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Journal du Parc n°23 - Parc naturel régional Livradois-Forez

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<strong>Journal</strong> <strong>du</strong> <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional Printemps-Été 2012Photo : C. CamusDroits réservésIl en va des territoires commede tous les êtres vivants : leurdevenir est lié à leur capacitéde bien gérer leurs ressources dansla <strong>du</strong>rée. Le <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> a mis cette questionau cœur de son projet de territoire,c’est-à-dire sa Charte. Celle-ci metl’accent sur les ressources aussi essentiellespour le <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>que les terres agricoles, les forêts,l’eau, le patrimoine <strong>naturel</strong>, lepatrimoine bâti. Leur gestion intelligentepour l’avenir est au cœurde la stratégie <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>.Ce numéro <strong>du</strong> <strong>Journal</strong> <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>l’aborde sous plusieurs angles :- celui de la forêt pro<strong>du</strong>ctricede bois et habitat d’une fauneremarquable bien représentée parla chouette de Tengmalm, oiseauforestier par excellence ;- celui de la gestion <strong>du</strong> patrimoine<strong>naturel</strong> pour laquelle le <strong>Parc</strong> joueun rôle central, impliqué dans laconstruction <strong>du</strong> réseau européenNatura 2000 ;- celui de la reconnaissance etde la promotion <strong>du</strong> pisé, à la foissavoir-faire <strong>du</strong> <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>et matériau d’avenir ;- celui <strong>du</strong> cheval d’Auvergne,héritage et ressource bio-génétiqueprécieuse.Au-delà de la nécessaire conservationde tous les patrimoines, le <strong>Parc</strong>,depuis sa fondation, se préoccupeaussi de leur valorisation à desfins de développement. Ce n’estpossible que dans un soucipermanent de qualité et dans unesprit de filière économique,forestière, agricole...Les certifications et les labelslocaux, nationaux et internationaux,recherchés et reçus, contribuent aurayonnement <strong>du</strong> <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>bien au-delà de ses limites.Ce rayonnement est d’abord lefruit <strong>du</strong> travail et de l’énergiedes femmes et des hommes <strong>du</strong>territoire, qui portent haut sescouleurs. En ce sens, je vous recommandeégalement la lecture<strong>du</strong> portrait de « L’invitée », anthropologuede renommée mondiale,sur lequel se referme ce journal.Le PrésidentTony Bernard,maire de ChâteldonLa Forêten douceurDans lesconversations,il y a presquetoujours un arbrequi cache la forêt.Des opinionss’affrontent,partielleset partiales :contre les coupesà blanc, pourla futaie jardinée,non au douglas,vive le sapinet le hêtre…Prenons l’affaire endouceur, posément.C’est la méthodepréconisée par le<strong>Parc</strong> qui prôneune gestion <strong>du</strong>rablede la forêt.La « forêt », c’est vite dit, le mot estévocateur mais trop générique.Il convient de ne pas mettre tousles arbres dans le même sac.On distingue deux grandes catégories deboisements en <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>. Au bénéficede l’âge, commençons par la forêt« historique », celle qui semble être là depuistoujours, qui a résisté aux défrichementset dont Cassini, au XVIII e siècle, a dressé lacartographie. Ce sont essentiellement lessapinières et sapinières-hêtraies de BoisGrand, <strong>du</strong> Bois <strong>du</strong> Marquis, <strong>du</strong> Bois dela Grange, des Bois Noirs, la forêt <strong>du</strong>Breuil, etc. La seconde catégorie est deplus récent lignage, elle naît à la faveurde la déprise agricole, de l’exode rural.On part travailler à la ville, bien obligé,on plante les parcelles délaissées, onplante en épicéa, en douglas, des essencesqui ne sont pas d’ici mais réputées decroissance rapide, on est encouragé parle Fonds Forestier. Une bonne part <strong>du</strong>Haut-<strong>Livradois</strong> est de cette lignée.Une bonne gestion, une gestion <strong>du</strong>rableimplique une approche circonstanciée etdes traitements différenciés entre jeuneset vétérans.De tout âgeLe <strong>Parc</strong> recommande de maintenir lessapinières partout où « le sapin est enstation », c’est-à-dire là où il trouve un sol,une altitude, un climat et une pluviométriefavorables, c’est-à-dire, plus simplementencore, là où il s’est maintenu pendantdes siècles. Sur ces massifs anciens, lagestion en futaie jardinée, avec des arbresde tout âge, est préférable et fortementconseillée. Elle est aisée : le sapin s’ensemencelui-même, les jeunes arbrespeuvent patienter longtemps, attendrepatiemment que les « vieux », que l’on récolte,les laissent accéder à la lumière.Laisser venirIl faut affiner encore. Certains sapins nesont pas « en station », pas à la place quileur convient, c’est le cas notamment surces pentes qui s’abouchent avec la plained’Ambert. Altitude trop basse, expositionau sud, changement climatique aidant, lesarbres, plantés avant que l’on « découvre »le douglas, se retrouvent en difficulté.On n’est pas pour autant en situationd’urgence, la température ne va pas bondirde 3° en dix ans, on peut prendre <strong>du</strong>temps pour couper parcimonieusement,laisser venir <strong>naturel</strong>lement d’autresessences dans les trouées, planter desessences dont on aura vérifié qu’elles sontadaptées : le pin sylvestre, le pin lariciode Corse, l’érable, le cèdre peut-être…Les jeunes, maintenant. Les épicéas etdouglas, plantés dans le courant <strong>du</strong> demisièclepassé, arrivent ou vont arriver àmaturité, en volume très conséquent. Larécolte n’est pas, ne sera pas toujours àhauteur des espérances. La gestion aété plutôt aléatoire – sauf exception. Ontravaille en ville, on n’a pas le tempsni le souci de s’en occuper, on se dit queles arbres poussent tout seuls. Ils ontpoussé haut pour atteindre la lumière,sans trop grossir, les boisements sontfragiles, il n’y a pas beaucoup d’autressolutions que la coupe rase.Inventionet concertationEt après ? Ne pas répéter les erreurs<strong>du</strong> passé, surtout. Prendre le temps deréfléchir au choix des essences les mieuxadaptées (le douglas pourra avoir sa place,ce sont les plantations trop denses qui luiont valu sa réputation d’Attila), se donnerles moyens d’assurer une véritable gestion,avec dépressage, éclaircie, se faire à l’idéeque quand on plante plus de mille arbresà l’hectare on en récoltera seulement troiscents, mais des beaux.La forêt de l’avenir sera diverse, différente,elle est à inventer. Cette invention supposeet implique une concertation entre tousles acteurs de la filière bois qui est,faut-il le rappeler, un axe important <strong>du</strong>développement économique. Il leur appartientde s’accorder, en liaison avec lesopérateurs de terrain, le CRPF* et l’ONF*,sur une stratégie commune, à long terme.Si l’on prend l’affaire posément, avecrigueur, il est possible que la forêtde l’avenir soit à la convenance de tous sesusagers : propriétaires, forestiers, scieurs,promeneurs, esthètes, cueilleurs de baiesou de champignons, et aussi pics noirs etdigitales pourpres, venturons montagnardset myrtilles.■* Centre régional de la propriété forestière.Office national des forêts.SommaireL’engagementNatura 2000pages 2-3Piséet diversitépages 4-5Chevald’Auvergnepage 6Vraimentchouette !page 7L’invitée :FrançoiseHéritierpage 8N°23


