles énoncedans ses motivations que les liens existantsentre ledit arbitre et le cabinet d’avocatsn’ont aucune influence sur sa « psychologie» (24) dans sa mission d’arbitre.Cette référence ne peut être rattachée22 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................qu’à l’impartialité, et la doctrines’y est d’ailleurs déjà référée envisant le devoir d’impartialité del’arbitre (25). L’impartialité est uncritère subjectif (26) qui ressortit à l’éventuelparti pris de l’arbitre vis-à-vis del’une des <strong>partie</strong>s, alors que l’indépendanceest un critère objectif (27) visant larelation entre l’arbitre et les <strong>partie</strong>s ouleurs conseils.En l’espèce, la Cour d’appel estime que sile manquement au devoir d’indépendancede l’arbitre est avéré, celui-ci ne met pasen cause son impartialité, alors que c’estexactement le contraire qu’il eût fallufaire. L’impartialité, par sa subjectivité,ne peut être contrôlée par le juge étatique,seule l’indépendance peut l’être. Et celle-cis’examine à l’aune de la déclarationd’indépendance initiale. En l’espèce, ladéclaration était pour le moins lacunaire,l’arbitre devait donc être récusé. On sedemandera même, compte tenu de la gravitédu lien dissimulé, si une action enresponsabilité civile contractuelle n’auraitpas pu être légitimement intentée contrecet arbitre particulièrement indélicat.Tammam KAÏSSIAncien étudiant du master professionnelarbitrage et commerce internationalVI. VARIATIONS SUR LE PRINCIPE DE L’ESTOPPEL DANS L’ARBITRAGEINTERNATIONALCA Paris, 20 septembre 2007 : Société Baste (RG n o 05/21985) (1 re espèce)CA Paris, 8 novembre 2007 : Selafa MJA (RG n o 06/07417) (2 e espèce)En vertu de la règle de l’estoppel, la <strong>partie</strong> qui a excipé avec succèsdevant le juge étatique de l’existence d’une convention d’arbitrageest irrecevable à soulever l’absence de convention d’arbitrage pourobtenir l’annulation de la sentence sur le fondement del’article 1502-1° du Code de procédure civile (1 re espèce).La règle de l’estoppel s’oppose à ce que le liquidateur judiciaired’une société, dûment informé de l’existence d’une procédurearbitrale impliquant cette société et invité à y présenter sesobservations, fasse valoir pour la première fois devant le juge del’exequatur que la sentence arbitrale est nulle pour défaut de miseen cause du liquidateur judiciaire ès-qualités par voie de citation oud’assignation en intervention forcée par exploit d’huissier ; la règlede l’estoppel s’oppose encore à ce que le liquidateur judiciaire qui,informé de la procédure arbitrale, ne s’y est pas opposé, se prévaled’une violation du principe du contradictoire aux motifs que lasentence indique avoir été rendue « sans organisation de débatscontradictoires », alors qu’il ressort des pièces de la procédureque toutes les <strong>partie</strong>s, y compris le liquidateur judiciaire dûmentinformé, ont renoncé à la phase orale de la procédure (2 e espèce).MOTS-CLÉSSentence arbitrale. Recours en annulation. Estoppel. Irrecevabilité du moyen denullité. Violation de l’ordre public international.(25) Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traité del’arbitrage commercial international, op. cit., spéc. n on o 1033.(26) Th. Clay, L’arbitre, op. cit., spéc. n o 292 ; Ph.Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traité del’arbitrage commercial international, op. cit., spéc.n o 1028 ; M. de Boisséson, Le droit de l’arbitrageinterne et international, préface de P. Bellet, GLN Joly1990, spéc. n o 770.(27) CA Paris, 28 juin 1991, Rev. arb. 1992, p. 568, noteBellet ; US supreme court, 18 novembre 1968, Rev. arb.1969, p. 69.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 23


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE1 re espèce :La Cour :(...)La société de droit français Baste a introduitle 10 novembre 2005 un recours en annulationà l’encontre d’une sentence arbitralerendue à Paris le 8 août 2005 par M. Guigue,arbitre unique, lequel l’a condamnée à payerà la société Lady Cake la somme en principalde 266.663,38 Q outre les intérêts légauxà compter de la mise en demeure du26 juillet 2001 avec capitalisation des intérêtssur le fondement de l’article 1154 duCode civil et une somme de 15.000 Q au titredes frais irrépétibles, a débouté la sociétéLady Cake du surplus de ses demandeset condamné la société Baste aux dépens.Au soutien de son recours, la sociétéBaste soulève deux moyens d’annulation,l’absence de convention d’arbitrage (NCPC,art. 1502-1°), le non-respect du principe dela contradiction (NCPC, art. 1502-4°). Elle demandede condamner la société Lady Cakeaux dépens et à lui verser une somme de10.000 Q au titre de l’article 700 du nouveauCode de procédure civile.La société Lady Cake GmbH, une société dedroit allemand, demande de rejeter le recours,de confirmer l’ordonnanced’exequatur de la sentence rendue par leprésident du Tribunal de grande instancede Paris le 12 septembre 2005, de condamnerla société Baste, outre aux dépens, à luiverser une somme de 10.000 Q par applicationdes dispositions de l’article 700 du nouveauCode de procédure civile.Sur ce, la Cour :Sur le premier moyen d’annulation pourabsence de convention d’arbitrage (article1502-1° du nouveau Code de procédurecivile) :La société Baste dit que l’arbitre unique astatué sans convention d’arbitrage, rienn’étant prévu dans le contrat d’importationet de distribution exclusive conclu avec lasociété Lady Cake, où seule une médiationétait envisagée. Elle ajoute qu’à l’issue de lamédiation tentée par M. Guigue, aucun compromisn’a jamais été signé ;Considérant que le Tribunal de grande instancede Colmar, saisi par la société LadyCake d’une demande au fond en paiementaprès la résiliation du contrat d’importationet de distribution, a, accueillant l’exceptiond’irrecevabilité soulevée par la société Bastesur la base de l’article 13 dudit contrat intitulé« Compétence judiciaire », clause que lasociété Baste a déclaré être une clause d’arbitrageinternational, aux termes de laquelle: « En cas de litige, un tiers indépendantet expert en la matière devra être désigné,chargé d’arriver à un règlement àl’amiable. Si un règlement à l’amiable est impossible,la compétence judiciaire est la Courinternationale de justice de la Haye », ordonnéla suspension de la procédure en attendantl’issue de l’arbitrage ;Considérant que la société Lady Cake a alorsdemandé au président du Tribunal degrande instance de Paris, au titre de son rôlede juge d’appui d’après l’article 1493 du nouveauCode de procédure civile, la désignationd’un arbitre, que par ordonnance du17 septembre 2004, M. Guigue a ainsi éténommé arbitre unique ;Que celui-ci, à la demande des <strong>partie</strong>s, ad’abord organisé une médiation selon unprocès-verbal du 17 novembre 2004, puisaprès l’échec de cette procédure, a, selonprocès-verbal du 16 mars 2005, constaté queles <strong>partie</strong>s « sont tombées d’accord pour noussaisir comme arbitre » ;Qu’en vertu de la règle de l’estoppel, la sociétéBaste est irrecevable à soulever l’absencede convention d’arbitrage après avoirexcipé devant le juge étatique de l’existenced’une telle convention dans le contrat d’importationet de distribution exclusive, que lepremier moyen ne peut être accueilli ;Sur le second moyen d’annulation pournon respect du principe de la contradiction(article 1502-4° du nouveau Code deprocédure civile) :La société Baste dit qu’elle n’a eu communicationd’aucun calendrier de procédure nide l’argumentation ou des pièces de la sociétéLady Cake ;Considérant que lors de la reprise de la procédured’arbitrage après l’échec de la phasede médiation, le conseil de la société Baste,invité par l’arbitre à rédiger ce qu’il appelleun « compromis d’arbitrage » et à fixer un24 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


