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1 ge schulze enesideme ou sur les fondements de la philosophie ...

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G.E. SCHULZEENESIDEME OU SUR LES FONDEMENTS DE LA PHILOSOPHIE ELEMENTAIREENSEIGNEE PAR LE PROFESSEUR REINHOLD A IENA.AVEC UNE DEFENSE DU SCEPTICISME CONTRE LES PRETENTIONS DE LACRITIQUE DE LA RAISON PURE1792Le texte que n<strong>ou</strong>s traduisons ici est tiré <strong>de</strong> L’Enésidème, s<strong>ou</strong>s-titré : Sur <strong>les</strong> <strong>fon<strong>de</strong>ments</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>philosophie</strong> élémentaire enseignée par le professeur Reinhold à Iéna. Avec une défense duscepticisme contre <strong>les</strong> prétentions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison pure.(1792) La plus gran<strong>de</strong>partie du texte est consacrée à <strong>la</strong> reconstruction que Reinhold fait du criticisme et se présentes<strong>ou</strong>s <strong>la</strong> forme d’un dialogue entre Hermias, défenseur du kantisme, et Enésidème qui incarnel’auteur, à savoir Schulze. Les Aetas Kantiana (Bruxel<strong>les</strong>, 1958) l’ont reproduit, dans le tome240, Meiner en a sorti à n<strong>ou</strong>veau une version en 1996 dans <strong>la</strong> Bibliothèque philosophique ; <strong>les</strong>références données le sont à cette édition. Dans ce texte <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 300 pa<strong>ge</strong>s, le seul chapitre,explicitement consacré à Kant sans passer par le biais <strong>de</strong> ce qu’en dit Reinhold, est celui quen<strong>ou</strong>s traduisons qui pose cette question : le scepticisme <strong>de</strong> Hume a t-il vraiment été réfuté par<strong>la</strong> critique.Le scepticisme <strong>de</strong> Hume a-t-il effectivement été réfuté par <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raisonpure ? (98) 1 .Le principal fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s propositions spécifiques du système kantien se tr<strong>ou</strong>ve dans <strong>la</strong>déduction, à partir <strong>de</strong> l’esprit, <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires et dans <strong>la</strong> détermination<strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qu’entretiennent ces ju<strong>ge</strong>ments avec <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s objets empiriques. Si1 La pagination indiquée est celle <strong>de</strong> l’édition alleman<strong>de</strong> Meiner, Hamb<strong>ou</strong>rg, 1996, qui comprend une trèsimportante introduction <strong>de</strong> Manfred Frank. Les Aetas kantiana (Belgique) ont également proposé une édition <strong>de</strong>ce texte que n<strong>ou</strong>s traduisons.1


aison pure ne tente <strong>de</strong> réfuter le scepticisme <strong>de</strong> Hume qu’en présupposant comme déjàcertaines et établies <strong>de</strong>s propositions contre <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> Hume avait dirigé t<strong>ou</strong>s ses d<strong>ou</strong>tessceptiques.P<strong>ou</strong>r comprendre <strong>la</strong> justesse du présent raisonnement, il n’est que <strong>de</strong> comparer en t<strong>ou</strong>teimpartialité <strong>les</strong> plus hauts principes avec <strong>les</strong>quels <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison fon<strong>de</strong> son n<strong>ou</strong>veausystème <strong>de</strong> <strong>philosophie</strong> (100) et ce que Hume mettait en d<strong>ou</strong>te en le déc<strong>la</strong>rant incertain. Humene p<strong>ou</strong>rra en effet être réfuté que si le contraire <strong>de</strong> ses affirmations <strong>sur</strong> <strong>les</strong> concepts et <strong>les</strong>principes <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> causalité est pr<strong>ou</strong>vé à partir <strong>de</strong> principes incontestablementcertains, <strong>ou</strong> encore si <strong>de</strong>s contradictions et <strong>de</strong>s inconséquences au sein <strong>de</strong> ses affirmationsconcernant l'incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> notre usa<strong>ge</strong> <strong>de</strong>s représentations du rapport (Verhaltnis) <strong>de</strong> cause àeffet peuvent être exhibées. Cependant, rien <strong>de</strong> tel n'a été fait dans <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison.Plus encore, elle pr<strong>ou</strong>ve t<strong>ou</strong>s ses énoncés <strong>sur</strong> <strong>les</strong> diverses s<strong>ou</strong>rces <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance humainepar <strong>de</strong>s propositions que Hume tenait p<strong>ou</strong>r incertaines voire p<strong>ou</strong>r illusoires, propositions quiau <strong>de</strong>meurant sont impropres à fon<strong>de</strong>r un système <strong>de</strong> <strong>philosophie</strong>, et dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e où l’onpeut mettre en d<strong>ou</strong>te <strong>la</strong> liaison du sujet et du prédicat <strong>de</strong> ces propositions, <strong>ou</strong> dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>eoù cette liaison est p<strong>ou</strong>r le moins mal établie.