vite dit…●●●NouveauUn Guide Nature pour mieux connaître les différents milieux<strong>naturel</strong>s <strong>du</strong> <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> et les espèces animales et végétalesqui leur sont associées. Avec une liste de bons conseils pouraider à leur préservation.Ouvrage réalisé à l’initiative <strong>du</strong> <strong>Parc</strong> en collaboration avecdes scientifiques, des naturalistes et les associations deprotection de la nature.Disponible à la Maison <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>, 10 €<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> - n° 23Printemps - Été 2012<strong>Journal</strong> <strong>du</strong> <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional63880 Saint-Gervais-sous-MeymontTél. 04 73 95 57 57 - Fax 04 73 95 57 84info@parc-livradois-forez.orgwww.parc-livradois-forez.org.Directeur de publication : Tony BernardConception et rédaction : la vie comme elle vaCréation graphique et réalisation :Vice VersaImpression : FusiumTirage : 50 000 exemplairesN° d’ISNN 1628-4372Dépôt légal : deuxième trimestre 2012●●●Nouveau (bis)Le GéoGuide Auvergne, publication deséditions Gallimard, vient de paraître.Avec vue panoramique sur le <strong>Parc</strong><strong>naturel</strong> régional <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>,étapes à Ambert, Billom, Thiers et LaChaise-Dieu, balades sur les Hautes-Chaumes et dans les gorges de l’Arzon.En librairie, 14,90 €●●● ObservéEn mars dernier, la LPO et le Muséum d’histoire<strong>naturel</strong>le ont créé le site (internet) de “l’Observatoireparticipatif des oiseaux de jardins”.Invitation est faite à chacun d’observer les oiseaux sur unespace défini (un jardin privatif, un jardin public, un squareou même un balcon) et de transmettre les observations àun relais régional qui répercutera l’information au niveaunational.➜ http://www.oiseauxdesjardins.fr➜ http://www.faune-auvergne.org●●● SurprisLes musiciens del’association à la recherched’un folkloreimaginaire(ARFI) nous surprendronttoujours.Sur leur nouveauCD, non contentsde jouer de l’harmonica,de la clarinette,<strong>du</strong> hang et<strong>du</strong> cajon, <strong>du</strong> bugleou de la darbouka,ils convoquent dansl’orchestre des criquets et des moustiques, des guêpes et descapricornes… On aime particulièrement le grillon version« rising sun » et la cigale en mode rap.➜ www.arfi.orgUn réseau européenÀ la suite <strong>du</strong> Sommet de la Terre qui s’est tenu à Rio de Janeiro, en 1992, l’Union européenne s’est engagéeà enrayer la perte de biodiversité en créant un réseau de sites écologiques baptisé Natura 2000.Son ambition est de concilier la préservation de la nature et les usages socio-économiques de ces espaces.La France, après avoir un peu traîné les pieds, a choisi de mettre en œuvre une démarche contractuellequi implique une large concertation entre les collectivités et les usagers. Une fois que le site est identifié,en fonction de critères de richesse patrimoniale, le préfet met enplace un comité de pilotage qui élaboreun document d’objectifs et il désigne un gestionnaire. Le réseauNatura 2000 constitue le plus vaste maillage de sites protégés aumonde. Il compte plus de 25 000 sites en Europe, 1753 en Francedont 22 en <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>, 9 étant gérés par le <strong>Parc</strong>.Un arrêté ministériel en date <strong>du</strong> 22 août 2006 « porte désignation<strong>du</strong> site Natura 2000 <strong>du</strong> complexe minier de la vallée de la Senouire ».Huit communes de la Haute-Loire sont concernées sur▲ Vallée <strong>du</strong> Fossat1885 hectares : Chassagnes, Chavaniac-Lafayette, Jax, Josat,La Chapelle-Bertin, Mazerat-Aurouze, Sainte-Marguerite et Varennes-Saint-Honorat.Ledit « complexe » est un réseau de galeries minières, exploitées autrefois pour la fluorine et l’antimoine.« Exploitées » aujourd’hui, au moins partiellement, par des chauves-souris. Après la concertation de rigueur,le comité de pilotage, présidé par Jean-Jacques Ludon, a validé le document d’objectifs en novembre 2010.Il s’agit en priorité de préserver les gîtes à chauves-souris et leurs abords, de préserver aussi leurs territoiresde chasse. Le gestionnaire <strong>du</strong> site est le <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional qui a choisi de travailler en partenariatavec le Conservatoire d’espaces <strong>naturel</strong>s d’Auvergne, l’association Chauve-souris Auvergne et la Chambred’Agriculture de Haute-Loire.Mieux qu’unecohabitationLe réseau Natura 2000 prescrit de concilierpréservation de la nature et activités socioéconomiques,selon un partage équitable.Finalement, c’est mieux que ça. Ce sont les activitéshumaines qui, avec précaution, aménité, créentles conditions favorables au maintien des espèceset de leurs milieux. Il faut aller voir sur le terrain,dans la vallée de la Senouire, par exemple.Rencontre avec un élu, une agricultriceet un propriétaire forestier.Dans le clocher. « Les chauvessouris,nous sommes habitués à leur compagnie,elles viennent manger des insectesau bord de la Senouire, certaines nichentdans le clocher de l’église, elles fontpartie <strong>du</strong> paysage depuis toujours. Maisnous ne savions pas qu’il y avait, dans lenombre, des espèces rares, notamment lepetit rhinolophe », reconnaît Jean-JacquesLudon, maire de Sainte-Marguerite.Quand le secteur dit <strong>du</strong> « complexe minier »a été désigné site Natura 2000, il a acceptéde devenir président <strong>du</strong> comité depilotage : « Sur le principe, nous étionsd’accord pour protéger. Et nous sommespartis sur de bonnes bases parce quel’engagement était volontaire, rien n’étaitimposé au préalable. J’ai tenu à ce que laconcertation soit la plus large possible,que chacun soit informé, que tout lemonde puisse s’exprimer. Il y a eu desPhoto : M.Thénotinterrogations, bien sûr, mais pas deréticence a priori ni d’opposition. »Sur l’ensemble <strong>du</strong> site, une dizaine d’agriculteurs(pour une superficie globale de137 hectares) a choisi de mettre en œuvredes mesures agri-environnementales (1) ,des propriétaires ont signé une charte de« bonnes pratiques »… « Leur engagementrépond d’abord à un souci de protectionde la nature. Comment des rurauxn’auraient-ils pas cette préoccupation !?Le fait qu’ils en obtiennent un légeravantage financier est évidemment unemotivation supplémentaire. Je précise, ence qui concerne l’exonération de taxe surle foncier non bâti, que les communes, quise voient ainsi privées d’une part de leursrecettes, recevront une compensation. »Voilà les moyens trouvés pour préserver lesterritoires de chasse des chauves-souris etles abords de leurs gîtes d’hibernation (2) .Ce n’est pas le tout d’hiberner, il fautaussi assurer la perpétuation de l’espèce.Les clochers et les combles des églisesde Sainte-Marguerite et de Chassagnesaccueillent des colonies de repro<strong>du</strong>ction<strong>du</strong> petit rhinolophe, mais le confort est loind’être optimal. Les courants d’air et le froidleur sont parfois fatal. « Le Conservatoired’espaces <strong>naturel</strong>s est venu examiner leslieux et a fait des propositions de travauxà effectuer : pose d’un plancher et d’unisolant, obturation d’une lucarne… ÀChassagnes, c’est un peu plus complexe,la réflexion est en cours, mais noustrouverons les bonnes solutions. » Lestravaux sont financés par l’État et l’Unioneuropéenne dans le cadre d’un contratNatura 2000.Il faudra un peu de temps pour juger del’efficacité des mesures prises, mais toutaura été fait pour que les chauves-souriscontinuent de chasser sur les rives de laSenouire. « C’est pour nous une bienveillance…<strong>naturel</strong>le », dit Jean-Jacques Ludon.À midi. Vauzelle, commune deJosat, sur le coup de midi. Le troupeauregagne la bergerie, 350 brebis, desNoires <strong>du</strong> Velay, des Blanches <strong>du</strong> MassifCentral. Chantal Raynaud marche en tête,elle est agricultrice, elle ne se plaint pas :« Les journées sont longues, de 6 heures<strong>du</strong> matin à 8 heures <strong>du</strong> soir, mais onarrive à vivre de notre travail. » 90 hectares,les brebis, une quarantaine de vaches, çaoccupe. Elle a vu l’agriculture changerpuis retourner à ses fondamentaux. « Untemps, parce qu’on leur intimait de faireB i e n v e i l l a n c e