calendrier de la procédure, a répondu qu’iln’avait pas de pouvoir pour représenter sacliente à cet effet, que l’arbitre unique s’estalors adressé directement au représentant légalde la société Baste pour lui rappeler lesprétentions de la société Lady Cake, tout enindiquant que la procédure se poursuivraiten tout état de cause ;Qu’aucune violation du principe de lacontradiction ne résulte du refus de la sociétéBaste, à qui son adversaire avait communiquéses prétentions et pièces, de participerà la rédaction d’un acte de mission etaux opérations d’arbitrage subséquentes, lesecond moyen d’annulation est égalementrejeté ;Considérant que l’ordonnance d’exequaturne pouvant faire l’objet d’un appel en matièred’arbitrage international, sa confirmationcomme le réclame la société Lady Cakeest non seulement impossible mais sans intérêtpuisque le rejet du recours confèrel’exequatur à la sentence ;Sur les dépens et l’article 700 du nouveauCode de procédure civile :Considérant que la société Baste supporteles dépens sans pouvoir réclamer une indemnitéau titre de l’article 700 du nouveauCode de procédure civile sur le fondementduquel elle verse une somme de 10.000 Q àla société Lady Cake ;Par ces motifs :Rejette le recours en annulation ;Condamne la société Baste à verser à la sociétéLady Cake GmbH une somme de10.000 Q au titre de l’article 700 du nouveauCode de procédure civile,Rejette toute autre demande des <strong>partie</strong>s ;Condamne la société Baste aux dépens etadmet la SCP Bolling, Durand, Lallemant,avoué, au bénéfice du droit prévu par l’article699 du nouveau Code de procédure civile;(...).2 e espèce :La Cour :(...)Le 21 avril 2006, la Selafa MJA agissant en lapersonne de M e Penet-Weiller, ès qualitésde mandataire judiciaire de la SA Jean-Lionet Cie, a interjeté appel d’une décisiond’exequatur rendue le 20 février 2006 parle président du Tribunal de grande instancede Paris d’une sentence arbitrale prononcéeà Londres le 9 février 2004 sous le n o 2188par un tribunal arbitral siégeant sous les auspicesde la Refined Sugar Association. Lesarbitres M. M. O’Mahony et Duncan, et,Toffer, président, statuant sur la base de laclause compromissoire de trois contrats devente de sucre cristallisé blanc passés enmars-avril 2001 entre la société Jean Lion etla société <strong>International</strong> Compagny for CommercialExchange (« Income »), ont, selon latraduction de la sentence effectuée par untraducteur assermenté :— ordonné à Jean Lion de verser immédiatementà Income la somme de4.662.000,00 USD de dommages-intérêts résultantde l’achat par Income de sucre deremplacement ainsi que la somme de325.736,00 USD à titre d’intérêts, calculés sanscapitalisation au taux de 3 % par an, conformémentau calendrier ci-joint ;— ordonné également à Jean Lion de verserimmédiatement à Income la somme de271.765,33 USD correspondant aux frais inutilesde lettres de crédit ouvertes en sa faveur,ainsi que la somme de 18.820,00 USDà titre d’intérêts, calculés sans capitalisationau taux de 3 % par an, à compter du1 er novembre 2001 inclus et jusqu’à la datede la présente sentence inclus (831 jours) ;— ordonné également à Jean Lion de payerdes intérêts sur la somme de 5.278.321,33USD, calculés sans capitalisation au taux de3 % par an, à compter du lendemain de ladate de la présente sentence et jusqu’à completpaiement ;— ordonné également à Jean Lion de payerles frais de l’Association du Sucre Raffiné relatifsà la présente sentence que nous avonsfixés à la somme de 44.700,00 £ hors TVA,sachant que si Income a initialement pris àsa charge tout ou <strong>partie</strong> desdits frais, elleEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 25


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEsera en droit d’en obtenir immédiatement leremboursement auprès de Jean Lion ;— ordonné enfin à Jean Lion de payer àIncome les frais d’arbitrage, lesquels devrontêtre calculés selon les modalités habituelleset fixés par la High Court, en casde désaccord, les arbitres ayant dit qu’ilsn’exerceraient pas le pouvoir qui leur estconféré de fixer eux-mêmes les dits frais.M e Penet-Weiller, ès qualités, demande derejeter des débats les pièces n os 52 et 53 del’intimée qui n’ont pas été traduites en français,conclut à la nullité de l’ordonnanced’exequatur pour deux moyens, le nonrespectdu principe de la contradiction(NCPC, art. 1502-4°) et la contrariété de lareconnaissance ou de l’exécution à l’ordrepublic international (NCP, art. 1502-5°). Elledemande de condamner la société Incomeà lui payer une somme de 10.000 Q au titrede l’article 700 du nouveau Code de procédurecivile et à supporter les dépens.La société Income demande qu’on lui donneacte, qu’en déclarant sa créance au passifde la société Jean Lion, elle a renoncé à poursuivrel’exécution de la sentence et conclutà la confirmation de l’ordonnanced’exequatur, à la condamnation de M ePenet-Weiller à lui payer une somme de150.000 Q à titre de dommages et intérêtspour procédure abusive, à payer uneamende sur la base de l’article 559 du nouveauCode de procédure civile, une sommede 50.000 Q au titre de l’article 700 du nouveauCode de procédure civile, ainsi qu’auxentiers dépens en appliquant l’article 698 dece même Code.Sur ce, la Cour :Considérant qu’il revient de rejeter des débatsles pièces 52 et 53 non traduites qui ontété versées par la société Income ;Sur le non-respect du principe de lacontradiction et la contrariété de la reconnaissanceet de l’exécution de la sentenceà l’ordre public international(NCPC, art. 1502-4° et 5°) :M e Penet-Weiller, ès qualités, soutient quel’ordre public international a été contrariépar la violation de deux principes :— le principe de la suspension des poursuitesindividuelles pour défaut de mise encause des organes de la procédure collectiveet violation de la règle relative à l’interdictionde prononcer une condamnation àl’encontre d’une personne morale faisantl’objet d’une procédure collective ;— le principe du contradictoire qui s’il serattache incontestablement à la notion d’ordrepublic international, constitue égalementune cause distincte de refus d’exécutionau visa de l’article 1502-4° du nouveauCode de procédure civile.Considérant que la Refined Sugar Association,devant qui la procédure d’arbitrage étaitouverte depuis le 5 octobre 2001, a été informéele 23 mai 2003 par les conseils de lasociété Income de la nomination par la justiceconsulaire à Paris le 20 précédent, deM e Penet-Weiller en tant que représentantdes créanciers de