« J’entends déjà <strong>les</strong> défenseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>philosophie</strong> critique s’empresser d’objecter à ce sujetque t<strong>ou</strong>t ce raisonnement, et t<strong>ou</strong>t ce qui p<strong>ou</strong>rrait encore y être aj<strong>ou</strong>té, ne trompera que celuiqui n’a pas compris l’objectif essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison. Afin <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>voir bien ju<strong>ge</strong>r<strong>de</strong>s services que celle-ci rend en vue <strong>de</strong> faire disparaître <strong>les</strong> d<strong>ou</strong>tes <strong>de</strong> Hume, il importe <strong>de</strong>considérer l’ensemble <strong>de</strong>s exi<strong>ge</strong>nces que D. Hume adressa aux philosophes quant à <strong>la</strong>certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs principes du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> sa<strong>ge</strong>sse universelle; il ne faut pas en resteraux d<strong>ou</strong>tes humiens re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> seule utilisation <strong>de</strong>s concepts et <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> causalité. LaCritique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison a répondu à l’ensemble <strong>de</strong> ces exi<strong>ge</strong>nces <strong>de</strong> manière exemp<strong>la</strong>ire etparfaite, par là même, <strong>les</strong> d<strong>ou</strong>tes <strong>de</strong> Hume re<strong>la</strong>tifs à l’utilisation du principe <strong>de</strong> causalité sont,eux aussi, complètement réfutés. En effet, l’entreprise sceptique <strong>de</strong> Hume est partie d’un seulconcept <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison spécu<strong>la</strong>tive, mais <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s plus importants, à savoir le concept <strong>de</strong> lien<strong>de</strong> cause à effet (incluant aussi <strong>les</strong> concepts, qui en sont dérivés, <strong>de</strong> force et d’action etc.) etmettait <strong>la</strong> raison, qui prétend l’avoir créé en son sein, (101) au défi <strong>de</strong> lui dire <strong>de</strong> quel droitelle se pensait investie p<strong>ou</strong>r affirmer que telle chose doive nécessairement être posé du faitque quelque chose, qui est <strong>de</strong> telle nature, est posé ; car c’est ce que dicte le concept <strong>de</strong> cause.Il montra <strong>de</strong> manière irréfutable qu’il est t<strong>ou</strong>t à fait impossible à <strong>la</strong> raison <strong>de</strong> penser a priori età partir <strong>de</strong> concepts une telle mise en re<strong>la</strong>tion (Verbindung), car celle-ci contient <strong>de</strong> <strong>la</strong>nécessité; mais comment peut-on déduire que, du fait que quelque chose existe, quelque chose3


certaines causes.Néanmoins acceptons provisoirement, d'une part qu'il est en soi certain et indubitable quet<strong>ou</strong>t ce qui est effectif est lié (verknüpfen) réellement (realiter) par une causalité, d'autre partque l'enten<strong>de</strong>ment peut légitimement rechercher <strong>les</strong> <strong>fon<strong>de</strong>ments</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> naissance et <strong>de</strong>sdéterminations <strong>de</strong> notre connaissance; et <strong>de</strong>mandons-n<strong>ou</strong>s maintenant si le raisonnement parlequel <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison pr<strong>ou</strong>ve que l'esprit est <strong>la</strong> (104) cause <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>mentssynthétiques nécessaires, et par lequel elle s'élève <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> l'existence en n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>ces. ju<strong>ge</strong>ments à <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> leur