Les autres sites géréspar le <strong>Parc</strong>Monts <strong>du</strong> <strong>Forez</strong>. Le site le plus vaste, 5 565 hectares de landes etde pelouses sur les Hautes-Chaumes, avec tourbières, éboulis rocheux,ceinture de hêtraies et de sapinières-hêtraies. Mosaïque de milieuxcomptant un grand nombre d’espèces rares : damier de la succise,nacré de la caneberge, drosera, bruchie des Vosges…▲ Président <strong>du</strong> comité de pilotage : Tony Bernard, président <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>Plaine des Varennes. 846 hectares répartis en 12 îlots entreLezoux, Thiers et Billom, entre les vallées de la Dore et de l’Allier.Secteur bocager où la présence de l’eau est importante (mares, étangs,prairies humides) et qui constitue un refuge pour une multituded’espèces : amphibiens, oiseaux, insectes…▲ Tony Bernard, président <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>Puys de Pileyre et <strong>du</strong> Turluron. 78 hectares. Ces deux puysvolcaniques se dressent au milieu des champs de la Limagne. Sur leurflanc orienté au sud, de nombreusesespèces de mœurs plutôt méditerranéennes.Et sur les pelouses <strong>du</strong> puyde Pileyre, l’une des plus bellespopulations d’orchidées <strong>du</strong> Puy-de-Dôme.▲ Jacques Charpin, conseillermunicipal de BillomBois noirs. 16 unités pour un totalde 393 hectares aux confins des trois ▲ Puy <strong>du</strong> Turlurondépartements, Allier, Loire et Puyde-Dôme.Tourbières, prairies humides, forêts, des habitats <strong>naturel</strong>s àhaute valeur patrimoniale dont cinq d’intérêt communautaire.▲ Marie-Noëlle Charrondière, présidente <strong>du</strong> Syndicat mixte desMonts de la Madeleine<strong>du</strong> rendement, les paysans ont forcé surtout. Ils sont revenus à une conceptionplus raisonnable, plus raisonnée. La terrene peut pas donner au-delà de ses limites,on en est conscient aujourd’hui. On saitque l’avenir est à la qualité plutôt qu’à laquantité. »Les mesures agri-environnementales, elleen a enten<strong>du</strong> parler par la Chambred’Agriculture de la Haute-Loire. « Il m’asemblé que les préconisations allaient dansle sens de ce que je fais habituellement :éviter les apports en engrais, ne passurpâturer, tenir les terres propres,débroussailler si nécessaire… » Elle s’engagedonc, en mars 2011, pour une dizained’hectares (3) , « des parcelles en herbe oùje sais ce que je vais faire dans les cinqprochaines années ». La sécheresse del’été dernier n’a pas permis de démarrerl’application, « en situation de pénurie,les bêtes mangent ce qu’elles trouvent,elles pâturent partout où il reste un peud’herbe ».Chantal Raynaud espère que l’année encours sera plus arrosée. Pendant les joursde pluie, elle remplira le cahier de suivi,c’est la contrainte qui la rebute le plus,« mais il faut bien ». Quant aux chauvessouris,« elles sont là, chassant dans lesprairies, volant autour de la maison, lesoir. Elles seront là après nous, surtout sion les aide un peu. »Au crépuscule. Jean-FrançoisBlanc est boulanger à Jax (4) , il fait destournées sur douze communes. La boulangerieBlanc est une institution localedepuis 1899 et quatre générations.Le boulanger a une autre passion, le bois.Au fil des années, il a acquis une bonnevingtaine d’hectares, des parcellesdispersées, « ici la forêt est très morceléealors que nous avons de beaux massifsqui occupent les deux tiers <strong>du</strong> territoirecommunal ».Il a signé une charte Natura 2000 pour sixhectares. « On est exonéré d’une part dela taxe foncière, on peut bénéficier deconseils de gestion. En contrepartie, on nepeut plus faire de coupe à blanc dans unrayon de 20 mètres autour d’un gîte àchauve-souris, on est tenu de garderquelques arbres morts, on doit privilégierla futaie irrégulière – mais c’est déjàle cas pour beaucoup de parcelles quisont pentues, en terrain rocailleux, et peuaccessibles aux engins forestiers. Au total,les contraintes ne me semblent pastrès fortes et je ne vois pas qu’on y perdebeaucoup de liberté. »Depuis qu’il a signé la charte, Jean-FrançoisBlanc s’attarde probablement plus longtempssur cette parcelle où se trouve uneancienne mine et qui est à coup sûr unbon terrain de chasse pour les chauvessouris.Si la boulangerie ne le réclamait, ilpatienterait bien jusqu’au crépuscule,pour les voir.■1 - Les agriculteurs ont participé au choix et à la définitiondes mesures dans le cadre de groupes de travail.2 - 49 gîtes d’hibernation ont été répertoriés dansles ouvrages miniers désaffectés <strong>du</strong> secteur. Suite à destravaux de sécurisation, seuls 26 d’entre eux ont étéconservés. La population hivernale, toutes espècesconfon<strong>du</strong>es, est estimée à 200 indivi<strong>du</strong>s.3 - Les agriculteurs reçoivent une aide financière àl’hectare, variable selon les exigences <strong>du</strong> contrat qui vautpour cinq ans, renouvelables.4 - Il est aussi maire-adjoint et délégué de sa communeauprès <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>.▲ D’apparence, le grandet le petit rhinolophesne diffèrent que par la taille.Envergure de 25 cm pour l’un,plus de 35 cm pour l’autre.Poids respectif de 4 à 10 get de 16 à 28 g.Quand tout va bien,ils peuvent vivre vingt ans.NomenclatureLes 16 espèces qui vivent <strong>du</strong>côté de la Senouire ne serontdistinguées que par les spécialistes,mais on ne se priverapas <strong>du</strong> plaisir de dire leursnoms qui forment une nomenclaturesouriante : barbastelle,grand rhinolophe, petit rhinolophe,grand murin, murin deBechstein, murin à oreilleséchancrées, murin de Daubenton,murin d’alcathoe, murin àmoustaches, murin de Natterer,oreillard, pipistrelle commune,pipistrelle de Kuhl,noctule de Lesler, grandenoctule et vespère de Savi.Photo : E. BoitierTourbière de Virennes. 126 hectares, mosaïque de zoneshumides. La tourbière acide à sphaignes, installée dans une sapinièreancienne, est la plus grande et la plus riche en biodiversité de tout leHaut-<strong>Livradois</strong>.▲ Denis Chassaigne, maire <strong>du</strong>MonestierCavité d’Auzelles. 12 hectares.Ancienne mine de plomb argentifère,la cavité minière d’Auzelles, dansla vallée <strong>du</strong> Miodet, abrite deschauves-souris en transit entre leurgîte d’hibernation et leur gîte derepro<strong>du</strong>ction.▲ Paul Pouget-Chabrolle, maire▲ Droserad’AuzellesCavité de la Pause. Communes d’Aubusson d’Auvergne,Augerolles et Vollore-Ville. 262 hectares correspondant en partie auterritoire de chasse des chauves-souris autour de la cavité. La galerieminière (issue d’un sondage de prospection) est un de leurs gîtesd’hibernation. Elle est le 3ème site d’Auvergne pour l’hibernation <strong>du</strong>petit rhinolophe.▲ Gilles Laluque, maire d’Aubusson d’AuvergneDore-Faye-Couzon. Une zone linéaire de 108 kilomètres constituéede la Dore, d’Ambert jusqu’à Thiers, et de deux de ses affluents, la Fayeet le Couzon. Auxquels s’ajoutent 72 hectares de forêts alluviales.La Dore est un axe migratoire et un lieu de repro<strong>du</strong>ction pourcertaines espèces de poissons qui effectuent une partie de leur cyclede vie en mer : saumon atlantique, lamproie marine. On y trouveégalement la loutre et le castor d’Europe.▲ Tony Bernard, président <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>▲ Pour suivre l’actualité des sites Natura 2000 :http://www.parc-livradois-forez.org/natura2000/actualites.htmlUn bulletin d’information vient de paraître avec des exemples d’actionet des témoignages d’usagers sur quatre des sites animés par le <strong>Parc</strong>.Il est disponible à la Maison <strong>du</strong> <strong>Parc</strong> et dans les mairies concernées.