la société Jean Lion et dela déclaration de créance effectuée ce mêmejour, la procédure d’arbitrage pouvant doncse poursuivre ; que le 2 juillet suivant, laRefined Sugar Association a été informée dela nomination de M e Penet-Weiller en qualitécette fois de liquidateur de la société JeanLion ;Considérant que M e Penet-Weiller en tantqu’associé de la Selafa MJA a été destinatairedes correspondances échangées entrele conseil de la société Income et M e Meillel’administrateur judiciaire de la société JeanLion, le 23 mai 2003 pour s’assurer de lacontinuité de la défense des intérêts de lasociété à l’audience du 16 juin suivant, et dela réponse du 28 mai 2003, où M e Meilleécrivait : « Il importe que mon administréesoit bien représentée dans le cadre de laprocédure d’arbitrage qui débute lundi16 juin 2003 (...) je demande à M e Lucheux,avocat de la société, de veiller à sa représentation» ;Et puis, après la nomination de celle-ci entant que liquidateur, des documents relatifsà la procédure d’arbitrage expédiés le27 août 2003 à la Selafa MJA et de toute informationsur les étapes de la procédure,une lettre du 20 octobre 2003 de la RefinedSugar Association invitant même M e Penet-Weiller expressément à prendre contact etse mettant à sa disposition pour obtenir touteinformation ou tout document ;26 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


Que la sentence rappelle d’ailleurs ses différentesétapes de la procédure :« 10. Le 20 octobre 2003, l’Association aadressé un fax à Slaughter & May [le conseilà l’arbitrage de la société Income] ainsi qu’àM e Penet-Weiller les informant que l’affaireserait examinée le 20 novembre 2003 sur labase de documents écrits uniquement etmentionnant les noms des arbitres nomméspar le Conseil ainsi que ceux de leurs avocats.Dans son fax, l’Association a clairementindiqué à M e Penet que si elle souhaitaitobtenir toute information relative àl’arbitrage ou la copie de tout document,elle devait contacter le secrétaire qui l’assisteraitdans toute la mesure du possible.Aucune demande d’assistance, ni mêmeaucune réponse n’a été reçue de M e Penet.11. Nous sommes certains, au vu de l’ensemblede la correspondance, que M e Penet-Weiller et M e Meille, antérieurement ont ététenus pleinement informés de l’avancementde la procédure d’arbitrage, ont reçu copiede l’ensemble des mémoires, moyens depreuve et autres documents produits parIncome dans le cadre du présent arbitrageet ont eu la possibilité d’y prendre part. Dansces circonstances, nous estimons qu’il étaitlégitime de tenir audience le 20 novembre2003 et de rendre une sentence sur le fondementdes documents mise à notre disposition» ;Considérant que si M e Penet-Weiller n’a pasl’obligation de comparaître dans la procédured’arbitrage, elle ne peut en revanchese tenir en embuscade pour soutenir, unefois la sentence rendue et notifiée, que sareconnaissance et son exécution sont impossiblesparce que la Selafa MJA, en sa personneès qualités, n’a jamais été dûment miseen cause, et qu’aucune citation, assignationen intervention forcée par exploit d’huissierne lui a été adressé depuis Londres dans lesconditions des articles 68 ou 373 du nouveauCode de procédure civile française, quesi elle croyait en la force de conviction detels arguments, il lui aurait d’ailleurs appartenude le dire pendant la procédurearbitrale, la règle de l’estoppel s’opposant àce qu’elle puisse se découvrir pour la premièrefois devant le juge de l’exequatur ;que M e Penet-Weiller ne peut ainsi faireaucune démonstration d’un quelconque rapportentre les griefs qu’elle propose et la violationdu principe de suspension des poursuitesindividuelles ;Considérant que l’appelante se réfugie ensuitepour faire échec à l’insertion de la sentencedans l’ordre juridique français derrièrela mention du dispositif de la sentenceoù les arbitres ont « ordonné » à la sociétéJean Lion de verser certaines sommes à titrede dommages et intérêts et de frais à la sociétéIncome, mais que pour réaliser uneviolation de l’ordre public international, lareconnaissance ou l’exécution de la sentencedoit y contrevenir de manière notammenteffective et concrète, ce qui n’est pasle cas ici d’une violation purement formellede l’impossibilité de prononcer une condamnationà l’encontre d’une personne moraleliquidée ; qu’en l’espèce la règle de l’égalitédes créanciers n’est pas méconnue puisquela société Income a produit à la liquidationde la société Jean Lion et demande de luidonner acte de ce qu’elle ne reprend pasl’exécution de la sentence ;Considérant que les mentions récapitulativesde la procédure dans la sentence indiquentencore, qu’après report de l’audienceinitialement prévue le 16 juin 2003 à la demandede Jean Lion en raison du jugementd’ouverture :« 8. Le 5 juin 2003, [le conseil de la sociétéIncome] a adressé un fax à l’Association indiquantclairement qu’étant donné les fraisassociés à la tenue de débats contradictoires,il ne voyait aucun inconvénient à ceque le tribunal tranche le litige sur la basede documents écrits uniquement. En adressantcopie de leur fax à [l’administrateur judiciaire,le conseil de la société Income] asollicité l’accord de Jean Lion sur ce point.L’Association a répondu le même jour parfax en confirmant que le tribunal procéderaità l’examen de cette affaire sans organiserde débats contradictoires à moins qu’ellene reçoive, au plus tard le 12 juin 2003, unavis contraire de la part de Jean Lion ou deses représentants. Aucun avis contraire n’aété reçu par l’Association avant l’expirationdu délai ainsi fixé » ;Que les courriers échangés au sujet du reportde l’audience de plaidoiries initialementEn ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 27


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(28) Sur le principe, v. en particulier : H. Muir Watt,Pour l’accueil de l’estoppel en droit privé français, inL’internationalisation du droit, Mélanges en l’honneurde Yvon Loussouarn, Dalloz, 1994, p. 303 ; Ph. Pinsolle,Distinction entre le principe de l’estoppel et le principede bonne foi dans le droit du commerce international,Clunet 1998.905 ; G. Robin, Le principe de bonne foidans les contrats internationaux, RDAI. 2005. 695, spéc.p. 705 ; B. Fauvarque-Cosson, Confiance légitime etEstoppel. Éditions de la société de Législationcomparée, 2007 ; du même auteur, L’estoppel du droitanglais », in M. Behar-Touchais (sous la direction de),L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui,colloque du CEDAG, Économica, 2001, p. 3.(29) Cass. civ. 1 re ., 6 juillet 2005, Golshani, Bull. civ. I,n o 302 ; Rev. arb. 2005. 993, note Ph. Pinsolle ; RCDIP2006. 602, note H. Muir Watt ; Clunet 2006. 608, note M.Behar-Touchais ; D. 2006. 1424, note E. Agostini ;D. 2005, pan. 3060, obs. Th. Clay ; Gaz. Pal. des24-25 février 2006, p. 18, obs. F.-X. Train ; Lettre desjuristes d’affaires du 12 septembre 2005, n o 753, p. 1,obs. E. Kleiman.(30) V. par exemple : Th. Clay : obs. sous l’arrêt, cit.infra.(31) J. Mestre et B. Fages : obs. sous Cass. com.,8 mars 2005, RTD civ. 2005, 391 ; v. aussi lesdiscussions in V.