cause et <strong>de</strong> leur s<strong>ou</strong>rce, est juste, et pr<strong>ou</strong>ve quelquechose tant contre Hume qu’en général. Ce raisonnement est le suivant :Ce qu'on ne peut se représenter que d'une seule façon ne peut être possible que <strong>de</strong>cette seule façon.On ne peut penser <strong>les</strong> ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires dans notre connaissance commepossib<strong>les</strong> que si on considère qu’ils procè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’esprit et <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> d'action déterminé apriori.Donc, <strong>les</strong> ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires dans notre connaissance peuventeffectivement procé<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'esprit et <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> d'action déterminé à priori.Par là, <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison pr<strong>ou</strong>ve que, parce que n<strong>ou</strong>s sommes incapab<strong>les</strong> <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>sreprésenter et <strong>de</strong> penser <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires autrement qu'en<strong>les</strong> dérivant <strong>de</strong> l'esprit, alors ces ju<strong>ge</strong>ments doivent procé<strong>de</strong>r effectivement et réellement <strong>de</strong>l’esprit ; par suite, <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison conclut bien <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s représentations et <strong>de</strong>spensées en n<strong>ou</strong>s à <strong>la</strong> nature objective et réelle <strong>de</strong> ce qui existe hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s ; <strong>ou</strong> bien encore,elle pr<strong>ou</strong>ve que quelque chose doit être réellement tel <strong>ou</strong> tel parce qu'on ne peut le penserautrement. Or c’est précisément <strong>la</strong> justesse <strong>de</strong> ce raisonnement que Hume mettait en d<strong>ou</strong>te,qu’il tenait p<strong>ou</strong>r une sophistication, parce que n<strong>ou</strong>s ne connaissons aucun principe à partirduquel p<strong>ou</strong>rrait être déterminé comment notre représentation et ses caractères p<strong>ou</strong>rraits’accor<strong>de</strong>r avec l’objectivité et ses caractères ni dans quelle me<strong>sur</strong>e ce qui est dans <strong>la</strong> penséepeut se référer à quelque chose hors d’elle. Ce raisonnement est aussi ce <strong>sur</strong> quoi se fon<strong>de</strong> ledogmatisme, et dont on s'est servi <strong>de</strong>puis t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs en <strong>philosophie</strong> p<strong>ou</strong>r déterminer <strong>la</strong> natureobjective <strong>de</strong> ce qui se tr<strong>ou</strong>ve en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> nos représentations, et p<strong>ou</strong>r déterminer ce qui estréellement vrai ; par l'application <strong>de</strong> ce raisonnement, on a fondé t<strong>ou</strong>s <strong>les</strong> systèmes auxrésultats contradictoires <strong>de</strong>s conceptions du mon<strong>de</strong> théorique. (105) La Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raisonse sert donc, p<strong>ou</strong>r réfuter Hume, d'un raisonnement que celui-ci réputait illusoire et trompeur ;et p<strong>ou</strong>r pr<strong>ou</strong>ver que <strong>les</strong> hommes ne peuvent rien savoir <strong>de</strong>s choses en soi, elle utilise uneargumentation qui peut n<strong>ou</strong>s conduire aux plus importantes déc<strong>ou</strong>vertes au royaume6


incommen<strong>sur</strong>able <strong>de</strong>s choses en soi. On comprend d'autant moins comment <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong>raison peut se servir <strong>de</strong> ce raisonnement dans <strong>la</strong> fondation <strong>de</strong> son système qu'elle s<strong>ou</strong>ligne trèss<strong>ou</strong>vent et avec beauc<strong>ou</strong>p d'insistance <strong>la</strong> différence entre <strong>les</strong> représentations et <strong>les</strong> choses,<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> doivent exister indépendamment <strong>de</strong>s représentations (par là, le raisonnement perdt<strong>ou</strong>te sa force <strong>de</strong> conviction et t<strong>ou</strong>te certitu<strong>de</strong>), et que, <strong>de</strong> plus, elle fon<strong>de</strong> une <strong>de</strong>s parties <strong>les</strong>plus importantes <strong>de</strong> son système, à savoir <strong>la</strong> dialectique transcendantale, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> présuppositionqu'on ne peut, même si n<strong>ou</strong>s le faisons communément, conclure <strong>de</strong>s déterminations <strong>de</strong> nosreprésentations et <strong>de</strong> notre pensée aux déterminations <strong>de</strong> ce qui se tr<strong>ou</strong>ve en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s.La mineure du syllogisme (Schlusse) par lequel <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison pr<strong>ou</strong>ve que <strong>les</strong>ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires proviennent <strong>de</strong> l'esprit et sont en n<strong>ou</strong>s a priori est aussifautive que sa majeure; et il est radicalement faux que ces ju<strong>ge</strong>ments p<strong>ou</strong>r p<strong>ou</strong>voir être penséscomme possib<strong>les</strong> doivent obligatoirement être pensés comme présents a priori et commeprocédant <strong>de</strong> l'esprit. Au <strong>de</strong>meurant, <strong>de</strong> ce que l'enten<strong>de</strong>ment humain, à tel sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> saculture, ne peut se représenter <strong>la</strong> possibilité d'une chose que d'une seule manière, il nes’ensuit nullement avec certitu<strong>de</strong> qu'il ne p<strong>ou</strong>rra jamais penser <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> cette choseque <strong>de</strong> cette manière, même quand il aura acquis une plus gran<strong>de</strong> maturité. Mais on peutégalement expliquer <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité et <strong>de</strong> l'universalité dans certaines parties <strong>de</strong>notre connaissance autrement que ne le fait <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison, et on peut penser unfon<strong>de</strong>ment (104) <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>ments synthétiques nécessaires autre que celui f<strong>ou</strong>rnidans <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison. En effet, il est loisible <strong>de</strong> penser que t<strong>ou</strong>te notre connaissanceprocè<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'action qu’exerce <strong>sur</strong> notre esprit <strong>de</strong>s objets réellement présents, <strong>de</strong> même quel’on peut penser que <strong>la</strong> nécessité, à l’œuvre dans certaines parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance, esten<strong>ge</strong>ndrée par <strong>la</strong> manière particulière dont <strong>les</strong> choses affectent notre esprit et suscitent <strong>de</strong>sconnaissances en lui ; par conséquent, l’on peut penser que <strong>les</strong> ju<strong>ge</strong>ments synthétiquesnécessaires et <strong>les</strong> représentations qui se tr<strong>ou</strong>vent dans l’esprit n’en procè<strong>de</strong>nt mais procè<strong>de</strong>nt<strong>de</strong>s mêmes objets qui doivent, selon <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison, provoquer en n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>mentscontin<strong>ge</strong>nts et variab<strong>les</strong>.En effet, il est : a) inexact que, comme <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison le suppose, <strong>la</strong>conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité, accompagnant certaines propositions synthétiques, soit un critèreinfaillible <strong>de</strong> leur origine a priori et provenant <strong>de</strong> l'esprit. Et par exemple, une conscience <strong>de</strong>nécessité est également liée, en dépit <strong>de</strong> leur origine empirique, aux sensations <strong>de</strong>s sensextérines, sensations qui d'après <strong>la</strong> <strong>philosophie</strong> critique ne proviennent pas, quant à leurmatière, <strong>de</strong> l'esprit, mais <strong>de</strong>s choses hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s. En effet, aussi longtemps qu'une sensationest présente en n<strong>ou</strong>s, n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons <strong>la</strong> connaître que comme présente. N<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons certes7