C o n t e m p o r a iIl y a encorebeaucoup debâtiments en piséen <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>.On les regardeparfois avec un peude condescendancecomme des témoinsd’un temps révolu.Bien à tort ! Le piséest résolumentmoderne.Hubert Guillauden donne despreuves et plaidepour la diversitéculturelle.Hubert Guillaud est architecte,professeur et directeur de rechercheà l’École nationale supérieured’architecture de Grenoble (ENSAG),directeur scientifique de l’Unitéde recherche Architecture,environnement et culturesconstructives au sein<strong>du</strong> laboratoire CRAterre-ENSAG,responsable de la Chaire UNESCOArchitectures de terre, culturesconstructives et développement<strong>du</strong>rable. Il possède une maisonde famille sur les monts <strong>du</strong> <strong>Forez</strong>.Elle est en pierre, question d’altitude.- Si, par voie de sondage, on demandaitde quoi sont faits les bâtiments, lessondés répondraient à coup sûr depierre, de béton, de bois, d’acier oude verre. Ils oublieraient la terre.- Si le sondage était effectué en France,probablement. Avec des exceptions locales,cependant. Les sondés vivant dans un« paysage » bâti rural ou dans certainscentres-villes historiques ne manqueraientpas de citer la terre. On constaterait alorsque notre patrimoine architectural en terreLe pisédécline une grande variété de matériauxet de techniques de construction : pisé,brique crue ou adobe, bauge, colombageshourdés de torchis, etc. Et des sondésayant voyagé en Afrique ou en Amériquelatine ne manqueraient pas de mentionnerl’importance et la richesse de la constructionen terre crue dans ces continents.Une étude statistique réalisée par leDépartement américain des Énergiesrenouvelables évalue la part <strong>du</strong> patrimoineen terre à près de 50 % <strong>du</strong> bâti mondial.D’autres chiffres : 19 % de la liste <strong>du</strong>patrimoine mondial classé par l’Unescosont des ensembles architecturaux ou dessites archéologiques bâtis en terre ; 32 %des villes inscrites au patrimoine mondial,soit 78 villes, ont un tissu historique engrande partie construit en terre.La terre n’est ni exclusivement rurale, nile fait des seuls pays <strong>du</strong> sud.- En <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>, ce patrimoine est-ilplus conséquent que dans d’autresrégions de France ?- Non. L’architecture en terre est unemarque très typique <strong>du</strong> paysage bâti dela France, elle est seulement absente desterritoires de montagne, Alpes, Pyrénéeset au plus haut <strong>du</strong> Massif Central. D’aprèsl’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat),le bâti en terre représente 15 % <strong>du</strong>patrimoine architectural national, avecdes pointes à 60 % dans les régionsseptentrionales.En <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>, on distingue clairementl’architecture des « monts », qui est faitede pierre comportant de rares annexes enpisé, et l’architecture de plaine où la terreest très présente.pour la diversitéarchitecturale- Connaît-on l’origine de cette tradition ?- Il y a des hypothèses, qui ne sont pastotalement validées. Il pourrait s’agir d’uneinfluence maure liée aux invasions arabes<strong>du</strong> VIII e siècle. Certains traits <strong>du</strong> bâti en pisé<strong>du</strong> <strong>Forez</strong>, les relevés au mortier de chauxpar exemple, évoquent un savoir-faireparent de la culture constructive en pisémaure. Mais le patrimoine que l’on peutobserver aujourd’hui est bien plus récentet l’on peut aisément déceler des influencesvenues <strong>du</strong> Lyonnais. Réciproquement, lesjoints entre banchés, dits « à l’équillade »,que l’on voit sur certains pisés rhodaniensou dauphinois, sont typiques de la traditionforézienne.- Il semble y avoir un regain d’intérêtpour la construction en terre. De quoiprocède-t-il ?- Cet intérêt remonte aux années 1970, ilest lié aux deux crises de l’énergie, <strong>du</strong>pétrole, en 1973 et 1979. Aux Etats-Unis,« contre-culture » ou mouvement hippieaidant, la jeune génération d’architectescommence à proposer une architecturebioclimatique en briques de terre crue,avec des projets emblématiques qui serontérigés en exemples. En France, unpeu plus tard, au début des années 1980,l’exposition « Des architectures de terreou l’avenir d’une tradition millénaire », auCentre Georges Pompidou, a un retentissementconsidérable. C’est en Francequ’est réalisé, de 1983 à 1985, le premierensemble d’habitat social, de type HLM, àl’Isle d’Abeau, dans l’Isère. Cette réalisationsuscitera un intérêt mondial, despays nordiques à la Nouvelle-Zélande.Oui, le renouveau de la construction enterre a bien été impulsé par des inquiétudesenvironnementales. Mais il estconforté, depuis une date plus récente,par le souci de freiner la banalisation dela pro<strong>du</strong>ction architecturale, de préserver– tout en les faisant évoluer – les « identités» culturelles des territoires dont lespaysages sont profondément marquéspar ce type de bâti. Il est renforcé encorepar l’exigence de permettre l’accessibilitééconomique à l’habitat de populationsdémunies, vulnérables, qui ne peuventconstruire en matériaux in<strong>du</strong>striels, tropchers, et pour lesquelles l’exploitationdes ressources locales reste la meilleuresolution. Par « ressources locales », j’entendsaussi les savoirs et les savoir-faire,les « cultures constructives » de ces populationset de ces territoires.- Le pisé, la terre en général, n’est doncpas un matériau d’un autre âge qui appartiendraità une histoire révolue…- Bien sûr que non. Ces matériaux ontfranchi les âges, <strong>du</strong> néolithique à nosjours, ils ne sont en rien frappés d’obsolescence.Préserver, restaurer les bâtiments« patrimoniaux » comme le « petit »patrimoine est un devoir, c’est un bienque nous devons transmettre aux générationsfutures. Et cela contribue aussi àune « réhabilitation », au sens de la dignitérecouvrée. La longue histoire de l’architecturede terre est encore écrite et ellecontinue de s’écrire.


