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ock ; c'est le plus ouvert au niveau de l'esprit. A Bayonne, je les ai vus avaler cinq musiques<br />
très différ<strong>en</strong>tes à la suite : Weather Report, Herbie Hancock, Shakti, Billy Cobham, avec<br />
Larry Coryell tout seul à la guitare acoustique <strong>en</strong>tre W.R. et Hancock. Le service d'ordre<br />
dormait, les g<strong>en</strong>s étai<strong>en</strong>t très bi<strong>en</strong>. Le concert de Shakti à Paris, par exemple, c'était la seule<br />
occasion où Didier et moi pouvions passer seuls <strong>en</strong> première partie, parce que les g<strong>en</strong>s qui<br />
vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t n'ont pas le préjugé musical de ceux qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t écouter le rock'n'roll. Ceci dit, je<br />
ne colle pas d'étiquette, la bonne musique est celle qui est profondém<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tie par les<br />
g<strong>en</strong>s qui la jou<strong>en</strong>t. Enfin, c'est une condition nécessaire, mais je ne sais pas si elle est<br />
suffisante : les g<strong>en</strong>s qui chant<strong>en</strong>t de l'opérette, je suppose qu'ils ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t aussi cette<br />
musique, mais ça, je trouve ça exécrable. Il doit y avoir plein de formes de musiques<br />
populaires simples qui s'exprim<strong>en</strong>t... Ceci dit, ce qu'on appelle généralem<strong>en</strong>t le jazz-rock<br />
recouvre des musiques très différ<strong>en</strong>tes. Ce que fait Hancock n'a ri<strong>en</strong> à voir avec Weather<br />
Report, <strong>en</strong>core moins avec le premier Mahavishnu. C'est vrai que beaucoup de groupes<br />
réemploi<strong>en</strong>t leurs trouvailles sous forme de gadgets sans vie, mais ce n'est pas la peine de<br />
s'intéresser à eux : il faut parler des g<strong>en</strong>s qui ouvr<strong>en</strong>t des chemins. Une autre chose que je ne<br />
compr<strong>en</strong>ds pas très bi<strong>en</strong>, c'est la soi-disant division <strong>en</strong>tre musique binaire et ternaire : il n'y a<br />
qu'une différ<strong>en</strong>ce technique : ici le temps est divisé <strong>en</strong> trois et là <strong>en</strong> deux, mais tous les<br />
musici<strong>en</strong>s que je connais ont toujours joué suivant les deux formules. Sur le morceau de<br />
Stevie Wonder "Isn't She Lovely", par exemple, tu peux aussi bi<strong>en</strong> battre la division du<br />
temps par trois que par deux. Et d'ailleurs, sur le disque, le batteur joue les deux rythmiques<br />
superposées ! Non, les seuls points communs évid<strong>en</strong>ts qu'on puisse trouver aux groupes de<br />
jazz-rock, c'est d'abord la prés<strong>en</strong>ce de l'esprit du jazz, à savoir thème-improvisation, mais<br />
avec une manière d'improviser qui se réfère plus au climat du thème qu'au thème lui-même,<br />
et puis une certaine simplification rythmique...<br />
MUSIQUE RÊVANTE<br />
M.B. - Et toi, sous quelles formes va donc s'exprimer ta musique ?<br />
F.C. - D'abord, je voudrais dire que dans tous les groupes dont j'ai fait partie je me suis s<strong>en</strong>ti<br />
frustré de musique, pas employé au quart de mes possibilités sur l'instrum<strong>en</strong>t. Maint<strong>en</strong>ant, je<br />
vais jouer. Zao continue donc, quoi qu'<strong>en</strong> ai<strong>en</strong>t dit certains, avec Gérard Prévost à la basse et<br />
Christian de Bricon au sax. Je cherche <strong>en</strong>core le batteur, et je voudrais trouver quelqu'un pour<br />
jouer des marimbas et du vibraphone. Ca me libérerait de mes obligations harmonicorythmiques<br />
antérieures. Sinon, je pr<strong>en</strong>drai peut-être un deuxième sax ; j'avais même demandé<br />
à Elton Dean, qui aurait bi<strong>en</strong> voulu mais n'est pas libre. Zao va bi<strong>en</strong>tôt <strong>en</strong>registrer son<br />
cinquième album...<br />
M.B. - Des quatre autres, lequel préfères-tu ?<br />
F.C. - Le premier. Je crois qu'un groupe a au début une énergie et une foi qui se perd<strong>en</strong>t<br />
après... Ensuite je vais repr<strong>en</strong>dre les concerts solo, <strong>en</strong> comm<strong>en</strong>çant par une semaine à Paris<br />
au théâtre Campagne-Première, du 27 juin au 2 juillet. Beaucoup d'idées me vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de<br />
l'improvisation, je me balade partout avec mon mini K7, j'<strong>en</strong>registre et réécoute tous mes<br />
concerts. C'est une méthode de travail comme une autre. Je compte développer là une sorte<br />
de musique "rêvante", je n'aime pas le mot planante, et avec des racines françaises, ceci dit<br />
sans aucune int<strong>en</strong>tion cocardière. C'est simplem<strong>en</strong>t parier de ce pays, d'une certaine douceur<br />
de ses paysages et de ses climats, dans la lignée de g<strong>en</strong>s comme Debussy, Ravel, Fauré, toute<br />
une école qui a été très importante et qui me touche beaucoup. Il est évid<strong>en</strong>t, par exemple,<br />
que Debussy et Ravel ont influ<strong>en</strong>cé John Coltrane. Cela, je vais donc le faire seul, et mon<br />
souhait le plus cher serait qu'un jour les Américains pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t autant de plaisir à écouter des<br />
g<strong>en</strong>s d'ici, jouant une musique d'ici, que nous à écouter leurs groupes.