-L. Benabou et M. Chagny (sous ladirection de), La confiance en droit privé des contrats,colloque du laboratoire Dante, Université deVersailles-Saint-Quentin, 22 juin 2007 (à paraître).(32) CA Paris, 20 septembre 2007, Sté Baste SA, JCP G2007. I. 216, § 4, obs. J. Béguin ; D. 2008, pan. 188, obs.Th. Clay ; JCP G 2007. IV. 3012(33) CA Paris, 8 novembre 2007, Selafa MJ, D. 2008,pan. 188, obs. Th. Clay.prévue le 16 juin 2003 et dont M e Penet-Weiller était, comme toujours, destinataire,notamment le courrier du 5 juin 2003 de lasociété Income mentionné dans la sentence,démontrent à l’évidence que les <strong>partie</strong>sont renoncé à la phase orale de la procédure,la décision étant prise par les arbitresau vu des pièces produites et écritureséchangées, la société Income ayant renoncéà conclure pour l’examen de l’affairesur pièces par les arbitres le 20 novembresuivant, et M e Penet-Weiller, à qui cette informationavait été communiquée, n’ayantpas plus réagi quant il avait été demandé deproduire pour le compte de la société JeanLion ;Que la règle de l’estoppel s’oppose ici encoreà ce que M e Penet-Weiller qui n’a rientrouvé à dire pendant l’arbitrage tire désormaispour s’opposer à l’exécution de la sentence,des conséquences au plan des grandsprincipes du procès d’événements dont elleétait parfaitement informée en s’appuyantsur le passage de la sentence traduit par« sans organiser de débats contradictoires » ;Considérant que l’appel est rejeté, lesmoyens de M e Penet-Weiller étant ouirrecevables ou infondés, aucune violationde l’ordre public international ou du principede la contradiction n’étant établie ;Sur les dommages et intérêts pour procédureabusive et l’article 559 du nouveauCode de procédure civile :Considérant que la plupart des argumentsdéployés dans cette procédure par M e Penet-Weiller ont été suscités par les maladressescommises par le cabinet Slaughter et MayVoici près de trois ans, la plusHaute juridiction française offraitàl’estoppel, principe emprunté auxtraditions de pays de common law(28), ses lettres de noblesse en droit françaisen le consacrant expressément en matièred’arbitrage international (29).Depuis, les conjectures n’ont pas manqué: le principe peut-il jouer en matièred’arbitrage interne (30) ? Peut-il déborderle domaine de l’arbitrage pour irriguer,plus généralement, celui des contratsNOTEqui intervenait dans l’arbitrage pour la sociétéIncome et par les arbitres, ou encoreen raison de la qualité de la traduction de lasentence qui a été effectuée ; que la sociétéIncome, eu égard à ces circonstances, nerapporte pas la preuve d’une faute de M ePenet-Weiller lui ouvrant le droit à des dommagesintérêts ou justifiant le prononcéd’une amende civile ;Sur les dépens et l’article 700 du nouveauCode de procédure civile :Considérant que M e Penet-Weiller qui succombe,supporte les dépens ès qualités sansqu’il y ait lieu de faire jouer l’article 698 dunouveau Code de procédure civile, quel’équité commande, par application des dispositionsde l’article 700 de ce même Code,de la condamner à verser à la société Incomeune somme de 50.000 Q ;Par ces motifs :Rejette des débats les pièces 52 et 53 déposéespar la société Income ;Confirme l’ordonnance d’exequatur de lasentence arbitrale n o 2188 rendue à Londresle 9 février 2004 sous les auspices de laRefined Sugar Association ;Condamne la Selafa MJA agissant ès qualitésde liquidateur judiciaire de la société JeanLion en la personne de M e Penet-Weiller àverser à la société <strong>International</strong> CompagnieCommercial Exchange une somme de50.000 Q sur le fondement de l’article 700 dunouveau Code de procédure civile ;Rejette toute autre demande ;(...).(31) ? Et au sein même de son domainede prédilection, l’arbitrage international,quelle doit être sa portée ? C’est à cettedernière question que nous invitent à réfléchirdeux arrêts récents de la premièrechambre C de la Cour d’appel de Paris,rendus respectivement les 20 septembre(32) et 8 novembre 2007 (33).Le premier arrêt rejette le recours d’unplaideur qui, ayant combattu avec succèsla compétence des juridictions étatiquesen excipant d’une clause compromissoire28 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................dont l’existence était pourtant plusque douteuse — la clause étanttout au plus une clause de médiation—, prétendait, sentence rendue,en obtenir l’annulation pour absencede convention d’arbitrage ! Circonstancesde fait somme toute banales, puisque laCour d’appel de Paris avait déjà prononcépour sanctionner, dans un contexteidentique, le plaideur inconstant (34).Rien d’étonnant donc à ce qu’elle retiennel’irrecevabilité du moyen de nullitéde la sentence. Forte du précédentoffert par la Cour de cassation en 2005,elle le fait cependant ici sur le fondementexprès de l’estoppel, alors qu’elle avait,dans ses arrêts antérieurs, préféré retenirla violation du devoir de loyauté et debonne foi. La solution doit être approuvéesans réserve, car elle intervient aucœur même du domaine de l’estoppel(35), et s’avère conforme à la traditionfrançaise qui, sur la forme de la conventiond’arbitrage en matière internationale,professe un libéralisme certain (36).Ainsi, nulle exigence de forme ne peut, aposteriori, invalider la volonté clairementexprimée par une <strong>partie</strong> de recourir à l’arbitrage,lorsque cette invalidation seraitde nature à porter préjudice à l’autre <strong>partie</strong>.Le second arrêt va apparemment plusloin. Il rejette, sur le fondement exprèsde l’estoppel, la demande formée ès qualitéspar le liquidateur judiciaire d’unesociété, tendant à voir annuler l’ordonnanced’exequatur d’une sentence arbitralequi avait condamné cette société aupaiement de diverses sommes. L’invalidationétait recherchée sur le double fondementd’une violation du principe de lasuspension des poursuites individuelles— pour défaut de mise en cause des organesde la procédure collective, et violationde la règle relative à l’interdictionde prononcer une condamnation contreune personne morale en liquidation judiciaire—, et d’une violation du principedu contradictoire. La Cour d’appel rejetteimpitoyablement ces moyens pourtant tirésd’une méconnaissance de l’ordre publicinternational, en excipant de l’estoppel,qui interdit au liquidateur judiciairede « se tenir en embuscade pour soutenir,une fois la sentence rendue et notifiée,que sa reconnaissance et son exécutionsont impossibles », qui s’oppose à ce qu’il« puisse se découvrir pour la première foisdevant le juge de l’exequatur » ou encoreà ce que n’ayant « rien trouvé à redirependant l’arbitrage [il] tire désormais pours’opposer à l’exécution de la sentence desconséquences, au plan des grands principesdu procès, d’événements dont [il]était parfaitement informé(e) ». S’il fallaitconsidérer que l’estoppel est ici utilisépour neutraliser les principes d’ordre publicinternational invoqués (37), l’arrêtserait sans doute contestable. Le proprede l’ordre public international est de prendreen charge des intérêts qui dépassentceux, individuels, des <strong>partie</strong>s. Dans cesconditions, on voit mal comment le principede l’estoppel, qui ne tend qu’à protégerl’intérêt, particulier, de celui quisubit un préjudice en raison du comportementcontradictoire de son adversaire(38), pourrait tenir en échec des principessupérieurs, d’intérêt public (39). C’estau reste ce que rappelle la Cour d’appelde Paris dans l’arrêt Thalès, qui préciseque l’interdiction de se contredire au détrimentd’autrui ne peut venir limiter« l’étendue du contrôle juridictionnelquant au respect des règles impérativesdu droit communautaire, [qui] ne doitpas être conditionné par l’attitude des<strong>partie</strong>s » (40). L’estoppel ne peut donccertainement pas excuser ou « couvrir »une violation du principe de suspensiondes poursuites individuelles, pas plusqu’une violation du principe du contradictoire.Mais une autre lecture de l’arrêt,plus convaincante, est heureusement permise.En l’espèce, la Cour d’appel insistesur le caractère purement formel de cesviolations apparentes : certes, le liquidateurn’a pas formellement été mis encause dans le cadre de la procédure arbitrale,mais, relève la Cour, il a néanmoins(34) CA Paris, 12 septembre 2002, Rev. arb. 2003. 