nTerreciel etPhoto : C. CamusOn dirait bien que l’on est prêt, ici,à remuer ciel et terre pourla reconnaissance et la promotion <strong>du</strong> pisé.Trois initiatives en témoignent :▲ Application d’un en<strong>du</strong>it de terre stabilisée à la chauxà Sermentizon.▲ Ce nouvel espacede services de proximité,à Marsac-en-<strong>Livradois</strong>,est un bel exemplede construction publiquecontemporaine alliant laterre et le bois. L’immeubleest labellisé “Bâtiment basseconsommation” (BBC).Architecte : Boris Bouchet.- Cette histoire en cours s’écrit-elle entermes « contemporains », « modernes » ?- Parfaitement. Il y a en ce domaine unegrande capacité de créativité et d’innovationarchitecturale, de superbes réalisationsen pisé en témoignent, auxEtats-Unis, en Europe ou en Amérique latine.Il y a une poésie, une beauté spécifiquede l’architecture de terre que lesartisans ont déployée au fil <strong>du</strong> temps etque les bâtisseurs contemporains poursuiventen la renouvelant. Construire enterre, aujourd’hui, c’est aussi imaginer dessolutions qui peuvent associer plusieursmatériaux dotés de caractéristiques et deperformances différentes. La terre permetbien de répondre à nos exigences« contemporaines », « modernes », en matièred’habitat et de bâti en général.J’ajoute, et c’est un argument qui devraitpeser, qu’il se mène en France depuistrois décennies, une recherche fondamentalede haut niveau, recherche quipermet d’assurer que la terre crue est unmatériau de haute technicité tout à faitapte à satisfaire aux normes en vigueurdans la construction. Avec une performanceassez inégalable au plan environnemental.- Généralement, et ce trait force la sympathie,les défenseurs de la terre crueont des revendications modestes.- Nous n’avons en effet aucune tentationhégémonique, à la différence des zélateursdes matériaux in<strong>du</strong>striels. Nous plaidonspour la diversité architecturale, ladiversité constructive qui est une expressionde la diversité culturelle. Pourquoila refuserait-on quand on accepte désormaisla nécessité d’une biodiversité ? ■✦ ChantiersDe fin mars à fin mai, le <strong>Parc</strong> organisedes chantiers participatifs qui sont uneinvitation à découvrir la technique demise en œuvre <strong>du</strong> pisé. Huit chantiersen tout, chacun sur deux jours, levendredi et le samedi, avec travauxpratiques. À Ambert, rénovation desmurs d’enceinte <strong>du</strong> jardin de Saint-Fiacre ; à Vollore-Ville, construction d’unmuret pour composteurs publics etrestauration d’un four à pain ; àMarsac-en-<strong>Livradois</strong>, restauration d’unmur d’enceinte ; à Sermentizon,rénovation des vestiaires <strong>du</strong> club defootball ; à Saint-Jean-des-Ollières,construction d’un muret pour une airede stationnement ; à Néronde-sur-Dore, intervention sur une façade degrange ; à Châteldon, restaurationd’un mur d’enceinte d’un jardinmunicipal.Les chantiers sont ouverts à tous, àceux qui veulent mettre la main à lapâte comme aux simples curieux. Encomptant les visiteurs, le premierchantier, celui d’Ambert, les 30 et31 mars, a accueilli près de 80personnes. De l’avis des organisateurs,il y a « un engouement pour le pisé ».<strong>Parc</strong>e que l’on a un bâtiment à rénover,parce que l’on envisage de construirede façon « écolo », on vient s’informer,s’initier à la technique. À chaque fois, unprofessionnel est sur place pourencadrer les travaux, répondre auxquestions. Selon les dates, il s’agit deSamuel Dugelay, maçon, maîtred’œuvre (entreprise Makjo), de JackyJeannet (cabinet AbiTerre) et JohanDespres, architectes.À l’occasion et en complément <strong>du</strong>chantier, la commune d’accueil présentel’exposition « Rénover et construire enpisé dans le <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> ». Cetteexposition, qui était à la maison <strong>du</strong><strong>Parc</strong> à l’automne dernier, continuerade circuler sur le territoire puisquedes communes ou des associations laréclament.✦ FormationÀ l’issue d’une réflexion con<strong>du</strong>ite avecplusieurs partenaires (le <strong>Parc</strong>, le CAPEB63, Pôle Emploi, le Conseil régional etles artisans locaux), le GRETA <strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong> a fait un double constat. D’unepart, un certain nombre d’artisans <strong>du</strong>bâtiment, salariés ou patrons, sontproches de l’âge de la retraite ; il y a, ily aura des places à prendre pour unemain d’œuvre qualifiée. D’autre part, lemétier évolue, il exige la prise encompte des enjeux énergétiques, d’unedemande de plus en plus forte en écomatériaux,dont le pisé évidemment.Du constat découle l’action, la mise enplace d’une formation permettantd’obtenir un CAP de maçon et uncertificat d’éco-constructeur, celui-ci étantdélivré par l’Académie de Clermont-Ferrand. La formation, financée parPôle Emploi, se déroule d’octobre 2011à juin 2012, pour un total de 1099heures, dans des locaux mis à dispositionpar la Communauté de communes<strong>du</strong> Pays d’Olliergues. En complément,le GRETA met aussi en place un atelierde « mise à niveau », financé par leConseil régional d’Auvergne, quipermet de mieux appréhender lesnouvelles techniques de constructionet les nouveaux matériaux, ou plutôtces très anciens matériaux (terre crue,bois, paille, chanvre, chaux) qui reviennentau goût <strong>du</strong> jour.Une autre session de formation auralieu à l’automne prochain.▲ greta.livradois@ac-clermont.fr,tél. 04 73 82 31 71Pour connaître les adressesdes professionnels <strong>du</strong> pisé :www.pise-livradois-forez.org✦ DécouverteSur proposition <strong>du</strong> <strong>Parc</strong>, 29 classes de20 établissements scolaires, dont quatrecollèges, se sont engagées dans unprojet « Terre et Pisé » destiné à fairedécouvrir, et apprécier à sa juste valeur,le matériau et le patrimoine.La découverte s’entend au rythme desix demi-journées réparties sur l’annéescolaire, accompagnée par des animateursspécialisés en é<strong>du</strong>cation à l’environnement– et qui ont bénéficié d’uneformation de trois jours pour ce programmespécifique –, accompagnéeaussi, dans certaines classes, par desarchitectes, avec le renfort, parfois, d’unartiste plasticien.Aux premières séances, les élèvesrecensent le patrimoine local, mènentl’enquête dans le village, sur la commune.Ils expérimentent la matière, analysenttrès scientifiquement la composition dela terre : qualité <strong>du</strong> grain, teneur eneau, en air… Puis vient le temps depasser à l’acte, de réaliser quelquechose, « concrètement », comme disentles a<strong>du</strong>ltes. Le concret peut être unecabane ou un muret, en associant, sion le souhaite, différentes techniques :pisé, brique, torchis, en<strong>du</strong>it… Il peutprendre un tour plus artistique si unplasticien vient donner un coup demain. L’école de Chassagnes a mêmel’ambition de croiser les deux : fabriquerdes masques qui seront inclus dans unmur en pisé. Les travaux doivent êtreterminés avant les vacances.L’opération, menée en étroit partenariatavec l’É<strong>du</strong>cation nationale, conseillerspédagogiques, inspecteurs et enseignants,sera recon<strong>du</strong>ite en 2012-2013.Avec d’autres classes, bien sûr.Décoffrage d’un mur en piséà Marsac-en-<strong>Livradois</strong>▲En savoir plusPour tout savoir sur le pisé,le matériau, la technique, lepatrimoine local, la rénovationou les constructions modernes,consulter le guideRénover et construire en pisédans le <strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>, en version papier(disponible à la Maison<strong>du</strong> <strong>Parc</strong>) ou sur le site internet<strong>du</strong> <strong>Parc</strong>.En marchant…sur le sentier « Entre Ocreset pisé » à Sermentizon, avecpassage au four <strong>du</strong> hameaude Lavenal et hommage àdeux anciens maçons piseursde la commune.Cf. le guide “Balades et randonnées<strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régional<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>”, éditionsChamina