penser qu'elle aurait pu ne pas être là, <strong>ou</strong> encore que, durant sa présence, une autre sensationaurait pu s’y substituer; mais n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons pas avoir réellement cette autre sensation nin<strong>ou</strong>s défaire totalement <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensation que n<strong>ou</strong>s avons ; mais bien au contraire n<strong>ou</strong>s sommesconscients <strong>de</strong> sa présence comme <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> nécessaire. De même, n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vonsque <strong>la</strong>isser, comme il existent p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs, l'ordre et <strong>la</strong> liaison <strong>de</strong>s caractères qui se tr<strong>ou</strong>ventdans <strong>la</strong> perception d'un objet extérieur, et il est nécessaire que n<strong>ou</strong>s percevions <strong>les</strong> branchesd'un arbre que n<strong>ou</strong>s voyons dans cet ordre en lequel <strong>les</strong> branches se présentent, à chaque fois,à notre esprit. N<strong>ou</strong>s sommes ici effectivement confrontés au cas en lequel <strong>de</strong>s objets hors <strong>de</strong>n<strong>ou</strong>s provoquent en l'esprit, <strong>de</strong> par leur influence, <strong>la</strong> conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité (107), et fontqu’il est impossible <strong>de</strong> percevoir un objet autrement qu'il n’est perçu. Certes, il y a uneincommen<strong>sur</strong>able différence entre <strong>la</strong> nécessité qui accompagne <strong>les</strong> perceptions réel<strong>les</strong>,internes comme externes, et <strong>la</strong> nécessité à l’œuvre en certains ju<strong>ge</strong>ments synthétiques ; <strong>la</strong>première <strong>de</strong> ces nécessité ne dure en effet qu'un certain temps et n'est présente que danscertaines circonstances, alors que p<strong>ou</strong>r ce qui est en revanche <strong>de</strong> ces ju<strong>ge</strong>ments synthétiques,lorsqu’ils sont là , on y tr<strong>ou</strong>ve une conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> <strong>la</strong> liaison <strong>de</strong> <strong>la</strong> propriété avecle sujet. Mais s'il n'est pas en général impossible que <strong>de</strong>s objets empiriques affectent notreesprit <strong>de</strong> sorte qu’ ils suscitent en n<strong>ou</strong>s et durant un certain temps le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité; il est alors également possible que ces objets provoquent en n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>s connaissances dont <strong>la</strong>liaison est t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs accompagnée <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité; à t<strong>ou</strong>t le moins, ne peut onpas prétendre que <strong>la</strong> nécessité au sien <strong>de</strong> notre connaissance soit un critère sûr et infailliblep<strong>ou</strong>r déterminer son origine a priori. b) Si <strong>les</strong> choses en soi n<strong>ou</strong>s sont totalement inconnues,comme l'affirme <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison, alors n<strong>ou</strong>s ne p<strong>ou</strong>vons absolument pas savoir quel<strong>les</strong>sont <strong>les</strong> déterminations qui peuvent être produites dans notre esprit par l'influence <strong>de</strong> ceschoses. Car une chose qui n<strong>ou</strong>s est totalement inconnue n<strong>ou</strong>s l’est t<strong>ou</strong>t autant quant à cequ'elle peut <strong>ou</strong> non causer. Comment alors serait-il possible d être apodictiquement certainque <strong>les</strong> objets <strong>de</strong>s sensations, qui sont objectifs et totalement inconnus <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s, ne peuventpas avoir en<strong>ge</strong>ndré <strong>de</strong>s connaissances en <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> se tr<strong>ou</strong>verait <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité? c) Unedéduction <strong>de</strong> ce qui est nécessaire et universel dans l'esprit ne rend pas son existence (celle dunécessaire dans notre connaissance) plus concevable que <strong>la</strong> déduction d'objets hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s et<strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong> d'action. Car comme l'esprit n<strong>ou</strong>s est totalement inconnu quant à ce qu'il est ensoi, comme <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison le reconnaît, en déduisant (108) <strong>les</strong> propositionsnécessaires dans notre connaissance non pas <strong>de</strong>s objets hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s mais <strong>de</strong> l'esprit et <strong>de</strong> sonmo<strong>de</strong> d'action, on ne fait rien <strong>de</strong> plus que poser un inconcevable en lieu et p<strong>la</strong>ce d’un autreinconcevable ; si l’on veut que soit plus concevable l'origine <strong>de</strong>s ju<strong>ge</strong>ments synthétiques8