173,note M.-E. Boursier. Adde CA Paris, 12 janvier 2002,Rev. arb. 2002. 205.(35) Sur ce domaine, v. les pénétrantes observations dePh. Pinsolle, note sous l’arrêt Golshani, préc., spéc.n os 12 et s. ; et du même auteur : Distinction entre leprincipe d’estoppel et le principe de bonne foi dans ledroit du commerce international, préc., spéc. p. 49 et s.(36) V. en ce sens, par exemple : J. Béguin et M.Menjucq (sous la direction de), Droit du commerceinternational. Litec, coll. Traités, 2005, spéc. n os 2526 ets.(37) n ce sens, cf. Th. Clay, obs. sous l’arrêt, préc.(38) Sur cette spécificité du principe d’estoppel,v.enparticulier : Ph. Pinsolle, Distinction entre le principed’estoppel et le principe de bonne foi dans le droit ducommerce international, op. cit., spéc. p. 6 et s. ; et dumême auteur, note sous l’arrêt Golshani, op. cit., spéc.n os 12 et s.(39) Cf., nuancé : S. Bollée, note sous CA Paris,18 novembre 2004, Thalès, RCDIP 2006. 104, spéc.n o 13. Contra : M. Behar-Touchais, note sous Cass.civ. 1 re , 6 juillet 2005, préc., spéc. p. 613.(40) CA Paris 18 novembre 2004, Rev. arb. 2005. 751,obs. L. G. Radicati di Brozolo p. 529 ; Clunet 2005. 357,note A. Mourre ; RCDIP 2006. 104, note S. Bollée ;D. 2005, pan. 3058 et 3059, obs. Th. Clay ; RTD com.2005.263, obs. É. Loquin ; JCP G 2005. II. 10039, note G.Chabot ; Rev. Lamy conc. 2005, n o 2, p. 68, note E.Barbier de La Serre et C. Nourissat ; JCP G 2005. I. 134§ 8, obs. Ch. Seraglini ; Gaz. Pal. des 21-22 octobre2005, p. 5, obs. Ch. Seraglini ; Concurrences 2005, n o 1,p. 1, obs. Cl. Lucas de Leyssac.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 29


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE........................................................................................................................................................................été effectivement informé de cette procédureet même invité à présenter ses observations; certes, une condamnation aété prononcée contre une société en liquidation,mais l’atteinte à la suspensiondes poursuites est là encore purement formellepuisque le créancier n’a pas effectivementpoursuivi l’exécution de la sentenceet s’est borné à produire au passif ;certes, la sentence indique formellementavoir été rendue « sans organiser de débatscontradictoires » mais, constate laCour, les <strong>partie</strong>s — y compris le liquidateurjudiciaire dûment informé — ontexpressément renoncé à la phase orale.En d’autres termes, les violations de l’ordrepublic international alléguées, mêmevérifiables d’un point de vue formel, nesont pas effectives. En définitive, dansl’arrêt du 8 novembre 2007 comme danscelui du 20 septembre 2007, il est bienquestion, par l’utilisation de l’estoppel,d’interdire à une <strong>partie</strong> de porter préjudiceà l’autre en se prévalant d’irrégularitéspurement formelles, pour anéantirune procédure réellement acceptée par les<strong>partie</strong>s, et régulière au fond. Faire prévaloirl’esprit sur la forme n’est certainementpas critiquable, lorsque ni l’intérêtpublic, ni les intérêts privés, ne sont sacrifiés.Sandrine CLAVELProfesseur à l’Université deVersailles-Saint-QuentinCodirectrice du master arbitrage et commerceinternationalLaboratoire DanteVII. LA RESPONSABILITÉ DES INSTITUTIONS D’ARBITRAGE ET SES LIMITESTGI Paris, 10 octobre 2007 : Société SNF (RG n o 05/13948)Le contrat d’organisation de l’arbitrage conclu entre l’institutiond’arbitrage et les <strong>partie</strong>s est formé, non pas au jour de la clausecompromissoire, mais au jour de l’introduction de l’arbitrage.La clause exonérant l’institution d’arbitrage de toute responsabilitéest licite en droit français, sauf faute intentionnelle, inexcusable etlourde, assimilable au dol.La Cour d’arbitrage de la CCI dispose d’une faculté — et non d’uneobligation — pour attirer l’attention du tribunal arbitral sur despoints de fond, sous réserve d’une violation flagrante de l’ordrepublic international.MOTS-CLÉSCentre d’arbitrage. Responsabilité civile. Contrat d’organisation de l’arbitrage.Date de formation. Clause exonératoire de responsabilité. Règlementd’arbitrage de la CCI.Le Tribunal :(...)Sur ce :1. Les sociétés SNF (de droit français) et Cytec(de droit hollandais) ont conclu, le1 er octobre 1993, un contrat de fourniturede matière première qui prévoyait qu’en casde difficulté sur l’interprétation de cetteconvention, il serait fait recours à l’arbitrage;Les <strong>partie</strong>s s’opposant sur la possibilité depoursuivre l’exécution du contrat — plusparticulièrement sur sa validité au regard desrègles du droit européen de la concurrence30 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


— la Cytec saisissait la Chambre de commerceinternationale (« CCI ») du litige, procédurequi fut soumise à sa Cour <strong>International</strong>ed’arbitrage localisée à Bruxelles (Belgique);Le Tribunal arbitral constitué, un « acte demission » en date du 31 janvier 2001 fut élaborépuis signé par chacune des <strong>partie</strong>s etchacun des arbitres, en application de l’article18 du règlement d’arbitrage de la CCI ;Après concertation entre les <strong>partie</strong>s et le Tribunalarbitral, il fut décidé le 30 mai 2001,d’un partage de la procédure d’arbitrage :une première phase étant réservée aux questionsde responsabilité et la seconde étantrelative au calcul spécifique du montantd’éventuels dommages-intérêts ;La sentence relative à la première phase del’instance arbitrale a été rendue le 5 novembre2002. Elle conclut à la nullité du contratde 1993 aux torts partagés ou à responsabilitéégale entre les <strong>partie</strong>s ;La seconde sentence relative aux préjudiceset conséquences financières a été prononcéele 28 juillet 2004. Elle condamne la sociétéSNF à payer à la société Cytec la sommede 4.447.584 Q (outre intérêts) ;Ayant été saisi par les <strong>partie</strong>s de demandesen interprétation et en rectification, le Tribunalarbitral par un addendum du 10 novembre2004, a rejeté la demande en interprétationde la société Cytec et a accueilli lademande en rectification de la société SNF ;Par la suite — à plusieurs reprises, dont le3 