R e c o n n a i s s a n c eParticuleCe postier léger à robe baiecuivrée, crinière noireanthracite, yeux en amande,chanfrein rectiligneet fanons abondants,devrait bientôt, trèsofficiellement, être appelécheval d’Auvergne ou, plusprécisément, cheval de raceAuvergne. Particule aidant,cela sonne comme un titrede noblesse, un signedistinctif adosséà la fierté d’un lignage.Photo : ANCRAPour l’instant, Jean Maure lesappelle par leur petit nom :Jolane, Prune, Volga, Kohl etTango, trois juments, un hongre et l’étalon.Les cinq paissent, avec un peu de nonchalance,sur des prairies pentues ensurplomb de Valcivières. L’essentiel deleur activité consiste à promener leurpropriétaire et son épouse sur les crêtes<strong>du</strong> <strong>Forez</strong>, les reliefs escarpés de la Haute-Loire, poussant plus loin parfois, sur lechemin de Stevenson ou des pèlerins deSaint-Jacques de Compostelle.Les chevaux d’Auvergne viennent de loin.Ils auraient été abandonnés par lesSarrasins dont Charles Martel coupa netl’élan… en 732, on ne vous le fait pasdire. De là, comme des soldats endéroute, ils se dispersent. Certains sont« adoptés » par des barons d’Auvergne et<strong>du</strong> Limousin. D’autres, plus tard, portentarmes et bagages des armées napoléoniennes.Un original, si l’on en croitAlexandre Dumas, sert de monture àMousqueton, fidèle compagnon <strong>du</strong>mousquetaire Porthos.Plus que l’art militaire ou la littérature, cesont les usages paysans qui assurent lapérennité de cet « oriental ». De trait oude selle, il rend de grands services. En1834, le naturaliste Louis-Furcy Grogniercélèbre sa capacité à gravir « les sommetsles plus escarpés », à courir « sur les penchantsdes précipices » et ajoute qu’il peutêtre élevé « sur de maigres pâturages » etsupporter « de longues abstinences ». Audébut <strong>du</strong> XX e , la mécanisation et lesroutes carrossées menacent de le mettreau rencart.Au galopIl résiste pourtant. Dépourvu de papiersofficiels, souffrant d’un manque de considération,il semble attendre son heure.Elle vient. En 1997, une poignée d’éleveurscrée une association vouée à assurer sasauvegarde et qui devient un peu plusPhoto : ANCRAtard l’association nationale <strong>du</strong> cheval derace Auvergne (ANCRA). Elle compteaujourd’hui plus de 70 adhérents quipossèdent ensemble 361 chevaux dûmentrépertoriés, dont 11 étalons. Le cheptel serépartit sur 13 départements, le Puy-de-Dôme comptant 60 % de l’effectif.L’ANCRA met en œuvre un « programmede sauvegarde et de relance » avec tenued’un véritable Stud Book (à la fois livretde famille et arbre généalogique), participationà des manifestations locales etnationales, travail de lobbying appuyé…Et pour la première fois cette année, uneprésence au Salon de l’Agriculture. JeanMaure, secrétaire de l’association, estimeque l’affaire avance au galop. « En 2009,nous avons déposé la marque Cheval deRace Auvergne auprès de l’INPI ce quinous a permis de signer une conventionavec l’Institut français <strong>du</strong> Cheval et del’Équitation qui est l’opérateur publicchargé d’accompagner la professionnalisationde la filière. Forts de ces acquis,nous avons adressé, en février dernier,une demande de reconnaissance officiellede la race au ministre de l’Agriculture.Nous espérons une réponse –positive, bien sûr – en fin d’année ou, auplus tard, en début d’année prochaine. »Photo : ANCRABiodiversitéMettons que la reconnaissance vaille titrede noblesse, mais le temps n’est plus oùles ennoblis peuvent demeurer désœuvrés.À cette objection, le secrétaire-éleveurrépond par des arguments encascade et se montre plus élogieux encoreque Louis-Furcy Grognier. « Le chevald’Auvergne est promis à une grandecarrière dans le tourisme, pour la randonnéeet l’attelage. Il est affable, docile,il rassure les débutants et donne satisfactionaux cavaliers chevronnés. Il n’est pasde ces chevaux trop près <strong>du</strong> sang quis’emballent pour un rien. Il peut aussiêtre utile dans certaines activités agricoles,le maraîchage par exemple. Ilcontribue à l’entretien de parcelles délaissées.» Poursuivons le dithyrambe…« D’un poids moyen de 600 kilos, ilconsomme beaucoup moins qu’un chevalde trait qui avoisine ou dépasse la tonne.Il est rustique, il n’a pas nécessairementbesoin d’un box, ce n’est pas un chevalde salon. »Sa ténacité, depuis 732, en témoigne, ilest parfaitement adapté au relief escarpéet au climat rugueux de l’Auvergne. « Etc’est aussi un élément de notre patrimoineque nos anciens nous ont légué. Lapréservation de la biodiversité, comme ondit aujourd’hui, vaut également pour lesespèces domestiques. »■PS. Si vous le permettez, un message personnelà l’intention des éleveurs de chevauxd’Auvergne. Dans la perspective dela prochaine reconnaissance officielle dela race, l’ANCRA souhaite que la saisonde monte 2012 soit exceptionnelle. À cettefin, elle a décidé d’accorder une prime de100 € par jument saillie. La prime est réservéeaux adhérents, limitée à deux juments(inscrites au répertoire) parpropriétaire. Elle sera versée sur présentation<strong>du</strong> carnet de saillie de l’étalonnier.▲ Associationnationale <strong>du</strong> chevalde race Auvergne(ANCRA)<strong>Parc</strong> <strong>naturel</strong> régionaldes Volcans d’Auvergne,Château de Montlosier63970 Aydat04 73 82 40 88www.chevalauvergne.frcontact@chevalauvergne.frDeux paysannes s’en vontau marché… À la fin <strong>du</strong>XIX e siècleL’association estprésidée parLaurent Pradier.Elle bénéficie d’aidesfinancières <strong>du</strong> Conseilrégional d’Auvergne,des Conseils généraux<strong>du</strong> Puy-de-Dômeet <strong>du</strong> Cantal,et <strong>du</strong> soutien moral<strong>du</strong> Conseil généralde la Haute-Loire.« Un cheval biendans sa tête »,dit de lui l’éleveurJean Maure▲


