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Dossier de Presse - Fondation Groupama Gan pour le Cinéma

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EXE NOUVELLE VAGUE:EXE LES VACANCES 23/04/09 14:46 Page 11Hulot en vacances Hulot on holidaySerge Toubiana - Directeur général <strong>de</strong> la Cinémathèque françaiseManaging Director of the Cinémathèque françaisequestion naïve : que fait Hulot quand il n’est pas en vacances ? Quel<strong>le</strong> est son activité ? A-t-il un métier ? Onignore à peu près tout <strong>de</strong> lui. Il n’est qu’une silhouette, un homme <strong>de</strong>ssiné qui bouge. Tel est son sort <strong>de</strong> filmen film. Sa voiture, drô<strong>le</strong> <strong>de</strong> machine pétaradante joyeusement obsolète, est résolument décalée. À l’image<strong>de</strong> celui qui la conduit. L’engin est immatriculé 8244 AK 75. Hulot est donc parisien. On n’en sait guère plus.Hulot a roulé (sa bosse) <strong>pour</strong> arriver jusqu’à cette jolie plage <strong>de</strong> Bretagne où il a, comme <strong>le</strong>s autres clients,ses habitu<strong>de</strong>s à l’Hôtel <strong>de</strong> la Plage. Une <strong>de</strong>s qualités du film, parmi tant d’autres, est <strong>de</strong> nous faire aimer lapension complète. La cloche sonne à heure fixe, tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> rapplique <strong>de</strong> la plage et se retrouve dans la sal<strong>le</strong> <strong>de</strong> restaurant.On se salue, <strong>le</strong>s regards se croisent d’une tab<strong>le</strong> à l’autre, on se frô<strong>le</strong> sans se toucher. Le cinéma <strong>de</strong> Tati consiste dans l’art <strong>de</strong>ne pas (trop) se toucher. Au tennis, lorsque Hulot sert, avec son service efficace mais si particulier, <strong>le</strong> partenaire en face estincapab<strong>le</strong> <strong>de</strong> relancer la bal<strong>le</strong>. Hypothèse à creuser : Hulot ne crée aucune altérité mais <strong>de</strong> l’évitement. Du ratage. Pareil auping-pong, où la partie se joue hors-champ.Diffici<strong>le</strong> d’imaginer Hulot en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s vacances. Il ne se définit pas par <strong>le</strong> travail mais par une capacité innée <strong>de</strong> semer dudésordre, <strong>de</strong> troub<strong>le</strong>r gentiment l’ordre public. Cela ne l’empêche pas d’être hyper actif. Il ne quitte guère sa canne à pêche,<strong>de</strong> même qu’il ne quittera jamais son parapluie dans PlayTime. Hulot a toujours l’air affairé, même s’il marche <strong>le</strong> nez en l’air.C’est un ludion, un éternel enfant dans un corps d’adulte.L’idée du travail est importante chez Tati. Le travail est son obsession, comme cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> ses personnages. Avec cette nuance capita<strong>le</strong>:chacun travail<strong>le</strong> à son rythme, dans une sorte d’économie généra<strong>le</strong> atomisée, improductive. Rien ne se crée. Ce qui compte, c’estla posture, la gestuel<strong>le</strong>, source <strong>de</strong> gags. Les personnages <strong>de</strong>s Vacances <strong>de</strong> Monsieur Hulot vont à <strong>le</strong>ur rythme, selon <strong>le</strong>ur énergiesolitaire, laquel<strong>le</strong> croise sans cesse cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s autres, avec <strong>de</strong>s risques d’étincel<strong>le</strong>, <strong>de</strong> court-circuit (la longue scène fina<strong>le</strong>, génia<strong>le</strong>,du feu d’artifice). Au restaurant <strong>le</strong> serveur est <strong>le</strong>nt, car il y a toujours sur son trajet, entre la cuisine et la sal<strong>le</strong>, un obstac<strong>le</strong>, untemps mort, un événement insolite qui perturbe <strong>le</strong> bon dérou<strong>le</strong>ment du geste. Tati ou l’art <strong>de</strong> la chorégraphie. Ça empire dansPlayTime, selon un principe d’inefficacité généralisé. C’est Hulot qui, dans <strong>le</strong> restaurant Royal Gar<strong>de</strong>n, met <strong>le</strong> feu aux poudres…Le fon<strong>de</strong>ment du cinéma selon Tati: <strong>le</strong> travail du gag, la mise en scène, l’étu<strong>de</strong> millimétrée du geste, <strong>le</strong> sens <strong>de</strong> l’équilibre etdu déséquilibre, tout cela obéit à un principe <strong>de</strong> dépense, à condition que cette dépense ne crée aucune énergie nouvel<strong>le</strong>. C’esttoute la subtilité <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> Tati. Monsieur Hulot n’est jamais prisonnier <strong>de</strong>s significations que ses attitu<strong>de</strong>s créent. Il se doità une éternel<strong>le</strong> légèreté, avec son chapeau, sa canne à pêche et son parapluie. Sa silhouette passe entre <strong>le</strong>s gouttes du réel. D’ungag à l’autre, la silhouette <strong>de</strong> Hulot re<strong>de</strong>vient tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> se doit <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer. Hulot sort intact, tel qu’en lui-même. Inébranlab<strong>le</strong>dans son inadaptation viscéra<strong>le</strong> au mon<strong>de</strong>, dont il est néanmoins <strong>le</strong> révélateur <strong>de</strong>s mécanismes inconscients ou invisib<strong>le</strong>s. MonsieurHulot permet au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s humains et <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> vivre, <strong>de</strong> bouger, <strong>de</strong> faire du bruit, et <strong>de</strong> dévoi<strong>le</strong>r au spectateur <strong>le</strong>smouvements d’horlogerie qui régissent l’univers. Sans s’alourdir lui-même d’une responsabilité mora<strong>le</strong> et physique qui ferait <strong>de</strong>lui un porte-paro<strong>le</strong> ou une conscience critique. Hulot est innocent, il ne juge pas <strong>le</strong>s autres, <strong>de</strong> même qu’il n’est pas jugé. Juste jaugé.Chacun sait que <strong>le</strong> cinéma <strong>de</strong> Tati est davantage bruité que parlé. La mémoire ou la nostalgie du muet y est à l’œuvre <strong>de</strong> manièredécapante, euphorique. La musique joue un rô<strong>le</strong> crucial. El<strong>le</strong> n’est pas (seu<strong>le</strong>ment) une musique d’accompagnement, el<strong>le</strong> imprimeprofondément <strong>le</strong> rythme du film sur <strong>le</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> la ritournel<strong>le</strong>. Souvenez-vous <strong>de</strong> cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Vacances <strong>de</strong> Monsieur Hulot : tatati-tata,tatati-tata… La ritournel<strong>le</strong> est un air qui revient et que l’on n’oublie pas. Qui vous hante avec une légère mélancolie. Que faitmonsieur Hulot à la fin du film, quand arrive la fin <strong>de</strong>s vacances? Hulot reprend sa voiture qui fait <strong>de</strong>s pétards. Il reviendra l’étéprochain, comme <strong>le</strong>s autres clients <strong>de</strong> l’hôtel. Les vacances, il est fait <strong>pour</strong> ça. Il en comprend <strong>le</strong>s subtilités, et surtout l’art <strong>de</strong> vivre.11

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