décembre 2004 — la société SNF saisissaitla CCI afin qu’elle lui fournisse des précisionssur les points suivants de son règlement:— la validité de l’addendum, eu égard, selonelle, à l’absence de signature du présidentdu Tribunal arbitral ;— la place de l’addendum dans le cadrede la procédure et plus précisément s’il devaitêtre considéré que la procédure avaitpris fin au moment de la notification de lasentence finale, ou bien, au contraire, aumoment de la notification de l’addendumcorrigeant et rectifiant la sentence finale ;Elle fait valoir aujourd’hui qu’en dépit dedemandes réitérées à cinq reprises, la CCIs’est toujours refusée à répondre précisémentà ces questions ;C’est dans ces conditions que la société SNFa assigné la CCI, pour manquement à sonrèglement, pour la durée et le coût excessifsde la procédure, le non-respect des règlesd’ordre public du droit européen de laconcurrence, et plus particulièrement les règlesconcernant l’abus de position dominante;2. La CCI — organisation non gouvernementalereconnue par l’ONU, constituéesous la forme juridique d’une association dela loi française du 1 er juillet 1901 dont le siègeest à Paris — met à la disposition des opérateursdu commerce international un règlementd’arbitrage permettant de résoudreleur conflit par voie d’arbitrage conduit sousl’égide de la Cour internationale d’arbitrage,organe constitué au sein de la CCI mais autonome;Il n’est pas contestable que la CCI est responsabledes actes d’administration de laCour internationale d’arbitrage, comme deson secrétariat, étant la seule à disposer dela personnalité juridique ;La CCI, par l’intermédiaire de la Cour <strong>International</strong>ed’arbitrage, est en offre permanentede contracter. Ce contrat est matérialisépar le règlement d’arbitrage en vigueur,non pas comme le soutient la société SNFau jour de la clause compromissoire, maiscomme le fait valoir à juste titre la CCI, aujour de l’introduction effective d’une procédured’arbitrage ;Sauf conventions contraires entre les <strong>partie</strong>s,inexistantes en l’occurrence, le règlementapplicable est celui qui était en vigueurà la date du début de l’arbitrage, soitle règlement de 1998 ;Or l’article 34 du règlement d’arbitrage envigueur à compter du 1 er janvier 1998énonce : « Ni les arbitres, ni la Cour ou sesmembres, ni la Chambre de commerce internationaleou son personnel, ni les comitésnationaux de la Chambre de commerceinternationale, ne sont responsables enversquiconque de tout fait, acte ou omission enrelation avec un arbitrage » ;Une telle clause — exonératoire de responsabilité— est licite en droit français par ap-En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 31


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGEplication de l’article 1150 du Code civil,d’autant qu’elle est insérée dans un contratinternational. Au surplus, aucune faute intentionnelle,inexcusable et lourde,assimilable au dol — qui pourrait limiter l’applicationde cette clause de non-responsabilité— n’est invoquée par la société SNF ;Par ailleurs, selon l’article 27 du règlementd’arbitrage, si la Cour <strong>International</strong>e d’arbitragedispose d’une faculté — et non d’uneobligation — pour attirer l’attention du Tribunalsur des points de fond (et non sur lalégalité de la sentence) elle ne saurait s’immiscerdans ou influer sur le pouvoirjuridictionnel dévolu aux seuls arbitres ;En effet, d’une part le règlement d’arbitrageassure la distinction — entre la fonction d’organisationadministrative de l’arbitrage, notammentpar l’intermédiaire de la Cour internationaled’arbitrage, et la fonctionjuridictionnelle, laissé aux seuls arbitres —d’autre part, ladite Cour ne dispose que d’unpouvoir d’approbation en la forme (et nonau fond, comme l’expose la société SNF) dela sentence prononcée ;Dès lors, la SNF, qui formule des reprochesà l’égard de la sentence arbitrale elle-mêmeen ce qu’elle aurait méconnu des règles dedroit international, n’est pas fondée à agir àl’encontre de la CCI ;D’ailleurs, même sur le fond du litige, ellene saurait valablement invoquer que le Tribunalarbitral a porté, au moins sur un point,une atteinte grossière à l’ordre public international;Certes, le 8 mars 2007, le Tribunal de premièreinstance de Bruxelles a fait droit à sademande d’annulation des sentencesarbitrales litigieuses aux motifs qu’elles seraientcontraires à l’article 81 du Traité CE,dans la mesure où, par la solution qu’ellesdonnent au litige, elles reviennent à donnereffet à un contrat jugé anticoncurrentiel ;Mais, non seulement ce jugement fait l’objetd’un recours en Belgique, mais encore —alors que les relations entre la société SNFet la CCI, dont le siège faut-il le rappeler està Paris, relèvent du droit français — la Courd’appel de Paris, interrogée sur l’annulationen France des sentences arbitrales litigieuses,n’a pas constaté dans son arrêt du23 mars 2006 de « violations flagrantes » del’ordre public international au regard desprescriptions des articles 81 et 82 du TraitéCE ;De toutes façons, il convient de relever quela CCI n’était <strong>partie</strong> ni à l’instance devant leTribunal de Bruxelles ni à celle devant laCour de Paris ;En outre, la CCI, une fois la sentence renduemais aussi pendant l’arbitrage, n’a pas àse substituer à l’avocat d’une <strong>partie</strong> et n’adonc pas de conseils juridiques à lui donner.L’on ne peut dès lors imputer à faute àla CCI d’avoir fait savoir à la société SNFqu’elle refusait d’apporter des réponses précisesaux questions juridiques que celle-cilui posait après le prononcé des sentencesdes 5 novembre 2002 et du 28 juillet 2004 etl’addendum du 10 novembre 2004. Enoutre, la CCI justifie que cet addendumcomporte bien la signature du président duTribunal arbitral ;3. Enfin, s’agissant du grief soulevé par lasociété SNF de non-respect des coûts et desdélais de l’arbitrage, il n’est pas apporté lapreuve d’une faute à opposer à la CCI ;Les frais administratifs que la CCI a perçus,l’ont été conformément au barème publiéen annexe de son règlement d’arbitrage(26.440,50 $ US pour chaque <strong>partie</strong>) ;En ajoutant les frais et honoraires des arbitres,eux aussi déterminés en fonction dubarème publié en annexe du règlement d’arbitrage,le montant total des frais et honorairesde l’arbitrage s’élève pour chaque <strong>partie</strong>à 257.500 $ US (soit pour chacune206.000 Q), lesquels ont été versés par la sociétéSNF (à hauteur de 175.000 $ pour lapremière phase de la procédure et de 82.500$ pour la seconde) ;Ces frais et honoraires de l’arbitrage —déterminables d’emblée à la lecture du règlementd’arbitrage — s’intègrent en tant quetels dans le contrat d’organisation de l’arbitrage;Quant aux honoraires d’avocats et frais dedéfense que la société SNF indique avoir dûsupporter, ils s’élèveraient à 2.298.606 Q(1.658.530,40 Q pour la société Cytec) ;Ces frais de défense ont été engagés par les<strong>partie</strong>s elles-mêmes, en toute connaissance32 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