Son air de perpétuelétonnement, elle le doità ces plumes blanchesqui forment un Ventre ses yeux jaune d’or.Son nom lui vient <strong>du</strong> naturalistesuédois Peter Gustav Tengmalmqui l’a identifiée et décrite en 1783.Certains la tiennent pourla plus chouette d’entre les chouettes.Elle est très présentedans le Haut-<strong>Livradois</strong>,Voisinageécoutez ce staccato d’ocarina :« Pou pou pou… »Photo : J. Martinun oiseau <strong>du</strong> froid, <strong>du</strong>Grand Nord, surnomméC’est« nyctale boréale » ou« chouette aux pieds fourrés ». Depuisquand vit-il dans les parages ? On en dispute.La chouette de Tengmalm est « découverte» fortuitement dans la chaîne desPuys en 1979. Alertés, les naturalistes larepèrent ensuite dans les Bois Noirs, surles monts <strong>du</strong> <strong>Forez</strong> et les monts de LaMadeleine, en Margeride, dans le nord <strong>du</strong>Devès et en <strong>Livradois</strong>. « On ne peut en dé<strong>du</strong>irequ’il s’agit d’une expansion géographique,dit Dominique Vigier. Ellepouvait être présente sans qu’on le sache.Nous l’avons trouvée parce que nous noussommes mis à la chercher. »De son QG de Cistrières, où il habite,Dominique Vigier la piste depuis vingt ans,« en ornithologue amateur », précise-t-il,mais chez les adhérents de la LPO on luidonne volontiers <strong>du</strong> « Monsieur Tengmalm», manière de l’introniser spécialiste.Il en parle comme d’une voisine debonne compagnie, discrète, un peufarouche mais fidèle, faisant signe àl’occasion, « Pou pou pou… ». Elle seLa chouette de Tengmalm( aegolius funereus), rapacenocturne de la familledes strigidae. Longueur (<strong>du</strong>bec à la pointe de la queue) :26 cm. Poids moyen : 160 grpour les femelles, 110 grpour les mâles. Longévité :de l’ordre de trois ans.Maturité sexuelle à un an.Photo : J. Martinmontre rarement sur la vingtaine de sitesqu’il suit régulièrement en <strong>Livradois</strong>mais elle est, à chacune de ses apparitions,« la plus belle de toutes les chouettes ». Ilen connaît les habitudes, les mœurs, lesbonheurs et les déconvenues. Il l’observeen voisin curieux, mais très soucieux dene pas déranger.Bon chasseurChez les Tengmalm, la vie commence sur« un air d’ocarina » dans une forêt deconifères, avec sapins blancs de préférenceet quelques fayards si possible. Dèsle début <strong>du</strong> mois de février, parfois plustôt, le mâle entonne son refrain crépusculaireet nocturne qui est un chantd’amour, un appel à convoler. Il a repéréun logement, une loge de pic noir désertée…Oui, dans la famille, on est cavernicolemais non bâtisseur, ce qui oblige àlouer ou squatter. La femelle, sé<strong>du</strong>ite parle ramage, vient inspecter les lieux. Elles’assure également que le prétendant estbon chasseur et qu’il a déjà engrangéquelques proies. Si le constat est favorable,le couple se forme pour la saison,chacun sera fidèle – pour la saison. Lemâle chante jusqu’à ce qu’il ait trouvésa partenaire, il s’interrompt dès quecommence la ponte.Sauf difficulté d’accordailles, la ponte alieu en mars. La femelle couve pendant27 jours (à peu près), réchauffe ses petitspendant trois semaines. Durant toutecette période, il revient au mâle d’assurerl’approvisionnement. Mulots, campagnols,musaraignes constituent l’ordinaire, complété,si besoin, de petits oiseaux, de grosinsectes, voire de batraciens. L’abondancede micro-mammifères est déterminantepour l’avenir de la nichée. Autre variabled’ajustement : la martre, redoutableprédateur qui gobe les œufs, dévore lespetits et même la femelle. La survie del’espèce n’est pas pour autant mise endanger. L’observateur consulte ses carnets :« Sur cent nichées suivies en <strong>Livradois</strong>, de1992 à 2007, 69 ont échoué, 31 ontréussi dont 58 jeunes se sont envolés. »Milieu favorableDes carnets ouverts on espère un chiffreglobal, le résultat d’une addition… « Non,je n’aime pas donner un effectif, ce seraittrop approximatif. Le contact avec leschanteurs – seul moyen de repérage – esttrès aléatoire ; à cinq minutes près, vouspouvez manquer un chant. Mais la population<strong>du</strong> Haut-<strong>Livradois</strong> semble bienêtre la plus importante d’Auvergne. Lachouette dispose ici d’un milieu particulièrementfavorable. J’espère qu’il serapréservé, que l’on évitera les coupes àblanc dans les sapinières ou les hêtraieset les plantations en douglas, des plantationssi serrées que plus rien ne vit sousleur couvert. » Oui, nous aussi on souhaiteque la vie continue. Mais, maintenant, lachouette de Tengmalm, « Pou pou pou… »,on voudrait la voir. « Avec une branchette,grattez le tronc d’un arbre où elle est supposéenicher. Elle viendra voir s’il ne s’agitpas d’un prédateur et montrera sa tête parle trou. Cependant, la ruse souffre d’êtrerépétée, l’oiseau s’habituant à l’importunne se dérange plus. Plus grave, devenumoins vigilant il sera plus vulnérable àune attaque de la martre. Pour ma part,j’évite de recourir à ce procédé et je le déconseilleformellement. » On vous l’avait dit,l’ornithologue est un voisin scrupuleux. ■Recherche chevêchetteLa chevêchette d’Europe, la plus petite de la famille, vit ordinairementdans les forêts des Alpes, <strong>du</strong> Jura et des Vosges. Au printemps 2007,un couple a été repéré dans la chaîne des Puys où il s’est repro<strong>du</strong>it.Cette progression d’est en ouest laissait espérer une présence en<strong>Livradois</strong>-<strong>Forez</strong>. Dominique Vigier est aux aguets… « En fait, je ne lacherchais pas, j’allais rendre visite à une nichée de chouettes deTengmalm. C’était le 17 mai 2011, à la nuit tombée, soudain j’ai enten<strong>du</strong>un chant inhabituel qui était, à n’en pas douter, celui de lachevêchette. Elle a chanté pendant un quart d’heure. Les jours suivants,je suis retourné en vain sur les lieux. Le 24, à 4 kilomètres delà, je l’ai enten<strong>du</strong>e à nouveau, juste quelques bribes. Trois jours plustard, c’étaient deux chevêchettes qui donnaient de la voix, deuxvoix un peu différentes. D’ailleurs, je vais vous les faire écouter… »Dominique Vigier met le magnétophone en route : « Diou dioudiou… » et, comme en écho, une mélodie similaire mais assourdie :« Diou diou diou… » CQFD.Les deux oiseaux chantent régulièrement jusqu’au 12 juillet. PuisPhoto : G. Chassagnardils se taisent, un silence normal en période estivale. « Le 9 septembre,j’ai réussi à établir un nouveau contact, un oiseau a répon<strong>du</strong> àmon imitation par un cri d’alarme. » Mais depuis cette date, plusrien. Et la présence de la chevêchette dans la chaîne des Puysn’a pas été confirmée non plus. Alors, si en vous promenant dansla forêt vous entendez un chant monotone, « Diou diou diou… »,Photo : J. Martinil ne s’agit peut-être que d’un ornithologue qui recherchedésespérément la chevêchette.p o u p o u p o u …


l ’ i n v i t é eAnthropologue de renomméemondiale, Françoise Héritier vientde publier un livre intituléLe sel de la vie. À défaut d’êtreune autobiographie, l’ouvrageressemble fort à un autoportrait,comme on dit en peinture.Avec quelques touches livradoises,émouvantes, drôles et enfantines.Par-delàles différencesDroits réservésSi un jour, en raison des circonstances,<strong>du</strong> temps maussade,vous êtes d’humeur morose oucarrément mélancolique, ouvrez Le sel dela vie. Il recense des plaisirs fugaces, simpleset inoubliables : « (…) chanter avecJean Gabin Quand on s’promène au bordde l’eau, savoir prononcer correctementle nom de la ville de Cunlhat, sortir sur letarmac à la saison des pluies à la nuit àNiamey et sentir l’odeur chaude et épicéede la terre africaine, avoir gardé lesvaches en fabriquant des chapelets, avoirvu Miles Davis et un oryctérope, connaîtrequelques sources, faire de beaux andainsbien réguliers,revenir d’Italie dans uneFiat jaune décapotable, se rebiffer aubon moment juste ce qu’il faut, sortir aucrépuscule <strong>du</strong> cimetière haut perché deBertignat… » L’effet revigorant de cetteallègre recension est assuré.Tête <strong>du</strong>reNéanmoins, à l’ordinaire, Françoise Héritierne passe pas son temps à lister les bonheursgraciles de l’existence, elle ne s’occupe