que <strong>les</strong> objets, dont l’action <strong>sur</strong> l'esprit produit en n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance contin<strong>ge</strong>nte, nepeuvent avoir également en<strong>ge</strong>ndré le nécessaire et l'universel dans notre connaissance. Doncp<strong>ou</strong>r Hume, il est question <strong>de</strong> ce qui doit être là dans notre expérience, tandis que p<strong>ou</strong>r Kantil s’agit <strong>de</strong> l'origine <strong>de</strong> ce qui est présent dans notre connaissance.(110) Mais si, dans <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison, il n'a pas été démontré que le nécessaire etl'universel dans notre connaissance ne peuvent provenir que <strong>de</strong> l'esprit et <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> d'actiondéterminé a priori, <strong>de</strong> même <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison n'a pas davanta<strong>ge</strong> pr<strong>ou</strong>vé ni établi que <strong>les</strong>représentations et <strong>les</strong> ju<strong>ge</strong>ments a priori, <strong>de</strong>vant être présents en n<strong>ou</strong>s, ne sont que <strong>les</strong> formes<strong>de</strong>s connaissances d'expérience et ne peuvent donc avoir <strong>de</strong> validité et <strong>de</strong> signification qu'enapplication aux intuitions empiriques. Par suite, elle n'a pas du t<strong>ou</strong>t circonscrit <strong>la</strong> puissance etl'impuissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté humaine <strong>de</strong> connaître. Les arguments par <strong>les</strong>quels elle détermine <strong>la</strong>valeur <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>tes <strong>les</strong> connaissances a priori sont en effet <strong>les</strong> suivants:A) Il n’y a qu’une seule manière <strong>de</strong> penser et se représenter comme possible que <strong>de</strong>sintuitions et <strong>de</strong>s concepts qui précè<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> réalité d'un objet se rapportent à celui-ci il faut queces concept et inyuitions ne soient rien d’autre que <strong>les</strong> formes même <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance d’unobjet réel ; dans le sujet, ces formes précé<strong>de</strong>nt dans le sujet t<strong>ou</strong>tes <strong>les</strong> impressions par<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> je suis affecté par <strong>les</strong> objets .B) jusqu’à maintenant, <strong>la</strong> <strong>philosophie</strong> dogmatique est resté incapable <strong>de</strong> justifier sesprétentions à <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s choses en soi et a même au contraire conduit à <strong>de</strong>scontradictions dans <strong>la</strong> détermination <strong>de</strong> ce que doit être <strong>la</strong> chose en soi ; (111) donc <strong>la</strong> facultéhumaine <strong>de</strong> connaître est, par sa nature et sa <strong>de</strong>stination incapable d'arriver à <strong>la</strong> connaissance<strong>de</strong> <strong>la</strong> chose en soi. P<strong>ou</strong>r ce qui est <strong>de</strong> <strong>la</strong> première <strong>de</strong> ces preuves, il y est a) dit à n<strong>ou</strong>veau quequelque chose ne peut être constitué objectivement et réellement que <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière dont n<strong>ou</strong>ssommes capab<strong>les</strong> <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s <strong>la</strong> représenter. Ce qui, <strong>de</strong> manière spécifique, appartient à <strong>la</strong>nature objective <strong>de</strong> nos représentations est donc déterminé d'après ce que n<strong>ou</strong>s avons à enpenser et ce que n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vons en penser, et ce raisonnement explique l'être objectif à partir <strong>de</strong><strong>la</strong> pensée subjective. b) On peut penser que <strong>de</strong>s représentations et <strong>de</strong>s concepts, présents apriori en n<strong>ou</strong>s, peuvent se rapporter à <strong>de</strong>s objets réels autrement qu'en tant que formes etconditions <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> ces objets. Les représentations et concepts a priorip<strong>ou</strong>rraient, en effet, s'appliquer également à ces objets et ce<strong>la</strong> en raison <strong>de</strong> l’harmoniepréétablie <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> notre faculté <strong>de</strong> connaître avec <strong>les</strong> propriétés objectives <strong>de</strong>s choses en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s. Par là, conformément à cette harmonie, quelque chose serait représenté àl'esprit par <strong>les</strong> concepts et intuitions a priori qu’il lui faut utiliser lors <strong>de</strong> ses activités, quelquechose qui n'aurait pas seulement valeur subjective dans notre connaissance mais qui10