de cause, dans le cadre de leurs relationsavec leurs avocats et conseils et indépendammentde la CCI ;En ce qui concerne la durée de la procédured’arbitrage (plus de quatre années), sile règlement de 1998 prévoit que le délaiest en principe de six mois, il précise qu’ilpeut être rallongé si le Tribunal l’estime nécessaire,les calendriers prévisionnels de laprocédure étant en effet fixés par le Tribunalarbitral, en concertation avec les <strong>partie</strong>s,sans consultation de la CCI qui n’intervientpas dans la détermination de ces délais deprocédure ;D’ailleurs, la société SNF a participé activementà la procédure arbitrale, à sa scissionen deux périodes, à la communication d’unnombre important de mémoires et à l’organisationde nombreuses audiences dans unlitige d’une complexité certaine ;À défaut pour la société SNF d’apporter lapreuve d’une faute contractuelle oudélictuelle à l’encontre de la CCI et de l’existenced’un préjudice qui s’en serait suivi, sesdemandes doivent être rejetées ;Compte tenu des circonstances, l’équité commanded’accorder une indemnitéprocédurale de 6.000 Q à la CCI, sur le fondementde l’article 700 du nouveau Codede procédure civile.Les dépens doivent être mis à la charge dela société SNF avec distraction au profit del’avocat de la CCI, conformément aux dispositionsde l’article 699 du même Code ;Il est nécessaire d’ordonner l’exécution provisoire;Par ces motifs, le Tribunal1. Déboute la SAS SNF en toutes ses demandes;2. La condamne, outre aux entiers dépensavec distraction au profit de M e Louis Degos,à payer à la Chambre de commerce internationalel’indemnité procédurale de 6.000 Q(six mille euros) ;3. Ordonne l’exécution provisoire ;(...).Ce jugement présente un grandintérêt, car il tranche pour la premièrefois certaines questions inéditesdu droit de l’arbitrage concernantles institutions d’arbitrage (41).En l’espèce, la Chambre de commerce internationaleétait assignée en responsabilitécivile par l’une des <strong>partie</strong>s au litige dufait des manquements prétendus de saCour <strong>International</strong>e d’arbitrage à son proprerèglement dans le cadre d’un arbitragequ’elle avait organisé. Il lui étaitreproché, d’une part, de ne pas avoir réponduà une demande de précision sur lanature d’un addendum à la sentence émanantdu tribunal arbitral qui avait étésaisi d’une demande en interprétation parl’une des <strong>partie</strong>s et d’une demande enrectification par l’autre <strong>partie</strong>, d’autrepart, la durée et le coût excessif de laprocédure, enfin, le non-respect par lesarbitres du droit de la concurrence, quiavait entraîné l’annulation de la sentenceen Belgique (42), lieu du siège du tribunalarbitral.NOTEI Le premier intérêt de l’espèce est qu’elleoblige le Tribunal de grande instance deParis à prendre parti à la fois sur le momentde la conclusion du contrat d’organisationd’arbitrage liant l’institution d’arbitrageaux <strong>partie</strong>s et sur la validité de laclause exonératoire de responsabilité del’institution d’arbitrage contenue dans lerèglement d’arbitrage de la CCI.La clause litigieuse est stipulée à l’article34 du règlement de 1998 en vigueur àcompter du 1 er janvier 1998. Elle n’existaitpas dans le règlement antérieur. Pourévincer l’obstacle, le demandeur soutenaitque le contrat d’organisation d’arbitrageétait conclu au jour de l’accord portantsur la clause compromissoire, c’est-à-direavant l’entrée en vigueur du règlement1998 et non au jour de l’introduction del’arbitrage, comme le faisait valoir la CCI.Le jugement énonce que « la CCI... esten offre permanente de contracter. Cecontrat est matérialisé par le règlementd’arbitrage en vigueur... au jour de l’introductioneffective de la procédure d’ar-(41) TGI Paris, 10 octobre 2007, SNF c/ CCI, Rev. arb.2007. 847, note Ch. Jarrosson ; D. 2007. 2916, note Th.Clay ; D. 2008, pan. 190, obs. Th. Clay.(42) TPI Bruxelles, 8 mars 2007, Rev. arb. 2007. 303,note A. Mourre et L. Radicati di Brojolo ; D. 2007, pan.2571, obs. S. Bollée ; D. 2008, pan. 190, obs. Th. Clay.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 33


C HRONIQUEDROIT DE L’ARBITRAGE(43) Ch. Jarrosson , Le rôle respectif de l’institution, del’arbitre et des <strong>partie</strong>s dans l’instance arbitrale, Rev.arb. 1990. 381 ; É. Loquin, <strong>Arbitrage</strong>, Institutionsd’arbitrage, Juris-Cl. Proc. civ., fasc. 1002, n o 16.Contra : Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard.Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2001,spéc n os 736 et s ; G. Flécheux, L’interprétation del’article 26 de la Convention de Washington sur lesmesures provisoires, note sous Cass. civ. 1 re ,18 novembre 1986, Rev. arb. 1987. 315, spéc. p. 319 ;Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman, Traité del’arbitrage commercial international, Litec, 1996, spéc.n o 1110.(44) En ce sens, Ch. Jarrosson, Le rôle respectif del’institution, de l’arbitre et des <strong>partie</strong>s dans l’instancearbitrale, op. cit.........................................................................................................................................................................bitrage ». La solution correspondà celle préconisée par une <strong>partie</strong>de la doctrine (43).Il est certain qu’en publiant sonrèglement et en offrant ses services, l’institutiond’arbitrage est en situation d’offrepermanente et ferme de contracter. Ils’agit d’une offre faite au public. L’acceptationde l’offre résulte de l’accord de volontédes <strong>partie</strong>s de soumettre leur arbitrageà l’organisation offerte par le centred’arbitrage. La difficulté naît de la déterminationdu moment de cette acceptation.Il est souvent affirmé que l’acceptationrésulte de la clause compromissoire.La solution peut être justifiée par la théoriede l’émission de l’acceptation, peu importantalors que l’offrant n’ait pasconnaissance de cette acceptation. L’offreétant acceptée dès l’instant où les <strong>partie</strong>ssont tombées d’accord pour désigner l’institutiond’arbitrage, le contrat liant celle-ciaux <strong>partie</strong>s est parfait à cet instant.En revanche, si l’on retient la théorie ditede la réception de l’acceptation, le contratliant les <strong>partie</strong>s à l’institution d’arbitragene se forme qu’au jour où celle-ci est saisiepar les <strong>partie</strong>s, ou l’une d’entre elles,une fois né le litige. C’est à ce momentseulement en effet, que l’institution d’arbitrageconnaît l’acceptation par les <strong>partie</strong>sde l’offre formulée par elle (44). Nousavancerons une autre explication, quiconduit également à ce dernier résultat. Ilconvient de distinguer soigneusement laconvention d’arbitrage conclue entre lesdeux <strong>partie</strong>s et le contrat conclu entre les<strong>partie</strong>s et l’institution d’arbitrage. Laconvention d’arbitrage conclue entre les<strong>partie</strong>s est, entre autres, un contrat préparatoireà la convention qui sera forméeune fois le litige né, entre l’institutiond’arbitrage et les <strong>partie</strong>s. La premièreconvention, clause compromissoire oucompromis, qui désigne l’institution d’arbitrage,oblige les <strong>partie</strong>s, une fois le litigené, à conclure le contrat d’organisationd’arbitrage avec l’institution