pas,pas principalement en tout cas, <strong>du</strong> vagueà l’âme de ses contemporains. Elle estethnologue, ou anthropologue… Sa mèrelui disait parfois : « J’ai la tête <strong>du</strong>re, je necomprends pas très bien ce que tu fais. »Mettons que nous ayons la tête <strong>du</strong>re.Françoise Héritier consent volontiers às’expliquer. « L’ethnologie consiste àobserver minutieusement et à participer àla vie d’une communauté définie afin derecueillir une somme d’informationsprécises sur tous les aspects de la vie ensociété. Une somme qui constitue lecorpus de base de la réflexion anthropologique.Chaque ethnologue se consacreà une seule communauté ; ainsi, je suisPhoto : Collège de Francel’ethnologue des Samo <strong>du</strong> Burkina-Faso,l’ancienne Haute-Volta. L’anthropologiese situe à un autre niveau, un niveauthématique. Il s’agit alors de donner dela cohérence aux faits observés par lesethnologues dans diverses sociétés <strong>du</strong>monde et tenter de découvrir des lois defonctionnement ou des invariants. Lesdomaines d’approche sont très diverspuisqu’ils recouvrent toutes les formesde la vie en société, matérielles etsymboliques. On peut dire que je suisune anthropologue de la parenté et del’alliance matrimoniale. »PaternelSoit. Mais on trouverait sans peine dessavants qui ne savent pas prononcer lenom de Cunlhat, qui connaissent Niameyet Miles Davis mais qui ignorent latopographie <strong>du</strong> cimetière de Bertignat.▲Avec Claude Lévi-Strauss▲ Enquête en pays Samo sousun baobab. Aux côtés del’anthropologue : Goulé Zo,tra<strong>du</strong>cteur et griot.Ce surcroît de savoir, qui est une manièrede supplément d’âme, l’anthropologue ledoit à ses origines. « Ma famille, côté paternel,est <strong>du</strong> <strong>Livradois</strong>. Ma grand-mères’appelait Marguerite Friteyre, elle est néeà Bertignat. Elle a épousé Georges Héritierde L’Imberdis, commune de Granval.Du côté de Georges, une sœur a épouséun Monteilhet ; leur fils, Pierre, grandblessé de la guerre de 14, fut maire deGranval. L’autre sœur, Augustine, s’estmariée avec un Béal des Batisses ; j’y aiencore des arrières cousins. Du côtéde Marguerite, il y avait deux sœurs,mariées à la Chapelle-Agnon, l’une avecun sabotier, Monsieur Claustres, l’autreavec un Convert, dont le fils, le charmantGustave Convert, avait une fabrique dechapelets… » Françoise Héritier dévide lesarcanes de la parentèle et des alliancesavec une dextérité qui procède autant <strong>du</strong>métier que de l’affection. On se dit, enl’écoutant, que l’anthropologie savanten’est pas sans lien avec la conversationd’une famille attablée qui s’attache àréunir les branches d’une généalogie.CuriositéFille de « fonctionnaires modestes », enposte dans le Loiret, à Saint-Étiennepuis à Paris, elle vient passer ses vacances« sur la montagne », en particulier pendantles années de guerre. « <strong>Parc</strong>e que là, onDroits réservésfaisait le pain, il y avait <strong>du</strong> fromage, <strong>du</strong>lard. Je me souviens qu’on nous pesait surces balances que l’on utilisait pour lesveaux, un dispositif de sangles accrochéesà une poutre avec un contrepoids. Onvérifiait si nous avions pris <strong>du</strong> poids et,bien sûr, c’était le cas. » La fillette apprendà soigner les bêtes, à reconnaître lesplantes, à « rapetasser », à tordre le fil etfaire une boucle après chaque perle <strong>du</strong>chapelet, elle observe la répartition destâches entre hommes et femmes. « J’avaisdéjà cette curiosité, cette envie de comprendrele pourquoi des choses, d’allerau-delà des apparences, qui sont lamarque de mon futur métier. »En 1946, elle a treize ans, elle entre auLycée Racine, à Paris, puis les classespréparatoires à Fénelon, puis la Sorbonne.Elle est inscrite en histoire-géographie avecla perspective de devenir égyptologue.Elle a « une chambre à soi », elle aime leswesterns, la littérature et le jazz. Elle vaentendre Lévi-Strauss à l’École pratiquedes hautes études qui consacre sonséminaire à une étrange coutume des îlesFidji, le privilège accordé aux neveux quipeuvent disposer à discrétion des biens deleur oncle maternel. « Ce fut la révélationde ma vie, parce que j’ai découvert làdes choses qui étaient complètementétrangères à mon champ de perception etd’investigation d’alors. »SacrificesLévi-Strauss a repéré cette auditriceattentive et assi<strong>du</strong>e. Il lui propose unemission en Haute-Volta. Elle doit fairepreuve de ténacité ; les autorités hésitentà confier la tâche à une femme – où l’onvoit qu’une certaine distribution des rôlesne vaut pas seulement en milieu paysan.En 1957, elle est en Haute-Volta, dansle pays Samo qui deviendra son terraind’investigation, son unique terrain,excepté quelques incursions chez lesDogons, au Mali. Elle apprend la languesamo, « qui est difficile », elle vit avec lesvillageois « au sein d’une brousse denseoù le regard se perd ». Elle n’a eu « aucunproblème d’adaptation ». Plus tard, elleapprendra que des sacrifices ont étéaccomplis pour savoir si sa présence seraitfavorable. « Le hasard a voulu que mespoulets soient toujours bien tombés. »C’est à ses travaux, plus qu’à de bons▲ À l’âge des vacancesen <strong>Livradois</strong>auspices universitaires, qu’elle doit sacarrière fulgurante : chercheuse au CNRSdès 1967, directrice d’études à l’Écolepratique des hautes études en sciencessociales en 1978… En 1981, elle est élueau Collège de France sur proposition deClaude Lévi-Strauss, elle lui succède à ladirection <strong>du</strong> Laboratoire d’anthropologiesociale. Parmi les motifs de contentementqu’elle égrène dans Le sel de la vie :« s’être retenue de pleurer aux premiersmots de sa leçon inaugurale » – la leçonest un rite d’initiation propre à cettevénérable institution.MikadoOn entend, ces temps-ci, parler <strong>du</strong>« choc des civilisations », de leur possible« hiérarchie ». À l’encontre de ces opinions,Françoise Héritier défend l’unité <strong>du</strong> monde,dans le temps et dans l’espace, <strong>du</strong> monded’Aristote à celui des Samo, en passantpar le <strong>Livradois</strong> et le V e arrondissementde Paris. « La diversité des cultures neprocède pas d’une quelconque naturequi dicterait ses lois, elle résulte de leurscapacités d’invention. Sous l’aspect bigarrédes différences, on peut retrouver cesmatrices que j’ai désignées comme« invariants », des questionnements universelsauxquels des réponses différentessont apportées. Toute société est comme lerésultat d’un jet de jonchets (le mikado).Les bâtonnets sont toujours les mêmesmais la disposition d’ensemble est chaquefois nouvelle. »Françoise Héritier est engagée, au sein<strong>du</strong> Conseil national <strong>du</strong> sida, dans desComités d’éthique, dans la société toutsimplement. « J’essaie de faire passer desmessages de compréhension mutuelle,d’universalisme, de tolérance. La granderègle est de ne jamais s’abriter derrière lesdifférences culturelles pour prétendre direle vrai. » Elle écrit, au début <strong>du</strong> Sel de lavie : « Il y a une forme de légèreté et degrâce dans le simple fait d’exister. » Et sic’était l’un de ces « invariants » qui valenten tout lieu…■Le sel de la vie - Éditions Odile Jacob.Chez le même éditeur, Une pensée en mouvement.

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