correspondrait aux propriétés <strong>de</strong> <strong>la</strong> chose en soi et représenterait ces propriétés. L'hypothèsed'une telle harmonie préétablie entre <strong>les</strong> représentations a priori et ce qui existe objectivementn’impliquerait as<strong>sur</strong>ément rien d'ab<strong>sur</strong><strong>de</strong> ni d'inconcevable, et <strong>la</strong> nature p<strong>ou</strong>rrait peut-êtreavoir pris (alors même qu’elle aurait tr<strong>ou</strong>vé impossible <strong>de</strong> f<strong>ou</strong>rnir à l'homme par <strong>la</strong> voie <strong>de</strong>ssens et <strong>de</strong>s sensations <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong>s choses hors <strong>de</strong> lui) une disposition <strong>de</strong>ce <strong>ge</strong>nre, à savoir que <strong>les</strong> représentations a priori en l'homme contiennent en même temps ceque <strong>les</strong> propriétés objectives <strong>de</strong>s choses en soi p<strong>ou</strong>rraient produire si t<strong>ou</strong>tefois leur influence<strong>sur</strong> l'esprit avait été possible. Qui connaît <strong>la</strong> nature en soi ? Qui sait quel<strong>les</strong> fins <strong>la</strong> naturep<strong>ou</strong>rsuit à propos (112) <strong>de</strong> l'homme et <strong>de</strong> sa connaissance ? Qui peut, en <strong>ou</strong>tre, déterminer parquels moyens elle atteint ces fins ? Il n<strong>ou</strong>s faudrait à t<strong>ou</strong>t le moins connaître un prédicat <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature en soi p<strong>ou</strong>r n<strong>ou</strong>s empêcher <strong>de</strong> penser une telle hypothèse.La secon<strong>de</strong> preuve que <strong>la</strong> Critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison donne (preuve <strong>de</strong> l'incapacité <strong>de</strong>l’humaine faculté <strong>de</strong> connaissance à connaître <strong>les</strong> choses en soi et preuve que <strong>les</strong>représentations a priori n'ont <strong>de</strong> validité que par rapport aux intuitions empiriques) ne pr<strong>ou</strong>ve,si on l’examine <strong>de</strong> manière exacte, rien <strong>de</strong> plus que <strong>la</strong> première. En effet <strong>de</strong> ce que <strong>la</strong> raisonhumaine, en dépit <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>tes ses tentatives et efforts, n'a pas encore réussi une chosequelconque, il ne s’ensuit nullement avec certitu<strong>de</strong> qu'elle est et sera t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong> par sa natureincapable <strong>de</strong> le faire.. Certes, <strong>les</strong> nombreux errements <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison philosophique doivent n<strong>ou</strong>srendre pru<strong>de</strong>nts voire méfiants, et l’extravagance <strong>de</strong> ces errance <strong>de</strong>vrait n<strong>ou</strong>s inciter à ne plusn<strong>ou</strong>s risquer dans le royaume <strong>de</strong>s choses en soi sans un gui<strong>de</strong> sûr. Mais <strong>de</strong> ce que ce royaumen’a pas jusqu'à maintenant été déc<strong>ou</strong>vert, il ne s’ensuit nullement avec certitu<strong>de</strong> qu'il ne <strong>les</strong>era ni ne p<strong>ou</strong>rra jamais l’être. Ainsi, n<strong>ou</strong>s resterions, re<strong>la</strong>tivement à <strong>la</strong> puissance et àl'impuissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté humaine <strong>de</strong> connaissance, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs dans l’incertitu<strong>de</strong> passée; et <strong>la</strong>tentative <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison p<strong>ou</strong>r déterminer cette puissance et cette impuissance auraittotalement éch<strong>ou</strong>é, et dés lors ne p<strong>ou</strong>rrait plus légitimement empêcher un penseur indépendant<strong>de</strong> s’efforcer <strong>de</strong> connaître ces choses en soi.11

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