convenue.La clause compromissoire ou le compromisainsi analysés créent à titre d’obligationaccessoire celle de conclure ladeuxième convention, et d’accepter l’offreémise par l’institution d’arbitrage désignée.La conclusion de ce contrat résultede l’introduction de la requête d’arbitragedevant l’institution, qui, seulement à cetinstant, prend connaissance de l’acceptationde son offre.Le Tribunal valide la clause exonératoirede responsabilité, comme l’admet le droitfrançais. Celui-ci était-il applicable s’agissantd’un contrat international ? À défautde choix du droit applicable, il nous sembleque l’article 4 de la Convention deRome de 1980 sur la loi applicable auxobligations contractuelles doit trouver application.Certes, l’article 1 er de la Conventionexclue de son champ d’applicationles conventions d’arbitrage. Mais laconvention d’organisation d’arbitrage n’estpas une convention d’arbitrage comme lecompromis où la clause compromissoire,mais une convention de prestation de services.La loi applicable est alors celle del’État où la personne morale, qui livre laprestation caractéristique du contrat, ason administration centrale. Cette prestationcaractéristique du contrat ne peutêtre que celle promise par le prestatairede services. La CCI ayant son administrationcentrale à Paris, le droit françaisest donc applicable. Il en résulte que,conformément à la jurisprudence de laCour de cassation française, la clause exonératoirepourra être jugée inopposableen cas de faute dolosive ou lourde, ou encas de manquement à une obligation essentielle.Il faudra déterminer alors quelleest l’obligation essentielle incombant àl’institution d’arbitrage : absence d’initiativedans la constitution du tribunal arbitral,dépérissement de l’arbitrage en raisond’une absence de prorogation du délaid’arbitrage, obligation d’assurer uneprocédure équitable ? Le débat reste entieret dépasse l’objet de cette note.II Le second intérêt de l’espèce est qu’elleconduit le tribunal à préciser quelles sontles obligations de l’institution d’arbitrage.34 - Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N O PA177706.SGM En ligne sur Lextenso.fr


........................................................................................................................................................................Ces obligations naissent du contratd’organisation d’arbitrage (45).S’agissant de l’absence de réponseà l’interpellation de la demanderessesur la nature juridique de l’addendum,le Tribunal juge « qu’une fois lasentence rendue, mais aussi pendant l’arbitrage,la CCI n’a pas à se substituer àl’avocat d’une <strong>partie</strong> et n’a donc pas deconseil juridique à donner ». On ne peutque souscrire à cette affirmation. La missiond’assistance à l’arbitrage se limite àorganiser l’arbitrage et à veiller à son bondéroulement conformément à son règlementd’arbitrage, lequel lie les <strong>partie</strong>s(46), mais aussi l’institution d’arbitrage(47). Il aurait été possible de reprocher àla Cour international d’arbitrage de n’avoirpas veillé au respect de l’article 29 de sonrèglement qui organise la procédure decorrection et d’interprétation de la sentencepar le tribunal arbitral à la demandedes <strong>partie</strong>s, mais le règlement n’imposepas à l’institution de donner desconsultations juridiques sur la nature decette décision, laquelle est d’ailleurs parfaitementqualifiée par l’article 29 quiénonce qu’elle constitue « une <strong>partie</strong> intégrantede la sentence » !Le reproche fait ensuite à la Cour d’arbitraged’avoir approuvé une sentence postérieurementannulée pour violation del’ordre public est plus intéressant à analyser.Certes, la Cour d’arbitrage n’exercepas, comme le rappelle le jugement, defonction juridictionnelle. C’est le tribunalarbitral qui juge le litige et la violationpar la sentence de l’ordre public luiest imputable, sans que pour autant, ellepuisse engager sa responsabilité. Celle del’arbitre est, en effet, couverte par l’immunitéjuridictionnelle qui protège les jugesen cas de mal jugé (48). Cependant,l’article 27 du règlement d’arbitrage de laCCI prévoit que « la Cour peut, en respectantla liberté de décision du tribunalarbitral, appeler son attention sur lespoints intéressant le fond du litige » (49).Il en résulte que l’annulation de la sentencepour violation de l’ordre public nepeut engager ipso facto la responsabilitéde la CCI, dès lors que le tribunal arbitralreste maître de sa décision. Tout au plusserait-il possible de considérer que la Courd’arbitrage a commis une faute en n’appelantpas l’attention du tribunal sur laviolation de l’ordre public. La preuve decette inaction sera difficile à apporter, carl’intervention de la Cour d’arbitrage sesitue chronologiquement dans la phasedu délibéré couverte par le secret du délibéré(50). Le Tribunal de grande instancede Paris limite l’éventuelle responsabilitéde la CCI au cas où sa Cour d’arbitragen’aurait pas réagi à une « atteinte grossièreà l’ordre public international ». Lalimite posée nous paraît pertinente, car lecontrôle opéré par la Cour d’arbitrage nepeut conduire celle-ci à rejuger l’affaire àla place des arbitres. Il ne peut s’agir qued’un contrôle de la flagrance de la violationde l’ordre public.Enfin, il était reproché à la CCI la duréeet le coût excessif de l’arbitrage. s’agissantdu coût, celui-ci est contractuel. Quant àla durée, s’il est exact que l’institutiond’arbitrage doit veiller à la célérité de laprocédure, le rythme de l’instance arbitraledépend d’abord de la conduite de laprocédure par le tribunal arbitral et de ladiligence des <strong>partie</strong>s. Tout au plus pourrait-onreprocher à l’institution d’arbitragede ne pas avoir invité le tribunalarbitral à accélérer la procédure, voiredans des cas pathologiques, à n’avoir pasdémis de leur fonction les arbitres défaillantscomme le permet l’article 12 deson règlement et de pourvoir à leur remplacement.Mais est-ce une bonne façond’accélérer la procédure ?Éric LOQUINProfesseur à l’Université de BourgogneVice-président de l’Université(45) Cf. Th. Clay, L’arbitre, op. cit., spéc. n os 697-740 et1066-1079.(46) CA Paris, 18 novembre 1983, Rev. arb. 1983. 77,obs. Th. Bernard ; TGI Paris, 3 juin 1988, Rev. arb. 1988.669, note Ph. Fouchard.(47) TGI Paris, 28 mars 1984, Rev. arb. 1985. 141 ; CAParis, 15 mai 1985, Rev. arb. 1985. 141 ; TGI Paris,8 octobre 1986, Rev. arb. 1987. 367.(48) Sur cette question, cf. Ph. Fouchard, Le statut del’arbitre dans la jurisprudence française, Rev. arb.1996. 325 ; Th. Clay, op. cit., spéc. n os 585 et s. et 937 ets.(49) Sur les difficultés soulevées par cette règle, cf. É.Loquin, L’examen du projet de sentence parl’institution et la sentence au deuxième degré, réflexionsur la nature et la validité de l’intervention del’institution arbitrale sur la sentence, Rev. arb. 1990.427 ; TGI Paris ? 23 juin 1988, Rev. arb. 1988. 657, notecrit. Ph. Fouchard.(50) Cf. É. Loquin, L’examen du projet de sentence parl’institution... ?, op. cit.En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - PLACARD 17/03(13H12) - N o pa177706.sgm - 35

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!